À propos de ce document

Nicétas Periaux

Dictionnaire
Indicateur et historique
des rues et places
de Rouen.

Gérard MONFORT ― Éditeur

Diffuseur :
LE PORTULAN

Dictionnaire
Indicateur et historique
des rues et places
de Rouen.

Dictionnaire
Indicateur et historique
des rues et places
de Rouen
revue de ses monuments
et de ses établissements publics
par

Nicétas Periaux

Gérard MONFORT ― Éditeur

Diffuseur :
LE PORTULAN

Manoir de Saint Pierre de Salerne
Brionne ― Eure ― France

Introduction.

I.

LE Volume que nous dédions à nos concitoyens ne devait être d’abord que la seconde édition du Dictionnaire indicateur des Rues et Places de Rouen, publié en 1819 par P. Periaux.

Les nombreux changements survenus, pendant le demi-siècle qui s’est écoulé, dans la dénomination et dans l’existence même d’un assez grand nombre des rues dont notre ville est sillonnée ; la création récente de quartiers qui en ont changé l’aspect intérieur ; l’extension donnée aux faubourgs par l’ouverture de rues nouvelles et par l’élargissement des limites de l’octroi, ont rendu nécessaire aujourd’hui une révision totale de ce volume, devenu assez rare.

D’un autre côté, les renseignements si divers et si utiles que nous avons puisés dans les ouvrages anciens et modernes qui traitent de l’histoire de notre intéressante cité ; les documents non moins précieux qui nous ont été fournis par notre honorable ami M. Ch. Richard, ancien conservateur des Archives municipales, appelé depuis à administrer le département du Finistère,

par le savant Archiviste de notre département, M. Ch. de Beaurepaire, et par les patientes et consciencieuses recherches que notre parent et ami M. Éd. Gosselin, greffier-archiviste de la Cour impériale, a poursuivies en notre faveur dans les pages si confuses des registres du tabellionage depuis le 14e siècle et dans les registres du Parlement : cette réunion de découvertes inédites nous a permis de donner un certain développement à la partie historique et aux détails étymologiques déjà fournis par le Dictionnaire indicateur1.

Nous nous sommes efforcé de rassembler, au sujet des monuments et des établissements publics que la ville de Rouen renferme, des renseignements chronologiques dont l’ensemble nous paraît être de nature à intéresser nos concitoyens, et à servir de guide aux étrangers qui viennent visiter l’ancienne capitale normande.

C’est ce qui nous a déterminé à présenter cette nouvelle édition sous le titre de Dictionnaire indicateur et historique des Rues et Places de Rouen ; Revue de ses Monuments et de ses Établissements publics.

II.

Nous ne saurions faire mieux que d’exposer ici, sur la situation de la ville de Rouen, et sur les origines de son nom, une partie de l’Introduction placée en tête du Dictionnaire indicateur.

La ville de Rouen, située sur un terrain en pente, entourée de côtes à l’Est, au Nord et à l’Ouest, bornée au Midi par la rive droite de la Seine, est à 9 myriamètres (18 lieues moyennes) de l’embouchure de ce fleuve, 10 myriamètres (20 lieues) S.-O.

d’Amiens, 34 myriamètres (68 lieues) N.-E. de Rennes, 21 myriamètres (42 lieues) N. par O. d’Orléans, 20 myriamètres (40 lieues) N.-E. du Mans, et 14 myriamètres (28 lieues) N.-O. de Paris1.

Sa position géographique est aux 49° 26’ 27” de latitude N., et 1° 14’ 16” de longitude au méridien de Paris, de manière que les astres se lèvent et se couchent plus tard pour Rouen que pour Paris d’environ cinq minutes, en sorte que, quand il est midi à Paris, il n’est que 11 heures 55 minutes à Rouen.

La grandeur de cette Ville est évaluée à environ 2 kilomètres de la porte Grand-Pont à la porte Beauvoisine, et à 3 kilomètres de la porte Saint-Hilaire à la porte Cauchoise, ce qui lui donne au moins 6 kilomètres de tour2.

Les historiens ne sont d’accord, ni sur l’époque où cette Ville a été bâtie, ni sur l’origine de son nom. Nous allons jeter un coup d’œil rapide sur les opinions des auteurs concernant l’étymologie du nom latin de notre ville, et hasarder nos conjectures sur l’origine du nom français.

Les anciennes chroniques font dériver Rothomagus de Magus, fils de Samothes, premier roi des Gaules, qui en jeta les fondements ; et de Rhomus, dix-septième roi des Gaulois, qui, ayant agrandi cette ville, voulut qu’elle portât son nom avec celui de son fondateur. D’où suit que, de Rhomus et Magus, ou de Magus et

Rhomus, on aura fait Rothomagus, ce qui nous paraît assez extraordinaire, car nous ne voyons point quel rapport on a pu trouver entre Rotho et Rhomus.

Blaeu1 fait dériver Rotomagus, qu’il écrit sans h, de l’idole Roth, renversée par saint Mellon, et cite en témoignage l’hymne Extirpato Roth idolo2, chantée en l’honneur du saint archevêque ; mais il ajoute : C’est merveille que quelques-uns se peinent de controuver un roy qui se nommoit Magus. Il prétend que magus ne peut être considéré autrement que comme répondant à la terminaison ville, que l’on trouve dans le nom de beaucoup de villes et de villages de France, de même que les noms de plusieurs villes de l’Allemagne se terminent par stadt.

Il existe, en effet, au moins douze villes, tant en France qu’en Allemagne, sans compter beaucoup de villages, dont le nom latin est terminé par magus. Si l’on accordait au prétendu roi Magus les honneurs d’avoir jeté les premiers fondements de la ville de Rothomagus, on ne pourrait lui refuser le même honneur pour chacune des autres villes dont le nom est terminé par magus ; et un roi qui aurait jeté les fondements de douze à quinze villes assez éloignées les unes des autres, n’aurait pas été oublié dans l’histoire.

Taillepied cite, dans ses Antiquitez de Rouen, les diverses opinions qui existaient de son temps sur l’étymologie de Rothomagus. Suivant une de ces opinions, le nom latin de la ville de Rouen serait dérivé de Rota Magorum, qui signifie Roue des Sages, opinion qui, dit-il, n’est pas encore trop diverse ni eslongnée de raison. Mais, dans ce cas, il fallait écrire Rotomagus sans h2.

L’auteur de la Description de la Haute-Normandie compose Rotomagus (sans h) de rot, qui veut dire rouge, d’où est venu, selon lui, Robec ou plutôt Rotbec, en latin Rotobeccus ou Rodobeccus,

petite rivière appelée rouge, apparemment, dit-il, de la couleur des terres qu’elle arrosait, et de mag, qui signifie magasin, marché. Soit que, par le mot Rotomagus (dit l’auteur) on ait voulu dire marché sur le rouge, c’est-à-dire sur le Robec, soit que l’on ait voulu exprimer simplement la nature du terrain sur lequel ce marché était situé, c’est toujours de rot dans la signification de rouge, que ce marché, qui depuis a donné naissance à une grande ville, tire son étymologie ; et il ne faut point la chercher ailleurs.

Un autre historien de cette ville (M. Servin) fait dériver Rothomagus de Rothou, nom que les Gaulois donnaient à Vénus, et de magus, qui en leur langue signifiait palais. Suivant cette explication Rothomagus aurait signifié Palais de Vénus. Il s’appuie encore sur ce que Vénus fut autrefois la première divinité qu’adoraient les habitants de Rouen. Cette ville ne changea de nom, ajoute M. Servin, qu’après la conquête qu’en firent les Normands, qui la nommèrent Rouen.

En traduisant magus par palais, M. Servin s’est un peu rapproché du sentiment de Blaeu, qui considère magus comme répondant à la terminaison ville. Le nom latin de la ville de Neuf-château, par exemple, étant Novimagus, il est évident que magus est là pour château. Or, les mots palais, château et ville pouvant être en quelque sorte regardés comme synonymes, Blaeu a pu considérer Rotomagus, qu’il aurait dû, d’après son système, écrire Rothomagus, comme ville, château ou palais de Roth, de même que M. Servin a considéré Rothomagus comme ville, château ou palais de Vénus. Reste à savoir à qui, de Roth ou de Vénus, on doit accorder la préférence, ou si Roth et Vénus sont ici la même chose.

D’autres considèrent le mot magus comme signifiant édificateur, bâtisseur, etc., etc. Quelques autres font dériver Rouen de Rodomus, abrégé de Romanorum Domus, c’est-à-dire séjour des Romains.

Nous ne sommes pas surpris si les auteurs qui ont cherché la véritable étymologie du nom latin de notre ville, ou plutôt son véritable nom, ont été forcés de s’en tenir à des conjectures. Il est

évident que plus on cherche cette étymologie, plus on en perd la tradition.

On lit dans le Traité des Monnaies, par Leblanc, page 641 : Ratumacos. Sur d’autres espèces de cette première race, cette ville est nommée Rodomo. L’on en verra d’autres dans la seconde sur lesquelles il y a Ratumagus, et sur les monnaies de Richard, duc de Normandie, Rotomagus ou Rotoma. Les auteurs contemporains de la première et de la seconde race la nomment indifféremment Rodoma et Rodomo, qui sont des noms abrégés de Ratumacos ou de Rotumagus.

Malgré l’annonce ci-dessus, on ne trouve dans le Traité des Monnaies, par Leblanc, que deux empreintes des monnaies qu’il prétend avoir été fabriquées à Rouen, portant l’une Rotomo et l’autre Rotumagus. On n’y trouve point celles qui doivent porter Rodomo, Ratumacos, Ratumagus, Rotomagus ou Rotoma2.

Une charte de Riculfe, archevêque de Rouen, qui vivait en 872, ajoute encore à l’incertitude. Dans cette charte, que le P. Pommeraye a copiée, page 399 de son Histoire de l’Abbaye de Saint-Ouen, on lit en tête : In nomine sancte et individuæ Trinitatis, ego Riculfus tametsi meritis negantibus, divina tamen opulante dementia Rothomagensis Ecclesiæ humillimus Archiepiscopus, etc., et en souscription : Riculfus humilis Rotomorum Archiepiscopus subscripsi.

Ces deux mots Rotomorum et Rothomagensis n’ayant aucun rapport entr’eux, il est permis de conclure de ce qui précède que, du temps de Riculfe, notre ville était connue sous deux noms différents, savoir : Rotomus ou Rotomo, et Rothomagus, qui doivent lui avoir été donnés à diverses époques.

Et lorsqu’on voit, dans toutes les chartes comme dans les

inscriptions postérieures au temps de Riculfe, le nom de notre Ville écrit Rothomagus ou Rotomagus et non Rotomo, on est fondé à penser que Rotomo est le plus ancien nom de notre ville, et que Rothomagus lui fut donné postérieurement.

Nous laissons aux savants à décider, s’il est possible, laquelle de toutes les prétendues étymologies du nom latin de notre ville est la plus vraisemblable.

Mais une question qui nous semble mériter quelqu’attention est celle de savoir comment on a pu faire de Rodomus, de Rothomagus, ou de Rotomagus, etc., le mot Rouen.

Suivant M. Servin, le mot Rothomagus étant trop long pour les Normands, qui avaient un langage bref et presque monosyllabique, ils commencèrent par lui donner la terminaison danoise, et bientôt, en en retranchant brusquement la moitié, ils prononcèrent Rouen. Ainsi, d’après M. Servin, le mot Rouen serait dérivé de Rothomagus, auquel on aurait fait subir diverses altérations ; mais il aurait fallu indiquer ces diverses altérations, et c’est ce que l’auteur n’a pas fait.

Nous sommes forcé de convenir que nous ne pouvons deviner de quelle manière on aurait pu faire le mot Rouen en supprimant quelques lettres ou quelques syllabes de Rothomagus. Nous croyons donc qu’il faut chercher l’origine du nom français de notre ville ailleurs que dans les mots latins Rothomagus, Rotomagus, Rodomus et autres, qui nous paraissent n’y avoir aucun rapport.

Après l’invasion des hommes du Nord (nor maan) dans la Neustrie, en l’an 905 et suivants, et après que Raoul, Rhou ou Rollon, leur chef, eut fixé sa résidence à Rouen, la Neustrie changea de nom et fut appelée Normandie, c’est-à-dire pays des hommes du Nord.

À cette époque l’ancienne Rodomus ou Rothomagus des Gaulois ou des Romains dut aussi changer de nom, on plutôt on dut substituer un nom français ou danois au nom latin ; du moins, rien ne nous annonce que notre ville ait porté le nom de Rouen avant l’invasion des hommes du Nord.

Il nous paraît évident, d’après cela, que l’étymologie du nom

Rouen donné à l’ancienne Rotomus ou Rothomagus, doit être de même genre que celle du nom des villages dont la première syllabe Rou a été attribuée à Raoul, Rhou ou Rollon, premier duc de Normandie.

Or, il résulte d’un passage de la Description de la Haute-Normandie, par Duplessis, que le nom de la commune de Roumare, près Rouen, vient de Raoul, Rhou ou Rollon, et de mare, dont on aurait fait mare de Raoul, et par abréviation Roumare.

M. Goube dit aussi, page 75 du premier volume de son Histoire du Duché de Normandie, que la forêt de Roumare porte le nom du premier duc de Normandie : Raoul étant un jour à la chasse (dit M. Goube) dans la forêt qui encore aujourd’hui porte son nom (la forêt de Roumare), il suspendit un de ses bracelets aux branches d’un chêne sous lequel il s’était reposé, et, l’ayant oublié, ce bracelet y resta trois ans, personne n’ayant osé l’enlever.

S’il est certain que le nom de Roumare vienne de Raoul, il ne doit pas y avoir de doute que la syllabe Rou du mot Rouen vient également de Raoul comme la première syllabe de Roumare, et que en est dérivé de ham, qui en vieux langage signifiait peuplade, village. Dans ce cas Rouen peut aussi bien venir de peuplade de Raoul comme Roumare est dérivé de mare de Raoul. Ainsi, on aurait donné à notre ville le nom de Rouham, Rhouham ou Raouham, dont on aurait fait d’abord Rouœn, Rouan, ensuite Rouen.

On nous assure que, dans des anciens manuscrits, on a vu le nom de notre ville écrit Rouœn et Rouan. On a, pendant plusieurs siècles, écrit Roüen et Rouën ; l’ü et l’ë tréma semblent indiquer la suppression de quelque lettre.

D’après l’explication ci-dessus ou plutôt cette conjecture que nous soumettons à nos lecteurs, nous pensons que le nom français de la ville de Rouen n’est point dérivé de son nom latin, quelles que soient son étymologie et son orthographe, mais bien du nom de Raoul, premier duc de Normandie1.

III.

Suivant ce que rapporte Farin, Rouen n’était, deux cents ans avant la mort de Jésus-Christ, qu’une bourgade située sur le bord de la Seine et environnée de forêts où les anciens Druides faisaient leurs sacrifices. Convertie au christianisme, en 260, par S. Mellon, qui jeta les fondements de l’église cathédrale, cette ville, qui n’eut d’abord qu’une rue principale s’étendant depuis la porte1 de Robec jusqu’à celle de Massacre, reçut un premier agrandissement vers la fin du 4e siècle, sous saint Victrice, archevêque de Rouen. Elle se trouva composée alors du territoire compris entre les rues Massacre et des Vergetiers, les rues aux Ours, du Change et des Bonnetiers, et les anciennes rues des Barbiers, des Prêtresses et de l’Aumône. Presque toutes ces rues furent construites sur les anciens fossés.

Le second accroissement de Rouen eut lieu au 9e siècle, sous le règne des premiers ducs de Normandie, par la réunion des « terres neuves » conquises sur le lit de la Seine, et la ville fut enceinte de doubles murailles, dans lesquelles furent renfermés, par extension, les terrains limités par la Seine, par les rues Malpalu et des Bonnetiers, par la Calende ou le port Morand, et par les rues aux Ours et des Cordeliers. Au 10e siècle, elle s’accrut encore des terres comprises entre la rue des Bons-Enfants, le Vieux-Marché, la rue Saint-Éloi et la Seine. Au 12e siècle, les

paroisses de Saint-Ouen, de Saint-Laurent et de Saint-Godard, furent enfermées dans la ville, et l’on creusa autour de l’abbaye de Saint-Ouen de nouveaux fossés qui se prolongèrent par les rues Pincedos (actuellement rue de Montbret), du Cordier, de la Renelle (aujourd’hui supprimée), jusqu’à la porte de la Poterne. À l’ouest, la porte Massacre avait été reportée au 11e siècle vers le milieu de la rue Cauchoise. Sous les règnes de Philippe-Auguste et de saint Louis, la ville prit encore de nouveaux accroissements : les murs furent reculés jusqu’au bas de la rue de l’Épée, d’où l’on fit des fossés nouveaux dans la rue de la Chèvre, jusqu’au-dessous du couvent des Augustins et jusqu’à la rivière de Robec. Vers le milieu du 13e siècle, S. Louis augmenta de nouveau cette enceinte, du côté du Nord et de l’Orient, des paroisses de Saint-Maclou, de Saint-Vivien, Saint-Nicaise et Saint-Patrice, en reportant les murs jusqu’aux limites bornées par les boulevards actuels1. Enfin, dans le milieu du 14e siècle, furent compris dans la ville tous les terrains occupés, au couchant, par les rues de Fontenelle, du Vieux-Palais et de Saint-Éloi, et ceux qui étaient limités au levant par l’Aubette et par la Marêquerie. Les anciens fossés furent comblés, mais les murailles ne furent abattues que longtemps après. Des chartes de 1446 et de 1450 font mention des anciennes cloisons et de celles qui ont été dernièrement faites. Longtemps renfermée dans une ceinture de fortifications, notre cité s’est encore développée dans le courant des derniers siècles et dans le dix-neuvième, jusque dans les limites extrêmes de ses faubourgs.

Nous n’avons pas eu la prétention d’émettre rien de nouveau à l’égard des diverses enceintes de Rouen : nous ne pouvons que renvoyer nos lecteurs aux ouvrages qui ont traité de la topographie de cette ville, et au résumé remarquable publié par M. l’abbé Cochet dans la Revue de Normandie de 1864.

IV.

Rouen, que rendit célèbre autrefois plus d’un siége mémorable, et qui eut, à diverses époques, à souffrir de l’occupation étrangère et des horreurs de la guerre civile cette ville aux épaisses murailles, aux fossés profonds, qui comptait cinq forts ou châteaux redoutables, plus de soixante-cinq tours, tourelles et bastions à terrasses, soutenus en maçonnerie et casematés, et dix-huit portes fortifiées réparties sur un pourtour de six kilomètres environ1 ; Rouen, déjà illustré naguère par ses saints prélats par ses fastes militaires, par l’éclat de son Parlement et par l’industrie de ses habitants, cette ville, ouverte aujourd’hui de toutes parts, et dont l’étendue est plus que doublée par l’importance de ses faubourgs, est devenue le centre d’un commerce considérable.

Capitale de l’ancienne province de Normandie, chef-lieu de la Seine-Inférieure, l’un des premiers départements de l’Empire par sa population, par son industrie, par ses relations maritimes, c’est le siége d’un Archevêché, d’une Cour impériale, d’une Division militaire, etc.

On y compte plus de six cents rues, places, impasses et passages publics2, environ treize mille maisons, deux ponts, six casernes, quatre hôpitaux, deux prisons, quatre salles de spectacle, trois embarcadères de chemins de fer, et plus de vingt hôtels occupés par des administrations ou des établissements publics.

Notre ville possède beaucoup de monuments remarquables dont nous aurons à parler dans le cours de ce volume. Nous ne mentionnerons ici que le Palais-de-Justice, l’Archevêché, l’Hôtel-de-Ville, les Halles, les Hôpitaux, etc., etc. ; un grand nombre

d’églises et de chapelles, parmi lesquelles quinze1 sont consacrées au culte catholique (non compris les chapelles des établissements publics et des monastères). Deux ont été mises à l’usage d’un temple protestant et d’une synagogue ; d’autres, enfin, qui ont été supprimées en 1791, sont encore debout, et sont classées au rang des monuments historiques ou converties en magasins.

La population actuelle de la ville et des faubourgs dépasse cent mille âmes. Il n’est pas sans intérêt de faire connaître la marche progressive de cette population pendant les siècles qui se sont écoulés jusqu’à nos jours. Nous donnons les chiffres indiqués par M. É. Frère, d’après Gomboust2 d’après et différents autres écrivains, et ceux qu’ont présentés les derniers recensements.

Population à l’époque romaine 10,000
Population d’après Odon Rigault1274340 à 50,000
D’après l’intendant de Vaubourg169860,000
Années 1701, 1703, 1707, à peu près 60,000
D’après Messance170068,000
D’après Expilly176263,588
»176763,500
D’après de la Martinière173760,000
D’après Latapie177370,000
»178364,000
»178964,922
Dénombrement de179172,000
180187,000
182186,736
183188,086
183692,083
184699,295
Dénombrement officiel1 de1851100,265
1856103,223
1861102,649
1866100,671

De ces derniers chiffres, on peut conclure que la population de Rouen a diminué depuis une vingtaine d’années ; mais on reconnaîtra, par les indications qui suivent, que cette diminution n’est que le résultat du déplacement d’une partie de la population, qui a dû se répandre dans les communes limitrophes, dans la plupart desquelles la population s’est progressivement accrue, à la suite des expropriations successives qu’ont motivées les améliorations de divers quartiers de la ville et les grands travaux qui ont signalé ces dernières années.

Tableau de la population de Rouen et des principales communes limitrophes, d’après les documents officiels :
  1851 1856 1861 1866
Totaux 126,619 134,547 135,920 136,433
Rouen 200,265 103,223 102,649 100,671
Boisguillaume 2,465 2,779 3,120 3,578
Canteleu 3,371 3,359 3,490 3,340
Darnétal 6,002 5,986 6,203 5,909
Déville 3,884 3,816 3,925 4,583
Mont-Saint-Aignan 2,567 2,603 2,888 3,045
Petit-Quevilly 3,105 3,930 4,655 4,677
Sotteville 4,960 8,851 8,990 10,630

V.

Nous ne pouvons entreprendre de retracer l’histoire de Rouen. Beaucoup d’autres, plus habiles que nous, en ont fait l’objet de leurs savantes recherches et de leurs intéressantes relations. Nous ne voulons qu’esquisser rapidement les différentes phases

que cette ville a parcourues depuis le commencement de notre ère, et dont les détails sont venus jusqu’à nous.

Conquise une première fois par Jules-César pendant le premier siècle1, la ville de Rouen tomba, en 843, au pouvoir des peuples du Nord conduits par Hastenc, et fut réduite en cendres. Après avoir été chassés de la Neustrie en 861, les Normands revinrent quinze ans plus tard, ayant à leur tête Rollon, qui débarqua dans une île située au milieu de la Seine et qu’on nommait l’île de la Roquette. La ville se soumit à ce chef, qui, en 912, se fit reconnaître duc de Normandie, en embrassant la foi chrétienne.

Pendant le règne des successeurs de Rollon, eurent lieu aux alentours de Rouen le combat du pré de la Bataille, en 932, celui de la Rougemare, en 953 ; la capitale normande passa dans les mains de Geoffroy, comte d’Anjou, en 1144, et fut ensuite plusieurs fois assiégée, jusqu’au moment où elle se rendit par capitulation, en 1204, à Philippe-Auguste, roi de France, qui réunit le duché de Normandie à sa couronne. De cette époque date la rapide extension de notre ville, qui en comblant les fossés, en sapant les murailles, ouvrit à sa riche et nombreuse population un plus vaste espace2.

Deux siècles plus tard, pendant lesquels Rouen vit naître plusieurs émotions populaires occasionnées par les impôts3, et que signalèrent aussi, en 1304, une famine qui désola toute la Normandie, et en 1348 l’invasion de la peste noire qui emporta le tiers de sa population4, au 15e siècle, pendant les luttes entre la

France et l’Angleterre, la ville, assiégée par Henri V, roi d’Angleterre et duc de Normandie, se rendit par composition le 18 janvier vieux style 1418, après une résistance héroïque. Tel fut le commencement de l’occupation anglaise, qui dura trente années, et dont l’un des plus tristes épisodes fut le supplice de Jeanne d’Arc1.

À peine délivrée de ce joug humiliant, Rouen fut en proie aux fureurs de la peste, qui, après l’avoir longtemps menacé, éclata en 1512, et continua à plusieurs reprises ses ravages2, jusqu’à l’époque où la ville fut obligée de se fortifier contre l’imminence de nouvelles attaques étrangères. Bientôt les guerres de religion y apportent le désordre et des scènes sanglantes ; des conflits meurtriers s’élèvent entre les catholiques et les religionnaires. En 1562, les horreurs de la guerre civile se font sentir ; les calvinistes, sous la conduite du prince de Condé, s’emparent de la ville par surprise, saccagent les églises, brûlent les reliques. On vit alors la populace s’emparer de l’Hôtel-de-Ville, piller les magasins. Le Chapitre de Notre-Dame de Rouen fut contraint d’abandonner la ville et de se réfugier à Gaillon, vu le saccagement

advenu en la dite église par les gens de la nouvelle religion... Enfin, la capitale normande fut reprise la même année par les troupes de Charles IX. Ce fut à ce siége mémorable que, pour la première fois en France, on se servit de grenades. Aussi, les registres du tabellionage font-ils mention, dans les années suivantes, de nombreuses ventes de places vides où il y avoit eu des maisons, lesquelles n’existoient plus, ayant été brûlées ou démolies durant la guerre civile de 1562. Et le Parlement, réuni à Louviers, rendit des arrêts pour ordonner l’estimation des dommages éprouvés par les marchands.

Dans les années qui suivirent, les troubles religieux enfantèrent de nouveaux désordres ; malgré les sages efforts du Parlement, les luttes continuèrent entre les catholiques et les protestants. Tour-à-tour vainqueurs ou désarmés, les premiers massacrent les religionnaires, qui, de leur côté, avaient dévasté les églises, insulté les prêtres, effrayé les femmes en prières. Une milice fut créée en 1567 ; ordre fut donné aux bourgeois de se trouver à la garde de la maison commune et de faire des patrouilles pour le repos public ; mais partout des émeutes éclatent, et ces scènes désolantes ne sont pas arrêtées par les nouvelles invasions de la peste, en 1578 et en 1580. On vit encore, malgré l’édit de l’Union signé par Henri III dans la cathédrale de Rouen, en juillet 1588, et qui fut mal exécuté en Normandie, on vit surgir la journée des barricades, recommencer de nouveaux massacres, et durer longtemps encore après les luttes entre les catholiques et les religionnaires, jusqu’au désarmement de ces derniers qui eut lieu en 1621.

Cependant des mesures énergiques avaient été prises pour mettre la ville en état de défense ; il avait été interdit aux habitants de construire ou de réparer des bâtiments dans les faubourgs, à quelque distance que ce fût des murailles. Déjà assiégé et bloqué sans succès par le roi de Navarre, en août 1589, tombé momentanément dans les mains des ligueurs, Rouen, au milieu des désastres qu’engendraient la cruelle maladie et la misère des habitants, est de nouveau assiégé en 1591. Ce siége, qui occasionna une grande détresse et qu’attristèrent de plus en plus

encore les haines des parties, les troubles et les émeutes populaires, fut levé après une durée de six mois. Menacé une troisième fois en 1594, Rouen se rendit à l’obéissance de Henri IV, qui avait embrassé la religion catholique. Pendant de nouveaux troubles qui éclatèrent encore l’année suivante, disent les rapports civils, l’insolence des gens de guerre devint telle, que les soldats faisaient ordinairement leurs corps de garde dans les églises, mettaient hors de leurs maisons les ecclésiastiques, prenaient les clés des trésors, etc.

Mais la peste, ce cruel fléau qui, depuis les premières années du 16e siècle, avait tant de fois exercé ses ravages, redouble de fureur et décime une population déjà éprouvée par tant de maux. Après avoir reparu avec une nouvelle violence de 1594 à 1598, de 1619 à 1624, et jusqu’en 16371, où le conseil de la ville offrit, à la Cathédrale, une lampe d’argent devant l’autel de la Vierge, qui fut appelé depuis l’autel des Vœux, cette affreuse maladie se montre encore, non moins désastreuse, à divers autres intervalles, jusqu’à la fin du 17e siècle, où elle fit périr, vers 1694, plus de 18,000 individus dans une période de dix-huit mois. La fièvre pourprée, ainsi appelée dans le Flambeau astronomique, cessa ses ravages en 1695 ; elle fut accompagnée d’une cherté de subsistances qui causa une grande mortalité parmi les indigents.

Des fléaux d’un autre genre portèrent plus d’une fois la désolation dans notre cité. Des inondations considérables, causées par le débordement de la Seine et des rivières qui y affluent, envahirent des quartiers que nulle digue ne protégeait encore. En 1119, une partie de la ville fut inondée par les eaux de la Seine. En 1281, l’eau passa de six pieds au-dessus de la chaussée de Martinville ; en 1296, elle rompit le pont de Mathilde et

emporta plusieurs maisons. En 1342, en 1397, le quartier de Martinville, qui, au reste, jusqu’au 17e siècle, ne formait souvent que d’immenses marais, dont la Marêquerie a tiré son nom, fut encore envahi au point que les eaux s’avancèrent jusqu’au pont Honfroy, près du lieu appelé le Ruissel. Vers le même temps, en 1480, eut lieu le grand hiver qui gâta toutes les vignes1. En 1564, le pont de pierre fut détruit par les glaces, et des bacs furent établis pour traverser la Seine. À beaucoup d’autres époques encore, à la suite de froids rigoureux et de crues abondantes, notamment en 1658 où l’on parcourut en bateaux différents quartiers ; en 17092, où une partie du pont de bois fut emportée ; en 1740, où l’eau couvrit de nouveau une partie de la ville et du faubourg Saint-Sever ; en 1777, en 1799, où le pont de bateaux fut une seconde fois rompu ; en 1787 enfin, où le débordement de Robec causa des ravages considérables, eurent lieu de semblables désastres contre lesquels devenaient impuissants les travaux qui avaient été entrepris pour s’opposer à leurs atteintes3. Enfin il y eut des hivers si violents, qu’en 1776, le Parlement ordonna de faire venir dans la ville 598 cordes de bois, qui furent vendues aux prix ordinaires4. En 1784, le bois de chauffage vint à manquer, et l’on abattit les arbres des promenades publiques. En 1788, furent excédés les plus grands froids connus.

Les catastrophes occasionnées par les incendies furent encore plus effrayantes. L’encombrement des habitations entassées dans des rues étroites, la nature des matériaux qui servaient à la construction des maisons et même à celle de la plupart

des églises, surtout avant le 15e siècle, l’absence de moyens énergiques pour combattre les progrès du feu, tout contribuait à étendre ses ravages, et à porter la destruction dans de vastes et populeux quartiers. Au 12e siècle, furent brûlés le prieuré de Saint-Lô, les abbayes de Saint-Amand et de Saint-Ouen, ainsi que toutes les maisons de treize paroisses ; en 1200, la Cathédrale fut consumée avec toute la partie inférieure de la ville ; en 1203 et en 1206, le feu dévora les paroisses de Saint-Maclou, de Saint-Denis et de Saint-Cande ; en 1211, une partie de la ville fut dévastée par un incendie qui commença auprès de l’église Saint-Maclou, sise encore en dehors des murs. En 1220 et en 1225, on eut à déplorer de nouveaux malheurs. En 1228, tout le quartier entre Saint-Patrice et le port est détruit. En 1238, le feu dévore les maisons qui s’étendaient depuis la rue aux Juifs jusqu’à la source de Gaalor ; dix ans après, une partie notable de la ville, comprenant les églises de Saint-Godard, de Saint-Laurent et de Saint-Ouen, est de nouveau envahie. Nous bornons là cette série de calamités, qui, plus tard encore, menacèrent fréquemment plusieurs de nos édifices publics, et dont nous avons eu un déplorable épisode en 1822, dans la destruction, par le feu du ciel, de la flèche de notre Cathédrale, désastre dont la réparation est restée inachevée.

Pour terminer cette rapide revue des sinistres événements jusqu’à la fin du 18e siècle, citons les secousses de tremblements de terre qui se firent sentir en 1142, en 1522, en 16081 et en 1692, en 1767 et en 1775. Signalons l’année 1518, dite l’année des grands vents, qui firent des ravages considérables ; l’ouragan de 16832, qui emporta la couverture de la Cathédrale et renversa plusieurs clochers ; celui de 1736, qui détruisit en partie le clocher de Saint-Maclou, et celui de 1773 qui abattit la flèche des Augustins.

Dans le cours du 17e et du 18e siècle, la ville de Rouen fut affligée

par de nouvelles émotions populaires qu’occasionnèrent l’énormité des impôts et la création de nouvelles taxes. En 1628, ce fut à l’occasion d’un impôt sur les cuirs ; en 1631, au sujet des brasseries de bière ; en 1628 encore et en 1634, eurent lieu les émeutes des drapiers, dont l’industrie était alors considérable1 ; puis celle qui eut pour cause, en cette dernière année, un impôt sur les cartes à jouer2. En 1639 éclata dans la Normandie la formidable émeute des Nu-pieds. Les années 1725, 1777 et autres, furent signalées par des troubles que causa le prix des grains.

Mais nous entrons dans une nouvelle phase que nous ne devons aborder qu’avec une grande réserve, car les détails nous entraîneraient au-delà des limites de l’ouvrage que nous avons entrepris. Notre ville eut aussi, pendant les jours néfastes qui suivirent la révolution de 1789, ses agitations, ses émeutes, sa fédération, ses proscriptions, ses supplices même. Les exercices du culte furent suspendus, des monuments publics furent mutilés3. Puis vinrent également les réjouissances, les fêtes populaires ; et si, en 1734, il avait été enjoint, sous peine d’amende, aux habitants de faire des feux de joie devant leurs portes, de mettre des lumières sur leurs fenêtres, en réjouissance du succès des armes du roi, on eut aussi plus d’une fois, soixante ans plus tard, des réjouissances par ordre, des invitations d’illuminer les maisons. Dans d’autres circonstances plus récentes encore, notre ville éprouva de nouveau les effets des commotions politiques ; elle eut aussi ses évènements remarquables, ses faits historiques, dont le souvenir est resté dans la mémoire de nos contemporains.

VI.

Peut-être n’est-il pas hors de propos d’entrer dans quelques détails succincts concernant l’organisation des mesures de police,

de sûreté publique et d’intérêt général, dont notre ville a été l’objet pendant les derniers siècles et au dix-neuvième.

En 1507, l’autorité avait ordonné le pavage de certaines rues ou places de Rouen. Les propriétaires et les usufruitiers étaient tenus de réparer ce pavage1. En 1673, parut un réglement concernant cette opération, et sur l’alignement des bâtiments. La mise à la charge des habitants de l’entretien du pavage dura jusqu’en 1855, où la ville se réserva le soin d’entretenir les chaussées de la voirie urbaine.

De 1550 à 1552 furent faits les premiers essais de l’éclairage de la voie publique2. En 1697 eut lieu, en vertu d’un ordre du lieutenant de police, l’usage des lanternes, mais cet usage ne se répandit que plus tard. Jusqu’au milieu du 18e siècle, l’éclairage des rues se faisait à la chandelle ; on lui substitua en 1768 l’éclairage à l’huile. L’on fit, à cette époque, l’essai de lanternes carrées ou de réverbères qui renfermaient une grosse lampe portant deux ou trois mèches, suivant le nombre des rues qu’on voulait éclairer3. C’est depuis 1835 que le gaz commença à remplacer l’huile pour l’éclairage.

Inventés dans la première moitié du 16e siècle, les carosses se répandirent lentement. Catherine de Médicis est la première qui en ait eu un. Henri IV n’en avait qu’un seul pour toute sa maison : Je ne pourrai vous aller voir, écrivait le bon roi à Sully, parce que ma femme se sert de ma coche. On croit que le premier carosse parut à Rouen en 1591 ou 15964. Ces véhicules ressem-

blaient fort peu aux élégantes voitures actuelles. L’établissement des carosses de louage à Paris date de 1680 ; ils occupaient l’hôtel Saint-Fiacre, d’où leur est restée cette désignation.

En 1567 eut lieu la création d’une milice bourgeoise. La compagnie du Guet fut organisée en 1678, mais ce corps paraît avoir été institué dès le temps de l’occupation anglaise. Les compagnies de la Cinquantaine et des Arquebusiers, ainsi que la milice bourgeoise, furent remplacées, en novembre 1789, par la garde nationale, qui, trois ans après, reçut une nouvelle organisation.

Au moyen-âge, on décorait du titre d’hôtel beaucoup de maisons qui n’avaient quelquefois qu’une médiocre apparence. Les rues étaient généralement étroites et tortueuses, et elles étaient assombries encore par des avant-soliers qui surplombaient, comme par de nombreuses enseignes qui, pour la plupart, étaient suspendues au travers des rues. En 1605, un arrêt du Parlement ordonna de supprimer les poteaux, ventrières et sommiers qui étaient appuyés sur la voie publique. En 1669 parut une ordonnance pour réprimer l’abus que commettaient les marchands, par des enseignes d’une grandeur excessive.

Vers 1605 fut mise en adjudication la ferme des places et bels1 de la ville.

Les registres secrets du Parlement font mention des précautions qui furent ordonnées dans l’intérêt de la salubrité, surtout à l’occasion des ravages de la peste. Le 23 juillet 1557 parut un arrêt très étendu et très curieux par les détails qu’il renferme au sujet de la création, déjà ordonnée en 1551, de cloaques, retraits ou latrines dans l’intérieur des habitations, et par ceux qui concernaient la propreté des rues, leur arrosement, la surveillance des établissements insalubres, l’entretien des bestiaux dans la ville, la police des boucheries et poissonneries, et par la défense qu’il contenait, enfin, à toutes personnes de permettre à leurs enfants et serviteurs de jouer par les rues et cimetières, et autres

semblables lieux publics, soit à la paulme ou autres jeux, et de n’y jeter pierres, jurer ni blasphémer, sur peine d’être poursuivis et punis selon l’exigence des lois. En 1609, des propriétaires de maisons sises à la Marêquerie furent condamnés à des amendes pour défaut de nétoyage du ruisseau du « Petit-Quai » qui traversait cette rue ; en 1619, la Cour ordonna de dresser des poteaux avec carcans, pour punir les contrevenants aux ordres de police pour la propreté des rues.

En 1633, fut rendu un arrêt contre les envahissements commis sur le fleuve par les riverains de la Seine ; un autre arrêt, de 1627, faisait défense de se livrer à la pêche aux temps réservés pour la conservation du frai du poisson.

En 1672 parut un réglement concernant le nétoyage des fontaines et la distribution des eaux aux particuliers. Cette utile amélioration, qui ne se généralisa pas alors, est, depuis 1854, l’objet d’études sérieuses, ainsi que nous le dirons plus loin, et semble devoir être mise bientôt à exécution.

En 1686, on organisa les secours contre l’incendie ; de 1719 date la première introduction des pompes ; le 21 juin 1731 furent données des lettres patentes en vertu desquelles le Parlement rendit, le 6 juillet suivant, un arrêt réglant l’ordre des services que devaient porter, en cas d’incendie, les compagnies de la Cinquantaine et des Arquebusiers. En 1800 fut organisée à Rouen la compagnie des Pompiers, qui succéda à des gardiens et sous-gardiens présidés par un directeur des pompes de la commune.

C’est de juillet 1774 que date l’établissement dans notre ville des secours à donner aux noyés.

Le numérotage des maisons fut fait pour la première fois en 1788. Il fut renouvelé en 18171.

La ville a été divisée en douze sections en 1799 ; il y en avait auparavant vingt-six. La division du département de la Seine-Inférieure en cinquante cantons, dont six pour la ville de Rouen, eut lieu le 3 octobre 18012.

C’est de la dernière partie du 18e siècle que date l’époque de la rénovation de notre vieille et importante cité. Des améliorations considérables sont dues aux intendants de la généralité de Rouen. Commencé par M. Feydeau de Brou, entre 1755 et 1762, le prolongement des quais, depuis la porte Saint-Éloi jusque devant le Vieux-Palais, fut achevé par ses successeurs. M. de la Michodière, qui remplaça M. de Brou, organisa les ateliers de charité ; on lui doit l’ouverture de la nouvelle côte de Beauvoisine, de l’avenue du Mont-Riboudet et de la route de Paris (hameau d’Eauplet). Sous l’administration de M. Thiroux de Crosne, de 1767 à 1785, eurent lieu l’élargissement d’une partie du port de Rouen, la démolition du Petit-Château et des portes de Cauchoise et de Saint-Hilaire, la création des boulevards, la construction des casernes de Saint-Sever et de Martinville, l’établissement de la maison de Bicêtre, du champ de foire à cidre et de la nouvelle route de Caen, enfin la fondation du quartier neuf de Cauchoise, qu’on appelait la nouvelle Ville.

Ce fut en 1758, après l’achèvement de l’Hôtel-Dieu, que l’on commença la mise à exécution de la vaste entreprise, conçue quelques années auparavant, de construire un Hôtel-de-Ville aux abords du Vieux-Marché, dont l’emplacement devait être converti en une place Royale entourée de bâtiments uniformes et percée de neuf rues. L’ensemble du quartier destiné à entourer le nouvel Hôtel-de-Ville devait comprendre, entre autres créations, un jardin public, une place du Luxembourg, les rues Cabeuil, de Brou, de la Bourdonnaye, qui devaient rappeler, avec celui de M. de Crosne, les noms des personnages qui ont contribué à l’ac-

croissement de cette partie de la cité. Ce somptueux projet tomba, dit-on, devant l’énormité des dépenses qu’il devait entraîner.

La première moitié du 19e siècle fut signalée par de nouveaux travaux, en tête desquels nous mentionnerons la construction du Pont-de-Pierre, le redressement et l’élargissement du pont de Rouen, l’établissement de nouveaux plans d’alignement et d’embellissement des rues, la construction de l’Asile des Aliénés, de l’hôtel des Douanes, des Abattoirs, l’achèvement de Saint-Ouen, la restauration de l’Hôtel-de-Ville et de quelques-uns de nos principaux monuments, la réédification, demeurée incomplète, de la fléche de la Cathédrale, etc.

En 1852 furent arrêtés les projets d’assainir le quartier Martinville, projets qui avaient été conçus d’abord par M. de Crosne au 18e siècle ; ceux de dégager l’église de Saint-Ouen et d’isoler les autres églises ; en 1854, on décida la création d’un marché aux bestiaux aux Emmurées, celle des concessions d’eau dans les propriétés particulières, la construction des Docks-Entrepôts, l’élargissement de plusieurs rues, le prolongement du port fluvial, etc., travaux qui furent effectués en partie pendant les années suivantes, ou dont quelques-uns se trouvent encore en cours d’exécution.

Puis vinrent, en 1859, les premières propositions des grands travaux de Rouen, hardie et vaste conception qui, en créant de magnifiques quartiers, des marchés élégants et commodes, a fait disparaître un grand nombre de ces sales et étroites ruelles, de ces bouges dont le nom et la destination déshonoraient notre ville ; qui tend à achever d’assainir ces bas-quartiers antérieurement si abandonnés et si misérables, et contribue à éloigner ces foyers d’infection tant de fois condamnés par des arrêts du Parlement, par des délibérations de l’Hôtel-de-Ville, lesquels, néanmoins, pendant des siècles entiers, avaient continué de croupir au sein de quartiers populeux.

En même temps que s’opéraient ces prodigieuses entreprises, on continuait, avec non moins d’activité, la restauration de nos édifices publics, de nos églises monumentales, la construction de monuments nouveaux et d’établissements de tout genre que rendaient nécessaires l’importance toujours croissante de notre ville

et le développement de nos voies ferrées ; on entreprenait de nombreux travaux de pavage, l’élargissement de nos voies publiques, l’établissement des trottoirs, la construction d’aqueducs et d’égoûts, etc. Une utile économie était apportée dans le mode de distribution des eaux potables ; une heureuse innovation permettait d’en utiliser une partie pour l’assainissement de la partie basse de la ville, où elles sont répandues à des heures déterminées, tandis que se poursuivent les moyens d’augmenter encore le volume de cet élément de première nécessité, et pour en faire le partage dans les propriétés privées1.

L’élaboration d’autres projets dont le but est d’étendre et de faciliter, par la fondation d’un nouveau pont fixe sur la Seine, les communications entre les deux rives, a été momentanément entravée par des discussions et par des votes qui en ont fait ajourner la conclusion. Des intérêts particuliers, des rivalités de quartier, des considérations même sur l’avenir de notre commerce maritime, ont été diversement interprétés ; des difficultés d’exécution, des inconvénients peut-être exagérés, ont été mis en avant, et ont été l’objet de vifs débats qui ont compromis pour longtemps encore l’ouverture d’une voie nouvelle dont la nécessité est pourtant reconnue par tous, pendant que l’amélioration de la navigation fluviale et des diverses parties du port de Rouen, et que la création d’une nouvelle ligne ferrée, viendront bientôt démontrer de plus en plus son indispensable utilité.

Mais, au milieu de toutes ces préoccupations qui ont pour but l’intérêt général, l’activité des novateurs est loin de se ralentir, et, à côté des projets qui devront compléter tôt ou tard la jonction des deux rives et la transformation entière de l’île de la Croix, on voit surgir encore ceux qui tendent à la création de nouveaux quartiers, à l’ouverture de promenades publiques destinées à découvrir la perspective de nos plus beaux monuments ; ce qui prouve que, quelque grandes choses que l’on accomplisse, il restera toujours quelque chose à faire dans l’antique et industrieuse capitale normande.

VII.

La plupart des rues et des places de Rouen ont pris leur nom, soit des communautés religieuses, des églises, chapelles et établissements publics ; soit de leur position locale, de bornes, pierres ou arbres, etc. ; soit des diverses professions qu’on y exerçait ; soit enfin des anciennes enseignes par lesquelles on désignait un grand nombre de maisons, à défaut de leur numérotage, qui n’a eu lieu pour la première fois qu’en 17881. D’autres portent des noms qui leur ont été donnés au hasard ou par la tradition, et dans des circonstances particulières dont on n’a peut-être pas conservé le souvenir. Quelques autres, aussi, ont des désignations insignifiantes2 et qui dénotent l’indifférence des autorités locales à intervenir dans le choix de ces désignations.

En compulsant un grand nombre d’ouvrages, et à l’aide des recherches que nous avons faites dans les Archives municipales, à l’aide surtout des précieux documents qui nous ont été fournis, comme nous l’avons dit, par MM. Ch. Richard, Ch. de Beaurepaire et Éd. Gosselin, nous avons pu joindre aux notes étymo-

logiques déjà publiées par l’auteur du Dictionnaire indicateur, de nouveaux renseignements relatifs à nos voies publiques, ainsi qu’aux églises et établissements que la ville renferme. Nous avons hasardé quelques conjectures sur l’origine du nom de certaines rues, et nous avons dû garder le silence au sujet de plusieurs autres, faute de renseignements suffisants.

Nous avons cru qu’il était nécessaire d’indiquer les variantes souvent nombreuses de quelques-unes des anciennes dénominations, lesquelles ont dû leur défiguration à la manière dont on les prononçait ou dont elles étaient écrites dans les actes si variés qui en font mention. On conçoit, au reste, que l’indication des rues, avant le 16e siècle, était très arbitraire ; que souvent même elles n’avaient pas de nom bien déterminé, et qu’en l’absence d’inscriptions ou d’autres documents écrits ou imprimés, leur dénomination variait suivant le caprice des habitants, ce qui faisait donner en même temps, à de certaines rues, des noms ou des désignations différentes, et ce qui explique aussi pourquoi plusieurs rues portaient le même nom.

Ce sont là des inconvénients qu’on s’est efforcé de faire disparaître par l’inscription ou la gravure des noms à l’encoignure des rues. Cette inscription a dû commencer en même temps que le numérotage des maisons, et encore leur exactitude et leur régularité furent-elles subordonnées à l’habileté des agents chargés de les exécuter1, comme aux variantes nombreuses qui se glissaient dans les nomenclatures fournies par les divers écrivains, ou dans les plans imprimés.

Il nous a paru utile également de conserver avec soin les renseignements sur des rues ou des places qui n’existent plus, ou qui ont été plus ou moins récemment supprimées, d’abord pour en garder le souvenir historique, puis afin de faciliter l’intelligence

des anciens actes ou des ouvrages dans lesquels elles se trouvent mentionnées. Il en est de même, enfin, à l’égard des noms révolutionnaires et quelquefois ridicules qui ont été donnés, en 1794, à une grande partie des rues et des places, qui ne les ont conservés que momentanément.

Nous exposons, dans le Dictionnaire, quelques réflexions relatives à des changements de dénomination qui nous ont paru, ainsi qu’à d’autres de nos concitoyens1, devoir être l’objet d’une réforme semblable à celle devant laquelle n’a pas reculé l’administration municipale de Paris2. Nous exprimons quelquefois le regret que l’autorité locale n’ait pas toujours usé de son droit de faire le choix de noms applicables aux rues nouvellement ouvertes, ou de remplacer des dénominations inopportunes et quelquefois triviales. L’Administration actuelle est entrée dans cette voie depuis quelque temps, et nous formons le vœu de l’y voir persévérer. C’est, nous le croyons, une belle prérogative que celle de perpétuer vis-à-vis des étrangers, et de transmettre aux générations futures le souvenir d’un fait historique, la mémoire d’un personnage célèbre ou utile, qui ont illustré notre ville ; ce sont des pages d’histoire, que ces nomenclatures publiées par des livres, que ces inscriptions placées à l’encoignure de nos voies publiques, et l’on ne saurait négliger de les surveiller.

En général, les changements de noms des rues rencontrent une opposition fondée sur les inconvénients qui peuvent en résulter dans les rapports publics ou privés, et surtout en matière judiciaire, lorsqu’il s’agit de servitudes ou d’abornement. Ces appellations, a-t-on dit encore, qui viennent d’une époque reculée, sont de vraies traditions qui peuvent servir à l’histoire, et dont les archéologues doivent prendre les premiers la défense… D’ailleurs, le nom primitif subsiste longtemps dans les habitudes

de la population, malgré le nouveau nom officiellement inscrit1.

Certes, on ne saurait approuver que le caprice ou la fantaisie pussent présider à des changements trop fréquents ou que rien ne justifierait. Mais n’est-il pas des moyens de remédier aux inconvénients qu’on signale ? Les anciens actes de tabellionage n’offrent-ils pas de nombreux exemples des précautions qu’on aurait à prendre, dans les actes civils ou judiciaires, en faisant suivre la dénomination nouvelle d’une rue, du nom qu’elle avait porté précédemment ? Les inscriptions elles-mêmes, soumises à une exacte surveillance, ne pourraient-elles, jusqu’à un certain point, indiquer ces variantes ?

Et d’ailleurs, que sont ces inconvénients, auxquels il est possible de remédier, auprès de ceux qui peuvent résulter des erreurs qu’entraînent, et la similitude des noms dans des quartiers opposés, et la répétition, multipliée à l’infini, de ceux que l’on s’est borné à faire précéder des mots de rue ou de place, de petite rue ou de rue neuve, de boulevard ou de rampe, ou ces appellations qui font chercher la rue Saint-Romain ou la rue de la Madeleine (par exemple) auprès des églises qui portent les mêmes noms, ou enfin ces désignations insuffisantes de rue Neuve ou Nouvelle, de rue Projetée, de rue Longue ou Étroite, qu’on peut trouver partout ?

Nous résumons dans la simple nomenclature ci dessous l’indication de quelques-uns des changements de dénomination que nous avons l’occasion de proposer dans le cours de cet ouvrage2.

RuesNouveaux noms proposés.
Amboise (d’)r. de Maussion.
Amitié (de l’)de Croixmare.
Avalasse (de l’)de Géricault.
Bonnetiers (des)Georges-d’Amboise.
Boudindu Parlement.
Champ-de-Foire (du)de Sommesnil.
Chasselièvre (petite rue)Saint-Avitien.
RuesNouveaux noms proposés.
Chemin-de-fer (du)Salomon-de-Caus.
Contrat-Social (rue du)de Bellegarde.
Darnétal (de)de Longpaon.
Eau-de-Robec (place de l’)place du Pont-de-Robec.
Eau-de-Robec (rue de l’), jusqu’à la hauteur de la Croix-de-Pierrerue Édouard-Adam
GéricaultSaint-Léonard.
Jeanne-d’Arc (quartier)quartier de Vaucouleurs.
Lamauverue de Gaumont.
Madeleine (de la)de l’Ancien-Hôtel-Dieu.
Montméry (rue)d’Émendreville.
Mont-Riboudet (quai du)quai Montholon.
Neuve-Massacre (rue)r. de l’Abbé-Legendre.
Neuve Saint-Marcdu Tot.
Neuve Saint-Patricede la Tour-Bigot.
Neuve Saint-Viviendu Cimetière-St-Vivien.
Nord (du)de l’Abbé-Gossier.
Nouvelle, dans le faub. Saint-SeverMathilde.
Pérou (du), ou des Plains-Champsde la Michodière.
Projetée, à Saint-SeverJ.-B.-De la Salle.
Saint-Georges (rue), en villeDuval-Richer.
Saint-Gervais (grande rue)Saint-Mellon.
Saint-Gervais (petite rue)du Prieuré.
Saint-Hilaire (boulevard)boul. Lamauve.
Saint-Romain (rue)de la Cité.
Socrate (rue de)Miromesnil.

Nous soumettons humblement nos réflexions à l’Édilité rouennaise, dont nous sommes heureux de constater l’active sollicitude pour la prospérité de notre ville, et aux constants efforts de laquelle nous devons déjà tant d’utiles améliorations.

Nicétas PERIAUX.


Observation essentielle.

Afin d’éviter des renvois trop multipliés dans le cours du Dictionnaire, nous consignons avec le plus grand soin, dans une table des matières qui le termine, non-seulement les noms des Rues, Places, Monuments ou Établissements publics auxquels un article est consacré dans cet ouvrage, mais encore les anciennes dénominations concernant les Rues actuellement existantes, et de celles qui ont été supprimées plus ou moins récemment. Il en est de même pour tous les Monuments et Établissements qui n’ont pas d’article spécial dans l’ordre alphabétique. ― Ce sera donc à la table des matières qu’il sera utile de se reporter, toutes les fois qu’on aura des recherches à faire.

Dictionnaire
Indicateur et historique
des rues et places
de Rouen.

Abattoirs (rue des). = Rue Méridienne, rue de Sotteville. ― 11e section, 6e canton, Saint-Sever. ― Faubourg Saint-Sever.

Ouverte avant 1814, mais sans désignation, cette rue tire son nom de sa proximité des Abattoirs publics, fondés en 1837 sur les limites de la ville vers la commune de Sotteville, dans un terrain qui dépendait d’une propriété appartenant alors au docteur Burel. Cette construction fut l’objet d’un concours public qui eut lieu à Rouen en 1834.

Abreuvoir (rue de l’). = Route de Darnétal, les Petites-Eaux de Robec. ― 1re section, 5e canton, Saint-Hilaire. ― Faubourg Saint-Hilaire.

Cette rue a pris son nom d’un abreuvoir auquel elle communiquait, et qui subsistait depuis le 14e siècle. Il fut supprimé en 1818.

Accard (rue). = Rue de l’Eau-de-Robec, rue Saint-Vivien. ― 3e section, 4e canton, Saint-Vivien. ― Quartier S.-E.

On donna à cette rue, en 1794, le nom de rue d’Angers. Sa première dénomination, qui lui fut rendue en 1795, provenait évidemment d’un propriétaire. Dans une charte de 1199, on trouve une limite indiquée depuis la porte de Saint-Ouen jusqu’au pont de la terre qui fut Acart Lebarrier1.

Nous voyons, dans un petit almanach publié à Rouen en 1794, cette rue désignée sous le nom de rue Achard. C’est aussi l’orthographe de l’Histoire de Rouen, du Flambeau astronomique, etc. Un plan de 1784 porte Acare. Enfin, on trouve aussi quelquefois Acart, Achérée, désignations qui se rapportent à la même rue1.

On avait inscrit, en 1818, au coin de la rue Accard, le nom de rue au Chat, qu’elle a porté anciennement, peut-être par corruption de langage2. D’anciennes nomenclatures et les Affiches de Normandie indiquent également la rue du Chat, près Robec. Depuis, on a effacé le nom de la rue du Chat, pour rétablir celui que la rue porte actuellement.

Aître-Saint-Nicaise (rue de l’). = Rue Saint-Nicaise, rue Poisson. ― 2e section, 2e canton, Saint-Nicaise. ― Quartier N.-E.

Cette rue, qui fut ouverte au commencement du 19e siècle sur l’ancien cimetière de Saint-Nicaise, doit son nom à sa situation le long de cette église. Elle est quelquefois désignée sous la dénomination de rue du Cimetière-Saint-Nicaise ou de rue Neuve-Saint-Nicaise, nom sous lequel elle est inscrite sur un plan de 1817. (Voyez rue du Porche.)

Il y a, dans cette rue, une école primaire tenue par les Sœurs de la Miséricorde.

Alain-Blanchart (rue). = Rue de l’Impératrice, boulevard Jeanne-d’Arc. ― 8e section, 2e canton ; paroisses : Saint-Patrice, pour le côté gauche ; Saint-Godard, pour le côté droit. ― Quartier N.-O.

Cette rue, qui avait été projetée dès 1792, a été ouverte en 1838, en prolongement des rues Morant et du Moulinet jusqu’au boulevard, sur des terrains précédemment occupés en partie par l’hôtel de M. le marquis de Martinville, qui fut maire de Rouen depuis 1821 jusqu’en 1830, et près de l’emplacement de la tour Bigot, qui a été démolie en 1839.

Désignée d’abord sous le nom de rue de la Tour-Bigot, elle a

reçu celui d’un citoyen de Rouen qui se rendit célèbre par la défense héroïque de cette ville contre les Anglais, en 1418. Alain Blanchart, capitaine de Rouen, fut décapité par l’ordre du roi Henri V, après que la ville se fut rendue.

L’orthographe du nom de cette rue est Blanchart : c’est celle des actes originaux.

Alger (rue d’). = Rue de Constantine, rue du Chouquet. ― 12e section, 5e canton, la Madeleine. ― Faubourg Cauchoise.

Nom donné, en commémoration de la conquête de l’Algérie, à une rue ouverte par M. Amand Lemire sur des terrains dépendant de l’ancien pré de la Bataille.

Allée-du-Colombier (rue ou chemin de l’). = Avenue du Mont-Riboudet, route Neuve-du-Havre. ― 12e section, 5e canton, la Madeleine. ― Faubourg Cauchoise.

Elle est désignée, dans un plan de 1817, sous le nom de rue de la Grande-Allée, nom qui lui fut donné à cause de l’avenue du Mont-Riboudet, à laquelle elle aboutit.

Amboise (rue d’). = Quai du Mont-Riboudet, rue du Contrat-Social. ― 12e section, 5e canton, la Madeleine. ― Faubourg Cauchoise.

Ouverte à la fin du 18e siècle, depuis le Mont-Riboudet jusqu’à la rue Dugay-Trouin, puis en 1832 jusqu’à la rue Flahaut, cette rue a été prolongée plus tard jusqu’à celle du Contrat-Social. On lui avait d’abord donné le nom de M. de Maussion, qui était intendant de la Généralité de Rouen au moment de la révolution de 1789. Il semble regrettable, d’une part, que l’on n’ait pas restitué à cette rue le nom d’un personnage qui rendit d’importants services à notre ville, et qui devint victime de son dévoûment et de sa fermeté. D’un autre côté, la rue d’Amboise, qui fut désignée en 1794 sous le nom de rue de la Seine-Inférieure, reçut en 1795 celui qui lui est resté ; on aurait dû, lors de sa nouvelle inscription, en 1817, faire précéder le nom d’Amboise du prénom Georges, car ce ne fut pas, à coup sûr, le souvenir de nos illustres prélats qui fit choisir cette dénomination à l’époque où elle fut donnée à la rue dont nous parlons. Le nom de Georges-d’Amboise perpétuerait la mémoire de l’éminent archevêque auquel Rouen a dû de nombreux bienfaits : l’établissement, sous son patronage et sa direc-

tion, du Parlement de Normandie ; la construction de monuments magnifiques ; l’introduction dans la ville des sources qui y répandent des eaux abondantes ; les travaux qu’il fit exécuter à ses frais au canal de Robec et aux conduites de la source de Darnétal : tels sont les principaux droits à nos souvenirs de Georges d’Amboise Ier. Au reste, à ces différents titres, le nom de ce personnage célèbre serait mieux placé dans le centre de la ville, aux alentours de notre cathédrale, à la rue des Bonnetiers, par exemple, et celui de Maussion devrait être rendu à la rue d’Amboise actuelle.

Ambroise-Fleury (rue). = Rue Martinville, rue Eau-de-Robec. ― 3e section ; 3e canton pour les nos imp. entre la rue Napoléon III et l’Eau-de-Robec ; 4e canton pour le reste ; paroisses : S.-Maclou, excepté les nos pairs entre l’Eau-de-Robec et la rue Napoléon III, qui sont sur S.-Vivien. ― Quart. S.-E.

Cette rue, ouverte en 1867 sur le terrain des anciennes rues des Marquets, du Fer-à-Cheval et du Gril, traverse la rue Napoléon III et longe la place du même nom, en face de la caserne d’infanterie installée, vers 1854, sur l’emplacement occupé successivement par le noviciat des Jésuites, fondé en 1605 et supprimé en 1764 ; par le dépôt des Mendiants jusqu’en 1776, et par la maison d’arrêt et de correction connue sous le nom de Bicêtre, qui a été transférée, en 1860, dans les quartiers de la Motte et de Bonne-Nouvelle, à Saint-Sever.

Elle a reçu le nom d’un ancien maire de Rouen, Jean-Ambroise Fleury, décédé le 21 décembre 1857 dans l’exercice de ses fonctions, où il avait été appelé dix ans auparavant, et auquel la ville et ce quartier doivent de nombreuses améliorations.

Dans la partie de la rue Ambroise-Fleury qui remplace l’ancienne rue des Marquets, du côté de la rue Martinville, était le clos des Parcheminiers qui aboutissait autrefois aux eaux minérales de la Marêquerie, dont la rue des Marquets a pu tenir son nom. C’est, aujourd’hui, une petite place édifiée de hallettes en bois occupées par des marchands.

Entre ce clos des Parcheminiers et la rue Napoléon III était l’orphelinat des Saints-Anges, qui avait été fondé, vers 1838, par l’abbé Carpentier, alors vicaire de Saint-Maclou. La chapelle de cet établissement fut bénite en 1842. Depuis l’ouverture de la rue Napoléon III, depuis surtout que l’ancienne maison de Bicêtre a

été convertie en caserne d’infanterie, l’établissement des Saints-Anges a été transféré dans la rue Saint-Hilaire, dans l’ancien couvent des Pénitents.

À la suite de l’entrée de la nouvelle caserne, on voit encore le portail de l’église du ci-devant noviciat des Jésuites, qui avait été érigée au commencement du 17e siècle, et dont le faîte a été démoli en 1829.

Dans cette même rue est un établissement de bains et lavoirs publics pour les femmes, qui a été institué, vers 1849, par une société de souscripteurs.

Amitié (rue de l’). = Rue Pomme-d’or et rue Fleuriguet, rue de l’Épée. ― 2e section, 2e canton, S.-Vivien. ― Quartier N.-E.

Cette rue portait autrefois le nom de Croixmare, sous lequel elle est mentionnée dans des actes de tabellionage de 1421 à 1462 ; on lit dans une déclaration de Saint-Ouen du 14e siècle : depuis la rue Croixmare jusqu’au puits Gringore (voyez ce nom). ― Il existait dans cette rue un puits commun, dans la possession duquel les habitants furent maintenus par une sentence du bailli de Rouen de juillet 1587.

Nous trouvons encore cette rue désignée sous le nom de rue du Pot-d’Étain, dans des actes du Parlement de 1612 et de 1619 : rue anciennement nommées de Croixmare et à présent le Pot-d’Étain. Il y avait une enseigne du Plat d’étain près du carrefour qui a conservé la désignation de carrefour du Plat (voyez ce mot).

Enfin, elle figure sous le nom de rue Prison dans plusieurs auteurs et dans des plans de 1655 à 1784 ; cette dénomination, qui était encore donnée à la rue de l’Amitié au commencement du 19e siècle, provenait de l’existence dans cette rue de la prison appartenant à la juridiction de la baronnie de Saint-Ouen, qui avait droit de haute, basse et moyenne justice. En 1382, dit Farin, le sénéchal de cette baronnie fit pendre aux fourches de Bihorel, lieu qui en dépendait, un voleur qui avait été pris à Quincampoix.

On donna, en 1794, à la rue de l’Amitié le nom de rue du Bonnet-Rouge, et, en 1795, celui qui lui est resté. Elle conserva néanmoins en même temps, pendant plusieurs années, le nom de rue Prison.

Le nom de Croixmare était celui d’une famille qui a fourni plusieurs magistrats au Parlement de Normandie ; peut-être

serait-ce un motif suffisant pour rendre à la rue de l’Amitié sa première dénomination.

Ancrière (rue).

Cette rue, qui descendait de la rue aux Ours à la rue des Charrettes, a été supprimée en 1860, pour l’ouverture de celle de l’Impératrice.

Le Dictionnaire indicateur1 faisait dériver le nom donné à cette rue, et que quelques personnes écrivaient par erreur : « Encrière », des expressions « ancre, ancrer, » se rapportant au temps où la Seine baignait la partie de la ville où cette rue était située. Suivant l’opinion de M. Ch. de Beaurepaire, la rue Ancrière était le quartier des forgerons de marine qui vendaient particulièrement des ancres. En parlant de l’église de Saint-André, qui était dans la rue aux Ours, presque à l’angle de la rue Ancrière, un ancien auteur dit que cette église était située dans le quartier des forgerons2.

La rue Ancrière était très ancienne ; elle est citée dans des actes de 1409 et des années suivantes. Un acte de tabellionage du 16 novembre 1468 fait mention d’un hôtel où pend l’ancre tournée. On lit aussi dans des documents du 13e siècle : in vico ancreiis, in vico ancreriorum, in vico Ancriere.

André-Deshayes (rue).

C’était une petite rue voisine de l’abbaye de Saint-Amand, que l’on trouve désignée dans une charte de 12943, et dont il ne reste plus de traces.

Anglais (rue aux). = Rue du Pré et place Bonne-Nouvelle, la Campagne vers le Petit-Quevilly. ― 11e section, 6e canton, Saint-Sever. ― Faubourg Saint-Sever.

Un acte de tabellionage de 1489 et un autre de 1510 citent la rue aux Anglais, en la paroisse de Saint-Sever. ― Cette rue a sans doute reçu son nom d’établissements formés par des Anglais dans ce quartier. Il y avait, en 1774, à l’extrémité du faubourg de Saint-Sever, près de la rue des Brouettes, une fabrique appelée la manufacture des Anglais.

― Une autre rue est indiquée dans les registres du tabellionage, sous le même nom1, dans l’ancienne paroisse de Saint-Sauveur. (Voyez aussi rue de la Pie-aux-Anglais.)

Anonyme (rue).

Cette désignation avait été donnée, avant 1819, à une rue nouvellement ouverte dans le faubourg Saint-Hilaire. C’est celle qui a reçu depuis le nom de rue du Jardin-Thierry.

― Une autre rue, qui communique de la rue Percée à celle du Jardin-Thierry et qui longe le chemin de fer, attend également une dénomination. On lui donne provisoirement celle de rue du Chemin-de-Fer.

Anvers (rue et impasse d’). = Rue Saint-Maur, rue Crevier. ― 12e section, 5e canton, S.-Gervais. ― Faubourg Bouvreuil.

Elle porta d’abord le nom de rue Moulin, qui était celui du propriétaire par lequel elle fut ouverte sur son terrain. On lui donna en 1833, le nom qu’elle porte actuellement, en commémoration de la prise d’Anvers par l’armée française.

Arbalestre (ruelle de l’).

On trouve, sous ce nom, dans un acte de 1472, une ruelle située rue du Chaudron, alors appelée rue du Sac, et qui forme actuellement le prolongement de la rue des Ravisés jusqu’à la rue Napoléon III. Ce nom venait probablement d’une enseigne.

Arbalétriers (clos des), rue Beauvoisine, près de l’ancienne porte de ce nom.

Archers (clos des), dans le faubourg Bouvreuil.

Arquebusiers (jardin des), au haut de l’ancienne rue de la Cage-Saint-Nicaise, nommée plus tard la rue Tirelinceul, actuellement la rue Poussin.

Il existait à Rouen, outre la milice bourgeoise qui fut créée en 1567, une compagnie d’Arbalétriers à cheval, nommée aussi la Cinquantaine, une compagnie d’Archers et une autre d’Arquebusiers. Ces compagnies étaient régulièrement constituées et jouissaient de priviléges importants qui leur furent accordés en 1594 (ainsi qu’aux gens d’église, nobles et bourgeois), en récom-

pense des services qu’elles étaient appelées à rendre pour le repos et la sûreté de la ville, pour la défense de son territoire et des places circonvoisines1.

La première de ces compagnies paraît avoir été instituée au commencement du 13e siècle. Son existence est constatée par une charte de 1208, dans laquelle un nommé David Pavie se donne en qualité d’arbalétrier de Philippe, roi de France. Elle fut confirmée dans ses priviléges en 1322. Les Arbalétriers se réunissaient, dans les derniers siècles, dans un manége2 placé près des murs de la ville, dans la rue d’Écosse, et dont l’entrée était par la rue Beauvoisine. Ils eurent aussi leurs assemblées, vers 1407, près de la tour Mal-s’y-frotte, sur l’emplacement de laquelle fut construit plus tard le Vieux-Palais3. Les Arbalétriers avaient érigé leur confrérie en l’église collégiale du Saint-Sépulcre, devenue depuis l’église de Saint-Georges et actuellement supprimée (voyez la rue de ce nom). Ils étaient régis par des statuts qui furent renouvelés en 1769.

La compagnie des Archers ou tireurs d’arc, qui fut instituée au 14e siècle par une ordonnance de Charles V, fut confirmée en 1579 par Henri III. Cette compagnie, dont les statuts furent renouvelés en 1744, et dont les membres prirent le titre de Chevaliers du noble jeu de l’arc4, se réunissait dans le faubourg Bouvreuil, sur une place appelée le clos des Archers5, où ils joignaient au tir de l’arc l’exercice du fusil. Un plan de 1784 indique un jardin de l’Arc, qui était placé au coin de la rue du Petit-Bouvreuil, actuellement la rue Ernest-Leroy. Les Archers avaient également leur confrérie érigée en l’église du Saint-Sépulcre ; leur patron était saint Sébastien.

La compagnie des Arquebusiers reçut ce titre en 1550 ; il lui fut conféré par le roi Henri II. Elle prit pour lieu de réunion l’endroit appelé le jardin des Arquebusiers, situé au haut des rues de la Cage et Tirelinceul, actuellement la rue Poussin. Une délibération du 15 avril 14076 cite la rue Tirelinceul, à l’extré-

mité de laquelle, à droite vers le rempart, était une tour nommée la Garde de Saint-Ouen. Là fut établi plus tard, vraisemblablement, le jardin des Arquebusiers, qui est figuré dans les plans de 1655 et de 1724. Cette association, dont les statuts étaient les mêmes que ceux de la Cinquantaine, se réunissait dans l’ancienne église du couvent des Carmes, pour la célébration de ses messes et pour l’élection de ses chefs.

En 1508, disent les registres de l’Hôtel-de-Ville, Louis XII étant à Rouen, les compagnons de la culevryne demanderent a faire faire une bucte au fond du fossé d’entre la porte Cauchoise et la porte Bouvereul pour jouer par esbat de ladicte culevryne. Il leur fut accordé de faire cette butte, et même un degré de bois pour descendre au long de la douve, au fond dudit fossé1.

En 1552, une société s’était formée sous ce titre : la jeunesse, manants et habitants de Rouen. Son but était le tir à l’arbalète ; elle se réunissait au même endroit que les précédents ; mais les troubles de la réforme ne permirent pas à cette société de continuer ses exercices.

Trois ans après la mort de Henri IV, en 1611, quelques individus tentèrent de reconstituer la société de 1552 ; ils obtinrent du roi Louis XIII des lettres patentes datées du 23 mai 1612, qui les approuvaient et leur permettaient de se réunir tous les jours pour se livrer à l’exercice du tir à l’arbalète, et surtout à celui de l’arquebuse. Mais les échevins de la ville s’opposèrent à ce qu’ils continuassent leurs exercices, et les appelèrent devant le Parlement, pour soumettre à son examen les lettres patentes qui, disaient-ils, avaient été surprises au roi. Après un débat long et animé, le Parlement rendit un arrêt qui débouta les demandeurs des fins de leurs lettres patentes et leur défendit de s’assembler2.

Le 16 novembre 1789, les compagnies de la Cinquantaine et des Arquebusiers furent supprimées, et remplacées par la garde nationale.

Armand-Carrel (rue). = Quai Napoléon, place Saint-Marc. ― 3e section, 4e canton, Saint-Maclou. ― Quartier S.-E.

Cette rue, dont l’ouverture avait été projetée dès la fin de 1831, fut établie fut ouverte, en 1844, sur l’emplacement de

l’ancien Jardin botanique, dont l’entrée était sur le cours de Paris.

Elle reçut d’abord le nom de rue de Joinville, comme un souvenir du passage des cendres de Napoléon, qui furent ramenées de Sainte-Hélène en France sous la conduite du fils du roi des Français, en 1840.

En 1848, on lui donna le nom d’Armand Carrel, célèbre publiciste né à Rouen, qui fut tué en duel le 24 juillet 1836.

Cette rue occupe, aux abords de la place Saint-Marc, l’emplacement de l’ancienne rue de la Salle. Il paraît être question de la prolonger jusqu’à la rue Napoléon III, en traversant la place Saint-Marc.

Arpenteurs (rue des).

Cette petite rue, qui était située entre la rue des Trois-Cornets, aujourd’hui supprimée pour l’ouverture de la rue Napoléon III, et celle du Fer-à-Cheval qui fait actuellement partie de la rue Ambroise-Fleury, a disparu pour l’établissement de la petite place Napoléon III, qui fait face à l’entrée de la caserne d’infanterie édifiée dans les bâtiments de l’ancienne maison de Bicêtre.

Dans les actes de tabellionage du 15e siècle, on donnait à cette rue le nom de rue des Penteurs. Des actes de 1462 et 1476 font mention de la rue des Pentheurs estant en la rue du Fer-à-Cheval ; ce qui fait supposer que l’étymologie des noms de rue des Pentheurs, des Arpenteurs et même des Arpents (voyez ce dernier nom), pourrait être la même, et qu’elle désigne des lieux où l’on appendait des étoffes pour les faire sécher. (Voyez au mot Penteurs.)

Arpents (rue des). = Quai Napoléon et porte Guillaume-Lion, rue Martinville. ― 6e section, 3e canton, Saint-Maclou. ― Quartier S.-E.

Elle portait, dès le 13e siècle, le nom de rue Notre-Dame1, provenant de la dénomination d’île Notre-Dame qui était donnée à tout le territoire renfermé entre les rivières de Robec et d’Aubette, parce que les rares habitants qui s’y trouvaient avaient été soumis à la juridiction du chapitre de la Cathédrale. Ce nom est encore mentionné dans beaucoup d’actes de tabellionage du

15e et du 16e siècle. Un acte de 1474 lui donne celui de rue de Lessay-Notre-Dame probablement l’aître Notre-Dame, désignation qui était donnée aussi à l’aître Saint-Maclou, près duquel la rue des Arpents arrive dans la rue Martinville. Cette rue avait été aussi appelée rue du Penteur. Plusieurs actes de 1491 à 1495 citent la rue Nostre-Dame anciennement nommée la rue du Pentheur. Cette dénomination, qui était commune à plusieurs autres rues, était due à l’existence de nombreux siéges de penteurs qui étaient établis dans les divers quartiers de la ville, alors peu garnis de maisons. Ces siéges de penteurs étaient à l’usage des drapiers, qui y appendaient leurs étoffes pour les faire sécher. (Voyez au mot Penteurs.)

En 1648, les religieuses de la Congrégation de Notre-Dame, qui s’étaient établies d’abord dans la rue Herbière, vinrent habiter une maison qu’elles avaient acquise dans la rue Notre-Dame, laquelle prit alors le nom de rue des Filles-Notre-Dame1. Elles furent réunies, en 1743, aux Dames de Saint-Louis. Leur maison conserva le nom du Petit-Couvent, et est encore connue sous cette dénomination. Les Affiches de Normandie citent aussi, en 1770, la chartreuse de Gaillon dans la rue des Filles-Notre-Dame.

Nous ne savons de quelle époque date le nom de rue des Arpents. Inscrit dans la nomenclature du Flambeau astronomique de 1716 et dans celle de Du Souillet de 1731, ce nom ne figure pas sur le plan de 1724 ; il n’est donné, sur celui de 1784, qu’à la partie de la rue située entre la porte Guillaume-Lion et la rue de la Grosse-Bouteille ; le reste de la rue est inscrit sous celui de rue Notre-Dame. Dans les Affiches de Normandie, la rue est désignée sous les deux noms. Ce n’est qu’en 1795 que celui de rue des Arpents a prévalu et a été donné à la rue dans toute sa longueur. Elle avait été appelée pendant un an rue Guillaume-Tell, nom qui fut donné également à la porte Guillaume-Lion.

D’un autre côté, Taillepied n’indique la rue des Arpents que sous le nom de rue des Penteurs qu’elle avait déjà porté. Or, comme il y avait déjà une rue de ce nom dans le quartier de l’Eau-de-Robec, on pourrait supposer que depuis on substitua à celle du quartier Martinville la dénomination de rue des Appents, du mot « appendre, » dont on aura fait Arpents, de même qu’on aura appelé rue des Arpenteurs une autre petite rue qui est actuellement remplacée par la place Napoléon III.

Il se peut, au reste, que ce nom ait une tout autre origine, soit qu’elle provienne de l’ancienne mesure « arpent », ou d’une enseigne représentant des instruments de charpentier appelés arpents ou harpons, soit enfin que ce nom soit venu d’une famille des Arpents, qui, du 15e au 17e siècle, était domiciliée dans la paroisse de Saint-Maclou. Un acte de 1529 cite un Jacques des Arpents pour une vente de maison et prés joignant la tour Guillaume-Lion. Un Richard des Arpents était capitaine des Arquebusiers en 1568.

On remarque, dans la rue des Arpents, une façade en bois qui semble appartenir au temps de Louis XII1.

Dans cette rue est né, en 1794, le général Duvivier, dont le nom a été donné à une des nouvelles rues de Rouen. Une inscription a été placée, en 1861, sur la maison qui porte le no 67 ; elle est ainsi conçue :

Duvivier, Franciade-Fleurus, général de division, mort glorieusement à Paris, en 1848, en défendant l’ordre et la république, est né dans cette maison le 19 messidor an II (7 juillet 1794).

Il est question de prolonger la rue des Arpents jusqu’à la rue Napoléon III.

Arsins (rue des). = Rue de l’Hôpital, rue de l’Hôtel-de-Ville. ― 5e section, 2e canton, Saint-Ouen. ― Quartier N.-E.

On trouve cette rue citée dans plusieurs actes de tabellionage du 15e siècle. ― On disait autrefois « ars » pour « brûlé. » En vieux langage on entendait par « arsins » (d’ardere, brûler), des bois qu’on brûlait dans une forêt que l’on voulait mettre en culture. On appelle encore ainsi des bois où le feu a pris, des veines de terres brûlantes où les récoltes viennent mal. Soit que la rue des Arsins ait été ouverte sur un emplacement ravagé par des incendies, soit que ses premières maisons aient été construites avec des « bois arsins », il paraît évident qu’elle tire sa dénomination de bois brûlés2.

À la vérité, quelques personnes croient que le nom de cette rue viendrait d’arcs ou arceaux, espèce de petits ponts qu’on voyait encore, à la fin du 18e siècle, dans la rue de l’Hôpital, mais, dans ce cas, on aurait dû dire Arceaux plutôt qu’Arsins. L’auteur

du Dictionnaire indicateur1 ajoute qu’il n’y avait, sur le bout de la rue des Arsins, qu’un seul passage ou petit pont toléré pour communiquer de la maison de M. le président de Motteville à l’église de l’Oratoire, située à gauche de la rue, sur l’emplacement de l’hôpital du Roi, qui fut occupé depuis par les PP. de l’Oratoire (voyez rue de l’Hôpital). Dans cet emplacement est actuellement l’École communale professionnelle, établie en 1857 à la place qu’occupait l’École préparatoire à l’enseignement supérieur des Sciences et des Lettres de Médecine et de Pharmacie, qui a été transférée rue Beauvoisine, dans l’ancienne enclave de Sainte-Marie.

Dans la rue des Arsins fut la première résidence des dames religieuses du Saint-Sacrement lorsqu’elles vinrent à Rouen en 1677. Elle a été prolongée, en 1839, jusqu’à la place des Carmes2, en traversant l’ancienne rue de l’Aumône ; on a donné à ce prolongement le nom de rue Neuve-des-Arsins.

Arts (place des). = Rue de la Tuile, rue Grand-Pont. ― 7e section, 3e canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-E.

Cette petite place, ouverte vers 1833, aux dépens de deux ruelles infectes, telles que les rues Binet et des Trois-Pucelles, qui existaient entre la rue de la Savonnerie et le port, a pris son nom de sa position à proximité du Théâtre des Arts.

C’est sur cette place qu’est établie la station centrale des Omnibus qui circulent dans la ville et desservent les communes des environs de Rouen.

Arts (rue des). = Rue d’Elbeuf, rue du Hameau-des-Brouettes. ― 11e section, 6e canton, Saint-Clément. ― Faubourg Saint-Sever.

C’est le nom d’une rue ouverte, vers 1845, dans le faubourg Saint-Sever. Il serait utile qu’une autre dénomination lui fût donnée pour éviter une confusion avec la place des Arts, située au bas de la rue Grand-Pont, et même avec la rue des Arts-Réunis, qui est dans le voisinage de celle des Arts.

Arts-Réunis (rue des). = Rue des Brouettes, rue Saint-Julien. ― 11e section, 6e canton, Saint-Clément. ― Faubourg Saint-Sever.

Cette rue, nouvellement ouverte dans le faubourg Saint-

Sever, a reçu ce nom pour qu’elle ne puisse être confondue avec la rue des Arts, dont nous venons de parler.

Asiles des Aliénés.

Avant 1819, pour ne parler que de l’époque contemporaine, les aliénés avaient été renfermés à l’Hospice général, dans des loges et des cours construites en 1802, et qui laissaient beaucoup à désirer. Quelques tentatives furent faites avec succès, dans un local dépendant de la Maison de détention, pour améliorer leur triste position. L’attention du Conseil général fut dès-lors appelée sur la nécessité de créer un hôpital spécial où tous les aliénés appartenant au département pourraient recevoir les secours qui leur étaient nécessaires. Il fut décidé qu’un Asile des Aliénés serait fondé dans l’enclos de Saint-Yon, situé dans la rue Saint-Julien. La première pierre en fut posée le 25 août 1822. Les travaux, poussés avec activité, permirent de recevoir, en 1825, un certain nombre de pensionnaires qui s’est successivement augmenté au point de rendre insuffisant ce vaste et bel établissement. Pendant les dix premières années qui s’écoulèrent depuis sa fondation, l’Asile des aliénés reçut 1,292 malades1. Depuis quelques années, la maison de Saint-Yon a été réservée uniquement aux femmes. Un nouvel Asile a été créé pour les hommes, en 1851, à Quatre-Mares, hameau dépendant de la commune de Sotteville. Le 26 juillet 1858 a été commencée la construction de la chapelle de cet hospice, dont la bénédiction a eu lieu en 1860. Un nouvel Asile pour les femmes a été mis en adjudication en 1867, au même endroit, où ces deux maisons recevront toutes les améliorations, tous les développements que nécessite leur destination. ― La distribution d’eau y est faite au moyen d’un moulin à vent qui fait agir une pompe ; l’eau se déverse dans des réservoirs, d’où elle est conduite dans toutes les parties de l’établissement.

Aubette (l’).

L’Aubette est une petite rivière qui prend sa source à Saint-Aubin-Épinay, passe près de Darnétal, mêle une partie de ses eaux avec celles de Robec à un endroit appelé le Choc, entre cette ville et Rouen, traverse le faubourg de Martinville et se perd dans la Seine, près de la porte Guillaume-Lion.

Cette rivière reçoit peut-être son nom du village où elle prend sa source. L’auteur de la Description de la Haute-Normandie le fait dériver d’Albula, c’est-à-dire « blanche », nom qui lui fut donné par les Romains, dit-il, pour la distinguer de la rivière de Robec, que l’on appelait Rotobeccus ou Rodobeccus, qui signifie « rouge. » Quelques-uns prétendent, ajoute Toussaint Duplessis, que les rivières de Robec et d’Aubette se joignaient anciennement au lieu appelé le Choc, et que de là elles ne formaient ensemble jusqu’à Rouen qu’un grand lac, dont il ne reste plus aujourd’hui que l’étang de Martinville1.

Sans que cette assertion puisse se trouver tout-à-fait justifiée, on reconnaît, en examinant les anciens plans de Rouen, que l’affluence des eaux apportées par ces deux petites rivières formait de vastes marécages qu’ont pu faire disparaître les limites apportées, avec le temps, aux diverses branches de ces cours d’eau2.

À son entrée dans le faubourg Saint-Hilaire, l’Aubette se divise en deux parties, dont l’une, la Petite-Aubette, appelée aussi l’Égout-des-Fontaines dans un plan de 1814, s’écoule dans les fossés des boulevards de Saint-Hilaire et de Martinville. Ce canal fut rendu accessible pour les bateaux, lors de la construction de la porte Martinville, au 15e siècle. Il portait, en 1606, le nom de la Vieille-Aubette3 ; on l’appelle aujourd’hui le Fossé-de-Martinville. L’Aubette proprement dite entretient de nombreux moulins et les établissements de la rue Préfontaine.

Augustins (rue des). = Rue de la Grosse-Bouteille, rue Impériale. ― 6e section, 3e canton, Saint-Maclou. ― Quartier S.-E.

Cette rue, qu’on désignait quelquefois sous la dénomination de rue des Grands-Augustins, a pris son nom du couvent des Augustins, qui fut supprimé en 1790, et dont l’église avait son entrée par la rue Malpalu, vis-à-vis de la rue des Halles.

Les Augustins s’étaient d’abord établis, avant 1309, sur la montagne de Bihorel ; peu de temps après, Philippe-le-Bel leur

donna la maison des Sachets1, nommés aussi les frères de la Pénitence de Jésus-Christ. Ils agrandirent considérablement l’église en 1435, et un bourgeois de Rouen fit construire le clocher à ses dépens. Cette église fut dévastée par les Calvinistes en 1562. Les Augustins édifièrent de nouveaux bâtiments dont le premier président de Montholon posa la première pierre, ainsi que l’a constaté une inscription gravée sur cuivre, qui fut mise sous cette pierre le 24 août 1775. Les dépendances de ce couvent, dont la construction était à peine achevée à la révolution de 1789, sont occupées aujourd’hui par l’hôtel des Augustins et par les magasins des subsistances militaires. L’église sert actuellement de magasin pour le commerce. Son clocher a été démoli en 1825 ; il avait été fortement endommagé par un coup de vent qui renversa sa flèche, le 24 février 1773. ― L’ancien portail a été masqué, vers la fin du 17e siècle, par un portail moderne à colonnes, qui subsiste encore.

La fontaine des Augustins fut établie en 1531 ; elle est alimentée par la source de Darnétal.

On donna, en 1794, à la rue des Augustins le nom de rue des Montagnards, puis celui de la rue Carmagnole ; elle reprit, en 1795, son ancienne dénomination.

Aumône (rue de l’).

C’est actuellement la rue des Fossés-Louis VIII depuis la rue de la Poterne jusqu’à celle des Carmes ; à partir de cette dernière rue jusqu’à celle du Loup, elle a reçu, en 1842, le nom du peintre du naufrage de la Méduse (V. rue de Géricault).

Avant de recevoir les dénominations qu’elle porte aujourd’hui, la rue de l’Aumône avait été divisée en deux parties, savoir : la grande rue de l’Aumône, quelquefois nommée aussi la rue de la Fontaine, et la petite rue de l’Aumône.

Il est supposable que l’ancienne fontaine dite de Saint-Lô était placée autrefois dans le voisinage de la rue de l’Aumône, car dans un acte de 1499 elle est appelée : la rue descendant de la fontaine Saint-Lo vers l’hôtel de la rue de la Poterne. Une autre fontaine, qui fut établie en 1540, était située près de l’ancienne chapelle de Saint-Philbert, et a été remplacée, en 1859, par une

borne en fonte posée contre une maison voisine de la rue des Ciseaux.

Les dépendances des hôtels de Beaubec et de Valmont se prolongeaient encore au commencement du 16e siècle jusqu’à la rue de l’Aumône, dans laquelle il y avait aussi une porte de sortie à l’usage du prieuré de Saint-Lô. Le manuscrit des Fontaines indique, en effet, l’existence de cette porte de Saint-Lo en la rue de l’Omosne.

Au carrefour formé par la rue des Carmes et la rue de l’Aumône, était placée, au temps du premier agrandissement de la ville, la porte de Sainte-Appoline, du nom d’une chapelle voisine. Vers la même époque se trouvait, à une autre extrémité de la rue, proche l’abbaye de Saint-Amand, une autre porte de la ville, appelée Saint-Léonard, également du nom d’une chapelle dépendant de cette abbaye.

En 1817, on donna à la première partie de la rue de l’Aumône le nom de rue des Fossés-Louis VIII, mais il semble regrettable, sous un double rapport, que l’on n’ait pas conservé sa dénomination primitive à la dernière fraction de l’une des plus anciennes rues de Rouen1, qui rappelle un souvenir historique remontant au 13e siècle. (Voyez rue des Fossés-Louis VIII.)

Quels que soient donc les motifs qui ont déterminé l’administration municipale à retirer son nom primitif à une rue qui fut déshonorée pendant longtemps par une population immonde, qu’un sage parti a éloignée de ce quartier, nous pensons que d’autres rues que celle de l’Aumône auraient pu lui disputer l’honneur de porter le nom de Géricault, qui aurait pu être appliqué, avec beaucoup plus d’à-propos, à la rue de l’Avalasse, dans laquelle est né le peintre de la Méduse.

Quant à la dénomination de rue de l’Aumône, si l’on tenait absolument à la supprimer, nous croyons qu’on aurait dû la remplacer par celle de rue Saint-Léonard, du nom de l’ancienne porte qui fermait la ville de ce côté, au 10e siècle.

On donna, en 1794, à la rue de l’Aumône le nom de rue de l’Humanité. Son premier nom lui fut rendu en 1795 ; c’est particulièrement à cette époque que l’on avait scindé la rue par les désignations de grande et petite rue.

Autruche (rue d’).

Une rue de ce nom est citée par Taillepied et dans les Beautez de la Normandie, comme étant située dans le quartier de Saint-Hilaire Nous n’avons pu découvrir aucun autre renseignement à ce sujet.

Avalasse (rue de l’). = Boulevard Beauvoisine, route de Neufchâtel. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Bouvreuil.

Cette rue, située au pied de la côte du Champ-du-Pardon, reçoit les eaux ou « avalasses » de cette côte et celles de la route de Neufchâtel1. C’est de là qu’elle tire son nom, qui avait été défiguré en 1818, lors du renouvellement de l’inscription des rues et du nouveau numérotage des maisons de la ville. On avait écrit rue de la Vailasse2. On lit aussi rue de la Valasse dans les Aff. de Normandie (années 1762 à 1766).

C’est peut-être cette rue que désigne Taillepied sous le nom de rue Qui-Avalle, et dont il indique la situation du côté de la porte Cauchoise. Nous ne saurions, au reste, l’affirmer, car la nomenclature qu’il donne, pas plus que celles de l’Histoire de Rouen et du Flambeau astronomique, ne comprend aucune des rues situées dans les faubourgs.

Un acte de tabellionage du 22 mars 1506 fait mention d’une rue désignée sous le nom de Cavée-de-la-Justice ; cet acte concerne un héritage situé hors de la porte Bouvreuil, en la rue de Bouvreuil (nom que portait alors la rue du Champ-des-Oiseaux). Un autre acte du 19 septembre 1520 fait mention d’une maison sise hors des murs, en la rue qui mène de dessus les fossés de Bouvreuil au mont de la Justice, b. d’un bout le dit chemin, d’autre bout la ruelle qui mène de la dite rue en la grande rue de Bouvreuil (probablement la petite rue de l’Avalasse). Enfin, dans un autre acte de 1527, il est aussi parlé d’un chemin tendant à la Justice. Ces dénominations semblent s’appliquer à la rue de l’Avalasse, qui conduisait au mont de la Justice, communément appelé la côte du Gibet ou des Pendus, nom que l’on donnait au lieu patibulaire où se faisaient les exécutions criminelles3,

sur le sommet de la côte du Boisguillaume. (V. rue du Champ-du-Pardon.)

Une inscription qui a été placée en 1842 sur la maison no 13 de la rue de l’Avalasse, indique que là était celle où naquit le peintre Géricault le 26 septembre 1791, mort à Paris le 26 janvier 1824. Pour honorer la mémoire du célèbre peintre de la Méduse, on eût été plus heureux en donnant son nom à la rue de l’Avalasse, plutôt qu’à la petite rue de l’Aumône, dont le nom, d’ailleurs, rappelait un souvenir historique.

Avalasse (petite rue de l’). = Rue de l’Avalasse, rue du Champ-des-Oiseaux. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Bouvreuil.

Elle tient son nom de sa proximité de la rue de l’Avalasse. (Voyez ci-dessus.)

Avenelle (cour). = Rue du Lieu-de-Santé, rue Stanislas-Girardin. ― 12e section, 5e canton, la Madeleine. ― Faubourg Cauchoise.

On appelle ainsi, probablement du nom d’un propriétaire, une cour ou passage qui communique de la rue du Lieu-de-Santé à la rue Stanislas-Girardin. On lui donne aussi communément le nom de cour ou de passage de la Pompe.

On y remarque un immense corps de bâtiment de construction ancienne, dont l’aspect indique une destination assez importante. C’est là qu’était, en effet, un de ces lieux d’évent où l’on envoyait les convalescents de l’ancien Hôtel-Dieu, pour leur faire respirer un air plus pur en dehors de la ville, et où l’on déposait les habits et meubles des pestiférés pour illec les laver et mondifier1, l’insuffisance de ce local rendit bientôt nécessaire la création de nouveaux lieux d’évent, antérieurement à la fondation de l’Hôtel-Dieu actuel.

Telle est l’origine du nom donné à la rue du Lieu-de-Santé, (Voyez Hôtel-Dieu, rue du Lieu-de-Santé.)

Plus récemment, les parties basses de ce vaste local, aujourd’hui à usage de magasin, furent occupées par des tisserands qui, avant l’invention des parements pour encoller les étoffes, étaient condamnés à travailler dans des endroits sombres et humides.

Avirons (rue des). = Rue des Crottes, rue Malpalu. ― 6e section, 3e canton, Saint-Maclou. ― Quartier S.-E.

Ce nom fut donné, en 1794, à une ancienne rue aux Moignes ou aux Moines, dont il est fait mention dans des actes de tabellionage de 1421 et de 1481, probablement appelée ainsi à cause de l’hôtel des Religieux de Sainte-Catherine, qui était dans le voisinage. On lui donnait aussi le nom de rue des Trois-Avirons, provenant d’une enseigne. Il est fait mention, en effet, dans un acte du 5 octobre 1541, d’une maison en la rue Malpalu, bornée des deux côtés par deux ruelles tendant de la rue Malpalu à la rue des Crottes, et d’un bout par Jean Lerat, à cause de sa maison où pend l’enseigne des Avirons. Ces deux ruelles sont la rue des Avirons et celle du Nouveau-Monde.

― Une autre rue des Avirons est citée dans un acte de 1656, comme ayant existé dans la paroisse de Saint-Godard.

Avirons (place et impasse des). = Rue des Avirons, rue du Nouveau-Monde. ― 6e section, 3e canton, Saint-Maclou. ― Quartier S.-E.

C’est une très petite place qui tient à la rue du même nom. L’impasse des Avirons était également connue sous le nom de cul-de-sac du Haut-Jardin, nom qui provenait d’un jardin élevé en forme de terrasse, qui avait jadis son entrée dans cette impasse.

Bac (rue du). = Quai Napoléon, place de la Calende. ― 7e section, 3e canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-E.

Elle se compose actuellement de la rue du Bac proprement dite, et de celle des Pannetiers, qui lui a été réunie.

La porte et la rue du Bac étaient appelées anciennement porte et rue de Saint-Cande-sur-Rive, du nom de l’église collégiale et paroissiale qui avait reçu ce surnom à cause de sa position près de la Seine. Cette église, qui relevait du diocèse de Bayeux et était située entre la rue de la Savonnerie et la place du Gaillardbois, était, dans son origine, la chapelle des premiers ducs de Normandie, dont le château, détruit au commencement du 13e siècle, occupait une partie de la place de la Basse-Vieille-Tour, et venait très près de l’église de Saint-Cande. (Voyez au mot Vieille-Tour.) On communiquait de la chapelle aux dépendances du château par une large galerie voûtée, qui a été dé-

molie en 15081, par ordonnance de l’Échiquier, et dont on voyait encore quelques vestiges dans le siècle dernier.

On avait donné, pour cette raison, à la rue du Bac le nom de rue du Sollier, et à l’église celui de Saint-Cande-du-Sollier2, qu’elle porta jusqu’à l’époque où elle fut appelée Saint-Cande-le-Vieux, pour la distinguer de l’église de Saint-Cande-le-Jeune, qui était située dans la rue aux Ours.

Farin raconte les circonstances dans lesquelles ces deux paroisses reçurent ces dénominations. En 1562, les calvinistes, qui s’étaient emparés de Rouen, commirent de grands excès et pillèrent les églises. Ayant emporté les reliques de saint Cande, dont étaient dépositaires les chanoines de Saint-Cande-du-Sollier, ils allumèrent un grand feu sur la place où avait été édifiée la chapelle Saint-Victor, et y jetèrent les reliques ; mais les flammes se retirèrent, et les reliques furent préservées, puis reportées sur l’autel d’où elles avaient été soustraites. Ce serait depuis cette époque que, par ordre du pape, la chapelle Saint-Victor aurait reçu le nom de Saint-Cande-le-Jeune, et que le nom de Saint-Cande-le-Vieux aurait remplacé celui de Saint-Cande-du-Sollier.

Néanmoins, malgré l’assertion de Farin, l’on trouverait la preuve que la dénomination de Saint-Cande-le-Vieux est plus ancienne, puisqu’un acte de tabellionage de 1481 ne désigne la rue du Bac que par ces mots : la rue venant de la Calende à Saint-Cande-le-Vieil3.

L’église de Saint-Cande, qui avait été détruite par un incendie en 1210, fut rebâtie peu après. Elle a été supprimée en 1791, puis démolie pendant la révolution. Ses vitraux, qui étaient remarquables, furent achetés par un hollandais, et transportés à Norwich.

En 1564, la rue et la porte Saint-Cande reçurent les noms de rue et porte du Bac, parce qu’à cette époque le passage sur l’ancien pont de pierre ne présentant plus de sûreté, on établit vis-à-vis de la porte deux bacs pour traverser la Seine. Ce fut

par ces bacs et par la porte que Henri IV arriva à Rouen, en 16031.

La porte du Bac a été démolie en janvier 1816. Cette mesure était devenue nécessaire pour l’élargissement, le redressement et le nivellement des quais. Elle avait été édifiée en 1615, à la place d’une ancienne porte qui menaçait ruine. C’était un monument remarquable par sa masse imposante et par le style particulier de son architecture2. Le peintre Descamps, conservateur du Musée, fit hommage à l’Académie des Sciences de Rouen d’un dessin représentant une des façades de cette porte, dont M. Aug. Leprevost a donné une description dans le Précis des travaux de l’Académie pour 1817.

Une inscription qui avait été mise sur la porte du Bac en 1740 indiquait la hauteur à laquelle les eaux avaient monté dans cet hiver mémorable.

Pendant les troubles qui éclatèrent si fréquemment dans notre ville, un personnage nommé Mutel de Boscroger fut tué à la porte du Bac et y fut laissé nu, sanglant et gisant dans la fange3.

Le plan de Gomboust, de 1655, présente au bas de la rue du Bac, vers celle des Tapissiers et en face de l’église de Saint-Cande, deux corps de bâtiments en pierre d’une étendue assez considérable et qui paraissent exister encore. L’un de ces bâtiments est appelé « la Sucrie » dans la nomenclature qui est jointe au plan. D’après M. l’abbé Ouin-Lacroix, il aurait été formé à Rouen, vers 1695, plusieurs raffineries de sucre, mais celle de la rue du Bac existait antérieurement.

Il y a encore dans cette rue plusieurs maisons remarquables ; l’une d’elles est en pierres, et chargée de sculptures et de bas-reliefs assez curieux4.

Bailliage (rue du). = Rue Bouvreuil, rue de l’Impératrice. ― 8e section, 2e canton, Saint-Godard. ― Quartier N.-O.

Cette rue a été élargie et alignée depuis 1860, ou plutôt l’ancienne rue du Bailliage a été remplacée par une rue nouvellement ouverte, dans laquelle il ne reste plus, en quelque sorte,

sur pied qu’une maison dépendant de l’hôtel que M. de Becdelièvre, premier président de la Cour des Aides, fit bâtir en 1657.

La rue avait pris son nom de la baillie de Rouen, érigée en 1191, qui reçut en 1360 la dénomination de Bailliage. La grande salle où se tenaient les assises, et qui n’existe plus, avait été reconstruite en 15881, et avait son entrée vis-à-vis la rue de la Truie, qui a été récemment supprimée. Là se tenaient aussi les séances du Présidial et de la Vicomté de Rouen.

La geole et la conciergerie du Bailliage2, où était la principale prison de la ville, et qu’on appelait en 1544 la maison de pierre, occupait, en 1655, l’emplacement où subsiste encore la maison que l’on voit au coin des degrés de la rue Faucon3. Cette prison fut supprimée plus tard et transférée dans les bâtiments du Bailliage appelés la Cohue4, où elle fut conservée à sa destination jusqu’à la fin du siècle dernier. Une partie de cette prison était appelée le Luxembourg, sans doute du nom du gouverneur de la province5. De l’autre côté de la rue, au pied de l’escalier, était la Morgue, qui fut établie dès le milieu du 17e siècle ; il y avait aussi une fontaine qui avait commencé à prendre son cours en 1537, et devant laquelle était une petite place nommée le carrefour du Château, dont une des entrées donnait sur cette place. La fontaine, qui était appelée anciennement la fontaine du Bailliage et du Château, a été reportée au bas de la rue Bouvreuil, près du jardin de Solférino.

On donna, en 1794, à la rue du Bailliage le nom de rue de l’État-civil ; son ancienne dénomination lui fut rendue en 1795.

Bains publics, chauds et froids.

Au commencement du 19e siècle, il n’y avait à Rouen qu’un seul établissement de bains chauds ; il était placé au-dessous du

pré au Loup. Il en existe actuellement trois, savoir : les bains Thillard ou de la Comédie, dans la rue de ce nom ; les bains Corneille, sur le boulevard Cauchoise ; les bains Français, à l’entrée de l’île de la Croix. Nous parlerons ailleurs des anciennes Étuves (voyez ce mot).

Deux établissements de bains et lavoirs publics, à prix réduits, ont été créés en outre, en 1849 et en 1850, par des sociétés de souscripteurs : pour les hommes, dans la rue Saint-Vivien ; pour les femmes, dans la rue du Gril, actuellement la rue Ambroise-Fleury. Dès la fin du dernier siècle, des mesures, qui restèrent sans résultat, avaient été ordonnées pour la création de bains publics et gratuits, pour les deux sexes.

Le nombre des entreprises de bains chauds était devenu plus considérable ; on en comptait au moins huit en 1825. Celui des Écoles de natation a augmenté depuis plusieurs années. Il en existe actuellement cinq, dont trois pour les hommes, et deux pour les femmes. Elles sont situées à l’avenue du Grand-Cours (bains du galet) et dans les îles de la Croix et du Petit-Gay.

Banque de France, succursale de Rouen.

L’ancienne Banque de Rouen, dont la première création date du 24 avril 1798, fut de nouveau autorisée par une ordonnance royale du 7 avril 1817, en remplacement d’un comptoir d’escompte que la Banque de France venait de supprimer. Cet établissement siégea successivement dans la rue des Iroquois (actuellement la rue Jacques-Lelieur) et sur la place Saint-Éloi. Il devint, vers 1849, une des succursales de la Banque de France, et occupe un hôtel dans la rue de l’Hôtel-de-Ville, depuis l’ouverture de ce nouveau quartier.

Bapaume (rue ou route de). = Avenue du Mont-Riboudet, la Campagne vers Canteleu. ― 12e section, 5e canton, la Madeleine. ― Faubourg Cauchoise.

Cette rue conduit de l’avenue du Mont-Riboudet au hameau de Bapaume, qui fait partie de la commune de Canteleu.

Barbacane (place de la).

Elle fait actuellement partie de la place Saint-Sever.

Barbacane1, en vieux langage, signifie « sentinelle. » On don-

nait aussi ce nom à un parapet ou à la partie élevée d’un mur ; à une fente pratiquée dans les murs d’une fortification, pour tirer à couvert sur les assaillants ; à une cloison de planches ou de pieux, placée devant les murailles et les portes d’une ville.

Il y avait, au bout de l’ancien pont de pierre, un petit château fort qui avait été bâti, en 1419, par Henri V roi d’Angleterre, à la place d’un petit fort appelé Barbacane, construit en palissades : ce fort existait en 1204, et tomba au pouvoir de Philippe-Auguste. Le pont de la Barbacane est cité dans un cartulaire normand à la date de 1260. Il était fermé, au 14e siècle, par une porte à double pont-levis, appelée la porte du Bout-du-Pont.

Le petit château qui succéda à ce fort était isolé dans une île au bout du pont, et portait quelquefois le nom de porte du Pont. Les navires qui montaient au quai du Cours-de-la-Reine faisaient le tour du Petit-Château, et un pont-levis faisait la séparation des bassins de la Seine.

Il avait été employé à divers usages. En 1557, est-il dit dans un acte de tabellionage, celui qui était capitaine en titre du château et fort du bout du pont, le loua à un tapissier avec tous les droits et profits y attachés, à la charge d’ouvrir et fermer les portes aux heures accoutumés, et en se réservant dans les dits château et fort une seule chambre, pour le cas où il y désirerait venir quelquefois. En 1630, un des entrepreneurs de la construction du pont de bateaux se mit à démolir les boulevards du château du pont de Rouen ; il lui fut défendu de continuer. La ville en avait acquis la propriété en 1619, dans l’intention de faire servir ses matériaux aux travaux du nouveau pont ; mais ce projet fut abandonné. Le gouverneur de la province en reprit possession en 1764, jusqu’au moment où la ville obtint de nouveau la permission de le démolir, ce qui eut lieu en 1778, et la place qu’il occupait fut nivelée en 1780.

M. Ouin-Lacroix fait mention de l’établissement, en 1731, au Petit-Château, d’une fabrique d’étoffes brochées, industrie qui passa ensuite dans l’intérieur de la ville1. Il y eut là aussi un maître teinturier. Enfin, les Affiches de Normandie, de 1773, annonçaient à louer un corps de logis dans le Petit-Château.

Barbet (rue du). = Rue Napoléon III, rue Eau-de-Robec. ― 6e section, 3e canton, Saint-Maclou. ― Quartier S.-E.

Cette rue s’appelait primitivement rue du Barbel1, et était même quelquefois désignée sous le nom de Bardel. On en aura fait la rue du Barbet. Ce nom devait provenir d’une enseigne. Il y avait aussi, au 15e siècle, des enseignes du Barbet ou du Barbel, dans la rue aux Ours.

Par un acte du 23 décembre 1526, nous voyons que la rue portait également, à cette époque, le nom de rue au Sac, qui était aussi donné à la rue du Varvot et à celle du Chaudron.

Barbiers (rue des).

Cette rue, qui était située derrière les murs de l’Archevêché, entre le bas de la rue des Bonnetiers et la rue Saint-Romain, a été supprimée pour l’ouverture de la rue Impériale. Elle avait reçu son nom des barbiers ou perruquiers qui l’habitaient. Plusieurs actes de tabellionage de 1462 à 1480 la mentionnent sous le nom de rue aux Barbiers. En 1460, on ne la désignait pas autrement que par ces mots : la rue derrière l’hostel archiépiscopal.

La rue des Barbiers a porté également le nom de rue de la Petite-Crosse, qui venait d’une enseigne de cabaret. Elle est indiquée sous cette dénomination dans le Flambeau astronomique et dans la nomenclature de Du Souillet.

Il y avait dans cette rue un lieu qu’on appelait : les Estables aux chevaulx ; c’était sans doute une auberge pour la garde des chevaux qui venaient en ville apporter des provisions pour le marché.

Barcelone (rue de). = Rue du Pré, route de Caen. ― 11e section, 6e canton, Saint-Sever. ― Faubourg Saint-Sever.

Nous ne connaissons pas l’origine du nom de cette rue, qui est inscrite sur un plan de 1782. Il est probablement dû au séjour, dans ce quartier, de quelque famille espagnole.

Barfort (rue de).

Nous trouvons, dans les registres du tabellionage, ce nom écrit de différentes manières : Barfort, Barrefort, Barfol et

Barsot. Nous croyons qu’il doit s’appliquer à l’emplacement où fut établi le boulevard Bouvreuil, actuellement le boulevard Jeanne-d’Arc. Un acte du 14e siècle1 cite une rue Barsot près de Saint-Patrice, le long du Mont-aux-Juifs, nom que l’on donnait à la partie du faubourg Bouvreuil qu’occupe la rue Saint-Maur ; d’autres actes, de 1423 et 1424, mentionnent des maisons assises en Barfor, sur le chemin de Barfol, au lieu dit Bouvreuil ; puis, dans des actes de 1491 et 1493, on lit la mention de jardins assis hors et près de la porte Bouvreuil, bornés d’un côté par la rue de Barrefort, d’autre côté par la rue Bouvreuil, et d’un bout par un carrefour de devant la dite porte, ou départant les deux rues. Enfin, dans des actes de 1507 et de 1521, il est question d’héritages limités par la rue de Barfort et par le clos aux Archers, ou par le chemin des buttes des Archiers, qui, ainsi que nous l’indique un plan de 1784, était situé à l’encoignure de la rue du Petit-Bouvreuil (actuellement la rue Ernest-Leroy), sur le boulevard.

Quant à l’étymologie de ce nom, nous ne savons à quelle origine on doit l’attribuer. Farin dit qu’il était donné à l’une des tours du Vieux-Château, près de laquelle était la source de la fontaine de Notre-Dame ou de Saint-Amand ; or, l’une de ces tours, appelée le Beffroy, a donné son nom à la rue voisine. En rapprochant de cette circonstance celle des contractions que subissaient, au moyen-âge, certains mots sous la plume du scribe, on serait autorisé à croire que Barfort et Beffroy, ainsi que leurs variantes, pourraient avoir la même signification.

Barillets (ruelle aux).

Il est fait mention d’une petite rue de ce nom dans un acte de tabellionage du 7 janvier 1521, concernant une allée tendant à la rue de la Croix-de-Pierre, bornée d’un côté par la ruelle aux Barillets, d’un bout l’Eau-de-Robec, etc. Il se pourrait que ce fût un ancien nom de la rue Godard, qui a été supprimée pour l’ouverture de la rue Édouard-Adam. ― Ce nom a quelque rapport avec celui du ruisseau des Baillettes, dont il est parlé à l’article de la rue Mollien, ancienne rue du Bas. ― Mais il paraît venir d’une enseigne représentant trois petits barils, qu’on voyait

il y a quelque temps sur la clé de voûte de la porte d’une maison, dans la rue Eau-de-Robec.

Barrée (rue). = Rue du Renard, rue Chasselièvre. ― 12e section, 5e canton, Saint-Gervais. ― Faubourg Cauchoise.

Elle a été nommée ainsi à cause des barrières qui avaient été placées à chaque extrémité lors de son ouverture, et qui ont continué d’exister.

Bas (rue de). = Rue Stanislas-Girardin, place Saint-Filleul. ― 12e section, 5e canton, la Madeleine. ― Faubourg Cauchoise.

Cette rue a pu prendre son nom de sa position au-dessous de la rue du Renard.

On voit dans le manuscrit des Fontaines, de 1525, qu’il existait près d’Yonville une rue de Bastême. La rue de Bas, qui se dirige de la ville vers la source de Saint-Filleul, pourrait être cette rue de Bastême, dont on n’aurait conservé que la première syllabe. Cette opinion est celle de M. J. Thieury, qui ajoute : la source d’Yonville, autrement dite de Saint-Filleul, est le premier baptistère de nos contrées. Cette assertion se trouve confirmée, d’abord, par le nom de Saint-Filleul, évêque métropolitain de Rouen, trésorier des finances de Clotaire Ier, roi de Soissons, puis par la situation de cette source au-dessous du premier cimetière chrétien ; enfin, c’est la seule des sources de Rouen qui porte un nom de saint.1

Basnage (rue des). = Rue Ganterie, rue de l’Hôtel-de-Ville. ― 8e section, 2e canton, Saint-Godard. ― Quartier N.-O.

Ouverte en 1860 pour établir une communication, par la rue Percière, entre la place du Marché-Neuf (maintenant la place Verdrel) et la rue de l’Hôtel-de-Ville, où elle aboutit en face du jardin de Solférino, cette rue occupe l’emplacement de l’ancienne rue des Hermites.

On lui a donné le nom de savants jurisconsultes nés à Rouen au 17e siècle, dans la rue de l’Écureuil (voyez ce nom), et que M. A. Floquet a fait connaître dans une intéressante notice publiée par l’Académie des Sciences de Rouen, en 1843. Basnage père, né à Sainte-Mère-Église, près de Carentan, mourut à Rouen

en 1695. Ses fils, le pasteur Jacques Basnage, et l’avocat Henri Basnage de Beauval, naquirent à Rouen, le premier en 1653, le second en 1659.

Bassesse (rue). = Rue Saint-Hilaire, rue du Mont. ― 3e section, 4e canton, Saint-Vivien. ― Quartier N.-E.

D’anciens ouvrages et plusieurs actes de tabellionage la désignent sous les divers noms de Bassesse1, Bafesse2, Bas-fesse et Basse-fesse3, dénomination indiquée par Taillepied et encore donnée à la rue en 1756. On lit rue de la Bassesse sur plusieurs plans et dans Farin4. ― Elle a dû porter aussi le nom de Porche-Malandrin, et l’on y trouve encore le passage du Porche-Carpentier. Enfin, on donna à cette rue, en 1794, le nom de rue de l’Escadron.

D’anciens plans représentent la rue Bassesse comme se prolongeant jusqu’au mur d’enceinte de la ville, c’est-à-dire jusqu’au boulevard actuel, mais elle se termine réellement à la hauteur de la rue du Mont, en face de l’impasse Hérisson.

Basse-Vieille-Tour (place de la). = Rue des Tapissiers, rue de la Raquette et rue Impériale. ― 7e section, 3e canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-E.

Cette place est séparée de celle de la Haute-Vieille-Tour par les bâtiments de la halle aux toiles et par les maisons qui y sont adossées. (Voyez au mot : Vieille-Tour.) Elle porta pendant quelque temps le nom de place de l’Abondance, qui lui fut donné vers 1793.

En 1509, la Basse-Vieille-Tour fut désignée pour y vendre à l’avenir le hareng saur et le fruitage qu’on vendoit à la Calende.

La maison portant sur cette place les nos 25 et 27 remplace celle qui renfermait autrefois le bureau de la marque des maîtres cordiers de Rouen. Sa construction datait du 15e siècle5.

Battoir (rue du).

Cette rue a été supprimée pour l’ouverture de la rue Napoléon III.

Nous ignorons si elle avait pris son nom d’un battoir à lessive ou d’une espèce de palette pour jouer à la paume, qui aurait servi d’enseigne. Les jeux de paume qui existaient anciennement dans ce quartier donnent assez de vraisemblance à cette dernière supposition.

D’après les anciens plans de 1655 et de 1724, cette rue n’aurait fait qu’une avec celle des Trois-Cornets, sous cette dernière dénomination.

Beaurepaire (ferme de).

On appelle ainsi la ferme dite précédemment le Grand-Châtelet, sur la côte des Sapins. Le lieu où elle est placée était connu au 15e siècle sous le nom de hamel de Beaurepaire. ― On donna en 1794, aux rues ou sentes qui conduisent à cette ferme, les noms de rue du Mans et de rue de la Sarthe, qu’elles portèrent jusqu’en 1795.

En vieux langage, « beau repère » signifie beau logis, belle retraite.

Beauvoisine (faubourg).

Ce faubourg était originairement connu sous le nom de Sainte-Appoline, parce que, dans les premiers siècles, il commençait près de la chapelle de ce nom, au carrefour de la Crosse (voyez rue des Carmes). ― On l’appela plus tard Aubevoie1 et enfin Beauvoisine, à cause du pays de Beauvoisis, ancienne province dont Beauvais est la capitale.

Le faubourg de Beauvoisine s’est trouvé reculé progressivement à mesure que l’enceinte de la ville a pris de l’accroissement ; il en est actuellement séparé par les boulevards, et comprend, outre la côte qui porte son nom et que traverse la route de Neufchâtel, le Champ-du-Pardon et une partie de la côte appelée anciennement le Mont-de-la-Justice, parce qu’il avait été choisi pour les exécutions criminelles, et que là étaient placées

les fourches patibulaires1. Il comprend aussi la côte de Bihorel, placée à droite de la route de Neufchâtel, et celle des Sapins, qui fait la limite entre le faubourg Beauvoisine et celui de Saint-Hilaire.

Le faubourg Beauvoisine est très vaste. Il renferme un assez grand nombre de rues nouvellement ouvertes et peuplées de maisons avec jardins et terrasses qui couvrent presque tout le territoire limité par les villages voisins. Depuis peu d’années les quartiers du Champ-du-Pardon, de la côte d’Ernemont, du Val-de-la-Jatte (voyez ces noms), se sont beaucoup développés ; la cité de Jeanne-d’Arc2 a pris naissance dans les fonds de Bihorel ; leur population se confondra bientôt avec celle des hameaux dépendant de la commune du Boisguillaume, qui viennent d’être dotés d’une jolie église3 dédiée en 1868 sous le vocable de Notre-Dame-des-Anges. Ces hameaux sont connus sous le nom de la Californie, nom dont il serait difficile de préciser l’origine, à moins que de constater que leur création date de l’époque où la fièvre de l’or entraînait vers ce pays lointain de nombreux aventuriers. Une origine plus triviale est donnée par quelques personnes au nom de ce quartier, où l’on trouve à profusion les cailloux en silex nécessaires pour entreprendre les constructions et les clôtures : on disait vulgairement les « Cailloux fournis, » pitoyable jeu de mots dont on aurait fait la Californie.

De nombreuses constructions sont venues à la longue prendre position sur les hauteurs qui dominent Rouen de la façon la plus pittoresque. Depuis que la création des nouveaux quartiers de la ville et que l’ouverture de larges rues ont forcé beaucoup d’habitants de se réfugier au dehors, cette partie de la population s’est répandue sur les côtes naguère couvertes de pâturages. Bientôt elle appellera de tous ses vœux la formation d’un marché, où elle puisse venir faire ses approvisionnements.

On donna en 1794, au faubourg et à la rue Beauvoisine, les noms de quartier et de rue de Lille ; leurs anciennes dénominations leur furent rendues en 1795.

Dans le parcours de tout le quartier Beauvoisine et jusque sur les hauteurs de Bihorel, où passait le chemin d’Aubevoie, on a trouvé à diverses époques des poteries et des monnaies romaines, des verreries et des bronzes antiques. M. l’abbé Cochet désigne sous le nom de la Voie blanche le chemin tendant de la rue d’Aubevoie ou Beauvoisine à la colline dont la côte d’Ernemont fait partie1 ; il dit que ce chemin était bordé de sépultures, et qu’en 1852 on a trouvé dans l’enclos d’Ernemont un cimetière romain des 4e et 5e siècles. On donne encore vulgairement le nom de la Côte blanche à la partie la plus élevée de la rue d’Ernemont qui aboutit à la route tendant à Beauvais. Cette dénomination est due à la nature du sol crayeux que ce chemin traverse, et dont la couleur est blanche.

Beauvoisine (boulevard). = Rues des Capucins et d’Ernemont, rues Bouvreuil et du Champ-des-Oiseaux ― Pour les nos pairs, 4e section ; pour les nos impairs, 2e et 5e section de la rue des Capucins à la place Beauvoisine ; 8e section jusqu’à la rue Bouvreuil ; 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Beauvoisine.

Ce boulevard, qui fut établi au 15e siècle dans le fossé de la ville désigné sous ce nom, fut appelé alors le fort Saint-Louis. ― On donna, en 1794, le nom de boulevard de Lille à la portion du boulevard qui allait de la place Beauvoisine à Bouvreuil, et celui de boulevard de la Convention à la partie tendant de cette même place à Saint-Hilaire.

C’est par cette porte que Louis XVI avait fait son entrée à Rouen, au lieu d’aller par la rue Grand-Pont. Elle était très élevée et commençait à menacer ruine.

On a découvert en 1856, sur la place, vis-à-vis la rue Bras-de-Fer, en exécutant les fouilles nécessaires pour l’ouverture d’un aqueduc, des restes assez considérables de l’ancienne fortification. Cet aqueduc débarrasse la rue Beauvoisine des torrents dont elle était inondée en temps d’orage. Il est dirigé vers celui qui est établi sous les boulevards de Jeanne-d’Arc et de Cauchoise.

La place Beauvoisine a reçu en 1774, comme le faubourg, le nom de place de Lille, qu’elle conserva jusqu’en 1795.

Beauvoisine (rampe). = Rue d’Ernemont, place du Boulingrin. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Beauvoisine.

On appelle ainsi la rampe qui domine le boulevard tendant de la place Beauvoisine au boulevard Saint-Hilaire. On lui donnait, au commencement du 19e siècle, la dénomination du Haut-Boulevard.

Beauvoisine (rue). = Le carrefour de la Crosse au haut de la rue des Carmes, la place Beauvoisine. ― 5e section pour les nos pairs ; 8e section pour les nos impairs ; 2e canton ; paroisses : Saint-Ouen pour les deux côtés de la rue jusqu’à la rue Beffroy, ensuite, les nos pairs ; Saint-Godard, pour les nos impairs entre la rue Beffroy et la rue Neuve-Beauvoisine ; Saint-Romain, entre cette dernière rue et la place.

La rue Beauvoisine n’existait pas encore au 5e siècle, alors que la ville de Rouen était renfermée dans les murs de sa première enceinte, entre la porte Grand-Pont qui était placée près de la rue du Petit-Salut, et une autre porte située au haut de la rue des Carmes1, dite porte de Sainte-Appoline ou de Saint-Appolinaire, du nom d’une chapelle qui dans la suite a fait place à l’église des Carmes. Il n’y avait qu’un chemin appelé Aubevoie, qui allait joindre directement la montagne au nord de la ville, en passant le long de la Rougemare2.

Vers l’an 1200, une nouvelle porte fut construite près du carrefour du Coq1 et de la rue de la Seille. Elle fut appelée la porte d’Aubevoie ou de la Rougemare2. La rue qui partait de celle des Carmes prit le nom de rue Beauvoisine, à cause de sa position sur le chemin conduisant à Beauvais ou au pays de Beauvoisis.

Lorsqu’on remplaça en 1254, cette porte d’Aubevoie par celle qui était encore debout à la fin du 18e siècle, cette dernière porte reçut le nom de porte Beauvoisine, et le même nom fut donné à la rue entière à partir du carrefour de la Crosse : Item et du bout d’icelle rue des Arsins, est-il dit dans un rôle de la fabrique de Saint-Ouen de cette époque, toutes les maisons qui sont en alant parmi la rue Saint-Ouen à la rue Beauvoysine jusques à la chapelle3 de l’ospital du Roy estant en icelle rue Beauvoysine.

Néanmoins le nom d’Aubevoie était encore donné à la partie supérieure de la rue Beauvoisine dans les actes de tabellionage du 15e siècle. La même désignation se retrouve encore dans des chartes du 13e siècle4, presque en même temps que celle de la rue Beauvoisine, rue par laquelle on allait de la porte Bouvreuil à celle qui arrive à la hauteur de l’église Saint-Godard5. Nous trouvons le nom de la rue d’Aubevoie sur la paroisse Saint-Godard, mentionné dans un acte de tabellionage de 1419. Un autre acte, du 13 mars 1487, concerne une maison sise dans la rue d’Aubevoie, anciennement dicte la rue de Beauvoisine, bornée d’un bout une ruelle tendant de la ruelle du Camp-des-Barres à la Rougemare. Enfin le reg. du tabellionage de 1400 à 1403 contient encore la mention d’une rue allant de la porte d’Aubevoie au champ du Pardon.

La rue Beauvoisine, avec celles des Carmes et Grand-Pont6,

traverse la ville du nord au sud, et se croise à la Crosse avec les rues des Bons-Enfants, Ganterie, de l’Hôpital, des Faulx, Saint-Vivien et Saint-Hilaire, qui traversent la ville de l’ouest à l’est. À ce moyen, Rouen se trouve divisé en quatre grands quartiers qui ont pour limite centrale le carrefour de la Crosse.

Il y avait, avant 1792, dans la rue Beauvoisine deux communautés religieuses, savoir : les Religieuses de la Visitation de Sainte-Marie et les Bénédictines de Bellefonds.

Les dames de la Visitation de Sainte-Marie arrivèrent à Rouen en 1630. Elles se logèrent d’abord près du monastère des Minimes, ensuite au haut de la rue Beauvoisine, où elles fondèrent leur premier monastère dans l’emplacement connu sous la dénomination d’enclave de Sainte-Marie. Cet emplacement, où l’on renferma pendant la Révolution, après la suppression des monastères, les religieuses insermentées1, est occupé par le Musée départemental d’Antiquités qui fut institué par un arrêté préfectoral du 10 décembre 1831, par les galeries d’Histoire naturelle, par les Écoles spéciales, etc. (v. rue Impériale). Le second monastère des Dames de Sainte-Marie avait été fondé en 1642 dans la rue Coquereaumont, en face des Capucins. Les deux communautés furent fermées en 1792, et se sont rétablies depuis un certain nombre d’années. (V. rues de Joyeuse et Sainte-Geneviève-du-Mont.)

Les religieuses de Bellefonds, de l’ordre de Saint-Benoît, qui avaient demeuré d’abord dans le faubourg Saint-Sever, vinrent s’installer en 1648 dans la rue Beauvoisine, sous le titre de monastère de Notre-Dame-des-Anges. Elles édifièrent leur église en 1674. Cette communauté, qui avait pris son nom de celui de ses fondateurs, M. le marquis de Bellefonds et Jeanne sa femme, fut supprimée en 1792. On voit encore des vestiges de cet ancien couvent dans la cour de Bellefonds, actuellement occupée en partie par des Écoles mutuelles pour les garçons et pour les filles.

Entre la rue du Cordier et la rue Beffroy, qu’on appelait aussi la grande rue Saint-Godard, était le Coq, où il y avait bou-

cherie. C’était sans doute quelque auberge importante qui avait donné son nom au carrefour voisin ; en 1767, cette maison à l’enseigne du Coq se trouvait en face de la rue Beffroy (voyez au mot Coq). ― Le 12 août 1489, la ville fieffa à un particulier une partie et portion, assises à Saint-Godard, de la vieille porte de la Boucherye Beauvoisine, en laquelle ne sont compris quatre pieds d’icelle vieille porte que MM. les conseillers ont retenus pour élargir la rue, laquelle rue contient, y compris les quatre pieds ci-dessus, dix-sept pieds de large. C’est dans les maisons les plus rapprochées de cette porte qu’avait été établie la boucherie de Beauvoisine, et cette désignation lui fut donnée pour la distinguer de la porte Beauvoisine de la dernière enceinte1.

On a trouvé en 1856, dans la rue Beauvoisine, en construisant un aqueduc, des traces d’une double voie romaine qui allait de Rothomagus à Cesaromagus (Beauvais), près de laquelle on découvrit deux ans après une masse assez considérable de monnaies romaines. De pareilles découvertes ont été faites, à diverses autres époques, depuis la place de la Rougemare jusqu’à la rue de l’Hôpital.

Bec (rue du). = Rue de la Grosse-Horloge, rue aux Juifs. ― 9e section, 1er canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-O.

Un « los de recognition » de 1212 indique que cette rue était située entre la ruelle qui descend de la rue des Juifs à Courvoiserie et le fief de Roger Marc-d’argent.2 ― Un acte de tabellionage de 1426 l’appelle la ruelle qui meine tout droit de la rue de Courvoyserie (la rue de la Grosse-Horloge) à la rue aux Juifs et à Saint-Lô. Ce qui prouve que la rue du Bec, et la rue Boudin qui lui fait suite, n’étaient pas encore connues sous les noms qui leur furent donnés plus tard. Antérieurement à la fin du 14e siècle, la rue du Bec a porté, en effet, les noms de rue Naguet, rue au Bailli et rue Guillaume-Lecomte3. Cette première dénomination est indiquée dans un acte de tabellionage de 1360 ou 1361, où il est fait mention d’un manoir assis en la rue Robert-Naquet, en la paroisse Saint-Erblanc, lequel fut feu Vincent

Mich. jadis bailli. Le nom de rue au Bailli provenait des baillis Jean de la Thuile (À-la-Tieule) et Hugues de Donquerre, qui, de 1389 à 1395, avaient demeuré dans cette rue1. La dernière dénomination était celle du propriétaire d’un hôtel dont nous parlerons plus bas. Un acte du 6 mai 1391 concerne une maison assise en la paroisse Saint-Erblanc, en grand Pont, en la rue qui fu Guillaume-Thomas. Ainsi s’appelait un riche bourgeois de Rouen, qui, en 1328, prêta au roi Philippe VI une somme d’argent pour la nécessité de la guerre2. Nous trouvons le nom de la rue du Bec mentionné pour la première fois dans un acte de 1526, qui parle d’une maison bornée par la rue du Bec et la rue aux Juifs.

Dans son intéressante notice, publiée par l’Académie de Rouen en 1854, M. Ch. de Beaurepaire rappelle qu’il existait, au 14e siècle, dans la rue du Bec, un ancien manoir de la Fontaine3 qui appartenait à un bourgeois nommé Michel Lecomte, puis, après la mort de celui-ci, à Guillaume Lecomte, lequel doit être le même que Guillaume Thomas, indiqué ci-dessus. Cet hôtel, qui avait été donné en 1348, par Jean de Nonancourt, à la fabrique de l’église de Saint-Lô, fut successivement habité par Guillaume de Bellengues, capitaine de Rouen, par plusieurs baillis et par le propriétaire, puis ensuite par des seigneurs anglais au temps désastreux de l’occupation anglaise. Il passa ensuite dans les mains des abbés du Bec, Robert Vallée, qui y mourut le 4 mai 1430, et Thomas Frique, qui fut l’un des juges de la Pucelle, et qui fit faire au manoir de la Fontaine de somptueuses réparations. C’est dans ce même hôtel qu’eut lieu, en 1544, une conférence avec Matignon, gouverneur de la ville, pour rechercher les moyens de la défendre d’une attaque dont elle était menacée. Sous François II, il fut habité par le maréchal de Vieilleville, qui avait été envoyé à Rouen pour faire justice des derniers troubles.

L’ancien hôtel de Saint-Lô ou du Bec existe encore en partie. C’est l’avant-dernière maison à droite de la rue, en venant de celle de la Grosse-Horloge. À droite de la cour sont les anciens bâtiments ; la chapelle, au rez-de-chaussée, est devenue en 1854

une écurie, à côté de laquelle était un escalier en spirale ou en tour. Cette chapelle, dit M. Ch. de Beaurepaire, était l’une de celles où il était de mode de célébrer les épousailles des personnes riches, et Guillaume Lecomte appliqua son hôtel à faire nœupces pour ce qu’il estoit bel, notable et spacieux.

Dans cette maison, qui avait été occupée pendant quelque temps par la ferme des tabacs, s’établirent les premières diligences entre Rouen et Paris et d’autres villes. Elles commencèrent à être desservies par la poste en 1776. On mettait alors deux et trois jours pour aller à Paris.

En face de l’hôtel du Bec était autrefois une très ancienne chapelle qui dépendait du chapitre de la Cathédrale de Rouen. Il existait là aussi depuis longtemps un établissement de messagerie, et l’ancien édifice fut rasé en 18391.

Une autre maison de cette même rue portait sur sa façade un marbre commémoratif du séjour qu’y fit Voltaire. On y lisait les vers suivants :

De Voltaire en ce lieu vint s’abriter la gloire,
La cité de Corneille en garde la mémoire.

― Le Journal de Normandie de 1786 fait mention d’une autre rue du Bec, qui existait aux environs de la maison de Saint-Yon, au-dessus de la rue Lécuyer. Ce doit être la rue qui porte actuellement le nom de rue de l’Épine.

Beffroy (rue). = Rue Beauvoisine, rue Bouvreuil. ― 8e section, 2e canton, Saint-Godard. ― Quartier N.-O.

Cette rue, dont il est question dans une charte de 12122 conduisait de la porte Bouvreuil à la rue Beauvoisine et a porté successivement les divers noms de rue Beffroy, de rue du Patriarche et de grande rue de Saint-Godard.

Le premier de ces noms, qu’on trouve dans plusieurs titres et qui lui est resté, vient d’une tour de l’ancien château de Philippe-Auguste, qu’on appelait le Beffroy. ― Farin dit3 : la rue

qui commence au château et finit au bout du cimetière Saint-Godard s’appelait autrefois la rue du Beffroy, à cause d’une tour de ce même château qui regardait cette rue en droite ligne ; mais, après avoir retenu ce nom pendant deux cent cinquante-cinq ans (de 1205 à 1459), elle commença à être nommée la rue du Patriarche à cause d’un grand hôtel qui porte ce nom. Cet hôtel, situé en face de la rue de l’École, appartenait à Louis d’Harcourt, qui fut patriarche de Jérusalem, puis évêque de Bayeux en 1459. Il est indiqué, sur un plan de 1655, comme étant habité par M. de Hautenas1.

Les registres du tabellionage parlent du manoir appelé le Berfray2, en la paroisse Saint-Godard, comprenant le jardin, la fontaine, et les arbres dessus croissants, excepté toutes les maisons de devant, lequel fut loué avec faculté par le preneur de mettre une enseigne à tavernier sur la porte. ― Un acte du 8 avril 1489 concerne un héritage borné d’un côté l’hôtel qui fut M. le Patriarche, d. c. Lancestre, d. b. par devant la rue Beffroy, d. b. par derrière la rue du Cordier. On lit aussi, dans un acte du 8 juillet 1529 : la rue Beuffroy, autrement dite du Patriarche. Ce dernier nom est encore indiqué dans le plan des Fontaines de 1525 et dans un acte de 1527.

La dénomination de grande rue Saint-Godard, qui fut également donnée à la rue Beffroy dès 1483 et 1494, et sous laquelle elle est encore indiquée dans les plans de 1655 et de 1724, ainsi que par plusieurs auteurs3, venait de l’église paroissiale de ce nom (voyez place Saint-Godard). Dans un plan de 1784, la rue reprend le nom de rue Beffroy ; enfin, elle est citée sous les deux noms dans les Affiches de Normandie de 1767.

Un acte de tabellionage de 1426 fait mention de la rue tendant de la boucherie de Saint-Godard vers la porte du Châtel. Entre la rue du Cordier et la rue Beffroy était, dans la rue Beauvoisine, une maison appelée le Coq, où il y avait boucherie. Cela fait supposer que l’acte de 1426 s’applique à la rue Beffroy.

À côté de l’hôtel du Patriarche et en face du bout de l’église de Saint-Godard, au couchant du cimetière, est une autre maison qui portait encore, au 17e siècle, le nom d’hôtel Saint-

Romain, et où l’on voyait les armes de la famille de ce saint1. » Il y avait aussi l’hôtel Robert Lavache, l’hôtel Faucon ; ce dernier joignant d’un bout par derrière les anciens murs de la ville, et par devant la rue du Beffroy2.

Bégin ou Béguin (passage). = Rue Verte, rue du Champ-des-Oiseaux. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Bouvreuil.

Ce passage est situé à l’extrémité de la rue du Champ-des-Oiseaux, en dehors de la barrière de l’octroi, au-dessus de l’ancien cimetière des protestants.

Béguines (rue des). = Rue Cauchoise, rue des Bons-Enfants. ― 10e section, 1er canton, Saint-Patrice ― Quartier S.-O.

On la nommait, au commencement du 15e siècle, la ruelle Saint-Vigor3, à cause de l’ancienne église paroissiale dont on voit encore les murs à gauche en montant vers la rue des Bons-Enfants. Un acte du 7 février 1428 cite une maison en la paroisse Saint-Vigor, bornée par le pavement qui mène de la rue des Bons-Enfants à la rue Cauchoise. On trouve encore la désignation de la ruelle Saint-Vigor dans les nomenclatures du Flambeau astronomique et de Du Souillet, quoiqu’elle fût déjà inscrite sur le plan de 1655 sous le nom de rue des Béguines.

Cette dernière dénomination, sous laquelle fut connue autrefois la rue du Vieux-Palais4, vient d’un couvent de religieuses qui y fut fondé en 1260, sous le règne de saint Louis. Elles demeuraient assez près de la porte du Pré (voyez rue du Vieux-Palais). Leur maison fut abattue5 lorsqu’on édifia le Vieux-Palais, et elles furent transférées en 1444 dans la rue Saint-Vigor, où on leur donna deux hôtels en échange de celui qu’elles avaient été forcées d’abandonner. Leur église fut consacrée en 1520 sous le vocable de Saint-Louis.

L’origine de la dénomination des Béguines est attribuée par les uns à Bergue, duchesse de Brabant, qui aurait été leur pre-

mière fondatrice ; par d’autres, à un prêtre nommé Lambert Berghh, plus connu sous la désignation de « Le Bègue », à cause de la difficulté de sa prononciation, et qui mourut en 1173. Leur première maison aurait été établie à Liége à cette époque, et transférée à Nivelle en 1207. Suivant d’autres encore, ce nom provenait de ce que ces religieuses vivaient sous les constitutions de sainte Begga. Enfin, quelques historiens prétendent, avec plus de raison peut-être, que le nom des Béguines vient du costume de ces religieuses, qui portaient une espèce de béguin1.

Les Béguines furent remplacées, en 1632, dans l’ancienne rue Saint-Vigor, par des religieuses bénédictines du prieuré de Saint-Louis, qui furent elles-mêmes transférées en 1675 sur la place de la Rougemare. Depuis cette dernière époque, l’église des Béguines et ses dépendances furent occupées par des particuliers. L’église fut démolie en 1853.

Avant 1440, l’église Saint-Vigor était encore considérée comme étant dans les faubourgs, parce qu’elle était, en effet, hors et même loin de l’enceinte de l’ancienne cité. Ce ne fut qu’en 1440 qu’on éleva les gros remparts qui déterminèrent l’étendue de la ville, et que l’église s’y trouva renfermée2. Après sa suppression en 1791, l’église Saint-Vigor fut pendant quelque temps occupée par les protestants. Son clocher, qui menaçait ruine, fut abattu en 1828. Le 7 février, une partie de la voûte de ce clocher s’écroula avec fracas, et ensevelit sous ses ruines des marchandises emmagasinées dans l’ancienne église. La démolition d’une partie de l’église, dont les restes sont habités par un fabricant de sabots, a donné lieu, en 1857, à la découverte de sépultures et d’un passage voûté communiquant avec l’ancien couvent des Béguines.

La rue des Béguines reçut en 1794 le nom de rue de la Fraternité, qu’elle porta jusqu’en 1795.

Bel-Image (rue du).

Cette rue, qui était située dans la paroisse Saint-Maclou, nous est signalée par un acte de tabellionage du 10 mars 1498. On trouve aussi, dans un autre acte du 25 juillet 1522, cette désignation : Près le Bel-Ymage, d’un côté l’enseigne du Preschement, d. c. Deschamps, d’un bout une ruelle issant en la rue Notre-Dame (ancien nom de la rue des Arpents). ― Taillepied3 cite une rue du Tableau, qui pourrait être la même que la rue du Bel-Image, dont le nom doit être provenu d’une enseigne.

Belles-Femmes (rue des).

Cette rue, qui a été supprimée en 1861 pour l’ouverture de celle de l’Impératrice, était située entre la rue de la Grosse-Horloge et la rue aux Ours, où elle servait de limite à la rue Saint-André-de-la-Porte-aux-Fèvres, qui fut réunie à la rue aux Ours en 1794.

L’origine de son nom était attribuée à une enseigne ; d’un autre côté, on voit, à l’occasion d’une amende infligée par la Cour de l’Échiquier, en 1400, à un écuyer qui, trouvé hors heure en la rue des Belles-Femmes à Rouen, avoit fait rébellion1, que cette rue devait avoir été appelée ainsi parce qu’elle était habitée par des femmes de mauvaise vie. Dans un cartulaire de Saint-Ouen2, on la nommait la rue des Belles-Femmes-Communes. Parmi les nombreux actes de tabellionage où elle est citée, on trouve l’indication de rue aux Belles-Femmes (act. de 1360, 1420, 1544), et de rue aux Belles-Filles (act. de 1496). Suivant l’opinion de M. Jules Thieury, cette rue, qui était hors des fossés primitifs à l’époque mérovingienne, dut son nom à quelques établissements suspects relégués hors des murs, comme c’était alors la coutume dans le monde romain3.

Il est fréquemment question, dans les registres du tabellionage, d’une rue Vanterie, dont nous parlerons à l’article de la rue de la Grosse-Horloge. Quelques actes semblent indiquer que ce nom avait été également porté par la rue des Vergetiers (v. ce nom), qui était voisine de l’ancienne rue des Belles-Femmes. Dans un acte de 1423, il est fait mention d’un héritage situé dans la rue de Vanterie et la rue de Poiteron. Si l’on considère la rue de Vanterie comme ayant été autrefois la rue des Vergetiers, et si on adopte l’origine attribuée suivant le vieux langage au nom de la rue Poitron (voyez ce nom), si l’on se rapporte, enfin, à

d’autres actes de 1385 et de 1396 portant : in vico de Poitron, par. Saint-Jean, le nom de Poiteron inscrit dans l’acte de 1423 fait admettre qu’il a été porté anciennement par la rue des Belles-Femmes ; et, ce qui vient confirmer cette opinion, c’est que, parmi les fonctions qui étaient attribuées, au 14e siècle, au gardien de la geole de Rouen, se trouvait le soin d’inspecter les femmes du mestier de joye, en la belle rue de Rouen nommée Poitron, soubz Machacre1.

Dans un acte de 1482, la rue des Belles-Femmes est désignée sous l’indication de ruelle. Les archives municipales possèdent des copies de lettres patentes (1566, 1594) prescrivant son élargissement, opération qui fut faite en 1621, en vertu d’un ordre itératif du Parlement2.

L’auteur du Dictionnaire indicateur3 dit que la rue des Belles-Femmes avait été bâtie à la place d’une ancienne rue d’Ordonne, qui était en dehors des fossés de la ville, lors de l’existence de la porte Massacre. Des actes de tabellionage du 14e et du 15e siècles indiquent, en effet, une rue Dourdonne (voyez ce nom) dans l’emplacement qu’occupe aujourd’hui la place Verdrel, précédemment le Marché-Neuf, rue qui fut en partie expropriée pour les travaux d’agrandissement du Palais-de-Justice. Cette rue pouvait se prolonger jusqu’à la rue des Belles-Femmes, en obliquant par le lieu où fut ouverte depuis celle du Tambour.

Bellevue (rue de). = Rue Jouvenet, rue Tannery. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Beauvoisine.

C’est le nom que portait un jardin situé sur une hauteur, au-dessus du boulevard de Beauvoisine.

Benoît (rue). = Quai de la Grande-Chaussée, place Bonne-Nouvelle. ― 11e section, 6e canton, Saint-Sever. ― Faubourg Saint-Sever.

Le nom de cette rue, qui a été percée à la fin du 18e siècle et remblayée en 1816, vient du propriétaire du terrain sur lequel elle est située.

C’est aussi le nom du saint sous le vocable duquel l’église du prieuré de Bonne-Nouvelle (voyez ce nom) avait été mise en 1791 au rang des succursales, et qui cessa d’en faire partie dans la nouvelle organisation du 15 juillet 1801.

Le Journal de Rouen, du 2 août 1793, fait mention d’une rue du Bord-de-l’Eau, située entre la Petite et la Grande-Chaussée, où il existait une manufacture de poterie légère. Ce ne peut être que la rue Benoît.

Bertrand (rue). = Rue Maladrerie, rue Malatiré. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Bouvreuil.

On appelle ainsi une rue encore barrée à ses deux extrémités. C’est vraisemblablement le nom d’un propriétaire.

Bibliothèque publique, à l’Hôtel-de-Ville.

Dès l’année 1634, le Chapitre de la Cathédrale de Rouen avait ouvert au public sa bibliothèque, qui venait de recevoir des dons considérables de plusieurs chanoines, et surtout de l’archevêque François de Harlay ; ce prélat avait imposé au Chapitre la condition que ses livres seraient mis à la disposition des travailleurs. En 1782, l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts, rendit également publique sa bibliothèque, qui était alors placée dans les dépendances de l’ancien Hôtel-de-Ville, près de la Grosse-Horloge, et qui, en 1793 encore, pouvait être visitée deux jours de la semaine1. Après la dispersion des sociétés savantes et des établissements religieux, leurs bibliothèques, ainsi que d’autres bibliothèques particulières, furent réunies dans une collection générale qui, en 1794, s’élevait à un total de 250,000 volumes au moins. Plus tard, la plus grande partie de ces livres fut rendue à leurs anciens propriétaires, et le reste de cet important dépôt fut placé, en 1797, dans des salles du Lycée, qui portait alors le titre d’École centrale (voyez rue du Maulévrier), jusqu’au moment où il fut installé à l’étage supérieur de l’Hôtel-de-Ville actuel, et inauguré solennellement le 4 juillet 1809, sous l’administration de M. Demadières.

La Bibliothèque publique réunissait, avant 1840, environ 36,000 volumes, non compris plus de 1,300 manuscrits et environ 400 ouvrages imprimés dans le 15e siècle. Elle reçut un accrois-

sement considérable depuis cette époque, par l’acquisition de la bibliothèque Leber, par la nombreuse collection que légua à la ville, en 1847, M. le baron Coquebert de Montbret, et par une riche collection de manuscrits qui lui a été donnée par M. Deshommets de Martinville, fils de l’ancien maire de Rouen, décédé à Paris en 1858.

L’installation de ces nouveaux trésors littéraires, ainsi que d’autres d’une moindre importance numérique, mais tout aussi précieux, lesquels portent à 111,000 volumes et à 2,500 manuscrits le chiffre total de la Bibliothèque publique, nécessita des travaux d’agrandissement, l’adjonction de plusieurs salles et l’appropriation des combles de l’Hôtel-de-Ville.

Parmi les objets remarquables dûs à divers dons ou à des acquisitions successives faites par la ville, que l’on voit dans les salles de la Bibliothèque, se trouve un graduel de Saint-Ouen, fruit des soins assidus d’un religieux bénédictin, Daniel d’Eaubonne, mort en 1710, travail dont la perfection et dont la beauté des vignettes fixent l’attention des visiteurs. Ce beau manuscrit fut sauvé et conservé pendant les orages de la révolution par dom Gourdin, bénédictin de Saint-Ouen, et bibliothécaire de la ville. On voit aussi, outre d’autres manuscrits non moins précieux et ornés de miniatures, de riches collections d’estampes, de gravures, de plans et d’œuvres artistiques ; des objets d’origine étrangère ; des plans en relief de nos églises de Saint-Ouen et de Saint-Maclou, et une magnifique réunion de médailles et monnaies anciennes, de médaillons historiques, composée de près de 2,700 pièces, dont 300 environ en or ; cette collection, principalement consacrée à la numismatique française, a été donnée à la ville par Mme Lecarpentier, d’Honfleur, aujourd’hui Mme de Blaremberg.

― Des bibliothèques populaires ont été fondées, depuis quelques années, par des associations de bienfaisance. Une bibliothèque de circulation a été établie en 1865, par une société de souscripteurs, dans le local de la crèche Saint-Jean, rue d’Elbeuf.

― Indépendamment des bibliothèques publiques, il existe dans notre ville des bibliothèques particulières parmi lesquelles nous citerons celles de la Cour impériale et de la Chambre de commerce ; celles des Sociétés savantes, qui, depuis 1857, ont été

réunies dans une des vastes salles de l’ancien hôtel de la présidence ; celles, enfin, de l’Archevêché et de quelques établissements religieux. Nous citerons aussi des collections non moins remarquables, qui appartiennent à des amateurs distingués : MM. Ch. Lormier, l’abbé Colas, E. Dutuit, Édouard Frère, Alfred Baudry, et autres.

Bicêtre, Maison d’arrêt et de correction, au hameau de la Motte, faubourg Saint-Sever.

Cet établissement, qui était précédemment situé dans la rue du Fer-à-Cheval, aujourd’hui supprimée (voyez ce nom), et qu’il avait été question d’installer à Saint-Yon, a été transféré en 1860 dans la rue de la Motte, près de la place Bonne-Nouvelle, au faubourg Saint-Sever. L’emplacement qu’occupe la nouvelle Maison d’arrêt et de correction forme un vaste triangle de 27,000 mètres carrés, limité par les rues de la Motte, aux Anglais et Laurent. Les travaux de construction, commencés en 1857, ont été achevés en 1860. La chapelle est placée dans la partie intérieure de la prison.

L’ancienne maison de Bicêtre a été cédée, en 1860, par le département à la ville, qui y a installé une caserne d’infanterie. C’est dans cette maison qu’avait été incarcéré, en 1816, Mathurin Bruneau, sabotier, qui fut condamné, deux ans après, à cinq ans de prison, pour avoir pris le titre de Charles de Navarre, fils de Louis XVI et citoyen des États-Unis.

Bienvenu (rue de).

Des actes de tabellionage du 3 octobre 1462 et du 3 septembre 1466 font mention de cette rue, dont le nom provient de celui d’un propriétaire qui vivait en 1417. ― Elle était située dans la paroisse de Saint-Nicaise.

Bigot (tour).

Cette tour était située derrière le cimetière de Saint-Patrice, près du boulevard Bouvreuil, actuellement le boulevard de Jeanne-d’Arc, entre la rue Neuve-Saint-Patrice et la rue Alain-Blanchart. Elle servait de limite à la 4e et à la 12e section de la ville de Rouen.

Sa construction datait des premières années du 16e siècle, et elle a été démolie vers 1840.

Une notice publiée par la Revue de Rouen de 1839 indique que cette tour dut porter, dans les premiers temps de sa fondation, les noms de tour Gobelin1 ou de tour du Diable ; qu’elle servit de prison pour les mendiants et les vagabonds et plus tard d’hôpital pour les incurables ; qu’enfin, elle fut acquise en 1781 par le président Bigot, avec une partie des remparts. De nouveaux documents, fournis par M. A.-G. Ballin dans la même Revue2, font connaître, d’après un plan du cours de la fontaine de Notre-Dame qui existe aux archives départementales, qu’à partir du Vieux-Château jusqu’à la porte Cauchoise s’élevaient dans les fortifications trois tours appelées, 1o la tour Neuve, qui fut nommée plus tard la tour Bigot ; 2o la tour des Insensés, de forme carrée, qui devait être à peu près à la hauteur (à gauche) de la rue Neuve Saint-Patrice, et qui aurait pu servir d’hospice pour les incurables ; 3o la tour Gobelin ou du Diable, qui devait se trouver vers l’issue de la rue de Lémery sur le boulevard, et qui probablement recevait les vagabonds et les mendiants, rôle attribué à tort à la tour Bigot, dans la notice de 1839.

On avait primitivement donné le nom de la tour Bigot à la rue nouvellement ouverte qui a reçu en 1841 celui d’Alain-Blanchart. Il est regrettable que le souvenir du nom de cette tour, qui était celui d’une famille très distinguée d’où sont sortis beaucoup de magistrats et plusieurs savants, n’ait pas été conservé. Il pourrait être donné à la rue Neuve-Saint-Patrice.

― On appelait encore « clos Bigot » une cour ou impasse qui était située entre la rue des Canettes et l’ancienne maison de Bicêtre. Il n’en reste plus de traces.

Bihorel (rue et impasse). = Rue Jouvenet, la campagne vers le Boisguillaume. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Beauvoisine.

Ce nom vient d’un ancien manoir des religieux de Saint-Ouen, qui y faisaient exercer par leur sénéchal le privilége de haute, basse et moyenne justice. C’était un grand clos entouré de douves3, qui faisait partie de la côte où étaient les four-

ches patibulaires, appelées communément les fourches de Bihorel. Détruites en 1382 pendant l’émeute de la Harelle, ces fourches furent relevées l’année suivante, en vertu d’une charte du bailli de Rouen. Elles furent supprimées en 1789. Dans des actes de tabellionage de 1389 et de 1426, il est fait mention de la sente tendant à Bihorel et du chemin des religieux de Saint-Ouen qui menait de leur porte des Camps à Bihorel1. Cette porte des Champs était probablement celle qui fut appelée depuis la porte du Logis-du-Roi, et qui était dans la rue Bourg-l’Abbé, en face de la chapelle du Lycée.

La ferme de Bihorel, dont il est parlé dans un acte du 21 juillet 1522, s’étendait jusqu’au lieu appelé le Val-de-la-Jatte.

Les religieux Augustins, qui vinrent à Rouen en 1309, s’établirent d’abord sur la côte de Bihorel ; mais ils ne tardèrent pas à être transférés près de la rue Malpalu. (Voyez rue des Augustins.)

Bihorel (sente). = Rampe Beauvoisine, rue Jouvenet. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Beauvoisine.

La sente Bihorel a porté, en 1794, le nom de sente du Nord. Elle reprit son ancien nom en 1795.

Binet (rue et impasse). = Avenue du Mont-Riboudet, rue du Renard. ― 12e section, 5e canton, la Madeleine. ― Faubourg Cauchoise.

C’est évidemment le nom d’un propriétaire ; elle arrive à l’avenue du Mont-Riboudet, en face de la nouvelle route du Havre.

― Une autre petite rue du même nom, qui communiquait de la rue Grand-Pont à une autre appelée la rue des Boutiques, a disparu lors de l’établissement de la place des Arts.

Bizet (rue du). = Rue du Puits, rue des Sapins ― 1re section, 5e canton, Saint-Hilaire ― Faubourg Saint-Hilaire.

Ouverte au commencement du 19e siècle, cette rue a pris son nom de gros cailloux connus sous celui de « bizets » dont le sol est parsemé dans son voisinage.

Blainville (rue de). = Rue Bouquet, rue Saint-Maur. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Bouvreuil.

Cette rue, ouverte sous le nom de rue du Clos-Campulley, à travers une ancienne propriété qui était connue sous cette dénomination, a reçu, en 1867, celui d’une famille dont plusieurs membres ont, à des époques différentes, joué un rôle important dans les principaux événements de l’histoire du moyen-âge ; Jean de Mauquenchy, dit Mouton, sire de Blainville, maréchal de France, fut l’un des guerriers du 14e siècle qui contribuèrent puissamment à affranchir notre sol du joug de l’étranger1.

Ce nom rappelle aussi un naturaliste distingué, Henri-Marie Ducrotay de Blainville, né à Arques en 1778, décédé en 1850 dans un wagon du chemin de fer.

Blanche (rue). = Rue Ambroise-Fleury, rue Édouard-Adam. ― 3e section, 4e canton, Saint-Vivien. ― Quartier S.-E.

Établie en 1867 sur l’emplacement des rues du Bon-Espoir, de la Planche-Ferrée et de la Marêquerie, cette rue a reçu le nom de l’ancien médecin en chef de l’Hospice-général, Antoine-Emmanuel-Pascal Blanche, né à Rouen en 1785, frappé de mort subite le 24 janvier 1849, au sein du Conseil municipal, dont il faisait partie.

Le buste du célèbre docteur a été inauguré à l’Hospice-général le 12 juin 1853 ; il est placé près de la porte d’entrée de cet établissement.

Bocquet (rue). = Rue de la Pucelle, rue des Pépinières. ― 11e section, 6e canton, Saint-Clément. ― Faubourg Saint-Sever.

Elle a reçu en 1833 le nom du propriétaire des terrains sur lesquels elle avait été ouverte depuis quelques années.

Bœufs (rue aux). = Rue d’Elbeuf, rue Saint-Julien. ― 11e section, 6e canton, Saint-Sever pour le côté droit ; Saint-Clément pour le côté gauche. ― Faubourg Saint-Sever.

C’était le lieu de passage des bœufs que l’on conduisait du parc aux Bœufs, qui était situé dans le hameau des Brouettes, à

l’abreuvoir de la Mare-du-Parc. D’autres prairies, situées vers Bonne-Nouvelle, avaient motivé aussi le nom qui fut donné à la rue du Pré.

― Une rue a été récemment ouverte, sous la dénomination de rue du Pré-aux-Bœufs, dans un quartier nouveau appelé, par son propriétaire, la cité Saint-Yves.

― On donne aussi le nom de rue du Chemin-des-Bœufs à une rue du faubourg Beauvoisine. (Voyez rue du Chemin-des-Bœufs.)

Boïeldieu (cours). = Rue Grand-Pont, rue Jacques-Lelieur. ― 9e section, 1er canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-O.

Cette promenade fait partie du quai du Havre. Elle avait d’abord été communément désignée sous le nom de la Petite-Provence, à cause de sa situation avantageuse.

À la mort du célèbre compositeur rouennais, François-Adrien Boïeldieu, né le 16 décembre 1775, décédé en 1834, on donna à cette promenade la dénomination de cours Boïeldieu. La statue en bronze de l’auteur de la Dame blanche, qui décore l’une des extrémités du cours, est due au ciseau de David (d’Angers) d’après un modèle de Dantan le jeune. Elle fut inaugurée solennellement le 20 juin 1839.

Le cours Boïeldieu a reçu, en 1856, un dallage en asphalte. Une fontaine qui y avait été établie lors de sa création, a été remplacée récemment par deux bornes-fontaines surmontées de candélabres de gaz.

Bois-Bagnères (chemin du).

Il part du hameau du Nid-de-Chien, dans le faubourg Saint-Hilaire, et conduit au haut de la côte de Bonsecours, où il y avait une ferme de ce nom, dont il est fait mention dans les Affiches de Normandie de 1764.

Bois-Chenu (rue du). = Rue Sainte-Catherine, la campagne vers le Boisguillaume. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Cité Jeanne-d’Arc, dans le faubourg Beauvoisine.

Ce nom a été choisi par les propriétaires du terrain sur lequel a été établie la cité Jeanne-d’Arc, depuis 1860. C’est celui d’un côteau voisin du village de Domrémy, qui fut le berceau de la Pucelle.

Boisguilbert (rue de). = Rue de la Cage, rue Poussin, ancienne rue Tirelinceul. ― 2e section, 2e canton, Saint-Nicaise. ― Quartier N.-E.

Ce nom a été donné en 1867 à la rue Tirhuit (voyez ce mot), en l’honneur de Pierre Le Pesant de Boisguilbert, né en 1646, qui fut lieutenant-général du Bailliage et président au siége présidial. Il rappelle aussi celui de l’un des rejetons de la famille du grand Corneille. M. Augustin Le Pesant de Boisguilbert, arrière-neveu de l’illustre poète, par Marthe Le Pesant, sa sœur, était l’auteur d’un poème sur la Sédition d’Antioche, qui fut couronné par l’Académie des Palinods de Rouen, en 1769. (Voyez la note 2 de la page 457.)

Bon-Espoir (rue du).

Cette petite rue fait actuellement partie de la rue Blanche. Elle tend de la rue du Chaperon aux anciennes rues du Gril et du Fer-à-Cheval.

On remarquait, sur la façade en bois d’une maison située dans cette rue, au-dessous d’une figure représentant l’Espérance, qu’on y voit encore, ces mots : « Bon-Espoir. »

― Sur le plan de 1655 et sur celui de 1724, une autre rue du Bon-Espoir est indiquée à la place du nom de la rue Picchine, qui fait actuellement partie de la rue Édouard-Adam.

Bonnefoi (rue de). = Rampe Beauvoisine, rue Jouvenet. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Beauvoisine.

Nous ignorons l’origine de ce nom, qui pourrait être provenu d’une enseigne.

Bonne-Nouvelle (place), limitée par les rues Bonne-Nouvelle, du Pré, aux Anglais, de la Motte, de la Mare-aux-Planches, et par la rue Benoît. ― 11e section, 6e canton, Saint-Sever. ― Faubourg Saint-Sever.

Le hameau de Bonne-Nouvelle avait reçu, en 1794, le nom de hameau de l’Égalité, qu’il conserva jusqu’en 1795.

La place Bonne-Nouvelle est devenue, vers 1836, le lieu des exécutions criminelles, qui était précédemment sur celle du Vieux-Marché.

C’est aussi sur la place Bonne-Nouvelle que se tient, tous

les ans, la foire dite de l’Ascension, dont il est parlé dans l’article suivant.

Bonne-Nouvelle (rue). = Rue Morris, place Bonne-Nouvelle. ― 11e section, 6e canton, Saint-Sever. ― Faubourg du même nom.

Connue précédemment sous la dénomination de rue des Murs-de-Bonne-Nouvelle, cette rue porte le nom qui fut donné au prieuré de Notre-Dame-du-Pré, lequel avait été fondé vers 1060 et n’existe plus.

Ce prieuré a porté les noms de Notre-Dame-d’Émendreville, qui était anciennement celui du faubourg Saint-Sever, et de Notre-Dame-du-Pré ou des Prés, à cause de sa position sur les prés qui étaient autrefois dans ce quartier ; il fut également appelé Sainte-Marie-de-la-Victoire. Sa fondatrice, la reine Mathilde, femme de Guillaume-le-Bâtard, lui a donné en 1066 sa dénomination actuelle. On rapporte que cette princesse était en prières dans l’église de Notre-Dame-du-Pré lorsqu’on lui annonça que le duc venait de remporter une victoire sur les Anglais. Pour perpétuer le souvenir de cette nouvelle, joint à celui du mystère de l’Incarnation sous le vocable duquel l’église avait été fondée, la duchesse Mathilde voulut que le prieuré portât le nom de Bonnes-Nouvelles, dont on a fait Bonne-Nouvelle. Ce prieuré fut érigé, en 1092, en monastère de l’ordre de Saint-Benoît, sous la dépendance du Bec-Hellouin, et fut augmenté en 1122.

Détruits et ravagés en 12431 par un incendie qui faillit anéantir le faubourg Saint-Sever ; en 1351, par le feu du ciel ; en 1418, dans l’intérêt de la défense de la ville contre Henri V, roi d’Angleterre, le prieuré et l’église de Bonne-Nouvelle sortirent de leurs ruines dans la seconde partie du 15e siècle ; dévastés de nouveau en 1562 par les calvinistes, et en 1591 pendant le siége de Rouen par Henri IV, ils furent réédifiés en 1604. Les religieux de la congrégation de Saint-Maur en prirent possession en 1626, en remplacement de ceux de l’ordre de Saint-Benoît, et y restèrent jusqu’en 1790. L’église, à l’intérieur de laquelle on voyait encore des traces de la première construction, fut agrandie en 1640 ; son portail fut édifié en 1655. Le prieuré de Bonne-Nou-

velle reçut, en 1754, de nouveaux agrandissements, et l’église fut comprise, à la suite de la suppression du monastère, au nombre des succursales de Rouen sous le vocable de Saint-Benoît, puis supprimée peu après. La partie supérieure de son portail, sur laquelle on voyait une Annonciation1, a été démolie en 1825. Les bâtiments du monastère ont été mis à usage de caserne de cavalerie ; un manége d’équitation a été établi dans la rue Jeuffroy, qui est voisine.

C’est dans l’église de l’ancien prieuré que furent inhumés, en 1167, l’impératrice Mathilde, veuve de Henri V, empereur d’Allemagne ; et, en 1203, le corps d’Arthur Ier, duc de Bretagne, assassiné par Jean-sans-Terre. En 1135, avaient été également placés devant le grand autel, le cœur, la langue et les entrailles de Henri Ier, roi d’Angleterre2. Leurs tombeaux disparurent au 17e siècle.

Trois Conciles provinciaux se tinrent, au 13e et au 14e siècle, au monastère du Pré, qui servit quelquefois de résidence à des souverains et à d’autres personnages. Ce prieuré jouissait d’un droit de juridiction qui lui avait été accordé par Guillaume-le-Conquérant et par Henri son fils. Le prétoire du bailli haut-justicier de Bonne-Nouvelle était encore, en 1779, dans la rue du Pré.

Au nombre des priviléges dont jouissait ce prieuré se trouvait celui de tenir tous les ans, la veille de l’Ascension, une foire qui avait été instituée en 1064 par Guillaume-le-Conquérant. Ce privilége lui fut concédé en 1122, et donna naissance, en 1354, à quelques contestations avec la ville, à laquelle il fut transmis en 1493, moyennant trente livres de rente, par les religieux de Bonne-Nouvelle. Dans un acte de tabellionage du 9 mai de la même année, on voit que ces derniers avaient des droits à cueillir en la Calendre et Vieu-Tour de Rouen le lendemain de l’Ascension. Transférée dans l’intérieur de la cité lors du siége de Rouen par les Anglais, cette foire fut rétablie à Bonne-Nouvelle et perdit de son importance. Le 20 mai 1508 intervint une délibération de l’Hôtel-de-ville, pour faire cesser la foire séante sur le territoire de la haute-justice du Pré, le jour de la feste et solennité de l’Ascension notre sauveur le Rédempteur J. C., quelle chose estoit en grant irrévérence et en transgressant

les dyvins commandements. On ne voit pas néanmoins qu’elle ait cessé d’y avoir lieu. Il était encore fait mention, en 1710, de la place de la foire du Pré au carrefour de Bonne-Nouvelle. À peu de distance de la place se tient, chaque année, à la même époque, l’assemblée dite de Bonne-Nouvelle.

Ce monastère possédait un terrain borné par deux chaussées appelées aujourd’hui la Grande-Chaussée et la chaussée des Curandiers. On voyait encore, vers 1820, à la partie septentrionale de ce terrain, près de la Seine, une petite chapelle de forme hexagone, qui a été conservée par le propriétaire actuel d’une partie de ce terrain. Elle est placée au fond de la cour d’une maison portant le no 31 du quai de la Petite-Chaussée, entre la rue de ce nom et la rue Benoît. Au-dessous d’une image de Marie est l’inscription suivante :

À notre dame de l’Annonciation et de l’Incarnation, dite des prés-de-Bonne-Nouvelle, fondée l’an 1066 par Mathilde, épouse de Guillaume-le-Conquérant, duc de Normandie et roi d’Angleterre, sous l’invocation de l’Incarnation de N. S.

En 1634, une émotion populaire ayant éclaté à Rouen au sujet d’un impôt sur les cartes1, un agent fut poursuivi jusqu’au monastère de Bonne-Nouvelle, dont on voulait enfoncer les portes. Des conseillers au Parlement vinrent le chercher et l’emmenèrent au Palais.

La rue Bonne-Nouvelle reçut, en 1794, le nom de rue de Chaslier, de celui d’un député mis à mort à Lyon pendant l’époque révolutionnaire, et dont le buste, érigé sur une de nos places publiques, fut enlevé en même temps que celui de Marat, en 1795, traîné dans la boue et mis en pièces. La rue Bonne-Nouvelle reprit alors sa précédente dénomination.

Bonnetiers (rue des). = Rue Impériale, place de la Calende. ― 7e section, 3e canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-E.

Désignée dans plusieurs actes de tabellionage de 1540 à 1555,

sous la dénomination de rue des Barbiers1, cette rue a dû prendre son nom des bonnetiers ou marchands de bas qui y étaient réunis, comme la rue Ganterie avait pris son nom des gantiers.

L’ancien palais archiépiscopal, qui avait été édifié en 1079, à la place de la modeste demeure de nos premiers prélats, était situé au-dessous du portail des Boursiers ou des Libraires, dans la rue Saint-Romain2, laquelle portait alors le nom de rue de l’Archevêché ; le palais actuel occupe tout l’espace limité par la rue Saint-Romain, par celle des Barbiers, qui fait actuellement partie de la rue Impériale, et par celle des Bonnetiers, laquelle, par cette raison, était et est encore communément désignée à son tour sous le nom de rue de l’Archevêché. Il fut commencé en 1461 par Guillaume d’Estouteville, mort en 1482, achevé par Georges d’Amboise, puis augmenté par Claude-Maur d’Aubigné, tous trois archevêques de Rouen. La porte d’entrée de ce palais, dans la rue des Bonnetiers, qui avait été édifiée en 1302, alors que le nouveau palais n’était pas encore construit, était d’une architecture gothique et ornée de tourelles ; elle a été reconstruite en 1773, par les soins de Mgr de Tavannes, archevêque de Rouen.

La grande salle de réception de l’archevêché porte le nom de salle des États de Normandie. Cette salle, où se tinrent pendant quelque temps les séances de l’Échiquier avant la fin du 15e siècle, servit, en 1741, de lieu de dépôt pour les pestiférés qui encombraient l’Hôtel-Dieu, avant l’établissement de l’hospice actuel. ― On remarquait dans ce palais une belle galerie en marbre qui a été détruite en 1604. Les jardins occupent une partie du terrain des anciens fossés de la ville.

À l’époque révolutionnaire de 1789, l’autorité militaire s’installa dans l’archevêché ; la salle des États devint ensuite un lieu de réunions publiques ; on y donna des concerts ; on y tint les séances de la Société populaire, et l’archevêché fut décoré du titre de Maison commune ; enfin, on planta au centre de la cour un arbre de la Liberté. La chapelle fut momentanément abandonnée à la disposition du culte réformé.

Dans la rue des Bonnetiers est une petite fontaine adossée à la Cathédrale ; elle fut établie en 1352, et est alimentée par la source

dite de Notre-Dame. Un acte de tabellionage de 1480 fait mention d’un héritage assis en la Kalendre, au pied du degré de Notre-Dame et allant à la Vieu-Tour, bornée d’un côté la rue qui mène à la petite fontaine. C’est la rue des Bonnetiers, qui dans un acte du 16 mai 1463 paraît être désignée sous le nom de rue de la Petite-Fontaine-de-Notre-Dame. ― Une autre fontaine, très élégante et du style de la renaissance, décorait la cour du palais archiépiscopal. Elle fut établie en 1500. On en voit un dessin dans le précieux manuscrit des Fontaines, que possèdent les Archives municipales.

Un plan de 1655 indique, dans la rue des Bonnetiers, en face de l’Archevêché, l’hôtel de M. le premier président. Cette maison avait dû appartenir antérieurement aux religieux de Longueville la-Giffard, qu’on trouve possesseurs, en 1359, en la paroisse de Saint-Étienne-la-Grande-Église, d’un hostel tenu en pure et perpetuelle aumosne et exempt de toute juridiction temporelle. Un acte de 1577 mentionne la location de cette maison, par le prieuré de Longueville, au chapitre de la Cathédrale.

En 1828, en creusant des fondations dans cette rue, on trouva, à sept mètres au-dessous du sol, des coquillages et des terres d’alluvion, indiquant la présence ancienne des eaux de la Seine en cet endroit1.

Bonsecours (route de). = Place Saint-Paul, rue Lindet et la campagne, vers Bonsecours. ― 1re section, 5e canton, Saint-Paul. ― Faubourg Martinville.

Blosville-Bonsecours, dont on a fait Blosseville-Bonsecours2, est le nom d’une commune qui joint immédiatement la ville, et qui en est séparée par la rue Lindet.

Le voyageur qui vient à Rouen ne peut se dispenser de faire le pélerinage de Notre-Dame-de-Bonsecours, ou de visiter la magnifique église qui remplace l’ancienne chapelle votive. En quittant le quai Napoléon et le cours de Paris, le touriste laisse à sa gauche le Champ-de-Mars et la blanche falaise de la montagne Sainte-Catherine. À droite et derrière la modeste église de Saint-Paul, qui remplace aujourd’hui l’ancienne église, un des plus antiques monuments de Rouen dont une partie subsiste en-

core, il peut jouir, du haut de la terrasse convertie en square et dont une partie est affectée au service d’une école communale, de l’imposante vue de la Seine et de ses rives verdoyantes. Un omnibus le transporte au pied de la nouvelle église de Bonsecours, d’où se développe un immense panorama. Cette église, construite de 1840 à 1846, par M. Eug. Barthélemy, architecte diocésain, à l’aide de nombreuses souscriptions, est décorée de peintures polychromes et de vitraux dont quelques-uns sont d’une grande richesse d’ornementation et forment d’intéressants tableaux. Le grand autel n’a pas coûté moins de 250,000 francs, et a été mis en place en 1860.

On ne peut attendre de nous une description détaillée de cet édifice, dont la première pierre fut posée le 4 mai 1840. On célébra la première messe dans le nouveau chœur le 15 août 1842. L’ancienne église se trouvait renfermée dans le sein de la nouvelle construction. Le conseil municipal de Blosville-Bonsecours ayant délibéré le 29 du même mois qu’elle serait démolie, le même jour le coq fut descendu, dit-on, comme pour donner un commencement d’exécution à cet arrêté.

Bons-Enfants (rue des). = Rue de l’Impératrice, rue Cauchoise. ― 8e section et 2e canton pour le côté nord ; 9e et 10e section, et 1er canton, pour le côté sud ; la Cathédrale pour les numéros impairs entre la rue de l’Impératrice et la rue Écuyère ; Saint-Patrice pour les numéros pairs et pour le reste de la rue.

Cette rue a pris son nom du Collége que les Bons-Enfants fondèrent en 13581. Un acte de tabellionage de 1477 la désigne par ces mots : la rue qui mène de St-Martin à St-Pierre Lounouré. D’autres actes de la même année font supposer que cette même partie de la rue aurait aussi porté le nom de rue de la Serayne ou de la Syrène. (Voyez ce nom.)

Le Collége des Bons-Enfants fut supprimé en 1556, en vue de

l’établissement de celui des Jésuites ; l’auteur des Lettres sur Rouen dit qu’il continua néanmoins d’exister jusqu’en 1595. La chapelle et les bâtiments, que la ville s’était appropriés, furent cédés en 1626 aux Feuillants1, qui agrandirent quelques années après leur chapelle sous le titre de la Chaire-de-St-Pierre. Sur cet emplacement fut ouverte, en 1792, la rue de Lémery, dont la partie inférieure forme actuellement le prolongement de la rue de Fontenelle jusqu’à celle de l’Hôtel-de-Ville.

Il y avait, dans la rue des Bons-Enfants, trois églises paroissiales qui ont été supprimées en 1790 et en 1791, savoir : Saint-Martin-sur-Renelle, Saint-Pierre-l’Honoré et Sainte-Marie-la-Petite ; il y avait, en outre, un couvent des Templiers au bas de l’ancienne rue des Hermites.

La belle et vaste église de Saint-Martin-sur-Renelle, dont la principale entrée était dans la rue Senécaux et dont le chœur avait une grande élévation, a servi de magasin pendant longtemps après sa suppression, et a été démolie en 1861 pour l’ouverture de la rue de l’Impératrice. En 576, cette église qui n’était dans son origine qu’une chapelle appelée Sainte-Catherine-des-Prés, à cause de sa position dans une prairie en dehors de la ville, servit de refuge à Mérovée et à Brunehaut, sa femme, pour éviter la fureur de Chilpéric. Il y avait avant 1200, autour de l’église, une place publique que l’on nommait le Marché-aux-Balais, et qui fut ensuite remplacée par un cimetière. ― Dans un acte de tabellionage de 1482, il est fait mention d’une maison sise en la rue des Bons-Enfants, bornée d’un côté par la rue de la Dinanderie et d’un bout la rue tendant vers Saint-Ouen-sur-Renelle, mais rien n’indique que l’église Saint-Martin ait porté ce nom.

L’église de Saint-Pierre-l’Honoré était au haut de la rue Écuyère. C’était anciennement une chapelle sous l’invocation de saint Clair ; elle devint église paroissiale lors des agrandissements de la ville. Elle fut démolie vers 1840, après avoir été, depuis sa suppression, convertie en un atelier de fonderie de cloches, appelée la fonderie de Saint-Pierre.

L’église de Sainte-Marie-la-Petite, qu’on avait ainsi appelée pour la distinguer d’avec la Cathédrale, est entre la rue de la Prison et celle des Béguines. Son clocher fut détruit par le canon en 1592, lors du siége de Rouen par Henri IV, puis rétabli de-

puis et démoli au commencement du 19e siècle. On voit encore les restes de cette église dont la construction remonte au 16e siècle, et dans laquelle est actuellement établie la synagogue des Juifs. Là était, en 1857, le siége d’une école de chant connue sous le nom d’Association grégorienne.

En 1794, on donna à la rue des Bons-Enfants le nom de Fontenelle. Elle reprit son ancienne dénomination en 1795, et l’on donna le nom de Fontenelle à la rue des Jacobins. (Voyez rue de Fontenelle.) On aurait dû conserver à la rue des Bons-Enfants le nom de notre illustre concitoyen qui naquit dans cette rue, sur la paroisse Saint-Vigor. L’administration municipale a fait placer en janvier 1818, sur la devanture d’une maison nouvellement restaurée, cette inscription fixée en lettres de cuivre sur un marbre noir : Fontenelle est né dans cette maison le 11 février 1657.

La rue des Bons-Enfants correspond directement avec les rues Ganterie, de l’Hôpital, des Faulx, Saint-Vivien et Saint-Hilaire, lesquelles traversent la ville de l’est à l’ouest. ― Un passage, appelé l’enclos de la Samaritaine, conduit de la rue des Bons-Enfants à celle des Champs-Maillets. Ce nom provient sans doute d’une enseigne.

On a découvert dans cette rue, en 1861 et en 1862, des vestiges de constructions romaines, des poteries et des monnaies antiques1.

Bordier (quai).

C’est le nom qui fut donné en 1793 au quai de Paris. ― Deux révolutionnaires nommés Bordier et Jourdain arrivèrent à Rouen en 1789, l’un le 23 juillet, l’autre le 1er août. Ils se firent promptement connaître, et bientôt on en fit justice ; ils furent pendus au bout du pont le 21 du même mois d’août. Mais les autorités locales de 1793 réhabilitèrent, le 23 novembre, ces deux prétendus martyrs de la liberté, et, pour honorer leur mémoire on donna le nom de quai Bordier au quai de Paris, depuis le pont jusqu’au boulevard de la route de Paris, et celui de Jourdain au quai du Havre, depuis le pont jusqu’à la Bourse. Ces noms disparurent comme tous les autres de la même origine en 1795.

Boucheries-Saint-Ouen (rue des). = Place du pont de Robec, place de l’Hôtel-de-Ville. ― 6e section pour les nos pairs, 7e section pour les nos impairs, 3e canton, Saint-Ouen. ― Quartier S.-E.

Ce nom vient de l’une des boucheries de la ville, qui était située dans ce quartier1. La rue des Boucheries-Saint-Ouen faisait autrefois partie du lieu appelé le Pont de Robec (voyez ce nom).

Le Flambeau astronomique, après avoir cité la rue des Faulx jusqu’à la fontaine Saint-Ouen où est boucherie, indique une petite rue qui va sur l’Eau-de-Robec.

En 1794, la rue des Boucheries-Saint-Ouen fut appelée la boucherie de Robec, et reprit depuis sa précédente dénomination.

― Les endroits où se tenaient boucherie au 18e siècle, sont désignés, dans les nomenclatures des rues du Flambeau astronomique et de Du Souillet, avec un soin qui dénote que le nombre de ces boucheries était alors très limité. On y trouve, outre la boucherie placée près de la fontaine Sainte-Croix-Saint-Ouen, actuellement détruite, et du pont de Robec, trois autres boucheries principales, savoir :

Rue Cordelier, cul-de-sac dans la rue Saint-Vivien, où il y a boucherie des deux côtés. C’était la boucherie Saint-Vivien.

Le Coq, où il y a boucherie, dans la rue Beauvoisine, près de la place de la Rougemare. C’était la boucherie du Coq, que l’on trouve aussi désignée, dans un acte de tabellionage, sous le nom de boucherie Saint-Godard.

Rue Massacre, où il y a boucherie. C’était la boucherie Massacre, qui est figurée dans les plans de la même époque sur le Neuf-Marché, entre la rue Massacre et celle du Tambour.

(Voyez ces différents noms.)

Il y avait aussi boucherie foraine sur la place du Vieux-Marché, et boucherie à la porte du Crucifix, sur le quai2.

Mais des actes de tabellionage de 1420 et de 1478 font mention d’une autre boucherie appelée la boucherie S.-Maclou, qui n’est pas indiquée dans les nomenclatures du 18e siècle. Ce dernier

acte est relatif à l’hostel où pend l’enseigne de la Truye-qui-file1, borné d’un bout par devant le pavement du roy en la boucherie de Saint-Maclou, et d’autre bout par derrière le jardin de l’hostel du Coq. D’après un autre acte de 1478, la boucherie Saint-Maclou était dans la rue Martinville, près de la rue des Ravisés, ancienne rue de Rouvray, comme l’indique aussi un acte de 1493, concernant une maison faisant le coin de la dite rue, qui tend de la rue du Sac (ancien nom de la rue du Chaudron) en la boucherie de Saint-Maclou.

Les quatre boucheries qui existaient au 15e siècle étaient celles de Massacre, de Saint-Maclou, de Saint-Ouen et de Saint-Vivien ; deux boucheries nouvelles étaient celles de Beauvoisine et du Vieux-Marché. Le nombre de ces établissements étant venu à se multiplier, on songea, en 1520, à faire un règlement pour l’exercice de ce commerce. En 1537, un titre de l’Hôtel-de-Ville fait mention des boucheries de Beauvoisine, du Vieil-Marché, de Massacre, de Sainte-Croix-Saint-Ouen et de Saint-Maclou. À l’occasion des épidémies qui sévissaient alors, des mesures furent prises pour contraindre les bouchers à faire leurs machacres dans les tueries régulières établies dès 1432, et pour en établir de nouvelles. Les tueries fondées en 1432 étaient celles de la Basse-Vieille-Tour et du quartier de Martinville, et il y en avait une troisième, pour les menues bêtes de boucherie, dans la rue des Espagnols, près de la tour du Tot. La première de ces tueries, qui avait été rétablie en 1607, et dont il ne reste plus de traces, fut affectée au service des boucheries de Beauvoisine et de Massacre, qui, en 1601, avaient été condamnées, par arrêt du Parlement, à prendre à leur charge sa réparation. La seconde, qui était située près de la porte Martinville, était pour les boucheries de Saint-Ouen, de Saint-Vivien et de Saint-Maclou. Le 21 mai 1519, il fut ordonné d’en faire encore une sur la rivière de Robec... au coin des Bouchers, et une autre près du Vieux-Palais. En 1537, on en établit une au Vieux-Marché. Outre l’existence de ces tueries, il s’en était établi de particulières, dont la suppression fut prononcée par une ordonnance du maire de Rouen, du 18 juin 1801.

― Lorsque les achats des bouchers excédaient les besoins de la

semaine, ils conduisaient les bestiaux de surcroît dans les pâturages de Bihorel et de Saint-Julien, où ils possédaient plus de cinq cents acres de terrains à l’usage commun de leur corporation. De là le nom des rues aux Bœufs, situées dans les deux quartiers.

― On a trouvé, en 1834, dans la rue des Boucheries-Saint-Ouen, en construisant un aqueduc, des murs antiques et des débris romains, parmi lesquels étaient des claveaux en pierre, que M. A. Deville croit avoir fait partie de l’ancienne porte Saint-Léonard1. (Voyez rue Saint-Amand.)

Boudin (rue). = Rue aux Juifs, rue Saint-Lô. ― 9e section, 1er canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-O.

Cette rue était connue anciennement sous le nom de rue Barate, lequel paraît être provenu d’un bourgeois appelé Le Barate, qui vivait en 1461. Farin cite la rue Barate, vulgairement dite la rue Boudin2. Il en est fait mention dans plusieurs actes de tabellionage du 15e siècle. L’un de ces actes, du 2 juin 1426, est relatif à une maison assise en la rue aux Juifs, b. d’un côté par la rue Barate, avec un sollier assis en travers de la rue aux Juifs. Dans un acte de 1493, elle est ainsi désignée : la rue tendant de Saint-Lô à la rue aux Juifs.

Un acte de 1426 cite une rue Bardin ; le nom de la rue Boudin ne se trouve indiqué que sur les plans postérieurs à ceux du 16e siècle. Nous ne savons pourquoi ni à quelle époque ce nom a été adopté. C’est un de ceux que l’on devrait faire disparaître de nos nomenclatures, car il ne rappelle, que nous sachions, aucun fait historique, tandis qu’il n’y aurait qu’à choisir pour trouver une dénomination mieux appropriée au voisinage de l’antique et illustre Parlement de Normandie. La rue Boudin a dû aussi porter anciennement le nom de rue de Bers, dont l’origine nous est inconnue, à moins que ce ne soit par corruption de celui de la rue du Bec, à laquelle la rue Boudin fait suite.

― Une autre rue de Boudin, citée dans plusieurs titres du 14e et du 15e siècle, comme étant assise en la paroisse et derrière les murs de Saint-Ouen, est indiquée dans les plans de 1655 et de 1724, et dans les nomenclatures de cette dernière époque. Plus tard on lui donna le nom de rue de la Perle, de quelque enseigne, dit l’auteur du Dictionnaire indicateur, pour éviter la confusion de cette rue avec la rue Boudin, qui est située entre

la rue aux Juifs et celle de la Municipalité (Saint-Lô). Elle a été supprimée pour l’ouverture de la rue de l’Hôtel-de-Ville.

Boulingrin (place du). = Rampe Saint-Hilaire, rampe Beauvoisine. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Beauvoisine.

Cette place, dont l’existence date de 1778, a été affectée au 18e siècle à la tenue du marché aux chevaux, qui était précédemment sur la place de la Rougemare. C’est pour cela qu’on l’appelait encore, vers 1811, la Nouvelle-Rougemare.

On y tient aussi une foire aux bestiaux, à l’époque de l’ouverture de la foire Saint-Romain.

Son nom est dérivé d’un ancien mot : « boule-verd1 », tapis de gazon où l’on jouait à la boule, d’où les Anglais ont fait « bowling green » qui est devenu en français boulingrin.

― Il paraît avoir existé, dans les siècles précédents, plusieurs emplacements où l’on tenait des marchés aux chevaux. Indépendamment de la rue appelée la rue aux Chevaux ou le cours aux Chevaux, qui était située près du Vieux-Marché, entre cette place et la rue Cauchoise, et qui fut supprimée en 1757, pour la construction projetée, et même alors commencée, d’un hôtel-de-ville, un marché aux chevaux se tenait avant 1488 à la grande vieu tour près des murs de la ville2. Nous trouvons aussi, dans des actes de 1421 à 1480, la mention d’un lieu nommé l’estal aux Chevaux, près de la rue Bourgerue, dans la paroisse Saint-Vivien. Il y avait eu aussi un marché aux chevaux au bas de la rue du Vieux-Palais, alors la rue aux Béguines, à l’endroit où Henri V, roi d’Angleterre, fit bâtir, en 1419, la forteresse qui fut démolie vers la fin du 18e siècle ; sur une place, dit un acte de tabellionage de mars 1418, séant en la paroisse Saint-Éloi, auprès de la tour Maussefrote et de la rivière de Seine, en laquelle place souloit estre anciennement marché aux chevaux.

Bouquet (rue). = Rue Pouchet, rue Saint-Maur. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Bouvreuil.

Ouverte vers 1847, par un ancien négociant de ce nom qui s’était rendu acquéreur du clos Campulley, au centre duquel cette rue est située.

Il fut question de prolonger cette rue jusqu’au boulevard, où elle aurait abouti en face de la rue Alain-Blanchart ; ce projet, mis à l’enquête, paraît avoir été abandonné.

― Une inscription placée au-dessous du nom de la rue Bouquet porte : Cité Grimaux. C’est celui d’un entrepreneur qui a construit dans ce quartier neuf un grand nombre de maisons.

Nous lisons dans le Journal de Rouen du 4 décembre 1857 : M. Adolphe Grimaux a reconstruit avec le plus grand soin, dans sa propriété du clos Campulley, une tourelle du 16e siècle qui ornait l’ancienne cour de l’abbaye de Saint-Amand. M. Grimaux va aussi établir, dans son intégrité, la partie décorative intérieure de la chambre de la célèbre abbesse Guillemette d’Assy, boiserie qu’il avait acquise, ainsi que la tourelle, vers le milieu de 1853. (V. rue Saint-Amand).

Bourgerue (rue).

C’est actuellement la rue de Germont, appelée ainsi en 1867 en mémoire de l’un des bienfaiteurs de l’Hospice-général, qui a sa principale entrée dans cette rue. Elle est indiquée dans plusieurs actes de tabellionage, en 1419 et en 1424, et jusque dans le 16e siècle, sous les noms de rue Bougerue et Bouge-rue, dont l’origine semblerait provenir du mot « bouge » par lequel on désigne un lieu infect et malsain, un logement étroit et mal éclairé. Mais on pourrait la trouver aussi dans la dénomination de boujonneurs ou bougonneurs, qui était donnée aux maîtres et gardes du métier de la draperie demeurant dans ce quartier. On trouve, en effet, l’indication, dans la paroisse Saint-Vivien, d’une rue des Boujonneurs, qui dut être un des noms de la rue Bourgerue, au 14e siècle1.

La rue Bourgerue était aussi appelée, au 14e et au 15e siècle, rue de la Fontaine-Saint-Ouen2. Un acte de tabellionage de 1420 fait mention d’une rue par où l’on va du pont Dame-Regnaulde à la Fontaine-Saint-Ouen, paroisse Saint-Vivien. Un autre acte de 1491 est relatif à une maison assise en la rue des Picquechins (voyez rue Picchine), b. d. b. la rue de la Fontaine-Saint-Ouen, que l’on souloit appeler la rue de Bourgerue. Cette désignation provient d’une fontaine qui prend sa source dans cette rue, et dont les eaux ont été utilisées, en 1658, dans

l’enclos de l’Hospice-général. Le nom de la fontaine Saint-Ouen est aussi indiqué dans un acte du 20 oct. 1524, qui précise la place où elle prend son cours. On y lit : Une maison dans la rue du Bas (actuellement la rue Mollien) qui est vis-à-vis de la fontaine Saint-Ouen1 ; la grande porte de la dite maison étant droit vis-à-vis de ladite fontaine. Un acte du 12 déc. 1552 lui donne le nom de fontaine Saint-Vivien.

Un acte de 1526 désigne aussi la rue Bourgerue par ces mots : Maison sise en la rue de Bougerue, dite Marêquerie. Elle est inscrite sur les plans de 1655 et de 1724 sous cette dernière dénomination, qui était donnée en même temps à l’une des rues que remplace actuellement la rue Napoléon III.

Les nouveaux travaux qui ont pour but d’accomplir les améliorations du quartier Martinville ont amené l’élargissement de cette rue et ont fait disparaître les anciennes rues Picchine et des Verriers. Ils dégagent d’une manière avantageuse les abords de l’Hospice-Général et de la caserne Napoléon III.

Bourg-l’Abbé (rue). = Rue de l’Épée, rue du Petit-Porche et place de la Rougemare. ― 5e section, 2e canton, Saint-Ouen. ― Quartier N.-E.

Cette rue est indiquée par plusieurs auteurs et dans divers titres sous les noms de Bos-l’Abbé, Bout-l’Abbé ou Bourg-l’Abbé dit la Rougemare, des Minimes, de Maulévrier2. ― Un acte de tabellionage lui donne aussi la dénomination de la Serpente. (Voyez ce mot.)

Les abbés de Saint-Ouen avaient la souveraineté de ce quartier, qui en a conservé le nom de Bourg-l’Abbé. En 1794, cette rue, réunie à la rue Orbe, reçut les noms de rue de l’Opinion et de la Révolution ; elles reprirent, en 1795, chacune leur ancienne dénomination.

On voit, dans la rue Bourg-l’Abbé, la chapelle des dames du S.-Sacrement qui étaient précédemment rue Morant. Cette chapelle, dont le petit clocher a été surmonté, en 1807, d’une croix

démesurée, était précédemment l’église des religieux Minimes, qui a été dédiée en 1656. Plus loin est la chapelle de l’ancien Collége des Jésuites, actuellement le Lycée impérial (Voyez rue de Maulévrier). ― Presque en face de l’ancienne église des Minimes avait été édifiée, en 1680, une chapelle de Notre-Dame-de-Grâce1 ; vis-à-vis de l’église du Lycée, et presque au coin de la rue du Petit-Porche, il y avait, suivant l’indication fournie par les plans de 1655 et de 1724, une porte communiquant avec les dépendances2 de l’abbaye de Saint-Ouen, qu’on appelait alors le Logis-du-roi. (Voyez place de l’Hôtel-de-Ville et rue du Petit-Porche.)

La rue Bourg-l’Abbé était, au moyen-âge, le centre du quartier où s’exerçait l’industrie drapière : Aucune personne fist mectre, en un penteur (voyez ce mot) qui estoit en la rue Bourc-l’abbé, l’enseigne de la draperie de Rouen, appelée l’Anus Dei3.

Bourgogne (rue et impasse de). = Rue Binet, avenue du Mont-Riboudet. ― 12e section, 5e canton, la Madeleine. ― Faubourg Cauchoise.

Nous n’avons aucun renseignement sur l’origine de ce nom.

Bourse (quai de la), comprenant le cours Boïeldieu. = Rue Grand-Pont, rue de la Vicomté. ― 9e section, 1er canton ; paroisses : la Cathédrale, depuis la rue Grand-Pont jusqu’à la rue Nationale ; ensuite, Saint-Vincent. ― Quartier S.-O.

Ce nom a été donné, en août 1837, à la partie des quais comprise entre la rue Grand-Pont et la rue Haranguerie, près de laquelle avait été établie la promenade de la Bourse, appelée la place des Marchands.

― La Bourse est le lieu où s’assemblent ordinairement les négociants pour conférer de leurs affaires. Les premières réunions de ce genre se firent à Bruges, dans un local placé devant un hôtel bâti par un seigneur de la famille de la Bourse, et dont les armoiries consistaient en trois bourses. Ce même nom fut donné par la suite aux emplacements affectés, dans les villes de commerce, aux réunions de négociants.

C’est du 31 janvier 1550 que daterait, suivant M. A. Aillaud1, l’établissement de la Bourse de Rouen près des Cordeliers, à l’instar de celle d’Anvers, du change de Lyon, et de l’estarde de Londres. On l’appela d’abord la Convention de Rouen.

Quelques écrivains ont prétendu qu’antérieurement on donnait le nom de la Bourse à un marché qui se tenait sur une petite place située en face de l’église de Saint-Cande-le-Jeune, dans la partie de la rue du Petit-Salut qui aboutit à la rue aux Ours. Devant cette église, il existait, dit-on, une maison sur les piliers de laquelle étaient représentées trois bourses, et l’on donnait à la rue aux Ours l’étymologie suivante : À la bourse de Londres, on appelle Ours ceux qui achètent ce qu’ils ne peuvent recevoir, ou qui vendent ce qu’ils n’ont pas. On en conclut que ce terme s’est naturalisé en Normandie, en même temps que les usages anglais2.

Mais revenons à ce qui fait l’objet de cet article :

La nécessité d’approprier un local pour la réunion des négociants se révèle dans l’interdiction qui fut faite par un arrêt du Parlement, en 1581, à toutes personnes de eux pourmener ès eglises ne en icelles tenir aucun propos de negociations particulieres durant et aux heures de celebration du service divin.

La promenade de la Bourse fut établie en 1664 et plantée l’année suivante. On l’entoura de murs pour empêcher l’importunité des voitures ; puis elle fut fermée de grilles en 1753, et ornée d’une belle méridienne entourée de trophées à la gloire de Louis XV, ouvrage des frères Slodtz, habiles sculpteurs. En mars 1794, la promenade fut détruite ; l’emplacement qu’elle occupait fut mis au niveau du port en trois jours, et l’on y planta un arbre de la liberté. On la rétablit en novembre 1795 aux frais des négociants, qui ouvrirent une souscription à cet effet. En 1826, à l’occasion des travaux de redressement du port, cette promenade a été transférée au-dessous du bâtiment des Consuls, à la place d’une rue appelée la rue de la Lanterne.

La méridienne qui décorait l’ancienne promenade a été transportée dans le jardin de l’Hôtel-de-Ville. On y rétablit en 1815, en remplacement des initiales impériales qui y avaient été mises en 1804, le portrait de Louis XV, qui en avait été enlevé en 1792.

Lorsque le temps ne permet pas aux négociants de se réunir dans la promenade de la Bourse, qui a reçu vulgairement le nom de Bourse découverte, les assemblées ont lieu dans la grande salle du rez-de-chaussée du palais des Consuls, à laquelle on a donné le nom de Bourse couverte.

Un règlement du 13 janvier 1815 a déterminé la tenue de la Bourse de Rouen, les heures d’ouverture et de clôture, les mesures d’ordre pour en assurer la tranquillité.

Un arrêté du maire de Rouen, du 4 décembre 1854, a décidé que la Bourse de l’industrie se tiendrait dans le local ordinaire de la Bourse, les jeudi et vendredi, de une à trois heures.

La promenade de la Bourse a été agrandie, il y a environ vingt-cinq ans, aux dépens de quelques maisons de l’ancienne rue du Crucifix.

Boutard (rue). = Rue Saint-Laurent, rue du Coquet. ― 8e section, 2e canton, Saint-Godard. ― Quartier N.-O.

Ce nom doit avoir été celui d’un propriétaire. Il est écrit, dans les divers actes de tabellionage du 15e siècle, de diverses manières qui semblent se rapporter à une seule et même dénomination.

C’est ainsi que, dans un acte de 1423, nous voyons la mention du jardin du Presbytère, borné par derrière la rue Boutchard, et par devant la rue de l’École-de-Grammaire. Dans un autre acte de la même année on lit : le pavé de la rue Grandmare (rue de l’École) et la rue Bouchihard. Ce nom, écrit aussi Boutchyard, se reproduit dans un autre acte de 1426. Puis, dans un acte de 1466 on lit : une maison bornée d’un côté la rue de Boutilhard, et d’un bout la rue du Fossé-aux-Gantiers1.

En 1478, c’est un hostel où pend l’image de S. Sebastien, assis en la rue Bouchihard, b. d. c. l’hostel de l’Escreviche, d’un bout par derrière la rue de l’École-de-Grammaire, à cause d’une allée par où l’on va à la dite école. Enfin, nous lisons rue Pouchehard en 1437, et Bourchard en 1485.

Les diverses manières dont ce nom est écrit laissent indécise la question de savoir si c’était, dans l’origine, Boutard ou Bouchard. On trouve cette dernière dénomination fréquemment employée dans l’Histoire de Rouen ; ce qui nous porte à supposer

que ce serait là le vrai nom, parce qu’il se rapporte plus aux variantes que nous avons fait connaître.

Cette dénomination nous paraît avoir été commune à la rue Boutard proprement dite et à celle de l’Écureuil, dont elle aurait autrefois fait partie, comme l’indique, outre l’acte de 1466 cité plus haut ainsi que d’anciens plans, un autre acte de 1487 concernant une maison où pend l’enseigne de l’Escreviche, d’un bout par devant la rue Boutilhard, à présent nommée la rue de l’Escureuil. (Voyez ce nom.)

On remarque dans la rue Boutard, à peu de distance de l’entrée principale de l’église Saint-Godard (voyez ce nom), une maison à façade en pierre, du règne de Louis XIII1.

Boutiques (rue des). = Place des Arts, rue de la Savonnerie. ― 7e section, 3e canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-E.

Ce nom est écrit Buticles ou Bouticles dans tous les actes où nous l’avons rencontré. On y trouve aussi le quai des Bouticles, la porte de nouvel faicte, nommée la porte des Bouticles2.

Cette petite rue, située entre la place des Arts et la rue de la Tuile, se prolongeait jusqu’au quai des Boutiques, ainsi appelé à cause des loges qui y étaient établies, sous les murs de la ville, pour la vente du cidre. On lit, dans un acte de 1487, la mention d’un héritage assis près de la porte du Kay aux Bouticles, b. d’un côté les murs de la ville, d’un bout le pavé de la rue aux Bouticles, et d’autre bout le lieu où souloit estre les murs de la ville.

Bouverie (fermes de la), dans le faubourg Saint-Hilaire.

Ainsi nommées d’un ancien fief de la Bouverie qui était dans le faubourg Bouvreuil, et dont les dépendances pouvaient s’étendre jusqu’aux fermes qui ont reçu ce nom.

Bouville (rue de).

On trouve, désignée sous ce nom, dans plusieurs actes de tabellionage de 1423, 1426 et 1464, une rue tendant de la porte Saint-Hilaire à la porte Beauvoisine, dans la paroisse Saint-Nicaise. En consultant les anciens plans, nous ne saurions attri-

buer ce nom qu’à la ligne qui se dirigeait intérieurement, le long des remparts, de l’une de ces portes à l’autre.

Nous ferons la même observation à l’égard d’une rue des Bouvetiers dont il est fait mention dans un acte de 1424, comme étant située dans la même paroisse. Cette dénomination a, au reste, quelque analogie avec celle de rue des Bourreliers, donnée autrefois à la rue de la Cage (voyez ce nom).

Bouvreuil (faubourg).

L’origine du nom de ce faubourg est très ancienne1. Elle est due à un ancien fief de Bouvreuil ou de la Bouverie, sur l’emplacement duquel s’établirent les Récollets dans la rue du Champ-des-Oiseaux, qui elle-même a porté longtemps le nom de rue du Faubourg-Bouvreuil. ― On donna, en 1794, à ce faubourg, le nom de quartier du Mont-Blanc. Il reprit l’année suivante son ancienne dénomination.

Dans le faubourg Bouvreuil, à l’endroit appelé le carrefour des Boulevards, où commence actuellement la rue Ernest-Leroy, se trouvait encore, en 1784, une grande place plantée et entourée de haies vives, appelée le clos des Archers ou le jardin de l’Arc, où la compagnie des Archers s’exerçait à tirer de l’arc, ainsi que l’indique son nom.

Des actes de tabellionage de 1396 et de 1403 font mention d’un hôtel de Bouvreuil, appartenant à messire Jean Braque, chevalier, et d’un champ appelé le clos de la Vigne ; il est aussi parlé d’un marché qui fut fait pour deserter et rompre et deffresquir ce clos. Ce champ de la Vigne était cité également dans une charte des abbés de Saint-Ouen, de mai 12442. Cette dénomination indique que la culture de la vigne était répandue à Rouen au moyen-âge (Voyez l’introduction, p. xviii.)

L’auteur des Lettres sur Rouen parle d’un vaste souterrain qui partait de la rue Étoupée et traversait le boulevard. C’était, dit-il,

une ancienne poterne pour passer le fossé de la ville. L’entrée de ce souterrain, qui est actuellement rempli d’eau, est sous une maison de la rue Saint-Patrice, faisant face à la rue Étoupée. (Voyez rue Saint-Patrice.)

Bouvreuil (place ou carrefour). = Rues du Cordier, de la Glacière et Bouvreuil. ― 8e section, 2e canton ; paroisse Saint-Romain pour le no 6 ; pour le reste, Saint-Godard. ― Quartier N.-O.

C’est près de cette place, qui date de 1678, et un peu au-dessus de la rue du Cordier, qu’était située la porte Bouvreuil. M. de Jolimont dit qu’elle existait depuis 1225, et qu’au 15e siècle on lui donna le nom de porte du Chastel1 ; il ajoute que, vers cette époque, on y fit un bastion et des ouvrages en maçonnerie. Elle fut reconstruite en 1520 et démolie en 1802, peu de temps après la plantation des boulevards.

Lorsque, en 1746, le célèbre Lecat ouvrit un cours gratuit d’anatomie, il obtint de la ville l’autorisation d’établir son amphithéâtre sur la partie supérieure de la porte Bouvreuil.

Il y avait, en 1790, sur cette porte, décorée des armes de la maison de Brézé, une image de la Vierge, au pied de laquelle on lisait cette inscription :

Le modèle de cette image
Est un chef-d’œuvre si parfait,
Que le Créateur, qui l’a fait,
S’est renfermé dans son ouvrage.

Les registres du Parlement font mention, à la date de 1611, d’une vide place qui faisait partie de l’ancien château et séparée par des fossés. Sous cette place se trouvaient les canaux des fontaines de la ville, et il fut interdit d’y bâtir, à cause de l’incommodité que cela leur apporterait. C’est là probablement qu’est la place Bouvreuil.

Bouvreuil (rue). = Place Solférino, dans la rue de l’Hôtel-de-Ville, boulevard Beauvoisine. ― 8e section, 2e canton ; paroisse Saint-Godard, jusqu’à la place Bouvreuil ; ensuite, Saint-Romain. ― Quartier N.-O.

Avant sa démolition, la porte Bouvreuil formait la limite entre la rue Bouvreuil et celle du Champ-des-Oiseaux. À partir de 1817, la première de ces rues a été prolongée jusqu’au boulevard, où a commencé le point de départ de la seconde. (Voir rue du Champ-des-Oiseaux.)

Dans la rue Bouvreuil était le réservoir des fontaines de la ville, nommé « la Dépense des Fontaines1. » ― Ce réservoir a été supprimé vers 1854 pour l’élargissement de la rue, et remplacé par des conduites souterraines. Le Ms. des Fontaines parle d’une maison descendant de la porte Bouvreuil sur la Renelle, et qui était appelée la Maison du Petit-Cerf. C’est en face de cette maison qu’était le réservoir dont il vient d’être parlé. En 1712, la principale cuve ou citerne qui recevait toutes les eaux de la fontaine Gaalor tomba en ruines, ce qui obligea Mrs de ville de la réédifier à neuf en 1713. Ils la firent en même temps agrandir tant en profondeur qu’en largeur, et y firent mettre une porte de fer grillée, au-dessus de laquelle était une inscription rappelant la date de cette restauration.2 On voyait encore cette grande grille de fer de la citerne publique, au moment de la suppression de cette citerne.

Un acte de tabellionage de 1468 indique que ce réservoir portait à cette époque le nom de la fontaine du Chastel, anciennement nommée la fontaine Gaalor. Un autre acte de 1474 fait mention d’un héritage borné d’un côté par la rue venant de l’église Saint-Godard à la fontaine du Chastel et d’autre bout la rue menant de ladite fontaine à la porte de Bouvreuil. Un autre acte, enfin, de 1679, cite aussi la fontaine du Chalet (Châtel) dans la paroisse Saint-Godard.

Au bas de la rue Bouvreuil, près de celle de l’Hôtel-de-Ville, est une jolie maison en pierre portant la date de 1578, et dont la façade est bien conservée3. Elle a été exhaussée et regrattée en

1822. Plus haut, en face de la rue du Bailliage, était, en 1767, l’hôtel de la Maréchaussée.

En montant la rue Bouvreuil, à gauche vers le boulevard, on remarque le donjon du Vieux-Château de Rouen, dont nous parlerons à l’article de la rue Morant (voyez ce nom). Acquis par une société de souscripteurs qui s’est formée en 1866, et qui en a fait remise à l’état, avec jouissance au profit du département, ce donjon a été classé comme monument historique. Une société de souscripteurs, qui s’est formée en 1866, fait établir, autour de cet unique débris de l’antique forteresse de Philippe-Auguste, un chemin de ronde qui aura son entrée par la rue Bouvreuil, en attendant la réalisation d’un projet qui aurait pour but d’ouvrir une rue tendant de l’Hôtel-de-Ville à un rond-point formé par la rue de l’Impératrice à l’intersection des boulevards, et de dégager entièrement cette tour, à laquelle a été donné, depuis 1865, le nom de Jeanne-d’Arc.

Le quartier de Bouvreuil, et surtout l’emplacement du château de Philippe-Auguste, sont parsemés de débris romains de toute espèce. Au pied du donjon dont nous venons de parler, est une muraille antique près de laquelle passaient les eaux de la fontaine Gaalor, devenue plus tard le ruisseau de la Renelle. Dans les rues environnantes on a exhumé, à diverses époques, notamment en 1862, des poteries, des vases, des pièces de monnaie1.

Bras-de-Fer (rue). = Place Beauvoisine, rue de l’Avalasse. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Bouvreuil.

C’est sans doute le nom d’un propriétaire, nom que l’on rencontre à différentes époques. Déjà cité dans un titre du 13e siècle2, il est mentionné dans un acte de tabellionage de 1421. ― On trouve aussi le nom de Bras-de-Fer donné en 1398 et en 1465 à une île située devant la porte « Jean-Lequeu. » (Voyez île de la Croix.) ― Un sieur Bras-de-Fer était, en 1655, propriétaire d’une maison de plaisance à Eauplet.

― Un acte de tabellionage du 15e siècle cite également une rue Bras-de-Fer dans la paroisse Saint-Maclou : d’un bout la

rue Notre-Dame et d’autre bout la rue Bras-de-Fer. Nous ne savons à quelle rue cette dénomination s’applique.

Bretaigne (ruelle).

Des registres de tabellionage du 15e siècle citent une rue de ce nom qui était dans le voisinage de l’Eau-de-Robec et de l’abbaye de Saint-Amand.

Broches (rue aux). = Route de Lyons, la campagne vers Darnétal. ― 1re section, 5e canton, Saint-Hilaire. ― Faubourg Saint-Hilaire.

On désigne ainsi, du nom du triage qu’elle traverse et qu’on appelle aussi les marais de Carville, une petite rue placée entre la route de Lyons et le chemin de fer d’Amiens, près des limites de Darnétal.

Brouettes (rue et impasse des). = Rue Saint-Julien, la campagne vers les bruyères Saint-Julien. ― 11e section, 6e canton, Saint-Clément. ― Faubourg Saint-Sever.

Cette rue n’était encore, à la fin du siècle dernier, qu’une sente appelée le chemin des Brouettes. Nous n’avons pas de renseignements sur l’origine de son nom, qui est inscrit « Brouelles » sur un plan de 1784. ― Peut-être serait-elle due à un lieu de fabrication ou de dépôt des brouettes que la ville fournissait aux ouvriers employés à ses travaux.

― Le Journal de Normandie de 1786 fait mention d’une petite rue aux Brouettes qui existait alors vis-à-vis de l’église de Saint-Hilaire, entre le pavé et la rivière de Robec.

(Voyez aussi la rue du Hameau-des-Brouettes.)

Brouilly (île). = 1re section, 6e canton, Saint-Paul.

Elle est située au-dessus de l’île de la Croix. L’origine de son nom nous est inconnue. Cette île est traversée par un pont affecté exclusivement au service du chemin de fer de Paris à la mer. Une partie de ce pont fut incendiée en 1848 par une bande d’agitateurs.

Brutus (rue de). = Rue Eau-de-Robec, rue Saint-Vivien. ― 3e section, 4e canton, Saint-Vivien. ― Quartier S.-E.

Ce nom avait été donné en 1794 à la rue Saint-Vivien. Une rue de Brutus, appelée autrefois rue du Loup, se trouve encore

entre la rue Accard et l’ancienne rue Godard, qui fait actuellement partie de la rue Édouard-Adam. Elle a échappé, sans doute à cause de son exiguité, à la réforme faite en 1795 des noms caractéristiques qui avaient été choisis l’année précédente pour différentes rues de la ville.

Buffon (rue de). = Quai du Mont-Riboudet, rue du Renard. ― 12e section, 5e canton, la Madeleine. ― Faubourg Cauchoise.

Cette rue portait encore en 1794 le nom de rue de Montholon, qui était celui d’un premier président du Parlement de Normandie, fondateur de la bibliothèque de ce parlement, mort en 1709. ― Elle reçut en 1794, d’abord le nom du député Beauvais, puis celui de rue de Danemark. En 1795, elle fut appelée rue de Buffon, dénomination qui lui est restée.

Burnel (rue).

Un registre de tabellionage fait mention d’une rue de ce nom dans la paroisse Saint-Vivien, et qui nous est inconnue.

Cabaret (cour), dans la rue du Vieux-Palais. ― 10e section, 1er canton, la Madeleine. ― Quartier S.-O.

Le nom donné à cette cour ou impasse, située au bas de la rue du Vieux-Palais, entre les rues Racine et Saint-Jacques, est celui d’une famille de ménétriers ou de joueurs d’instruments qui était propriétaire d’une vide place nommée le clos Cabaret dans un acte de tabellionage de 1510, et la ruelle Cabaret dans un acte de 1527. Le chef de cette famille paraît avoir été Jean Cabaret, canonnier du roi et geolier des prisons du palais, qui, par acte du 15 juin 1476, acheta du roi une maison et jardin assis en la paroisse Saint-Éloi, près dudit palais, bornés par la rue par laquelle l’on va du palais au couvent des Jacobins.

― On a souvent confondu l’impasse Cabaret avec une rue Gabaret, qui, d’après le Flambeau astronomique de 17161, tendait, par un tracé irrégulier, de l’ancienne rue Neuve (actuellement une partie de la place Henri-Quatre) à la porte Saint-Éloi, et qui était parallèle à la rue du Petit-Prevost. Cette rue a disparu des plans postérieurs à 17242 ; mais on la trouve encore enclavée dans une

propriété particulière, sous les noms de cour Jean-Avril ou Jean-David.

En termes de marine, on désigne sous le nom de « gabarit » un modèle des contours que l’on donne aux pièces de bois destinées à la construction des vaisseaux ; de là le nom de salle des Gabarits qui est donné, dans les ports de mer, à la partie de l’atelier où l’on trace les modèles. Il se pourrait que le nom de l’ancienne rue Gabaret, qui avoisinait le port, fût dérivé de ce mot.

Cabot (rue). = Rue du Fardeau, rue aux Ours. 9e section, 1er canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-O.

Cette ruelle est souvent citée dans les actes de tabellionage du 15e siècle ; dans un de ces actes on la désigne ainsi Ruelle conduisant de l’église Saint-Cande à la rue Barbastre (rue du Fardeau). On la trouve dans un autre acte sous le nom de Jehan Cabot1, qui est celui d’un maire de Rouen au 14e siècle, lequel fut sept fois investi de ces fonctions. Enfin, elle est inscrite sur un plan de 1724 sous le nom de rue Chabot.

― Il y a aussi, dit-on, une cour Cabot dans la rue Martinville.

Caen (route de). = Rue Tous-Vents, le Petit-Quevilly. ― 11e section, 6e canton, Saint-Sever pour le côté droit ; Saint-Clément pour le côté gauche. ― Faubourg Saint-Sever.

C’est, ainsi que son nom l’indique, la grande route de Rouen à Caen. Cette magnifique avenue, qui fut établie et plantée vers 1784, sous la dénomination d’avenue du chemin de la Basse-Normandie, vient d’être plantée de nouveau. Elle est vivifiée par de nombreux et importants établissements industriels.

À gauche de la demi-lune qui ferme l’avenue de Caen sur les limites de la ville, est un vaste emplacement, maintenant percé de rues, qui est connu sous le nom de parc des Chartreux, et qui était occupé antérieurement par le prieuré de Saint-Julien. (Voyez aux mots Chartreux et Saint-Julien.)

Cage (rue de la). = Rue de la Roche, boulevard Beauvoisine. ― 2e section, 2e cant. (sauf les quatre premiers nos pairs qui font partie du 4e canton) ; Saint-Nicaise. ― Quartier. N.-E.

C’était précédemment une impasse, qui a été prolongée en 1843 jusqu’au boulevard.

La rue de la Cage portait aussi, au 15e siècle, les noms de rue des Bourreliers ou Broulliers, et des Burreliers ou Brulliers, sans doute par corruption. Ces diverses dénominations, dues peut-être à la profession qu’exerçaient les habitants, sont indiquées dans divers titres. Un acte de tabellionage du 26 septembre 1465 fait mention d’une maison en la rue des Bureliers, appartenant aux religieux (de Saint-Ouen), derrière les murs de la ville, à l’endroit du val de la fausse Porte. (Voyez rue des Champs.) Un autre acte, du 20 février 1481, cite un héritage dans la rue des Brulliers, autrement dite de la Caige1, d’un bout la dite rue et d’autre bout la rue des Champs, puis un autre hôtel borné d’un bout par la rue aux Bourreliers et d’autre bout par la rue Tirelincheul. Cette dernière rue, appelée actuellement rue Poussin, avait aussi porté le nom de rue de la Cage-Saint-Nicaise, nom sous lequel elle est inscrite sur un plan de 1724, tandis que, sur celui de 1655, elle figure sous le nom de rue de la Loge.

Le nom actuel de la rue de la Cage semble, comme beaucoup d’autres noms de rues, être provenu d’une enseigne. Un acte de tabellionage, du 5 juillet 1555, mentionne un héritage borné d’un côté l’enseigne de la Cagette et d’un bout le camp du Régent. Des enseignes de la Cage se trouvaient aussi dans d’autres quartiers de la ville.

L’ancien jardin des Arquebusiers2, qui est figuré dans les plans de 1655 et de 1724, où avait existé primitivement une tour nommée « la garde de Saint-Ouen3 », occupait, vers les remparts, tout l’emplacement compris entre le haut de la rue de la Cage et l’extrémité de la rue Poussin actuelle, laquelle, ainsi que nous l’avons dit, avait été aussi appelée précédemment la rue de la Cage-Saint-Nicaise.

Un autre acte de 1489 indique une rue tendant de la Cage à Coquereaumont ; d’autres, enfin, parlent d’une rue du Colombier4 (voyez ce nom), qui devait se trouver dans la même di-

rection. La réunion de ces diverses dénominations de « Cage, Loge et Colombier1, » qui sont restées aux rues conduisant à cet ancien jardin des Arbalétriers, lequel, ainsi que tout le quartier environnant, dépendait de la riche abbaye de Saint-Ouen, permettrait de supposer que là était un lieu d’approvisionnement pour le célèbre monastère.

― Nous trouvons, dans cette même rue de la Cage, à la date du 14 février 1557, une vente faite par les Filles-Dieu d’un jardin vulgairement appelé le jardin de Bethléem, borné d’un côté une ruelle qui tend de la rue de la Cage à la rue Tireuit (actuellement la rue Boisguilbert), le long des remparts. Ce pourrait être un ancien nom du jardin des Arbalétriers.

― Un acte de tabellionage de 1467 fait mention d’une autre rue de la Cage dans la paroisse Saint-Vivien. La nomenclature de Du Souillet indique aussi une rue de ce nom près du Camp-Hérisson, dans le voisinage de la rue du Mont ; ce doit être un nom défiguré du cul-de-sac de la Hache.

Caillot ou de la Fontaine-Caillot (ruelle).

Cette ruelle, qui n’existe plus, avait dû prendre son nom d’une fontaine que Farin mentionne, sous la désignation de fontaine Saint-Ouen, comme ayant sa source dans la rue des Champs. Des actes de tabellionage de 1420 et de 1527 parlent d’une ruelle tendant de la rue des Champs à la fontaine Caillot, qui avait reçu probablement son nom d’un propriétaire2. C’était une impasse dont on voit le tracé dans les anciens plans, et qui a été renfermée vers 1858, ainsi que la fontaine, dans les dépendances du séminaire de la rue Poisson. Cette fontaine ne donne plus d’eau.

La ruelle Caillot devait aussi se prolonger de la rue des Champs à l’ancienne rue de Coquereaumont (la rue des Capucins), à travers l’emplacement du couvent des Ursulines, si l’on s’en rapporte à un acte de tabellionage de 1483, concernant une maison

sise dans cette dernière rue, bornée d’un côté la ruelle tendant à la fontaine Caillot, dans la rue Saint-Vivien.

Calende (place de la). = Rues des Bonnetiers, de l’Épicerie, du Bac et du Change. ― 7e section, 3e canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-E.

Le nom de cette place semble provenir, suivant Farin, d’une confrérie des frères de la Calende de Rouen, dont il est fait mention dans un titre de 1280. Un acte de tabellionage de 1436 cite le lieu nommé la Kalende, en la paroisse de Saint-Denis et celle de Saint-Cande. ― On appelait ainsi, en Allemagne, des sociétés de laïques ou d’ecclésiastiques qui s’assemblaient le premier jour de chaque mois, en latin « calendæ. » M. J.-M. Thaurin1 pense que ce nom viendrait de ce que, sur cette place principale du Rotomagus des Romains, le grand pontife du temple de Junon, à laquelle était consacré le premier jour de chaque mois, venait proclamer le jour précis des nones, qui se trouvait alternativement le 5 ou le 7 du même mois. ― D’autres personnes ont fait dériver cette dénomination de « calandre, » nom d’une machine à lustrer les étoffes ; et, à ce sujet, on remarque que ceux qui se livraient à cette industrie habitaient près du cours de Robec et venaient jusque derrière l’archevêché ; un acte de tabellionage de 1472 vend, en effet, dans la paroisse Saint-Maclou, une maison parce que une calende a callender toiles sera assise et mise en icelle maison, en laquelle icelui acheteur pourra callender ses toiles.

La place de la Calende était anciennement nommée le port Morand2, le port des Navires, le port au Blé3 ou le port Notre-Dame, parce que, aux 10e et 11e siècles, les eaux de la Seine s’étendaient jusque là. Robert Wace, dans son Roman de Rou, dit que c’est l’endroit où aborda Raoul avec sa flotte. On voyait encore, dit Farin, dans les caves de cette place, les anneaux de fer où l’on attachait les bateaux ; fabuleux anneaux, dit M. l’abbé Cochet, que l’on dit avoir vus partout et que l’on ne retrouve nulle part4.

Le magnifique portail de la Calende, qui regarde cette place, fut construit, suivant une chronique rapportée par Farin, à l’aide du produit de la confiscation des biens d’un marchand de blé qui fut pendu sur le port Notre-Dame pour avoir vendu à fausse mesure ; et sur les pierres qui font la construction de ce portail on voit encore comme cet usurier se comportoit dans la cherté du blé, ou paroît aussi l’exécution de la sentence donnée contre lui1.

Cette place fut érigée en marché en 1533. En 1504, par suite d’une sentence de Jean Salvain, bailli de Rouen, on y éleva une croix de pierre, pour indiquer qu’elle faisait partie du domaine du Chapitre de la Cathédrale. Cette croix, remplacée en 1674 par une autre plus petite, fut démolie en 1792. La procession du jour des morts se faisait à l’entour de la croix de la Calende2.

Un marché se tenait encore, en 1718, sur cette place ; mais on en avait éloigné, dès l’an 1509, les vendeurs de hareng qui infectaient le voisinage, et on les avait renvoyés à la Basse-Vieille-Tour, pour les remplacer par les marchands de fruits. Le 4 août 1582, de nouvelles mesures avaient été prises pour éloigner de la place de la Calende les marchands de fruits, victuailles, etc., en vue d’éviter la contagion de peste qui était à l’Hôtel-Dieu de la Madeleine.

Les chanoines avaient fait construire, sur la place de la Calende, contrairement aux règlements, des étaux et des échoppes dont les échevins demandèrent la démolition en 1616.

On voit encore, en face du portail, un vaste bâtiment qui faisait partie des salles de l’Hôtel-Dieu (transféré en 1758 au Lieu-de-Santé), avec lesquelles ce bâtiment était en communication par une arcade qui traversait la rue des Pannetiers, actuellement réunie à la rue du Bac. Au haut de ce bâtiment, dans un fronton circulaire, est le cadran de l’horloge, supporté par deux statues d’enfants.

On donna, en 1794, à la place de la Calende le nom de place du Bonnet-Rouge ; elle reprit, en 1795, son ancienne dénomination.

Camp ou Champ des Arbres (ruelle du).

C’est ainsi qu’on appelait autrefois une rue ou un chemin qui tendait de la Rougemare aux champs où furent établis plus

tard les hauts quartiers de la ville1, et dont il est fait mention dans plusieurs actes de tabellionage du 15e et du 16e siècle, sous les dénominations de camp de la Barre ou des Barres, de camp aux Arbres, de camp du Régent, de camp de Saint-Nicaise, et même de camp Hérisson. Ce chemin devait partir de la rue Beauvoisine et suivre la direction des rues nommées actuellement les rues de Joyeuse, Pitry, Boisguilbert, du Clos-des-Marqueurs, etc., auxquelles conduisaient les rues des Carmélites, de Maulévrier, des Minimes et des Champs. La désignation primitive de ces terrains en campagne paraît avoir été celle du camp de la Barre ou du camp des Arbres, dont parle un acte de 1421, comme avoisinant la rue Coquereaumont, et auquel conduisait une ruelle partant de la Rougemare et de la rue Beauvoisine. Ce champ fut divisé par la suite, sous les dénominations de champ de Saint-Nicaise, autour de l’église de ce nom ; de champ du Régent, appelé aussi le champ du Bourg-l’Abbé, limité à l’est par la rue de Flandre et à l’ouest par le camp de la Barre, qui devint plus tard l’enclave de Sainte-Marie ; il s’étendait jusqu’à la rue Dulong actuelle, si l’on en juge par un acte du 25 janvier 1495 concernant un jardin borné d’un bout par une ruelle tendant de la rue Beauvoisine au camp des Barres, et d’autre bout par une ruelle descendant à la Rougemare (la petite rue des Carmélites).

Quant au champ du Bourg-l’Abbé, il dut devenir, pendant l’occupation anglaise, sous le nom de camp du Régent2, avec l’hôtel du Maulévrier, qui fut acquis en 1481 par Jacques de Brézé, la propriété du duc de Bedfort, auquel on donnait le titre de Régent. Une partie de ce champ a été occupée plus tard par les monastères des Mathurins et de Gravelines.

Camps ou Champs Briquet (rue des).

Ce nom est donné, dans un acte du 16 octobre 1422, à une ruelle située près des murs de la ville à la porte Cauchoise, et menant du pavé sur les murs. Cette petite rue longeait probablement les remparts.

Canettes (rue des).

Cette rue, qui existait dans le quartier de l’Hospice-général, a été supprimée en 1866 pour le prolongement de la rue Napoléon III. Il est probable que son nom venait de petits canaux qui y étaient établis pour faciliter l’écoulement des eaux1.

Cantelles (rue des). = Rue de la Cigogne-du-Mont, rue du Mont. ― 2e section, 4e canton, Saint-Vivien. ― Quartier N.-E.

Le nom de cette petite rue vient du couvent des religieuses Annonciades qui avait été établi, en 1644, sur le fief du Mont, au lieu appelé alors le camp Hérisson. Ces religieuses étaient aussi connues sous le nom de Cantelles, du nom de Mme Cantel, fondatrice de leur chapelle. Les Affiches de Normandie de 1776 font mention d’une rue des Annonciades, qui ne doit être autre que la rue des Cantelles ou celle du Mont. (V. ce nom.)

Capucins (rue des). = Place de la Croix-de-Pierre, boulevard Beauvoisine. ― 2e section, 4e canton ; par. Saint-Vivien, pour les nos pairs jusqu’à la rue Sainte-Geneviève-du-Mont ; Saint-Nicaise, pour le reste de la rue. ― Quartier N.-E.

Son nom vient d’un couvent qui était situé dans la rue anciennement appelée rue de Coquereaumont et qui avait son entrée par la rue Poitron, ce qui avait sans doute fait donner, à cette dernière rue, le nom de rue des Capucins ; on trouve, dans un plan de 1655, inscrites sous cette dénomination, et la rue Poitron et la rue des Capucins, tandis que, dans un plan de 1724, cette dernière porte le nom de Coquereaumont. La rue des Capucins est encore divisée, dans un plan de 1817, en deux parties, dont l’une, depuis le boulevard jusqu’au carrefour formé par la rue Poitron et la rue Sainte-Geneviève-du-Mont, figure sous le nom de grande rue des Capucins, et la partie inférieure sous celui de Coquereaumont. Cette division, qui se trouve aussi dans le plan de Defer, de 1709, a disparu dans les plans postérieurs.

On donna, en 1794, le nom de rue Marat à la rue des Capucins2, et ceux d’Arras et de Cambray à l’ancienne rue Coque-

reaumont ; elles reprirent cette dernière dénomination en 1795, puis ensuite celle de rue des Capucins. Ces religieux, qui vinrent à Rouen en 1582, occupèrent d’abord, près de la porte Martinville et vers la fontaine Jacob, un lieu appelé Jéricho, où avait été fondé en 1050 un hôpital pour les aveugles. Là ils avaient édifié leur maison et une église, dont la dédicace eut lieu en 1586 ; mais tout fut détruit et rasé en 1591, sur la nouvelle que Henri IV venait mettre le siége devant Rouen. Les Capucins furent alors transférés l’année suivante au Vieux-Château, où ils bâtirent une chapelle qui fut démolie en 1601 ; puis ils allèrent à Sotteville près de Rouen, et y fondèrent une nouvelle église. Ils y restèrent jusqu’au moment où fut construit leur monastère dans l’enceinte des murs de la ville, en la paroisse Saint-Vivien. La première pierre de ce couvent, qui occupait tout l’espace compris entre la rue Poitron et les murs de clôture de la ville, et qui était limité à l’est par la rue qui prit leur nom, et à l’ouest par la rue des Champs, fut posée en 1612. L’église fut commencée en 1614, et fut dédiée en 1658 sous le vocable de Sainte-Croix. Le terrain où fut bâtie cette église avait été donné par un maître pâtissier1, et le souvenir de cette donation fut représenté sur un des vitraux. Il y avait, dans les jardins dépendant de ce monastère, une petite montagne appelée le Mont-du-Calvaire, où avait été construite une chapelle qui existe encore. Sous le cloître était une citerne qui pouvait contenir 1400 muids d’eau. Le couvent des Capucins fut fermé en 1790. Son emplacement est actuellement traversé par la rue Daliphard, et est en partie occupé par la maison des Petites-Sœurs des Pauvres, qui vinrent s’y établir vers 1850. La chapelle de ce nouvel établissement a été dédiée le 10 déc. 1858, sous le vocable de l’Immaculée-Conception.

Ce fut également dans la rue des Capucins que vinrent demeurer en 1642, les Dames du second monastère de la Visitation, dites les filles de Sainte-Marie, dont la fondation est due à saint François-de-Sales. Cette communauté, dont nous parlons à l’art. concernant la rue Beauvoisine, fut fermée en 1792. La maison, qui avait été reconstruite en 1673, fut occupée pendant quelque temps par des ateliers de filature. Les Dames de Sainte-Marie en reprirent possession en 1825, après avoir demeuré pendant quelque temps

dans la rue Saint-Patrice, et firent édifier une chapelle dont la façade est dans la rue des Capucins.

Il y avait encore dans cette rue deux autres communautés religieuses : savoir : les Dames de Saint-François et les Ursulines ; ces dernières y sont encore.

Les Dames hospitalières de Saint-François vinrent à Rouen en 1650. Elles éprouvèrent des difficultés pour s’établir et se loger convenablement1. Elles avaient fondé, dans la rue des Capucins, sous le titre d’hôpital de Saint-Louis et de Sainte-Élisabeth, une maison près de laquelle était leur petite chapelle. Cette maison devint bientôt insuffisante et finit par menacer ruine. Les dames de Saint-François obtinrent, en 1708, la concession d’une place et les moyens de construire un nouvel hôpital dans la rue Saint-Hilaire ; la première pierre en fut posée le 28 juin de la même année. Il fut appelé l’hôpital de Sainte-Élisabeth ; il est désigné, sur un plan de 1784 et dans les Affiches de Normandie de 1773, sous le nom d’hôpital de Saint-François. Cet édifice est actuellement le siége d’une école d’enseignement mutuel. Il communiquait avec la maison de la rue des Capucins, qui est actuellement remplacée par un établissement de bienfaisance dirigé par les dames de Saint-Vincent-de-Paul. Cet établissement, fondé par M. l’abbé Forbras, curé de Saint-Vivien, qui en a fait la donation à la ville et au département en 1865, comprend une crèche, des ouvroirs pour les jeunes filles, une maison d’assistance pour les pauvres, et le logement des sœurs qui consacrent leurs soins à cette institution. Là est aussi l’hôpital de Saint-Vincent-de-Paul, pour le traitement des maladies des yeux. (V. Hôpitaux.)

La petite chapelle de l’ancienne communauté de Saint-François, qui avait été bâtie en 1670, fut convertie plus tard en magasin, et devint la proie des flammes en 1812 ; il n’en resta que les quatre murs, qui furent démolis en 1835.

Les dames Ursulines, dont la fondation est due à la bienheureuse Angèle, et qui arrivèrent à Rouen en 1619, s’établirent d’abord derrière les murs de l’abbaye de Saint-Ouen, dans la rue de l’Épée, et en 1653 dans la rue Coquereaumont, qui est devenue la rue des Capucins. On posa en 1652 la première pierre de leur chapelle, qui fut dédiée sous le titre de la Conception de la Sainte-

Vierge. Pendant qu’on travaillait à cette maison, on découvrit une source d’eau vive et une somme de 8664 livres en écus d’or, qui furent d’un grand secours à cette communauté. Les dames Ursulines furent dispersées en 1790 ; mais leur maison et leur chapelle, ayant servi depuis cette suppression à divers usages, furent conservées et rendues en 1802 à celles des dames religieuses de cet ordre qui existaient encore, et qui y ont ouvert un pensionnat de jeunes demoiselles.

Depuis 1789, on avait établi, au haut de la rue des Capucins, une porte ou barrière qui fut supprimée plus tard, après avoir servi pendant longtemps de limite pour l’octroi.

On a trouvé, en 1869, en creusant des fondations au bas de la rue des Capucins, vers la Croix-de-Pierre, des traces de voies antiques telles que celles qui ont été précédemment trouvées dans la rue Beauvoisine, sur la place de l’hôtel-de-Ville, et dans les rues des Faulx et de Saint-Hilaire.

Caquerel (rue). = Rue Malpalu, en face de l’église Saint-Maclou, rue Impériale. ― 7e section, 3e canton, Saint-Maclou. ― Quartier S.-E.

Ce nom, que l’on trouve écrit Claquerel dans l’Histoire de Rouen et dans plusieurs actes de tabellionage de 1423 et de 1426, est celui d’un ancien propriétaire d’un moulin à blé situé dans cette rue, près d’un autre moulin qui appartenait à la ville, et qu’on appelait le moulin Raoul-l’abbé1.@ »

Dans un acte passé devant Robert du Châtel, maire de Rouen, en 1221 ou 1229, il est fait mention de la rue de la Porte-de-Robec, qui doit être un ancien nom de la rue Caquerel2.

Cette rue était autrefois si étroite qu’on ne voyait pas l’église Saint-Maclou qui lui fait face ; Elle fut élargie en 1509 et 1513, au moyen de l’achat de quelques maisons qui furent démolies. Elle a été élargie de nouveau en 1854, et la portion de la rue qui n’a pas

été envahie par la rue Impériale est destinée à former une petite place devant l’église Saint-Maclou.

Une image de la Sainte-Vierge était placée à l’un des angles de l’archevêché, en face de la rue Caquerel1. La niche existe encore, mais la statue a disparu.

Carmélites (rue des). = Place de la Rougemare, petite rue des Carmélites. ― 5e section, 2e canton, Saint-Ouen. ― Quartier N.-E.

Cette rue, qui tire son nom de l’ancien couvent des Carmélites (v. rue Dulong et rue Neuve-Saint-Patrice), est, ainsi que la petite rue des Carmélites qui lui fait suite, et qui aboutit en retour d’équerre à la rue Beauvoisine, une de celles qu’on désignait autrefois sous le nom de ruelle ou de chemin des Penteurs, à cause des siéges de penteurs (voyez ce mot) qui étaient dans le voisinage. Elle n’avait pas de dénomination précise dans les actes de tabellionage du 15e siècle ; on disait : la ruelle qui mène aux penteurs de la Rougemare (acte de 1481), ou la ruelle qui tend du marché aux chevaulx (la Rougemare), par derrière le Signot, en la rue Beauvoisine (1482), ou enfin, dans un acte de 1478, une ruelle descendant du camp des Barres à la place de la Rougemare.

Dans un acte de 1467 on lit : Une ruelle nommée la rue du Ber, ou Ver, ou du Bec2, descendant à la Rougemare, en laquelle aboute le derrière de l’hôtel du Signot assis en la rue Beauvoisine. Cette désignation semble s’appliquer à la petite rue des Carmélites.

Dans d’autres actes, la rue des Carmélites est indiquée sous le nom de rue du Grédil. On lit dans un acte de 1489 : en la rue du Grédil tendant de la Rougemare, en amont, à une ruelle tendant à la rue Beauvoisine et à la rue du Maulévrier. Un autre acte de 1492 porte : vers les murs de la ville.

Les deux rues des Carmélites, réunies, ont reçu en 1794 le nom de rue des Préjugés-vaincus ; elles ont repris en 1795 leur précédente dénomination.

Dans la rue des Carmélites est le couvent des Dames des Sacrés-Cœurs et de l’Adoration perpétuelle, qui y ont fondé en 1861

un pensionnat de jeunes demoiselles. Cet établissement était précédemment sur la route de Darnétal, sous la désignation des Dames-Blanches, due au costume qu’elles avaient adopté.

Carmélites (petite rue des). = Rue des Carmélites, rue Beauvoisine. ― 5e section, 2e canton, Saint-Ouen. ― Quartier N.-E.

Cette petite rue a porté aussi le nom de rue du Sinot, provenant de l’hôtel du Signot ou Cygnot, qui était situé dans la rue Beauvoisine. Un acte du 13 mars 1419 fait mention, dans la paroisse Saint-Godard, d’une rue du Sinot et de la ruelle des Penteurs, nom qu’a porté anciennement la rue des Carmélites (v. ci-dessus).

Carmes (place des). = Rue des Carmes, rue de la Chaîne. ― 7e section, 3e canton ; Saint-Ouen, pour les nos pairs ; la Cathédrale, pour les nos impairs. ― Quartier S.-E.

Voyez rue des Carmes et rue de la Chaîne.

Le marché aux fleurs, qui était antérieurement établi sur la place de la Cathédrale, a été transféré, en 1856, sur celle des Carmes ; le pavage et la construction des trottoirs ont eu lieu en 1857.

Carmes (rue des). = Place de la Cathédrale, carrefour de la Crosse, au bas de la rue Beauvoisine. ― 7e section et 3e canton pour les nos pairs ; 9e section et 1er canton pour les nos impairs ; paroisses : Saint-Ouen, pour les nos pairs situés entre la place et la rue de l’Hôpital ; la Cathédrale, pour le reste de la rue.

Lorsque la porte Grand-Pont était aux environs de la rue du Petit-Salut, la rue des Carmes portait les noms de rue du Pont, de rue du Grand-Pont, et de grande rue du Pont. Elle est désignée sous ces diverses dénominations dans plusieurs actes de tabellionage du 15e siècle. Un acte du 30 mai 1480 semble indiquer que la porte de Sainte-Appoline elle-même, qui était dans la rue des Carmes entre les rues de la Chaîne et de l’Aumône, et qui fut démolie en 1539, était quelquefois appelée aussi la porte Grand-Pont. Cet acte mentionne la vente d’une échoppe sous la porte Grand-Pont, d’un bout à présent les religieux Carmes, d’un côté la rue de l’Aumône, d’autre bout par devant la rue du Grand-Pont, sous ladite porte.

La rue des Carmes a pris sa désignation actuelle du couvent

des Carmes qui était dans cette rue, sur l’emplacement qui a servi en partie à l’élargissement de la rue de la Chaîne, vis-à-vis d’un ancien hôtel de la poste aux lettres, appelé quelquefois la cour des Carmes, et dont l’entrée était auparavant dans la rue de ce nom.

Les religieux Carmes, dont la dénomination dérive du Mont-Carmel1, qui était le siége de cet ordre, vinrent à Rouen en 1260 ; ils s’établirent d’abord à la chapelle Saint-Yves, dans le faubourg Saint-Sever, où ils restèrent jusqu’en 1336, époque où l’archevêque Pierre Roger, qui fut depuis le pape Clément VI, leur donna la chapelle de Sainte-Appoline. On y ajouta une maison voisine de cette chapelle pour leur servir de logement. Ces religieux obtinrent une telle protection dès le commencement de leur établissement, que la reine Blanche, en accordant la place des anciens fossés de la ville pour y construire les maisons destinées à loger les pauvres, mit pour condition que ces maisons seraient basses et sans cheminées, afin de n’être pas incommodes au grand dortoir du monastère des Carmes2. Ceux-ci s’agrandirent encore par la suite, notamment en 1428, où ils firent construire une église et plusieurs bâtiments. Le monastère des Carmes a été détruit depuis la révolution, et l’église fut démolie au commencement du 19e siècle.

On voit, dans la rue des Carmes, presque à l’entrée, du côté de la place de la Cathédrale, un grand bâtiment où était la Chambre des Comptes. C’est actuellement une propriété particulière. La Chambre des Comptes, érigée par Philippe-le-Bel en 1302, et que l’auteur des Lettres sur Rouen croit avoir succédé au bureau de l’Échiquier des Comptes du duché de Normandie qui existait au temps de Guillaume-le-Conquérant, fut supprimée en 1543. Une nouvelle Chambre des Comptes fut érigée par Henri III en 1580, au logis prieural de Saint-Lô, puis transférée, en 1591, dans la rue des Carmes, où elle était encore au moment de sa suppression définitive3.

On donna, en 1794, à la rue des Carmes, le nom de rue de la Constitution ; elle reprit son nom actuel en 1795.

Beaucoup de débris romains sont entassés sous les constructions de la rue et de la place des Carmes. De nombreuses découvertes y ont été faites en 1789 et à différentes autres époques. Elles sont détaillées dans l’important ouvrage de M. l’abbé Cochet1. D’épaisses murailles, que l’on considère comme ayant fait partie de l’antique enceinte militaire de Rotomagus, un cippe funéraire, une statuette de Mercure, des monnaies et des médailles, ainsi que des traces d’un vaste incendie, ont plus d’une fois fixé l’attention des explorateurs. Quelques-uns de ces objets enrichissent nos Musées d’antiquités.

Plusieurs maisons anciennes et curieuses, dont les caves existent encore, mais dont les façades ont disparu pour les travaux d’élargissement de la rue des Carmes commencés en 1857, ont été décrites par le consciencieux historien des maisons de Rouen2. Nous citerons entre autres la maison dite des Lansquenets (nos 113 à 117 de la rue), qui présente dans l’intérieur de sa cour une devanture en bois sculpté de l’époque de la renaissance3 ; la maison de la Crosse nouvellement réédifiée, et contre laquelle est adossée la fontaine qui porte le même nom. À cette maison pendait autrefois une enseigne, sur la potence de laquelle une crosse était fixée4. (V. rue de l’Hôpital.)

Caron (rue et impasse). = Rue Coignebert, rue des Minimes. ― 5e section, 2e canton, Saint-Ouen. ― Quartier N.-O.

Le nom donné à cette rue paraît être venu d’un propriétaire. Elle est souvent citée dans l’Histoire de Rouen.

La rue Caron est inscrite, dans les anciens plans, sous le nom de rue Caillon ou du Caillou5, dénomination qui paraît due à la nature du terrain sur lequel elle a été ouverte, et qui aura empêché de la niveler. Elle est, en effet, plus élevée vers le milieu que par ses extrémités.

― L’impasse Caron est aussi quelquefois désignée sous le nom d’impasse de l’Arc, dû peut-être à un ancien lieu de réunion de la compagnie des Archers qui, au 16e siècle, faisait partie des corps institués pour la garde de la ville. (Voyez à l’art. Arbalétriers.)

Carrefour (rue du). = Rue du Puits, la campagne vers Darnétal. ― 1re section, 5e canton, Saint-Hilaire. ― Faubourg Saint-Hilaire.

Cette rue est ainsi appelée parce qu’elle aboutit à un carrefour.

Carrières-Gaillard (rue des). = Rue des Brouettes, rue Saint-Julien. ― 11e section, 6e canton, Saint-Clément. ― Faubourg Saint-Sever.

Elle fait partie d’un quartier appelé la cité Gaillard, ouvert tout récemment par un propriétaire. Cette cité Gaillard s’étend jusque sur la commune du Petit-Quevilly.

Carue (rue et impasse de la). = Rue de la Croix-d’Yonville, rue du Renard. ― 12e section, 5e canton, la Madeleine. ― Faubourg Cauchoise.

En vieux langage, on disait « carue » pour charrue, ou pour désigner autant de terre qu’il en faut pour occuper une charrue. Il se peut que cette rue ait tiré son nom d’une enseigne représentant cet instrument aratoire, ou d’un ancien fief. Sa situation à l’une des extrémités de la ville permet peu de supposer que son nom soit dû à la corporation des maîtres de la grande et de la petite Carue qui étaient établis, dès le 17e siècle, pour le chargement et le déchargement des navires, et qui auraient eu là un dépôt de leurs voitures et des ustensiles de leur profession.

― En face de la rue de la Carue, dans celle de la Croix-d’Yonville, est une ancienne impasse du même nom, qui communique actuellement avec l’avenue du Mont-Riboudet par un chemin particulier auquel avait été donné le nom de rue Guisier, qui était celui d’un propriétaire.

Carville (rue et impasse de). = Rue du Contrat-Social, rue de Lecat. ― 12e section, 5e canton, la Madeleine. ― Faubourg Cauchoise.

Cette rue n’était, en 1789, qu’une sente qui portait le nom de rue de Gadeville. Elle fut élargie à cette époque et on l’ap-

pela rue de Carville. On peut croire que ce nom a été choisi en mémoire de Pierre de Carville, mort en 1307, qui avait été trois fois maire de Rouen et fut inhumé dans l’église de Saint-Ouen. Cette supposition semble admissible, si l’on considère que la plupart des rues qui composent le quartier neuf de Cauchoise portent des noms de personnages historiques. ― Il y a eu deux autres maires de Rouen du même nom : Nicaise de Carville, en 1238, et Jean de Carville, en 1330.

― À l’extrémité de la ville, sur Darnétal, est la cavée de Carville, dans laquelle sont les limites de l’octroi de Rouen et de celui de Darnétal.

Casernes (quai des).

Ce nom est donné communément à la partie du quai de Saint-Sever sur laquelle sont bâties les casernes, à la place d’un ancien Grenier à sel1, appelé, dans un acte de tabellionage du 2 juillet 1422, l’hôtel des Gabelles, sur la paroisse de Saint-Martin-du-Bout-du-Pont.

― Il y a à Rouen plusieurs casernes pour le logement de l’infanterie et de la cavalerie, savoir :

La caserne Saint-Sever, édifiée sur l’emplacement du grenier à sel, dans l’ancien clos des Galères ou des Galées (voyez ce nom). On jeta, en 1713, les fondements de ce vaste bâtiment, élevé sur pilotis ; les travaux furent suspendus l’année suivante, par suite de la mort de Louis XIV, et repris en 1723. Ils furent terminés six ans après. Cette caserne reçut, en 1774, de notables agrandissements ; elle a servi à la cavalerie, avant que le prieuré de Bonne-Nouvelle eût été disposé pour cet usage. Elle peut loger six cents hommes d’infanterie.

La caserne Martinville, qui fut bâtie en 1776, à cause de l’insuffisance de celle de Saint-Sever, sur une partie de l’ancien Pré-au-Loup, et en face de laquelle fut établie la place du Champ-de-Mars (voyez ce nom). La caserne Martinville peut contenir huit cents hommes d’infanterie.

La caserne de Bonne-Nouvelle, établie vers 1818 dans les dé-

pendances de l’ancien prieuré de ce nom, et qui peut loger quatre cents hommes et leurs chevaux. Des logements pour recevoir un certain nombre de cavaliers ont été aussi appropriés dans l’ancienne maison et dans l’église des Emmurées, près de la rue Saint-Sever. ― Il existe un autre casernement pour la cavalerie sur la place du Champ-de-Mars, vers l’emplacement qui fut occupé au 17e siècle par les Augustins-Déchaussés, et précédemment par les Pères de-la-Mort.

Une caserne nouvelle, nommée la caserne Napoléon III, et dans laquelle est le dépôt de recrutement, a été établie dans la rue de ce nom, depuis 1860, dans l’ancien local de Bicêtre. On peut y loger cinq cents hommes d’infanterie.

Il y a, en outre, une caserne pour le service de la gendarmerie, qui est située dans la rue Impériale, et dont les bâtiments ont été construits en 1856.

Enfin, une caserne pour le logement d’un certain nombre de préposés de la Douane est installée, depuis quelques années, dans les bâtiments de l’ancien hôtel des Monnaies, rue Herbière.

Cathédrale (place de la). = Rues des Quatre-Vents, des Carmes, de la Grosse-Horloge, Grand-Pont et du Change. ― 7e section et 3e canton pour les nos pairs et pour les nos impairs depuis la rue du Change jusqu’à la rue Grand-Pont ; 9e section et 1er canton pour le reste de la place ; la Cathédrale.

Cette place a pris son nom de la Cathédrale, et est également connue sous celui de place Notre-Dame. Jusqu’au 14e siècle, c’était le parvis ou l’aître de Notre-Dame1. Le marché aux herbes et aux menues denrées s’y tint jusqu’en 1429, époque où on le transféra dans le clos aux Juifs. (Voyez Palais-de-Justice.)

On donna en 1793 et en 1794, à la place de la Cathédrale, le nom de place de la Raison, et en 1795 celui de place de la République, qui avait d’abord été imposé au Vieux-Marché. Elle reprit depuis ses anciennes dénominations.

Outre les rues qui aboutissent à cette place, il y avait encore, avant la suppression de murs d’appui qui entouraient le parvis2,

une rue de la Chapellerie tendant de la rue des Quatre-Vents à celle des Carmes ; le prolongement de la rue du Change jusqu’à la rue Grand-Pont, appelé aussi la rue des Petits-Changes et la rue de la Fèvrerie1 ; et la rue des Changeurs, ainsi nommée dans un acte de tabellionage de 1467, située devant l’église Notre-Dame et aboutant à la rue de la Courvoyserie (rue de la Grosse-Horloge). Elle portait aussi cette autre dénomination : les Changes devant la grande Église.

Ces diverses dénominations étaient dues aux professions qu’exerçaient les habitants. Une ordonnance de Charles-le-Bel, en 1325, fixa la demeure des orfèvres sur le parvis de Notre-Dame et dans la rue voisine2.

Le parvis de Notre-Dame avait été plus anciennement entouré d’un mur crénelé auquel étaient adossées de petites boutiques qui, suivant le rapport de D. Pommeraye, furent détruites en 1192 par les bourgeois de Rouen, pendant une longue querelle avec les chanoines de la Cathédrale, dans laquelle ne furent pas épargnées les sentences d’excommunication. Plus tard, les bourgeois furent condamnés à réparer les dégâts qu’ils avaient commis, et des peines plus sévères furent infligées aux plus coupables ; néanmoins, les chanoines durent relever à leurs frais le mur du cimetière3.

D’après une charte de 11994, les boulangers vendaient leur pain, au 12e siècle, dans l’aître ou parvis de Notre-Dame. Ce parvis était, comme nous l’avons dit, l’ancien cimetière paroissial, qui comprenait aussi une partie de la place de la Calende et du terrain qui touche au portail des Libraires. ― Il fut pavé en 1530.

― L’Église cathédrale et métropolitaine est d’une haute antiquité5. Fondée d’abord par saint Mellon, de 260 à 270, elle fut

reconstruite par saint Victrice au commencement du 5e siècle. En 589, la reine Frédégonde y fit assassiner saint Prétextat, archevêque de Rouen. Agrandie par S. Romain en 623, augmentée de nouveau en 942 par Richard Ier, duc de Normandie, ses nouveaux fondements furent jetés en 989 par Robert de Normandie, archevêque de Rouen. Elle fut achevée en 1055, par Guillaume-le-Conquérant, et dédiée en 1063 par l’archevêque Maurile. Le terrain sur lequel la Cathédrale est édifiée portait, ainsi que tout le territoire renfermé entre les rivières d’Aubette et de Robec (v. rue des Arpents), le nom de l’île Notre-Dame de Rouen. C’est dans cette basilique que Richard Cœur-de-Lion, prêt à partir pour la Terre-sainte, reçut des mains de l’archevêque Gautier la couronne, l’étendart et l’épée. ― Frappé, en 1117, par la foudre, qui ébranla les piliers et renversa le crucifix ; détruit par le feu la veille de Pâques de l’an 1200 ; foudroyé de nouveau en 1284, l’édifice fut reconstruit au 13e siècle. La chapelle de la Vierge remonte à 1302, et fut faite aux dépens du chapitre, en remplacement d’une autre plus petite. L’ancien portail, qui menaçait ruine, des suites d’une violente tempête, fut démoli en 1509 de fond en comble, et remplacé par celui qui existe à présent et qui fut achevé en 1530. Trois de ses tourelles furent renversées par un ouragan en 1683 ; leur chute entraîna la destruction de l’orgue, qui avait été établi en 1490 aux frais de l’archevêque Robert de Croixmare1. Ce portail, qui avait déjà été odieusement ravagé par les calvinistes en 1562, subit de nouvelles dégradations pendant l’époque révolutionnaire. Il a été restauré en 1832.

Les deux tours qui accompagnent le portail ont environ quatre-vingt mètres de hauteur. Celle dite de Saint-Romain, du côté du nord, qui fut aussi appelée la tour des onze cloches, et dont la construction dut avoir lieu au temps du saint archevêque de ce nom, fut réédifiée à diverses époques et pour la dernière fois en 1477. L’autre tour, dite la tour de Beurre, appelée aussi la tour de Georges d’Amboise, fut commencée sous le pontificat de Robert de Croixmare en 14852, et tout à fait achevée en 1506. Le nom de cette dernière tour vient de ce qu’elle fut construite aux

dépens des fidèles qui, moyennant une rétribution, obtinrent la permission de faire usage du beurre pendant le carême. C’est dans cette tour qu’était la fameuse cloche appelée Georges-d’Amboise. Fondue le 2 août 1501, et montée à la tour le 9 octobre suivant, elle fut sonnée en vol par seize hommes, le 16 février 15021. Fêlée en 1786, lors du passage de Louis XVI, cette cloche fut convertie, pendant la révolution, en canons et en monnaie ou médailles. On voit encore, à Deville-lès-Rouen, un bout du battant de cette cloche, qui avait remplacé en 1735 le premier battant, brisé en 1732.

Parmi les cloches qui étaient dans la tour de Saint-Romain2, il y en avait une qui avait été donnée par l’archevêque de Rouen Odon Rigaud, mort en 1275. Cette cloche fut fondue en 1282, et comme elle était une des plus grosses du temps, on donnait à boire à ceux qui la sonnaient, d’où est venu, dit-on, le proverbe : boire à tire la Rigault3. On pourrait peut-être donner la même origine à cet autre dicton : boire comme un sonneur.

La flèche en pyramide, qui avait été élevée par les soins du cardinal Georges d’Amboise sur la tour centrale, et en partie à ses frais, était remarquable par son élégance et sa légèreté ; elle fut commencée en 1542 et terminée en 1544. Cette flèche en avait remplacé une autre, érigée, dit-on, en 1228 ; on l’appelait l’Aiguille, parce qu’elle était plus haute de quatorze pieds que celle qui lui succéda, et elle avait été brûlée en 1514 par la faute d’un plombier chargé de la réparer. La seconde pyramide avait, en y comprenant la croix qui y fut placée le 7 septembre 15444, une hauteur de 132 mètres environ. L’architecte qui eut la har-

diesse d’entreprendre et d’achever cet ouvrage se nommait Robert Becquet, de Rouen. Cette flèche fut atteinte par la foudre en 1625, en 1627 et en 1642, mais il n’en résulta que peu de dommages. En 1713, par l’imprudence d’un ouvrier, la charpente, qui était en bois, courut le risque d’être embrasée. Le 12 septembre 1768, le tonnerre tomba sur la pyramide ; il entra par la lanterne dans la nef, en globe de feu, qui se sépara devant le crucifix en plusieurs portions, lesquelles s’éparpillèrent sur le pavé sans blesser personne1. En 1808 fut achevée une restauration complète de cette flèche, qui a été atteinte par le feu du ciel et totalement détruite le 15 septembre 1822.

Une nouvelle pyramide en fer fondu a été commencée en 1824 sur les plans d’Alavoine, que la mort a enlevé trop tôt pour l’exécution de son projet, qui doit doter la ville de Rouen d’un monument dépassant de deux mètres l’édifice le plus élevé du monde entier. Le poids de cette pyramide, évalué à 740,000 kil. environ, doit être inférieur à celui des précédentes, suivant les calculs de l’architecte, qui, en repoussant l’emploi du bois dans la nouvelle construction, a voulu éviter les dangers auxquels était due la destruction des autres flèches. Diverses circonstances retardent, depuis 1848, l’achèvement de cette pyramide, resté encore en suspens malgré les réclamations réitérées des conseils de la ville et du département. Il a été dépensé jusqu’à présent plus d’un million, dont une partie a été fournie par des souscriptions particulières et par diverses subventions. À l’heure où nous écrivons, il y a lieu d’espérer, dit-on, la solution de cette question importante de l’achèvement de la flèche d’Alavoine.

L’Église cathédrale est très belle et très vaste. Son jubé fut construit en 1777. Elle a été reblanchie intérieurement en 1778 par des ouvriers italiens. Fermée au commencement de la révolution, elle fut dépouillée de son argenterie et de belles balustrades en cuivre qui fermaient le chœur et qui avaient été faites aux frais de Georges d’Amboise II. Déjà, en 1562, les hérétiques avaient enlevé un contre-retable d’argent doré et une grille de cuivre qui entourait le grand-autel. Cet édifice, dont l’administration départementale prit possession le 28 décembre 1790, au nom de la nation, et qui avait été conservé en 1791 comme église paroissiale, fut travesti en temple de la Raison en 1793, puis il

fut rendu au culte catholique quelques années après. Cette église possède de magnifiques vitraux et plusieurs tableaux remarquables. Son orgue actuel fut placé en 1760, et a été entièrement restauré en 1859.

Il y avait, avant la révolution, une bibliothèque1 dans les appartements qui sont au-dessus des salles d’assemblée du Chapitre, dont l’entrée est par la cour des Libraires. On montait à cette bibliothèque par un escalier que l’on voit dans l’intérieur de la Cathédrale.

Parmi les tombeaux que renferme cette basilique, nous mentionnerons ceux de nos premiers ducs et de plusieurs archevêques, et en particulier, dans la chapelle de la Vierge, les magnifiques mausolées des cardinaux d’Amboise et des ducs de Brézé, que doivent visiter tous les étrangers qu’attire la richesse monumentale de la capitale normande. Ces tombeaux ont été décrits dans différents ouvrages, et surtout dans les savantes dissertations de M. Achille Deville2. Nous signalerons aussi la curieuse collection des stalles du chœur, dont les bas-reliefs, représentant les anciens corps de métiers, ont été fidèlement reproduits par le célèbre artiste dont les travaux consciencieux ont illustré les nombreux ouvrages qui ont été publiés sur notre province, depuis le commencement du 19e siècle3.

En 1847, les restes de l’impératrice Mathilde, qui avait été inhumée d’abord en 1167 dans l’église de Bonne-Nouvelle, et transférée plus tard à l’abbaye du Bec4, ont été apportés à la Cathédrale de Rouen par les soins de M. A. Deville, inspecteur des Monuments historiques, et de l’abbé Langlois, décédé directeur de la maîtrise de la métropole. Plusieurs de nos derniers archevêques ont été aussi inhumés dans la chapelle de la Vierge. Des fouilles, opérées en 1838 et depuis 1866, dans l’intérieur du chœur de la Cathédrale, ont amené la découverte de vestiges de sépultures royales et de statues de nos anciens ducs.

― Sous la tour de Beurre avait été transférée l’église de Saint-Étienne, appelée la Grande-Église pour la distinguer de celle de Saint-Étienne-des-Tonneliers. C’était autrefois la paroisse de Notre-Dame, et l’une des quatre plus anciennes paroisses de la ville. Elle avait occupé primitivement, près de la place de la Calende, un terrain sur lequel la Cathédrale avait été agrandie et achevée en 1055 ; cette portion de l’édifice devint plus tard la chapelle du Saint-Esprit où se célébra l’office divin de la paroisse de Saint-Étienne, ce qui dura jusqu’en 1496, époque où, par une transaction entre les trésoriers de cette paroisse et le chapitre de la Cathédrale, l’église de Saint-Étienne fut établie sous la tour de Beurre. On en fit la dédicace en 1497, jour où l’on fit la bénédiction solennelle de la tour.

Le 1er novembre 1867, la chapelle de Saint-Étienne a été inaugurée sous le titre de chapelle des Trépassés. Un bas-relief, représentant le martyre du saint, occupe le tympan du portail voisin. Dans la vaste chapelle, qui a été restaurée depuis 1864, ont été placés deux ans après les tombeaux du président Claude Groulart et de Barbe Guiffard sa femme qui avaient été rapportés au Palais-de-Justice, dans la salle des Pas-Perdus.

― La réparation de diverses parties importantes de la Cathédrale a été entreprise depuis 1854. Le portail sud, situé sur la place de la Calende (voyez ce nom), et l’extérieur de la chapelle de la Vierge, étaient complétement restaurés en 1866. Le portail des Libraires, l’un des plus beaux monuments de l’architecture du 14e siècle (v. r. Saint-Romain), a été presque entièrement rétabli de 1855 à 1861, ainsi que l’avant-portail sur la rue Saint-Romain, dont la construction remonte à 1481. On prend des dispositions pour restaurer également la porte des Maçons, édifiée en 1613, qui a été longtemps masquée par des maisons particulières de la rue du Change, maisons que l’on démolit pour isoler complètement la basilique. Bientôt on verra même, ainsi que le font espérer l’enquête qui a eu lieu à ce sujet en 1858 et un commencement de mise à exécution de cette mesure1, tous les alentours de ce magnifique édifice dégagés des habitations qui en déshonorent l’aspect, et l’emplacement qu’elles occupent transformé en un square ou une promenade publique ornée de plantations.

Il existe dans la Cathédrale deux puits qui sont dissimulés sous les dalles du pavage. L’un est dans le chœur, l’autre est en face de la chapelle de Sainte-Cécile, dont il est séparé par un des piliers de la nef. Une opinion s’est accréditée qu’il y aurait sous le monument une étendue d’eau sur laquelle on pourrait voguer à l’aide d’une nacelle. Notre savant artiste E.-H. Langlois posa, à ce sujet, dans un journal de 1831, une question que nous ne croyons pas avoir été résolue.

― En face de la Cathédrale, au coin de la rue du Petit-Salut, sont les bâtiments de l’ancien Bureau des Finances, dont la construction fut commencée en 1509, local où le tribunal de l’Élection tenait ses audiences1. La cour des Aides fut instituée en 1370 par Charles V, et érigée en cour souveraine en 1462 ; elle siégea dans cet hôtel jusqu’en 1705, époque où elle fut réunie à la cour des Comptes, Aides et Finances, et où ce local fut abandonné aux trésoriers de France. Cet édifice, qui avait été appelé les Généraux parce que les généraux des Aides en avaient jeté les fondements, est remarquable par le style de son architecture et par son ornementation. Il a été décrit par M. E. De la Quérière2. Il renfermait une prison, qui fut incendiée le 1er février 1651 avec une quinzaine de prisonniers3. Cette maison a subi, en 1823 et en 1827, de nombreuses mutilations ; à cette dernière époque l’on supprima une demi-tourelle en encorbellement qui surmontait la porte principale.

― En 1641, des croix en pierre avaient été plantées aux deux extrémités du parvis. Ces croix ont été abattues pendant la révolution, en même temps que les murs qui fermaient la place. On y voyait encore, avant 1856, une fontaine qui avait commencé à couler en 1450, et qui fut réédifiée à plusieurs époques. Elle était placée primitivement près du portail, mais elle causa, dit Farin, dans l’hiver de 1500, le funeste accident de plusieurs personnes qui furent tuées sur les glaces durant le jubilé. On la rétablit plus au centre de la place au commencement du 16e siècle, et elle fut renouvelée en 1693. Ce dernier monument, qui était d’assez mauvais goût, fut supprimé en 1856 et a été remplacé depuis par

deux petites fontaines latérales en bronze, surmontées d’élégants candélabres pour l’éclairage de la place ; à la même époque, cette place a été dégagée des baraques qui l’encombraient et qui masquaient la vue du portail. Déjà, dès 1808, des mesures avaient été ordonnées pour débarrasser le parvis des loges dont il était obstrué, surtout aux approches du renouvellement de l’année, et en 1831 on avait fait disparaître des échopes qui encombraient les abords de cet édifice. ― Les bornes en fonte qui entourent le portail ont été placées en 1823.

Le marché aux fleurs, qui se tenait depuis longtemps sur cette place, comme un souvenir sans doute du marché aux herbes dont la création remontait à un temps immémorial, a été transféré d’abord, en 1856, sur la place de l’Hôtel-de-Ville, en face de l’église Saint-Ouen, et ensuite sur la place des Carmes, où il est actuellement établi.

Le remaniement du pavage du parvis a eu lieu en 1856. Un aqueduc a été construit pour recevoir les eaux de la rue des Carmes et de celle de la Grosse-Horloge. Dans les fouilles qui ont été opérées en vue de ces travaux, des ossements ont été découverts ; ce qui n’est pas extraordinaire puisque le parvis de la cathédrale était un ancien cimetière. À diverses époques, on a trouvé, au pied de la tour de Beurre et de celle de Saint-Romain, des restes de fondations antiques et des monnaies de Néron et de Domitien1.

Cat-Rouge (rue du). = Hameau du Nid-de-Chien, route de Darnétal. ― 1re section, 5e canton, Saint-Paul. ― Faubourg Saint-Hilaire.

Il est supposable que ce nom vient du vieux mot « quarouge », qui signifie carrefour. On disait au 15e siècle le carrouge de la Chroche, pour le carrefour de la Crosse.

On attribue aussi l’origine de cette dénomination à une enseigne représentant un chat. ― D’autres personnes, enfin, ont pensé que ce nom pourrait provenir de celui d’un ancien gouverneur de Rouen, pour le duc de Bouillon, au 16e siècle.

Cauboue (rue). = Rue de Bihorel, la campagne. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Beauvoisine.

C’est le nom d’un propriétaire qui a bâti dans cette rue les premières maisons. Elle a été ouverte vers 1855.

Cauchoise (boulevard). — Quais du Havre et du Mont-Riboudet, place Cauchoise. — 10e section pour les nos pairs ; 12e section pour les nos impairs ; 5e canton ; la Madeleine.

Ce boulevard a été exhaussé et dressé vers 1535, conformément à une ordonnance des échevins rendue le 25 août, pour le mettre en sa perfection. Les Affiches de Normandie de 1766 l’appellent le chemin pour aller du quai d’Harcourt à Cauchoise, et lui donnent plus tard le nom de boulevard du Vieux-Palais. Il porta aussi ceux de boulevard de Crosne et de la Préfecture. Enfin quelques personnes ont prétendu que M. de Crosne lui donna le nom de boulevard Amédée, nom qui était celui de l’un de ses enfants. En 1794, il fut appelé le boulevard de la République, et l’on nomma boulevard du Mont-Blanc la partie tendant à Bouvreuil (probablement la partie appelée aujourd’hui le boulevard de Jeanne-d’Arc).

Lorsque Louis XVI vint à Rouen, le 28 juin 1786, à son retour de Cherbourg, il n’entra point par la barrière du Mont-Riboudet, où avait été disposé un arc de triomphe. Il se dirigea par le boulevard Cauchoise, et entra dans la ville par la porte Beauvoisine.

On a trouvé en 1848, lors de la fondation d’une maison de ce boulevard, des vases de terre et de verre que M. l’abbé Cochet1 suppose avoir appartenu à des sépultures.

Cauchoise (faubourg).

Le nom de ce vaste faubourg vient de sa position vers le pays de Caux, qui fut occupé autrefois par des peuples de la Gaule appelés Calètes2.

Avant la révolution, le faubourg Cauchoise était partagé, dit l’auteur des Lettres sur Rouen, en quatre quartiers désignés sous les noms de Saint-Gervais, Saint-Protais, de la Vallée et du Quartier-Neuf. On connaît encore aujourd’hui les quartiers de Saint-Gervais, de la Vallée d’Yonville et le Quartier-Neuf surnommé la Nouvelle-Ville en 1786, à cause des belles rues et des édifices qu’il renferme. Quant au nom de Saint-Protais, il s’applique à la partie du faubourg qui avoisine Saint-Maur. Le faubourg Cauchoise

embrasse tout le territoire qui est à l’ouest de la ville, depuis les boulevards et le hameau du Mont-aux-Malades1 jusqu’à la Seine ; il comprend enfin, outre les riches quartiers de Saint-Maur et de Saint-Gervais, le magnifique emplacement de l’Hôtel-Dieu, le Champ-de-Foire aux boissons, le Pré-de-la-Bataille et ses monuments industriels, la belle avenue du Mont-Riboudet et ses immenses paturages, et les jardins potagers de la vallée d’Yonville. (Voyez ces noms.)

Cauchoise (place). — Les boulevards Cauchoise et Jeanne-d’Arc, les rues Cauchoise, Saint-Gervais et du Renard. — 8e section pour les nos 2 à 8 ; 12e section pour le reste de la place ; 5e canton ; paroisses : Saint-Gervais pour le côté droit ; la Madeleine pour le côté gauche.

On lui donna en 1794 le nom de place de Mably, qu’elle conserva peu de temps.

Cauchoise (rue). = Place du Vieux-Marché, place Cauchoise. — 8e section et 2e canton pour les nos pairs depuis la rue des Bons-Enfants jusqu’à la place ; 10e section et 1er canton, pour le reste de la rue ; paroisses : Saint-Patrice pour les nos pairs ; la Madeleine pour les nos impairs. — Quartier S.-O.

De même que le faubourg, cette rue tire son nom de sa position vers le pays de Caux2. — On lui donna, en 1794, le nom de rue de Philadelphie ; son ancienne dénomination lui fut rendue en 1795.

À l’époque de la première enceinte de la ville, elle était fermée à l’ouest par une porte appelée la porte Massacre, et qu’Orderic Vital nomme la porte Occidentale3. Cette porte était située au lieu où est actuellement l’arcade de la Grosse-Horloge. Elle fut

reportée, au 11e siècle, lors de l’établissement de la troisième enceinte, aux environs de la rue Saint-Pierre-le-Portier, ainsi appelée du nom d’une chapelle voisine, qui se trouvait bornée par les murs de la ville. Cette dernière rue fut réunie en 1794 à la rue de Fontenelle.

Vers le milieu du 14e siècle, la porte Cauchoise fut reconstruite pour la troisième fois, à quelques pas plus loin, dans le haut de la rue, entre celle des Bons-Enfants et le boulevard1, mais on n’abattit pas l’ancienne, qui ne fut démolie qu’en 1472. Toutefois, les murs de la ville furent encore conservés : un acte de tabellionage du 23 décembre 1480 fait mention d’une maison avec jardin assis en dedans de l’enclos de la ville, près les murs d’icelle, et près et hors de la porte Cauchoise.

Enfin, cette porte fut édifiée de nouveau en 1525, et exhaussée d’un étage peu de temps après. On y ajouta un fronton et des sculptures identiques à celles de l’hôtel du Bourgtheroulde. Elle était protégée par des terrasses soutenues de maçonnerie en forme de demi-lune. Sa voûte était très étroite, et deux voitures ne pouvaient passer de front. Après avoir reçu quelques travaux de consolidation en 1764, la porte Cauchoise fut démolie vers 1775. On en voyait encore des vestiges qui, ainsi que ceux de l’ancienne muraille de la ville, ont disparu depuis 1863, lors de l’établissement de la rue de l’Hôtel-de-Ville.

Lorsqu’on creusa, en 1509, les fossés de Cauchoise, du côté des Jacobins, on trouva un tombeau de pierre où était une lame de cuivre avec cette inscription : Dans ce tombeau gît noble et puissant seigneur le chevalier messire Ricon de Vallemont et ses ossements. Il fallait que ce fût un géant, car son crâne contenait un boisseau de blé, et l’os de sa jambe venait jusqu’à la ceinture de l’homme le plus grand.

Pendant les ravages de la peste à Rouen, le 23 septembre 1598, le Parlement ordonna que le transport des corps morts serait fait à Saint-Maur, lieu à ce destiné, en passant par la porte Cauchoise, à quatre heures du matin et à dix heures du soir. La duchesse de Montpensier2 fut exhortée à laisser les clés de cette

porte au doyen des échevins, lequel devait commettre un homme capable de tenir la porte ouverte aux heures désignées. Cette circonstance n’est peut-être pas restée étrangère à la dénomination qui fut donnée à l’église de Saint-Pierre-le-Portier, laquelle n’était, comme nous le disons plus haut, qu’une chapelle qui fut reconstruite et agrandie en 1531.

La rue Cauchoise est une des rues de Rouen qui conservent le souvenir des anciennes enseignes, qui, à défaut de numérotage, étaient, au moyen-âge, la marque distinctive de la plupart des maisons. On y trouve encore, outre l’impasse de la Tour-d’Argent, les cours du Panier-fleury, des Trois-Pipes, du Rat-porteur, du Petit-Écu, etc., dont les noms sont dûs à des enseignes.

Cavellier (chemin), tendant de Saint-Paul à Blosville.

Ce chemin est ainsi désigné dans un acte de tabellionage du 6 septembre 1492. C’est probablement la route de Paris, dite d’en haut, qui passe par Blosville-Bonsecours.

Célestins (rue des). = Rue Eau-de-Robec, rue Saint-Hilaire. — 3e section, 4e canton, Saint-Vivien. — Quartier S.-E.

Avant la suppression d’un porche qui était dans cette rue, on la nommait le porche des Célestins, ou simplement la rue du Porche1, nom sous lequel elle est inscrite dans un plan de 1784.

Le couvent des Célestins ou de Notre-Dame-du-Val, appelé aussi le Val-de-la-Vierge, fondé au milieu du 15e siècle2 par le duc de Bedfort, qui fit construire leur chapelle en 1530, fut supprimé par lettres patentes de septembre 1783 ; puis le monastère, l’église, tout fut acheté par un fripier de Rouen, qui en vendit les démolitions en 1785. L’église des Célestins, dont le Ms des Fontaines donne une vue, renfermait les tombeaux de Claude Groulart et de sa famille. Leurs restes furent portés en 1779 à Saint-Aubin-le-Cauf, où était la maison des champs de l’illustre premier président du Parlement de Normandie. En 1793, les corps des Groulart furent jetés dans une fosse du cimetière de

cette paroisse, et les sépulcres qui les renfermaient furent enlevés de l’église. Ils ont été retrouvés en 1840 et rapportés à Rouen. Après avoir été provisoirement déposés dans la salle des Pas-Perdus au Palais-de-Justice1, ces tombeaux ont été placés, en 1866, dans la chapelle de Saint-Étienne, à la Cathédrale.

Lorsque la ville de Rouen tomba, en 1562, au pouvoir des religionnaires, c’est par le couvent des Célestins qu’ils commencèrent leurs dévastations. Tous les religieux s’étaient enfuis, et les rebelles se firent, de ce monastère abandonné, un poste avantageux, à cause de sa proximité avec la porte de Saint-Hilaire2.

L’emplacement de cet ancien monastère est actuellement occupé en plus grande partie par les dépendances de l’Hospice-général.

Centrale (rue), dans l’île de la Croix. — 1re section, 6e canton, Saint-Paul.

On a donné ce nom à une rue ouverte en décembre 1855, en face du terre-plein du pont de Pierre-Corneille, par les propriétaires des terrains de l’île de la Croix, et que l’on a le projet de continuer dans le centre de cette île. Cette opération, pour laquelle on a sollicité le concours de l’administration municipale, semble actuellement entravée par des difficultés particulières dont on doit désirer la solution, dans l’intérêt des habitants comme dans celui des communications que cette rue établirait avec les bateaux affectés à la navigation de la Haute-Seine, qui déjà utilisent le contour de l’île, comme lieu d’attache ou de réparation.

Cercle (rue du). = Rue de Florence, rue de Fontenelle. — 10e section, 1er canton, la Madeleine. — Quartier S.-O.

Ouverte vers la fin du siècle dernier, cette rue occupe une partie de l’emplacement de l’Hôtel-de-Ville qui avait été projeté dans la rue de Crosne, et dont on avait commencé les fondations en 1757. Cet emplacement, figuré sur un plan de 1784, est limité, du côté de la rue Cauchoise, par une ligne arquée qui aura motivé le nom donné à la rue du Cercle.

Chaîne (rue de la). = Place de l’Eau-de-Robec, rue des Carmes. — 7e section, 3e canton ; Saint-Ouen pour les nos pairs ; la Cathédrale pour les nos impairs. — Quartier S.-E.

Lorsque les anciens fossés occupaient l’emplacement où a été bâtie depuis la rue de l’Aumône, la rue de la Chaîne se trouvait près des murs de la ville. Ainsi que d’autres rues, places et carrefours, elle était fermée par une chaîne, dont elle aura tiré son nom1. Après la reddition de la ville, en 1418, à Henri V, roi d’Angleterre, les gens du roi prirent une grande partie des chaînes qui étaient en travers des rues2. Déjà, en 1382, à la suite de l’émeute de la harelle, le roi Charles VI avait ordonné aux bourgeois de transporter au château, outre leurs armes, les chaînes qui étaient tendues à l’extrémité de chaque rue pour protéger la ville contre la cavalerie.

La rue de la Chaîne était connue sous cette dénomination au 13e siècle3 ; nous la trouvons inscrite aussi, dans divers actes de tabellionage, sous les noms de rue de la Chaisne et de la Caine (1425), rue de la Quayne (1466), qui ont la même signification. Un acte de 1330 parle d’une rue de la Cuenne ; c’est le même nom défiguré.

Cette rue a été élargie, à son extrémité ouest, aux dépens de l’église et de l’ancien couvent des Carmes, qui furent démolis à la fin du 18e siècle. C’est pour cela qu’on a donné le nom de place des Carmes à cette partie de la rue (voyez ce nom). Elle a été prolongée en 1811 jusqu’au canal de Robec, sur une partie de l’emplacement de l’ancienne abbaye de Saint-Amand, et sur des propriétés particulières.

On donna en 1774, à la rue de la Chaîne, le nom de rue de l’Union. Elle reprit son ancienne dénomination en 1795.

La fontaine que l’on voit actuellement au bord de la rue de la Chaîne, sur la place des Carmes, coulait contre la porte de l’ancienne église du couvent de ce nom, dont il ne reste plus de

traces. Elle avait été établie en 1520, et elle est alimentée par la source Gaalor.

Nous avons parlé des découvertes qui ont été faites, à diverses époques, dans la rue et la place des Carmes (voyez ce nom.) ; de nouvelles fouilles, faites en 1858 dans la rue de la Chaîne, ont mis au jour des sépultures antiques, accompagnées de médailles, de tuiles romaines, de poteries, etc.

Chambellan (rue), dans la cité Landrieu. = 1re section, 5e canton, Saint-Paul. — Faubourg Martinville.

Nom donné par un propriétaire à une rue ouverte dans un nouveau quartier appelé la cité Landrieu, sur le versant nord de la montagne Sainte-Catherine.

Champ-de-Foire (rue du). = Place de la Madeleine, rue du Pré-de-la-Bataille. — 12e section, 5e canton, la Madeleine. — Faubourg Cauchoise.

Ce nom, que portait précédemment la rue appelée depuis rue du Pré-de-la-Bataille, a été donné, en vertu d’une ordonnance du 18 novembre 1833, à celle qui longe l’extrémité nord du Champ-de-Foire aux boissons.

— Ce champ de foire a été établi en 1783, en exécution d’un arrêt du Parlement de Normandie, pour les marchands de cidre qui, depuis 1656, avaient leurs celliers et leurs berceaux1 sur le port, depuis la porte Guillaume-Lion jusqu’à celle de la Poissonnerie. En 1725, les échevins voulurent transférer ces magasins derrière les Galiots (voyez rue des Espagnols), mais ils ne purent y réussir en présence de l’opposition énergique des marchands de cidre, qui firent valoir que la construction de ces magasins et l’entretien du pavage avaient été mis à leur charge. Il fallut une ordonnance du 18 juin 1785 pour les obliger à prendre possession du lieu qui leur avait été préparé dans l’avenue de la Madeleine, et pour décider qu’à l’avenir les cidres et poirés ne se vendraient qu’à ce seul marché.

L’acte de vente, en date du 15 mai 1783, des terrains nécessaires pour l’établissement du champ de foire, consentie pour le prix de vingt mille livres par les administrateurs de l’Hôtel-Dieu

aux représentants de la ville, portait, entr’autres conditions, que les loges et bâtiments à construire ne devront pas excéder la hauteur de dix pieds, pour conserver la vue et la salubrité de l’air aux malades. C’est ce qui explique l’uniformité des maisons qui composent la ligne extérieure du champ de foire sur l’avenue de la Madeleine, et dont la hauteur dépasse un peu celle qui avait été déterminée.

Une pétition, conservée aux archives municipales, constate qu’un arbre de la liberté fut planté en l’an V dans l’enceinte du champ de foire1. Cette enceinte renferme aujourd’hui, outre les magasins des marchands de cidre, des chantiers de bois à brûler et de matériaux de construction. — Une proposition, à laquelle il n’a pas été donné de suite, fut faite en 1857 par M. E. De la Quérière, de transformer ce vaste emplacement en un jardin public.

Champ-de-Mars (place du). = Le cours de Paris, la place Martinville. — 1re section, 5e canton ; Saint-Maclou pour le côté ouest, Saint-Paul pour le reste de la place. — Faubourg Martinville.

Cette place occupe une partie du lieu appelé précédemment le Pré-au-Loup (voyez ce mot), nom sous lequel il est figuré dans des plans de 1655 et de 1724. En 1781, elle fut exhaussée de huit à dix pieds de remblai pour servir de place d’armes à la caserne de Martinville, qui avait été construite en 1776 près des remparts de la ville.

Au nord de la place du Champ-de-Mars et à peu de distance de la porte Martinville, était le couvent des Augustins-déchaussés, qu’on appelait à Paris les Petits-Pères, lesquels vinrent à Rouen en 1630 et furent supprimés en 1792. Des religieux de la Congrégation de Saint-Paul-Ermite avaient été reçus en cette ville, six ans auparavant, pour soigner et confesser les pestiférés. Attaqués par des malveillants, qui usèrent de voies de fait pour les empêcher de secourir les malades et d’éventer leurs maisons2, ils cédèrent leur maison aux Augustins-déchaussés, que l’on appela

aussi les Pères-de-la-Mort, du nom qu’on avait donné à leurs prédécesseurs. Après de longues difficultés qui leur furent suscitées par les quatre ordres mendiants existant déjà dans la ville1, les Augustins-déchaussés prirent possession, en 1764, de la maison qu’ils occupèrent jusqu’au moment de leur suppression. Leur église, dont la première pierre avait été posée en 1672, reçut le nom de Notre-Dame-des-Victoires, à l’instar de celle de leur maison de Paris, en mémoire du succès des armes de Louis XIV contre les Hollandais. Leurs possessions s’étendaient jusqu’à la rue du Faubourg-Martinville, vis-à-vis de sa jonction avec celle du Quai-aux-Celliers. Les bâtiments des Augustins-déchaussés ont été, après leur suppression, appropriés à l’établissement d’une filature de coton ; l’église des Petits-Pères a servi depuis d’écurie pour la cavalerie de la garnison2.

La place du Champ-de-Mars, qui, ainsi que son nom l’indique, est consacrée aux exercices militaires, a été plusieurs fois, et à différentes époques, le théâtre des réjouissances populaires. La fédération de Rouen y eut lieu le 14 juillet 1790 ; la publication de la Constitution y fut faite solennellement en septembre 1791 ; le 24 mai 1794, à l’occasion d’une fête à l’Être suprême, qui avait été décrétée par la Convention nationale, on y éleva la Montagne, devenue célèbre à cette époque révolutionnaire, et qui fut rasée l’année suivante ; le 23 juillet 1797, Robespierre y fut brûlé en effigie, et le 4 septembre 1798 on y célébra l’anniversaire de la mémorable journée du 18 fructidor. À un demi-siècle de là on y installa, en 1859, l’Exposition régionale des produits de l’industrie.

Un baraquement pour loger de la cavalerie, composé d’écuries pour deux cents chevaux, d’un hangar, d’une forge et d’une infirmerie, a été établi au côté est du Champ-de-Mars, en face de la caserne d’infanterie. Une batterie d’artillerie en prit possession en juin 1857.

— On donna en 1794 le nom de boulevard de la Liberté au boulevard du Champ-de-Mars. Son ancien nom lui fut rendu en 1795. Depuis cette époque, il porta pendant longtemps le nom de boulevard de la Nitrière.

Champ-des-Oiseaux (rue du). = Boulevard Jeanne-d’Arc, le Mont-Renard, sur la commune du Bois-Guillaume. — 4e section, 5e canton, Saint-Romain. — Faubourg Bouvreuil.

Lorsque la porte Bouvreuil existait encore entre le Vieux-Château et la rue du Cordier, la rue du Champ-des-Oiseaux commençait au carrefour de Bouvreuil. Après la suppression de cette porte de la ville, la rue Bouvreuil se trouva prolongée jusqu’au boulevard, au nord duquel commença la rue du Champ-des-Oiseaux ; mais cette rue, qui a été désignée sous son nom actuel vers la fin du siècle dernier1, était encore vulgairement appelée la rue du Faubourg-Bouvreuil, nom sous lequel elle est inscrite, dans un plan de 1817, jusqu’au carrefour formé par la rue Malatiré et la rue du Moineau, à la suite duquel elle prend le nom de rue du Champ-des-Oiseaux. Cette distinction a disparu les années suivantes, et la rue dont nous nous occupons commence actuellement au boulevard et finit à la limite de la ville. Elle fut pavée en 1825.

Les historiens ne sont pas d’accord sur l’étymologie de ce nom, que les uns écrivent chant, les autres champ des Oiseaux. Le cartulaire de Saint-Amand cite un personnage nommé Johannes Armiger de Cantu avis.2 Dans le registre des fiefs de l’abbaye de Fécamp, on trouve la désignation d’une rue du Champ-à-l’Oiselet3. Ces indications, et le nom du fief de Bouvreuil qui existait dans ce quartier, font reconnaître que l’origine du nom de la rue ou du chemin du Champ-des-Oiseaux est très ancienne, et que, dans les temps reculés où les faubourgs de Rouen et même une partie de la ville étaient composés de champs et de forêts4, ce quartier était remarquable par la quantité ou par le

genre d’oiseaux qui s’y réunissaient et y faisaient entendre leurs chants.

Il y avait dans cette rue, avant 1792, trois communautés religieuses.

Les Carmes-déchaussés1, de la réforme de Sainte-Thérèse, vinrent à Rouen en 1624. Ils éprouvèrent de grandes difficultés pour s’établir. Ils avaient pris possession, sans la permission du Parlement, d’une maison de la rue Saint-Patrice, sur la porte de laquelle ils avaient fait placer une croix ; le 6 mars 1624, il leur fut enjoint de sortir de cette maison dans les vingt-quatre heures, et de se retirer en tel monastère qu’ils aviseraient ; ils se cantonnèrent dans plusieurs communautés ; les Carmes refusèrent de les recevoir. Après avoir surmonté bien des obstacles qui leur étaient suscités par les quatre ordres mendiants déjà institués, les Déchaussés achetèrent une maison à l’entrée du faubourg Bouvreuil (dans la rue du Champ-des-Oiseaux), où ils fondèrent leur monastère en 1638. La première chapelle de leur couvent avait été bâtie en 1635 ; le 20 novembre 1643 fut posée la première pierre de leur nouvelle église, qui reçut les noms de Saint-Joseph et de Sainte-Thérèse ; reconstruite en 1679 des libéralités de la famille de Becdelièvre, elle fut dédiée solennellement en 1682, et a été mise, en 1791, après la suppression du monastère, au nombre des succursales de Rouen, sous le nom d’église Saint-Romain ; fermée peu de temps après et rendue en 1802 au culte catholique, elle fut mise vers 1829 au rang des églises paroissiales.

L’église Saint-Romain, qui possède de belles peintures, provenant des églises supprimées de Saint-Étienne-des-Tonneliers et de Saint-Martin-sur-Renelle, ainsi que de la chapelle Saint-Maur, mérite d’être remarquée par la beauté de sa coupole et de ses vitraux. Le clocher, qui était en forme de lanterne vitrée, a été remplacé en 1805 par le clocher actuel. Le portail avait été gratté en 1824 et orné d’un cadran ; il a été de nouveau restauré en 1869 ; des statues en plâtre qui décoraient la façade ont été remplacées par de belles statues en pierre représentant sainte Thérèse et saint Joseph, patrons de l’ordre de Carmel qui avait fondé l’é-

glise ; saint Romain, patron de la paroisse, et saint Jacques. Le maître-autel est formé d’un sarcophage en marbre rouge dans lequel a été renfermé en 639 le corps du saint évêque, et qui était primitivement dans la crypte de Saint-Godard ; il fut apporté à Saint-Romain le 20 février 18041. Les fonts baptismaux appartenaient à l’église de S.-Étienne-des-Tonneliers ; leurs ornements, faits en 1500, représentaient la vie de Jésus-Christ : ils furent brisés en 1562 par les Calvinistes, et l’on n’a pu en sauver que le couvercle que l’on voit à Saint-Romain.

Les Récollets2, qui dès l’an 1621 s’étaient logés près de la chapelle Saint-Yves, au faubourg Saint-Sever, établirent en 1630, non sans quelques difficultés de la part du Parlement, leur monastère dans une place appelée la Bouverie, qui appartenait aux seigneurs de ce nom et faisait peut-être partie du fief de Bouvreuil3.

Les Récollets étaient des religieux réformés de Saint-François ; leur dénomination venait de ce qu’ils n’admettaient dans leur ordre que ceux qui avaient l’esprit de recueillement4. La première pierre de leur église fut posée en 1633, et elle fut dédiée en 1658, sous le nom de Notre-Dame-des-Anges. Ce monastère a été supprimé en 1790 ; l’emplacement qu’il occupait est celui où se fixèrent les Sœurs de la Providence, dites les maîtresses des Écoles gratuites et charitables du saint Enfant Jésus, qui depuis ont fait construire le vaste établissement qu’elles occupent dans la même rue, au coin de celle du Moineau, et y ont élevé une chapelle dédiée en 1857. Cette communauté, fondée par le R. P. Nicolas Barré, religieux minime, était venue à Rouen dès 1666, dans la vue d’enseigner gratuitement aux filles pauvres la lecture et l’écriture, et avaient précédemment résidé dans la rue de l’Épée. Supprimées en 1792, les dames de la Providence revinrent à Rouen occuper une maison de la rue du Champ-des-Oiseaux,

et s’établirent en 1825 dans l’ancien local des Récollets, où l’on voit encore la chapelle qu’elles avaient fait édifier. L’ancien emplacement des Récollets est occupé actuellement par un établissement hydrothérapique fondé par le Dr Bottentuit.

Un peu au-dessous de l’église Saint-Romain, on voit encore les restes d’un couvent qui fut habité d’abord, depuis 1646 jusqu’en 1742, époque où ces religieuses furent incorporées avec celles de Belfonds, par les filles Bénédictines du Val-de-Grâce, malgré les difficultés que leur suscitèrent les Carmes-déchaussés. Le cardinal de Larochefoucauld y transféra ensuite une maison de retraite pour les vieux prêtres, sous le titre de séminaire de Saint-Louis, qui avait été fondé antérieurement dans la paroisse Saint-Nicaise. La chapelle de cet établissement, où l’on mit plus tard une école d’enseignement mutuel, fut dédiée en 1766. La communauté dite des Vieux-Prêtres a été supprimée en 1792.

— On a donné en 1794 à la rue du Champ-des-Oiseaux, commençant alors à la porte Bouvreuil, le nom de rue du Mont-Blanc ; elle reprit en 1795 son ancienne dénomination.

— Il existe dans cette rue, à gauche, au-dessus de la rue Malatiré, à la suite de l’impasse Deseveaux et de la rue du Clos-Thirel, une impasse sans nom que l’on désigne vulgairement sous le nom d’impasse du Champ-des-Oiseaux. (Voyez aussi passage Duboc.)

Champ-du-Pardon (rue du). = Rue d’Ernemont, route de Neufchâtel. — 4e section, 5e canton, Saint-Romain. — Faubourg Beauvoisine.

Un champ placé en dernier lieu entre la route de Neufchâtel et la rue d’Ernemont s’appelait le Champ-du-Pardon1, et même le Clos-Pardon. Il s’étendait, au 11e siècle, jusqu’à l’église Saint-Godard, alors hors de la ville, et portait antérieurement le nom de la vigne du Pocheron2.

C’est en ce lieu que se tenait autrefois la foire dite du Pardon

de Saint-Romain ou simplement du Pardon1. Voici dans quelle circonstance elle fut établie. En 1079, Guillaume-Bonne-Âme, archevêque de Rouen, fit transporter le corps de saint Romain de l’église de Saint-Godard à la Cathédrale ; puis il institua, à cette occasion, la procession « du corps saint », ainsi nommée parce que, le dimanche des Rameaux, le clergé de la Cathédrale allait processionnellement chercher le corps saint (un ciboire avec une hostie consacrée la veille) qui avait été porté à Saint-Godard, et le rapportait en triomphe à la Cathédrale. Lorsque cette procession était arrivée vers la Crosse, au lieu où était anciennement la porte de Sainte-Appoline, elle s’arrêtait à un reposoir que le propriétaire d’une maison voisine de la rue de l’Aumône (la rue des Fossés-Louis VIII), était tenu de faire tous les ans. De là la procession se rendait à la Cathédrale. Le prélat avait obtenu du pape des indulgences, ou pardons, pour ceux qui assisteraient à cette cérémonie. L’église Saint-Godard étant trop petite pour contenir le peuple qui y arrivait de toutes parts, la prédication eut lieu dans le champ qui était entre l’église et la montagne, et qui fut alors appelé le champ du Pardon (ou des Indulgences). L’année suivante, la foire Saint-Romain fut établie dans ce lieu, où elle se tenait encore en 1785. Elle se tient actuellement sur les boulevards, depuis la place Cauchoise jusqu’au Boulingrin.

On donnait, au 14e siècle, le nom du Mont-de-la-Justice à la partie du Champ-du-Pardon où étaient placées les fourches patibulaires, qui, en 1359, étaient désignées sous le nom des Eschielles de la justice de Rouen. Il y avait aussi à Bihorel (voyez ce nom) un lieu pour les exécutions. Dans le Champ-du-Pardon furent décapités, nuitamment, en 1355, par ordre et en présence du roi Jean, quatre seigneurs de la suite de Charles-le-Mauvais, le comte d’Harcourt, Jean de Graville, le sire de Maubué et Colinet Doublet, faussement accusés de trahison. Ils furent réhabilités plus tard par le roi de Navarre. (Voyez rue Morant.)

En 1794 on donna au Champ-du-Pardon le nom de Champ-de-la-Montagne, et à la rue du Champ-de-Pardon, connue également sous le nom de rue des Dames-d’Ernemont, celui de rue de la Montagne ; on l’appela ensuite rue de la Somme. Puis l’une et l’autre reprirent leur ancienne dénomination en 1795.

— Dans la rue du Champ-du-Pardon était une impasse qui a été continuée, sous le nom de petite rue du Champ-du-Pardon, jusqu’à la rue appelée depuis peu de temps la rue Delafosse. Elle ne porte pas d’inscription. Nous proposons de lui donner le nom de Guillaume-Bonne-Âme, en mémoire de l’institution du Champ-du-Pardon.

Champs (rue des). = Rue Orbe, boulevard Beauvoisine. — 2e section ; 2e canton pour les nos impairs depuis la rue du Clos-des-Marqueurs jusqu’au boulevard ; 4e canton pour le reste de la rue ; Saint-Nicaise. — Quartier N.-E.

Dans les registres du tabellionage du 15e et du 16e siècle, le nom de cette rue a subi des variations assez bizarres, par suite d’une diversité d’orthographe due à la manière dont il était prononcé. Ainsi, la rue des Champs s’est appelée la rue des Camps1, du Camp, dont on a fait Quen puis Queen, Quien ou Quyen2, et même Chien et Chiens. Ces dernières dénominations se trouvent dans des actes de 1461, 1480 et 1527, concernant une rue située dans la paroisse Saint-Vivien. D’autres actes citent, dans le voisinage de la rue Poitron, les autres noms que nous venons de mentionner, et qui de prime abord semblent devoir s’appliquer à la rue des Champs ; il y a lieu de croire, néanmoins, qu’il y avait aussi près de la rue des Champs une autre rue aux Chiens, qu’on appelait par corruption la rue aux Quiens, et dont il est parlé dans un acte du 2 juin 1525 relatif à un jardin de deux vergées sis en la rue des Champs, b. d’un bout ladite rue, et d’autre bout la rue aux Quiens. Un autre acte de 1521 ajoute, à cette même désignation d’abornement : tendant à une rue qui va à la rue Coquereaumont. Enfin nous lisons, à la date du 24 mai 1529 : Une maison et jardin, en la paroisse de Saint-Vivien, en la rue des Champs, bornés d’un bout la rue du Coullombier, d’un bout la rue des Champs, et d’autre bout la rue des Chiens.3 Ces abornements permettent de supposer que cette dernière rue des Chiens aurait été celle qui reçut le nom de rue des Capucins après l’arrivée de ces religieux, c’est-à-dire la partie de la rue qui tend de la rue Poitron au boulevard.

Un acte du 18 octobre 1489 fait mention d’un héritage situé au haut de la rue Coquereaumont, borné d’un côté la rue tendant de la Cage à Coquereaumont, et d’autre bout la rue aux Quiens. Plusieurs actes, enfin, parlent d’une allée commune qui, avant l’établissement des Capucins, occupait l’emplacement où est aujourd’hui la rue Daliphard ; c’est cette voie commune que l’acte de 1489 désigne comme étant la rue tendant de la Cage à Coquereaumont.

Le nom de la rue des Champs provient évidemment de ce que c’était primitivement un chemin conduisant aux champs, à l’époque où les hauteurs de la ville n’étaient encore composées que de jardins, clos et terres en campagne ; on les désignait par les noms de leurs propriétaires ou par le lieu de leur situation. Tels sont les noms de Camps Briquet, dans le faubourg Cauchoise, acte de 1422 ; de Clos-d’Aubevoie, acte de 1431 ; de Camps ou Champs-Maillets, de Champ-des-Oiseaux, de Camps ou Champs-aux-Arbres, du Régent, de Saint-Nicaise1, etc., dont nous avons eu l’occasion de parler. (Voyez au mot Camps.)

À l’extrémité de cette rue, vers le boulevard, existait, au 15e siècle, une porte appelée la porte des Champs ou la fausse porte de Saint-Romain, qui conduisait au val de la Jatte. Elle fut fermée en 1453, époque où furent établis les boulevards qui l’environnent, pour fortifier la ville, dit T. Duplessis : le premier dans le fossé Saint-Hilaire, le deuxième dans celui de Beauvoisine, qu’on appela le fort Saint-Louis, le troisième près de la porte Bouvreuil, et le quatrième près de celle de Cauchoise.

Auprès de cette fausse porte de Saint-Romain, sous une partie de la chaussée du boulevard, était un souterrain fermé, à son extrémité au nord, par une arcade dont la disposition supposait l’emploi d’une sarrasine ou herse. De là probablement le nom de la ruelle du Puys-de-la-Herche, dont il est fait mention dans un acte du 7 déc. 1560, concernant une maison et jardin bornés d’un côté la rue ainsi nommée, et d’autre côté, la rue de la Cage. On entrait dans ce souterrain, dit l’auteur du Dictionnaire indicateur, par les caves d’une petite maison située à gauche en descendant. Cette entrée est actuellement supprimée,

et le souterrain dont il est question a été coupé par le passage du chemin de fer de Paris.

La rue des Champs était fermée depuis 1789, comme les autres rues aboutissant au boulevard, par une barrière d’octroi, qui a été reculée depuis plusieurs années.

Champs-Maillets (rue des). = Rue des Bons-Enfants, rue Saint-Patrice. — 8e section, 2e canton, Saint-Patrice, — Quartier N.-O.

On trouve, dans les anciens titres, ce nom écrit de diverses manières. Une charte du 13e siècle porte : In vico de Mayet. Un acte de tabellionage du 23 nov. 1481 concerne un héritage assis aux Champs-Mahiets, d’un côté par devant la rue de la Hoterie (voyez rue Saint-Patrice), et par derrière les dits Champs-Mahiets, par. Saint-Patrice. Dans un titre de 1565 on lit : Tennement nommé le Clos-Mahiels, aultrement rue des Petits-Changes1, d. b. le fro et pavement du roi. La rue du Clos-des-Mahietz, paroisse Sainte-Croix, est citée dans un acte de 1654. D’autres actes portent : rue des Camps ou des Champs Mahiers ou Mahietz (1678, 1714, 1736), des Camahiers ou Camayers (1745). Enfin, dans deux plans du 16e siècle, il est écrit Cosmaies2.

Le véritable nom de cette rue est rue des Champs-Maillets ; il vient de champs appartenant à une famille nommée Maillet, qui paraissaient s’étendre entre cette dernière rue et la rue Porte-aux-Rats, et sur lesquels la plupart des maisons de l’ancienne paroisse de Sainte-Marie-la-Petite (dans la rue des Bons-Enfants), ont été bâties. Farin cite un personnage nommé Maillet-Deschamps. Le Tableau de Rouen pour 1777 dit que3 l’étendue de la paroisse de Sainte-Marie-la-Petite était formée des campagnes adjacentes, où les sieurs Maillet possédaient beaucoup de terres.

On appelait aussi rue Mahiet, une rue allant de Saint-Patrice à Sainte-Croix4 ; c’est la rue des Champs-Maillets actuelle, qu’on

désigne autre part sous le nom de grande rue des Champs-Maillets, à cause de la rue Porte-aux-Rats, qu’on appelait autrefois la petite rue des Champs-Maillets.

En 1389, par une délibération de l’Hôtel-de-Ville, une hanse1 est donnée aux Bons-Enfants pour faire la clôture de la vide-place appelée Mahiet. Un acte de tabellionage de 1488 est relatif au lieu appelé les Champs-Mahiet, nommé aussi le Porche-Mauduit. (Voy. rue Porte-aux-Rats.)

— Les Affiches de Normandie de 1782 citent un tènement de maisons, sis aux Champs émaillés (c’est-à-dire aux champs ès-Maillets, ou appartenant aux Maillets. Cette locution est employée en Basse Normandie), vulgairement nommé la Petite-Galère, en la rue Saint-Patrice. Ce ne peut être qu’une corruption du vrai nom de la rue2.

Chandelier (impasse).

Cette impasse, dont il est question dans un acte de tabellionage, était située près de l’endroit où fut établi plus tard l’Hospice-général, dans la paroisse Saint-Vivien.

Change (rue du). = Place de la Calende, place de la Cathédrale. — 7e section, 3e canton ; la Cathédrale. — Quartier S.-E.

Le nom de cette rue vient des orfèvres et changeurs3 qui s’y sont établis et qui occupaient aussi le plus grand nombre des maisons du parvis de Notre-Dame (voy. place de la Cathédrale). Elle avait porté, au 14e siècle, le nom de rue de la Fèvrerie, dû à la même origine, puis celui de la rue de la Calende4, sous lequel elle est inscrite dans un plan de 1724. M. A. Chéruel dit qu’elle s’appelait, en 1366, la rue de la Poulaillerie5.

Suivant un acte de tabellionage du 30 mars 1502, elle aurait été appelée aussi la rue des Petits-Changes. Ces petits changes

étaient, dit Farin1, des boutiques d’orfèvres placées depuis le pied de la tour de Beurre jusqu’au portail de la Calende. Ils furent abattus en 1508, par les ordres du roi Louis XII, et remplacés depuis par des maisons beaucoup plus hautes, et dont le moindre inconvénient était de masquer la Cathédrale de ce côté. La ville se met en mesure de les exproprier, pour isoler complètement cet édifice.

Dans la rue du Change était la jolie église de l’Hôtel-Dieu de la Madeleine, qui fut démolie en 1764, et sur l’emplacement de laquelle des maisons ont été bâties. Lors de la mise en vente des matériaux et de l’emplacement de cette église, ainsi que des autels en marbre, des stalles, cloches, vitraux, etc., qui en dépendaient, trois citoyens de Rouen se réunirent pour rendre à l’Hôtel-Dieu, transféré au Lieu-de-Santé, les décorations qui ornaient l’église de la rue du Change2.

Chanoines (rue des). = Rue Saint-Romain, rue Saint-Nicolas. — 7e section, 3e canton, la Cathédrale. — Quartier S.-E.

Cette petite rue, voisine de la Cathédrale et de l’archevêché, était habitée par plusieurs chanoines. C’est de là qu’elle a pris son nom. Dans les registres capitulaires, il est question, à la date du 11 déc. 1598, du passage de la petite rulette des Chanoines, au devant du côté de la grande porte de l’archevêché.

On trouve, dans un acte de tabellionage du 8 août 1478, la mention suivante : maison bornée d’un côté l’héritage des Chapelets du Saint-Esprit, d’un bout par devant le pavé de la rue du Four-du-Chapitre, en la paroisse de Saint-Nicolas-le-Painteur. L’hôtel des Chapelets était situé, comme la rue des Chanoines, entre les rues Saint-Romain et Saint-Nicolas. Il se peut que la désignation de la rue du Four-du-Chapitre soit provenue de l’existence d’une boulangerie à l’usage de l’hôtel du Saint-Esprit, l’une des dépendances du chapitre de Notre-Dame.

On donna, en 1794, à la rue des Chanoines, le nom de rue du Caporal ; elle reprit sa précédente dénomination en 1795. — Il y a dans cette rue une école pour l’instruction des jeunes filles, dirigée par les Sœurs de la Miséricorde. Cette maison a été fondée

par M. l’abbé Picard, ancien curé de la Cathédrale, décédé en 1867.

Chantereine (rue). = Rue Eau-de-Robec, rue Saint-Hilaire. — 3e section, 4e canton, Saint-Vivien. — Quartier S.-E.

Chantereine était une ancienne maison de plaisance des ducs de Normandie, où fut bâti, au 15e siècle, l’hôtel du Joyeux-Repos, lequel fut donné par le duc de Bedfort à la communauté des Célestins, qui vinrent s’y installer en 1445. (Voy. rue des Célestins.)

Dans les nomenclatures du 18e siècle, cette rue est désignée ainsi : L’endroit par où l’on descend au moulin Chantereine. Elle était néanmoins connue dès le 15e siècle sous le nom qu’elle porte aujourd’hui. Des actes de tabellionage de 1424 à 1428 mentionnent l’enclos ou la vide-place nommée Chanterayne, bornée par les murs de la ville et par la rue de Chanterayne. Ce même nom lui était donné dans un titre de 13651.

Nous ne savons s’il faut attribuer l’origine du nom de cette rue à « chant de raine, » du mot latin « ranæ, » grenouilles, dont les chants se faisaient entendre dans les endroits marécageux, ou au souvenir de ces paroles : Chantez, reine, voici la terre ! dites par un matelot à la femme de Guillaume-le-Conquérant, pour lui annoncer le terme de son voyage ; circonstance qui donna lieu, dit-on, à la fondation de la chapelle de Notre-Dame-du Vœu, à Cherbourg.

Chantiers (avenue des). = Rue Lafayette, rue de Grammont. — 11e section, 6e canton, Saint-Sever. — Faubourg du même nom.

Ce nom, inscrit sur un plan de 1868 pour une ligne partant de la rue Lafayette et rejoignant, à travers les prairies de Grammont, la rue de ce nom, où elle arrive par un retour d’équerre en face des Abattoirs, paraît n’être encore qu’à l’état de projet ; elle doit faire partie du nouveau quartier Saint-Yves, dont les propriétaires ont fait, à l’administration municipale de Rouen, l’offre de céder gratuitement un emplacement propre à l’installation d’un marché pour les bestiaux, qui aurait, par la rue pro-

jetée, un débouché facile sur l’établissement des Abattoirs publics.

Entre cette rue projetée et les maisons des rues Pavée et de Grammont, était, au 17e siècle, la promenade appelée le Mail (voy. rue Saint-Sever), dont on pourrait conserver le souvenir en donnant à l’avenue des Chantiers le nom de rue du Mail.

Chapelle-Saint-Jean et Sainte-Catherine (rue de la), en la paroisse Saint-Nicaise.

Ce nom est cité dans un acte de tabellionnage du 5 janvier 1424 ; nous ne savons à quelle rue il se rapporte. Il y a, dans l’église de Saint-Nicaise, une chapelle de Sainte-Catherine, qui fut fondée en 1387 par M. de Croixmare, seigneur de Saint-Jean-du-Cardonnay.

— Un acte de 1396 cite également le capellage de Saint-Jean-Baptiste, en la paroisse de Saint-Maclou, où se trouve aussi une chapelle fondée sous ce vocable en 1248.

Chapellerie (rue de la).

C’est le nom d’une rue qui longeait la place de la Cathédrale avant la démolition des murs qui entouraient le parvis. C’était, ainsi que son nom l’indique, le lieu qu’habitaient les chapeliers, qui avaient leur confrérie à la paroisse de Saint-Herbland1. Elle tendait de la rue de l’Albane, actuellement des Quatre-Vents, à celle des Carmes. Un acte de tabellionage, du 5 août 1460, mentionne une maison dans la rue de la Capellerie, devant le cimetière de la grande église de Notre-Dame, sur la paroisse de Saint-Herbland. Un acte de 1360 la cite sous le nom de chemin de la Capellerie.

Nous avons dit, à l’article de la place de la Cathédrale, que sur le parvis étaient édifiées deux croix en pierre ; l’une d’elles était la croix du port Morant. Un acte de 1522 désigne un héritage auprès de la croix ainsi appelée, borné par la rue qui est au long de l’aître de l’église Notre-Dame, vers la tour Saint-Romain, nommée la rue de la Capellerie. Un autre titre de 1567 cite une rue de la Chapelle sortissant à la rue Grand-Pont, paroisse Saint-Erblanc.

Avant 1793, les maisons de la rue de la Chapellerie étaient

garnies d’avant-soliers à piliers de pierre, sous lesquels se tenait un marché à la volaille, lequel a été transféré depuis à la place Saint-Éloi, et de là à celle de la Rougemare.

Chaperon (rue et porche du). = Rue Blanche, rue Eau-de-Robec. — 3e section, 4e canton, Saint-Vivien. — Quartier S.-E.

Ce nom est inscrit : rue du Caperon, dans les anciens plans. Nous trouvons, dans un acte de 1460, une rue du Ruissel-du-Capperon qui semble devoir s’appliquer à la rue du Chaperon actuelle. Un autre acte de 1460 parle d’un héritage situé en la rue du Ruissel-du-Capperon et en la rue de Bougerue (actuellement la rue Blanche). Il y avait près de là une ancienne enseigne du Chaperon1, et il s’y trouve encore un ruisseau dont nous parlons à l’article de la rue Bourgerue. — On appelle porche du Chaperon une ruelle actuellement fermée, qui est située en face de la rue du Chaperon dans la rue Blanche.

Charrettes (rue des). = Place Corneille, au bas de la rue Grand-Pont, boul. Cauchoise. — 9e section, pour les deux côtés depuis la rue Grand-Pont jusqu’à celle de la Vicomté ; 10e section, de là jusqu’au boulevard ; 1er canton ; paroisses : la Cathédrale, jusqu’à la rue Nationale ; Saint-Vincent, de là à la rue d’Harcourt ; la Madeleine, pour le reste de la rue. — Quartier S.-O.

Avant le 17e siècle, la rue des Charrettes avait été divisée en plusieurs rues qu’on trouve réunies en une seule dans le plan de 1655. Il y avait, entre la porte Grand-Pont et celle du Crucifix, vers le lieu appelé aujourd’hui la rue de la Comédie, une porte qui fut désignée sous les divers noms de la Poissonnerie, de la Petite-Boucherie et de porte aux Charretiers. C’est de là que la rue des Charrettes a pris son nom. Elle est indiquée dans divers actes de tabellionage sous ceux de rue aux Carettes (25 avril 1494) et de rue aux Charretiers (19 avril 1502). Dans d’autres actes de 1479 et de 1482 on l’appelle la rue de la porte aux Charretiers tendant du bout du pont à l’église des Cordeliers ; de 1424 à 1461 on l’appelait la rue de la porte aux Carretiers de la ville. Dans le Ms. des Fontaines, la rue des Charrettes est di-

visée en deux parties jusqu’à la rue Harenguerie ; l’une appelée la rue qui va au bout du pont, la seconde la rue qui va à la Vieille-Harenguerie. Le nom de rue des Charrettes lui est donné pour la première fois dans un acte du 19 juillet 1566.

La partie de la rue qui est comprise entre la rue des Cordeliers et la rue Harenguerie ou celle de la Vicomté, paraît avoir porté le nom de rue aux Noix : un acte de tabellionage de 1427 parle d’une maison sise dans une rue ainsi nommée, bornée par la rue Ancrière et la rue par où l’on va aux Cordeliers. Dans un autre acte du 23 décembre 1485, il est parlé d’un héritage sis en la rue aux Noix, tendant du monastère des Cordeliers à la Vieille-Harenguerie, bornée d’un bout par derrière le canal de la Seine, les murs de la ville séant dessus. Dans un autre titre, on lit : la rue de la Vieille-Harenguerie tendant aux Cordeliers.

D’autres actes du 15e siècle font mention d’une maison bornée par le cours de la Renelle et d’un bout par devant la rue tendant du bout du pont au Palais, puis d’un hôtel de la couronne, en la paroisse Saint-Vincent, borné d’un bout le canal de la Seine, et d’autre bout la rue qui mène des Cordeliers au palais. Le nom de rue du Palais est également donné, dans un acte de 1463, à la partie de la rue qui avoisinait le Vieux-Palais, sans qu’on puisse toutefois préciser le point d’intersection, car on trouve ensuite, en 1477, la mention de la rue de devant le pont de Tiretaigne, se rapportant à un pont qui couvre un égoût placé à l’ouest des magasins de l’entrepôt de la douane, entre la rue Herbière et la rue Saint-Éloi, et qui est encore vulgairement appelé le Pont-aritaine.

Le 15 juin 1528, il est aussi parlé de la vente d’une maison sise en la rue Taritaine sur la paroisse Saint-Éloi, c’est-à-dire dans le quartier qui avoisinait cette ancienne paroisse.

L’emplacement sur lequel ont été bâtis les magasins de l’entrepôt est figuré, dans le plan de Gomboust de 1655, comme formant une vide-place importante qui s’étendait entre les rues de la Vicomté et de Saint-Éloi. Là était, au 11e siècle, si l’on en croit une chronique, un pont appelé Taritaine1 qui unissait l’île de Saint-Clément à la terre ferme. Il se pourrait que le nom de

« tiretaigne » appliqué à cet endroit isolé, dont on aurait fait Taritaine, eût quelque analogie avec « tirelaine », vieux mot qui signifie voleur.

La rue des Charrettes, qui s’arrêtait à la place Henri IV, a été continuée jusqu’au boulevard, dans les premières années du 19e siècle, sur une partie de l’emplacement du Vieux-Palais, sous la dénomination de rue prolongée des Charrettes, ou de rue des Charrettes-prolongée.

Le théâtre des Arts est situé à l’entrée de la rue des Charrettes, à l’angle de la rue Grand-Pont (voyez ce nom). Il a reçu à diverses époques des améliorations ; une issue a été pratiquée sur le port à l’époque de la création de la promenade appelée depuis le cours Boïeldieu.

Une autre salle de spectacle, qui fut abandonnée quelque temps après l’ouverture du théâtre des Arts, occupait, dans la rue des Charrettes, en face de la rue Herbière, l’emplacement où l’on a ouvert la cour des Entrepôts. (V. au mot Jeux-de-paume.)

Le palais des Consuls, où siégent la chambre et le tribunal de Commerce, et dont le rez de chaussée est affecté à la réunion des commerçants, a une de ses portes d’entrée sur la rue des Charrettes. (Voyez Consuls.) — Dans la même rue, près de celle de l’Impératrice, a été créé en 1866 le Lloyd Rouennais, cercle commercial où sont réunis les renseignements intéressant le commerce et l’industrie, et où se traitent les affaires de place.

La fontaine dite des Cordeliers, qui est placée vis-à-vis des Consuls, au coin de la rue Nationale, est une des plus anciennes de la ville. Sa création date de 1257. Elle est alimentée par la source d’Yonville.

Chartreux (avenue des), ou boulevard Saint-Julien.

Chartreux (passage, place et rue des).

Ces différentes dépendances du vaste enclos des Chartreux forment la limite entre la ville de Rouen et la commune du Petit-Quevilly. Actuellement morcelé et percé de rues, cet ancien parc, dont l’étendue était assez considérable, tire son nom de la communauté des Chartreux qui, après la destruction en 1597 de l’abbaye de Sainte-Catherine, vinrent s’établir dans l’ancienne léproserie de Saint-Julien, appelée précédemment la salle aux Pucelles, et qui s’en rendirent acquéreurs en 1667. En 1682, les

religieux de la chartreuse de la Rose1 se réunirent à la nouvelle chartreuse de Saint-Julien, et ils construisirent une église qui était achevée depuis peu d’années seulement, quand la révolution de 1789 arriva et en causa la destruction. L’emplacement de cette église est actuellement occupé par une fonderie de métaux.

Les dépendances et les propriétés de l’abbaye furent vendues en 1793, et produisirent au delà de 1,300,000 fr.

M. G. Lecointe, qui, depuis cette époque, est devenu acquéreur de l’ancien parc des Chartreux, établit en 1843, dans son enceinte, une maison correctionnelle sous le titre de Colonie agricole, horticole et industrielle du Petit-Quevilly. MM. G. Lecointe et Duhamel avaient, en 1835, fondé dans la maison de détention de Bicêtre une école de moralisation, sous les auspices d’une société de patronage, et à laquelle succéda la création de la colonie agricole. Cet établissement philanthropique, qui était dirigé par MM. Lecointe père et fils, a été fermé à la fin de 1865, sur la demande de son fondateur. Quelques-uns des jeunes détenus ont été rendus à leur famille, et le plus grand nombre a été transféré dans un pénitencier agricole du Morbihan.

On voit encore, dans l’emplacement de l’ancien parc des Chartreux, la chapelle qui avait fait partie de l’ancien prieuré de Saint-Julien (voy. ce nom). Conservé et restauré par M. G. Lecointe, ce précieux monument de l’art du 12e siècle, ce vénérable joyau de l’architecture normande, a été rendu au culte en 1843, et a servi de chapelle à la colonie agricole. Offerte en don, en 1867, à la commune du Petit-Quevilly, par son ancien propriétaire, cette chapelle a été classée le 22 juin 1869 au rang des monuments historiques, et sert actuellement d’annexe à la paroisse de cette importante commune.

— Comme nous l’avons dit, une partie seulement des Chartreux est sur le territoire de la ville, qui est néanmoins propriétaire des plantations dont sont ornées les promenades et avenues portant les divers noms d’Elbeuf, de Stanislas-Girardin, de Saint-Julien et de Sainte-Marie. — Le passage des Chartreux relie la rue ou avenue de Saint-Julien à celle des Limites. Il est aussi connu vulgairement sous les noms de rue de la Corderie ou de passage de la Fonderie, et aboutit à une rue des Fonds qui dépend du Petit-Quevilly.

Chasselièvre (rue et impasses). = Place Saint-Gervais, rue du Tronquay. — 12e section, 5e canton, Saint-Gervais. — Faubourg Cauchoise.

Cette rue n’était d’abord qu’un chemin tendant de la place Saint-Gervais à la croix d’Yonville, et qu’on appelait, en 1788, la sente de Saint-Gervais au Mont-Riboudet ; il fut prolongé, vers 1795, à travers l’ancien cimetière de Saint-Gervais. Le reste de cette sente vient aboutir en équerre à la grande rue du même nom et à celle des Forgettes. Dans un plan de 1782, il comprenait en outre la partie de l’ancienne rue des Grosses-Pierres (rue Flaubert) qui descend de la rue des Forgettes à celle du Renard.

On appelle chasses, en Basse-Normandie, les petites rues et les chemins. Il se pourrait que le nom primitif de cette rue ait été la chasse au Lièvre, si toutefois il n’est pas provenu d’une enseigne.

Il y a, dans cette rue, quatre impasses portant le nom d’impasses Chasselièvre, nos 1, 2, 3 et 4. Il serait utile, pour prévenir des erreurs, de leur donner d’autres dénominations, avec d’autant plus de raison que beaucoup de constructions s’élèvent dans ce quartier.

— On appelle petite rue Chasselièvre une rue qui vient aboutir en forme d’équerre à la petite rue Saint-Gervais, et qui, sur un plan de 1817, est indiquée sous le nom de retour de la rue Chasselièvre.

Chassemarée (rue et impasse). = Rue Saint-Maur, rue Crevier. — 12e section, 5e canton, Saint-Gervais. — Faubourg Cauchoise.

Elle a dû prendre son nom de sa position sur le passage des maréyeurs qui arrivaient par l’ancienne route de Dieppe, en passant par le Mont-aux-Malades et la rue Saint-Maur. On les appelait autrefois des Chasse-marée, désignation qu’on trouve dans une requête au Parlement, en date du 4 août 1611. À Fauville, la route d’Étretat à Rouen est vulgairement appelée le chemin des maréyeurs ou des chasse-marée1.

Chat-Rôti (rue du), citée par Du Souillet.

Ce devait être une de ces petites rues qui aboutissaient à la rue de la Savonnerie, dans la même direction que la rue de la Tuile, et qui ont été supprimées lors de l’établissement de la place des Arts, ou de l’élargissement du bas de la rue Grand-Pont.

Châtelet (le Grand et le Petit-).

C’est le nom de deux fermes situées dans la 4e section, paroisse Saint-Romain, vers les limites de la ville, sur la commune de Saint-Martin-du-Vivier. On y arrive par la rue et le chemin des Sapins. La ferme du Grand-Châtelet est aussi connue sous le nom de Beaurepaire. (Voyez ce nom.)

Chaudron (rue du). = Rue de la Grande-Mesure, rue du Ruissel. — 6e section, 3e canton, Saint-Maclou. — Quartier S.-E.

La rue du Chaudron a vraisemblablement porté, au 14e et au 15e siècle, le nom de rue du Sac ou au Sac. On trouve, dans les registres du tabellionage, nombre d’actes se rattachant à des immeubles situés dans une rue ainsi appelée, et indiquant pour limites la rue du Ruissel, le cimetière de Saint-Maclou, la rue Damiette, l’Eau-de-Robec (la place). Un acte du 19 mai 1485 concerne une maison ayant un huis pour isser en l’aître du cimetière Saint-Maclou, bornée d’un côté la rue au Sac.

Il y avait des étuves dans cette rue1, qui s’étendait sur les paroisses de Saint-Maclou et de Sainte-Croix-Saint-Ouen, et dans laquelle aboutissait une ruelle de l’Arbalestre, qui forme actuellement la continuation de la rue des Ravisés jusqu’à la rue Napoléon III.

La rue du Chaudron se terminait, à la gauche du cimetière de Saint-Maclou, par une espèce de cul-de-sac, ce qui fait supposer que telle est l’origine de son nom primitif, auquel a été, plus tard, substitué celui qu’elle porte aujourd’hui.

Le nom de la rue du Sac était d’ailleurs donné à d’autres rues de ce quartier. Des actes de tabellionage de 1509 et de 1522 font mention d’une maison assise ès rues du Sac, bornée des deux bouts par les dites rues du Sac. On lit dans un autre acte de 1526 : La rue du Sac, autrement dite la rue du Barbel. Enfin

un acte de 1531 porte : maison bornée d’un côté la ruelle Neuve, d’autre côté la rue du Sac, autrement dite du Varvot. Ces rues n’existent plus.

Quant au nom actuel de la rue du Chaudron, il pourrait être dû à une enseigne ou à l’existence d’une chaudière dont il est fait mention dans un acte de 1493, pour chauffer l’eau des Étuves du Rouvray. (Voyez rue des Ravisés.)

Chaussetterie (rue de la).

Cette rue était située dans la paroisse Saint-Denis. On écrivait aussi rue de Cauchetterie et de Chauchetterie. Elle est indiquée sous ces divers noms dans plusieurs actes de tabellionnage de 1420 à 1434, et dans une délibération municipale de 1407, f. 132 r.

Nous ne savons si l’on a voulu désigner par-là la rue des Bonnetiers ou celle des Savetiers.

Chemin-de-Fer (rue du). = Rue Percée, rue des Sapins. — 1re section, 5e canton, Saint-Hilaire. — Faub. S.-Hilaire.

Le nom donné provisoirement à cette rue ouverte nouvellement, est dû à sa proximité du chemin de fer de Paris au Havre. On l’appelle aussi vulgairement la rue aux Anglais, à cause des ouvriers de cette nation qui y ont été employés.

À ces dénominations insignifiantes on pourrait substituer le nom de Salomon de Caus, qui se rattache à l’histoire de l’une des plus grandes découvertes des temps modernes. Salomon de Caus est né en Normandie au 16e siècle. Les archives municipales possèdent plusieurs lettres de cet habile architecte, relatives à la construction d’un pont destiné à remplacer celui de Mathilde1.

— La ligne des chemins de fer de l’ouest, qui a été inaugurée à Rouen le 3 mai 1843, possède dans la ville deux gares ; la première, située sur la rive gauche de la Seine (Saint-Sever), édifiée en 1843, est affectée particulièrement au service de la partie de la ligne qui dessert la Basse-Normandie, et embrasse en général tout ce qui concerne le transport des marchandises. Cette vaste gare est située sur le quai d’Elbeuf, et se prolonge depuis la rue de Seine, à travers les prairies qui bordaient le Grand-Cours, jusqu’à l’avenue de Grammont.

La seconde gare, établie en 1846 sur la rive droite (rue Verte), est réservée au parcours entre Paris et les ports de mer de notre département, qui fut inauguré le 20 mars 1847. Elle est placée entre la rue de Larochefoucauld, la rue Verte et celle du Champ-des-Oiseaux. La majeure partie de la voie, qui traverse la ville en la contournant, est souterraine. La gare de la rue Verte communique, par un pont de fer qui traverse le fleuve par-dessus l’île Brouilly, avec la station de Sotteville, où se trouve le centre des ateliers et du matériel de cette importante exploitation, et où se trouve aussi l’embranchement de la gare de Saint-Sever. — Des rails placés sur la rive gauche de la Seine permettent d’effectuer directement le transport, entre le port de Rouen et la gare de S.-Sever, des marchandises qui suivent la navigation maritime.

— La ligne de Rouen à Amiens, qui fait partie de l’exploitation des chemins de fer du Nord, a été ouverte à la circulation en mai 1867. La gare, qui comprend le service des voyageurs et celui du transport des marchandises, est située sur le boulevard de Martinville à Saint-Hilaire, et occupe un vaste emplacement limité par la route de Lyons-la-Forêt jusqu’à la rue Préfontaine et par les dépendances du faubourg Saint-Hilaire. Une voie ferrée, partant de cette gare, longe le boulevard et traverse le Champ-de-Mars, pour rejoindre, en passant sous une voûte pratiquée sous la route de Paris, les quais de Rouen jusqu’au Mont-Riboudet.

— De nouvelles études ont pour but de créer une troisième ligne, qui desservirait les communications directes entre Orléans et Rouen, en passant par Elbeuf.

Chemin-des-Bœufs (rue du). = Rue de la Rampe, la Campagne vers le Boisguillaume. — 4e section, 5e canton, Saint-Romain. — Faubourg Beauvoisine.

C’est l’ancien chemin par lequel on conduisait les bœufs aux pâturages de Bihorel. Cette rue, qui commence au haut de la rue de la Rampe, se dirige, parallèlement à l’avenue du Cimetière monumental, à un nouveau quartier dépendant de la commune du Boisguillaume. On a donné vulgairement à cette rue le nom de rue de la Californie1, en même temps que d’autres l’appelaient la

rue du Veau-qui-tète, à cause d’un cabaret de ce nom qui y a son entrée. Une proposition fut faite en 1857 à l’administration municipale de lui donner celui de Frédéric-Bérat, le chansonnier rouennais, mort à Paris deux ans auparavant. Cette demande ne paraît pas avoir été accueillie.

Chemin-Neuf (rue du). = Place Saint-Paul, rue du Faubourg-Martinville. — 1re section, 5e canton, Saint-Paul. — Faubourg Martinville.

Cette rue est indiquée dans un plan de 1724 sous le nom de faubourg Martinville, nom qui a été donné depuis à la rue tendant de la place Martinville au carrefour formé par les rues Préfontaine, du Mont-Gargan et du Chemin-neuf actuelle. Elle a remplacé le chemin qu’il fallait parcourir pour aller prendre à Saint-Paul une des routes de Paris, après avoir passé par la rue du Faubourg-Martinville, appelé alors le chemin du Nid-de-Chien, et plus tard le chemin de Paris, ainsi que l’indique le plan de 1655.

C’est là qu’avaient été commencés, en 1694, suivant le Flambeau astronomique, les travaux de la nouvelle route de Rouen à Paris, et qui fut appelée le chemin de Luxembourg, du nom du gouverneur de la province. Peu après furent entrepris ceux de l’avenue qui va de la porte Guillaume-Lion à l’église Saint-Paul, qu’on nomma d’abord le Chemin-neuf et ensuite le cours Dauphin. C’est alors que la dénomination de rue du Chemin-neuf fut donnée à la rue actuelle.

On a trouvé, de 1838 à 1864, dans cette rue et sur la côte de Sainte-Catherine, des débris romains, des médailles antiques1.

Chevaux (rue aux).

Cette rue, qui existait encore en 1728, était située sur la paroisse Saint-Sauveur, entre le Vieux-Marché et l’ancien hôtel de Fécamp. Elle se trouva supprimée en 1757, pour les travaux de construction d’un hôtel-de-ville dont le projet fut ensuite abandonné. Sur les plans de 1655 et de 1724, cette rue est inscrite à la place qu’occupe actuellement la rue de Crosne. Un acte de tabellionage de 1481 lui donnait le nom de Cours-aux-Chevaux, dénomination qui est encore indiquée dans un autre acte de 1482, por-

tant vente de l’hôtel du Mouton-rouge au lieu nommé le Vieux-Marché, d’un côté une ruelle qui va de Saint-Sauveur vers l’hostel de Fescamp, nommée le cours aux Chevaux, d’autre côté l’hostel Saint-Eustache, d’un bout par devant le pavement de devant l’église Saint-Sauveur. Un autre acte du 22 octobre 1504 concerne le Plat-d’étain, borné d’un côté l’hôtel du Cerf, d’un bout la rue Cauchoise, d’autre bout la rue aux Chevaux.

— Un autre emplacement, appelé aussi le cours aux Chevaux, est mentionné dans un acte de tabellionage de 1476, comme étant situé en la paroisse Saint-Denis. (Voyez Vieille-Tour.) — On trouve également, dans des actes antérieurs à la construction du Vieux-Palais, la mention d’un marché aux chevaux près de la tour Mal-s’y-frotte. (Voyez rue du Vieux-Palais.)

— Nous trouvons encore un indice concernant l’existence d’une autre rue aux Chevaux et d’un établissement appelé l’Estal-aux-Chevaux dans la paroisse Saint-Vivien, du côté de la rue Bourgerue. Un acte du 22 janvier 1480 parle d’une maison avec droit d’aller en un ruissel estant en la rue de l’Estal-aux-Chevaux. Ce ruissel doit être le petit cours d’eau qui traverse la rue Mollien, ancienne rue du Bas, et l’Estal-aux-Chevaux a dû se trouver enclavé dans les dépendances de l’ancien noviciat des Jésuites, actuellement occupé par la caserne Napoléon III.

Chèvre (rue et impasse de la). = Rue de la Grosse-Bouteille, rue Martinville. — 3e section, 4e canton pour les nos pairs ; 6e section, 3e canton pour les nos impairs : Saint-Maclou. — Quartier S.-E.

Ainsi que le constatent des titres de 1524 et de 1586, ce nom provient d’une enseigne qui existait encore en 1788. Lors de l’agrandissement de Rouen, au commencement du 13e siècle, les murs de la ville s’étendaient dans cette rue et tournaient, par derrière le couvent des Augustins, jusqu’à la rivière de Robec. On trouve son nom indiqué dans une charte de 12291.

La rue Vatier-Blondel (voyez ce nom), quelquefois appelée Vathieu ou Gautier-Blondel, fut réunie en 1795 à la rue de la Chèvre ; elle portait depuis le 14e siècle le nom d’une très ancienne famille. Cette rue descendait de la place ou impasse de la Chèvre jusqu’à la rue des Espagnols.

Chicheface (ruelle de la).

Un acte de tabellionage du 27 janvier 1479 indique, dans une ruelle ainsi appelée, une maison bornée d’un bout le jardin et l’hôtel de la Chicheface, paroisse Saint-Vivien. — Chicheface, en vieux langage, indique un monstre dont on fait peur aux enfants. Ce nom provenait sans doute d’une enseigne ou d’une figure sculptée sur la façade de cette maison. Nous ne savons où cette ruelle était située.

Chien-Jaune (rue du).

Cette petite rue, qui était entre la rue de la Tuile et celle du Bac, en longeant le port, fut supprimée vers 1824 pour l’exécution des travaux de redressement du quai de Paris. Son nom venait probablement d’une enseigne.

Chien-qui-rit (rue du), faubourg Cauchoise.

Ce nom, qui venait aussi vraisemblablement d’une enseigne, avait été donné à la rue Dugay-Trouin. Dans un plan de 1724, il est inscrit à la rue Moiteuse.

Chiens (rue aux). = Rue d’Elbeuf, près de l’église Saint-Sever, rue Pavée. — 11e section, 6e canton, Saint-Sever. — Faubourg Saint-Sever.

Quelques personnes attribuent cette dénomination à des chiens en faïence qui ornaient les piliers d’une maison voisine, où existait la manufacture de faïence de M. Delamétairie. Dans cette même rue fut établie, en 1829, une école gratuite d’enseignement mutuel, qui a été transférée depuis dans la rue d’Elbeuf.

— Il devait y avoir aussi, comme nous le disons à l’article de la rue des Champs (voyez ce nom), dans le voisinage de cette dernière rue, une rue aux Chiens ou aux Quiens, qui a pu se trouver confondue, par suite d’un vice de prononciation, avec la rue des Champs actuelle.

Choisnard (rue). = Rue Tannery, rue Cauboue. — 4e section, 5e canton, Saint-Romain. — Faubourg Beauvoisine.

Cette rue, nouvellement ouverte, porte, ainsi que celles qui l’avoisinent, le nom d’un propriétaire.

Chouquet (rue et impasse du). = Rue Flaubert, rue du Renard. — 12e section, 5e canton, la Madeleine. — Faubourg Cauchoise.

Cette rue est très ancienne. Elle est indiquée dans un acte de tabellionage de 1423. Un autre acte de 1427 parle d’une ruelle qui meine à la fontaine du Chouquet et d’autre bout à la chaussée Saint-Gervais. Enfin, dans un acte de 1463, il est fait mention d’une rue de la Fontaine-du-Chouquet, qui doit être la même que celle dont nous parlons.

On donnait, au moyen-âge, le nom de Chouquet à une espèce de banc en bois. On appelait également ainsi des bûches qui étaient distribuées, à la veille de Noël, par les échevins de la ville, à un certain nombre d’habitants les plus marquants. Un acte de 1619 fait mention d’une maison où pendait l’enseigne du Chouquet.

Des travaux ont été entrepris en 1868 pour le redressement et l’élargissement de la rue et de l’impasse du Chouquet, et pour prolonger jusqu’à ladite rue celle de Tanger.

— Il y a, dans la rue du Renard, une cour du Chouquet ; elle est placée à l’extrémité de la rue qui porte le même nom.

Cigogne (rue de la). = Rue de l’Hôtel-de-Ville, rue de la Seille. — 5e section, 2e canton, Saint-Ouen. — Quartier N.-E.

Sur les plans de 1655 et de 1724, cette rue est inscrite sous le nom de la rue des Carneaux, du vieux mot « carnel » qui signifie créneau. C’est le nom que lui donne également un acte de tabellionage du 3 mars 1522 : Maison sise en la rue des Carneaux, près le puits de Gournay. (Voyez ce mot.) Un autre acte de 1461 fait aussi mention d’une rue tendant de la rue de la Seille à ce puits de Gournay. Le nom de rue des Carneaux venait évidemment des créneaux1 des murs de la ville, qui, au 12e siècle, étaient près de la rue de la Seille.

La rue de la Cigogne était aussi appelée, au 15e siècle, la rue des Trois-Mores ou Mors, comme l’indiquent plusieurs actes de tabellionage2. Un autre acte de 1528 cite la rue des Trois-Mors, à présent dicte la rue des Carneaulx, d’un bout par devant la rue

de la Seille. En 1548, il est question d’une maison bornée d’un bout par la rue Beauvoisine et d’autre bout par celle des Trois-Mores. Ce nom provenait sans doute d’une enseigne. Il existe encore un hôtel des Trois-Maures dans la rue Beauvoisine, et il est fait mention dans un titre de 1567 du jeu de paume des Trois-Mores.

La dénomination actuelle de la rue de la Cigogne vient de l’enseigne d’une maison où était autrefois ce jeu de paume ; on y voyait encore, il y a quelques années, une cigogne en plomb au-dessus d’une lucarne. — Taillepied cite une rue du Héron dans le quartier de Beauvoisine ; c’est sans doute la rue de la Cigogne qu’il a entendu désigner ainsi.

Cigogne-du-Mont (rue de la). = Rue des Pénitents, rue Bassesse. — 2e section, 4e canton, Saint-Vivien. — Quartier N.-E.

Cette rue est située sur l’ancien fief du Mont ; le nom de la Cigogne vient évidemment d’une enseigne.

Il y avait, dans la rue de la Cigogne-du-Mont, une communauté religieuse des filles du Bon-Pasteur1. Elles s’établirent à Rouen en 1698, d’abord dans la rue du Grand-Maulévrier, vis-à-vis du séminaire de Joyeuse, ensuite à Saint-Sever, près de l’église, et vinrent peu de temps après dans la rue susnommée, où elles étaient encore en 1791, époque de leur suppression.

Leur maison fut occupée, pendant quelque temps, par l’Institut des jeunes Orphelines, fondé par Mlle Provost.

L’œuvre du Bon-Pasteur est continuée aujourd’hui par les Dames religieuses de Jésus-Christ, qui occupent dans la rue du Mont l’ancien couvent des Annonciades. (Voyez rue du Mont.)

Cimetière-Saint-Gervais (rue du).

C’est le nom qu’on donnait autrefois au chemin qui conduit de la petite rue Saint-Gervais au cimetière. — Nous croyons à propos de faire remarquer, dit l’auteur du Dictionnaire indicateur,

que ce cimetière, qui fut établi le 7 août 1780, à l’époque où l’on abolit l’usage d’enterrer dans les villes, avait déjà servi anciennement à cet usage, ce qui est attesté par des pierres tumulaires qu’on y a trouvées à diverses époques, et dont on voit encore des vestiges sous le mur qui donne sur la route du Mont-aux-Malades.

Cimetière-Saint-Laurent (rue du). = Rue de l’École, rue Boutard. — 8e section, 2e canton, Saint-Godard. — Quartier N.-O.

Cette rue a pris son nom de sa position sur l’ancien cimetière de la paroisse Saint-Laurent.

Cimetière Monumental (rue ou avenue du). = Rue de la Rampe, le Cimetière monumental. — 4e section, 5e canton, Saint-Hilaire. — Faubourg Beauvoisine.

Ouverte en 1824 sur la partie de la côte des Sapins qui appartient à la ville, au-dessus du cimetière de la Jatte, et entre la rue du Chemin-des-Bœufs et celle des Sapins. (Voyez ci-après, au mot Cimetières.)

Il avait été question de faire descendre cette avenue jusqu’au boulevard de Beauvoisine à Saint-Hilaire, en face de la rue des Capucins, en lui faisant traverser le cimetière de la Jatte. L’administration municipale paraît avoir renoncé à ce projet.

Cimetières.

Antérieurement à 1780, il y avait un grand nombre de cimetières autour des églises de la ville, et beaucoup d’inhumations se faisaient même dans l’intérieur de ces églises. En exécution d’une déclaration du roi, du 19 novembre 1776, un arrêt du Parlement du 7 août 1780 mit un terme à ces usages, qui n’étaient pas sans inconvénient pour la salubrité publique. Par cet arrêt, le Parlement ordonna la création1 de cinq cimetières en dehors de la ville, à l’usage des catholiques, savoir :

Le cimetière Saint-Gervais, près de l’église de ce nom, affecté au service des paroisses de la Cathédrale, de Saint-Gervais, de Saint-Vincent et de la Madeleine. Il occupe une superficie de 2 hect. 20 ar.

Le cimetière de Beauvoisine ou de Lille, appelé aussi quelquefois le cimetière de Saint-Romain, situé route de Neufchâtel, pour les paroisses de Saint-Godard, de Saint-Patrice et de Saint-Romain, et dont la contenance est de 1 hect. 11 ar.

Le cimetière de la Jatte, placé derrière le Boulingrin, au bas du Val-de-la-Jatte, pour les paroisses de Saint-Ouen, de Saint-Vivien, Saint-Nicaise et Saint-Hilaire, ayant une étendue de 2 hect. 72 ar.

Près de ce cimetière est celui qui est affecté à la sépulture des protestants. (Voyez ci-dessous.)

Le cimetière du Mont-Gargan, dans la rue de ce nom, sur le versant de la côte de Sainte-Catherine, pour les paroisses de Saint-Paul1 et de Saint-Maclou, et dont une partie, annexée récemment, est à l’usage de l’Hospice général. Son étendue totale est de 3 hect. 30 ar.

Près de ce cimetière est celui qui est consacré à l’inhumation des israélites.

Le cimetière de Saint-Sever, pour les paroisses de Saint-Sever et de Saint-Clément. Placé d’abord rue Saint-Julien, en face de la chapelle de Saint-Yon, ce cimetière a été récemment transféré dans la rue d’Elbeuf, à l’angle de la rue de Trianon. Il contient 2 hect. 53 ar.

Un autre cimetière est affecté à la sépulture des personnes décédées à l’Hôtel-Dieu. C’est le cimetière de Saint-Maur, situé entre la rue de ce nom et la rue Crevier, et occupant une superficie de 1 hect. 5 ar. À la suite des ravages de la peste pendant les 16e et 17e siècles, il conserva longtemps le nom de cimetière des Pestiférés. Dans un arrêt du Parlement du 9 sept. 1622 il est désigné sous celui de charnier de Saint-Maur ; ordre était donné d’y faire porter de la terre, pour être placée sur les corps des morts de la contagion. (V. rue Saint-Maur.) De nombreuses réclamations se sont élevées depuis quelque temps contre la conservation de ce cimetière au sein d’un quartier devenu populeux.

— Un arrêt du Parlement, du 14 septembre 1568, avait fait défense expresse d’enterrer à l’avenir en terre sainte les corps des huguenots qui jusqu’alors avaient été mis dans les cimetières des catholiques. Le lieu de sépulture des protestants a changé plusieurs fois de place. Ce fut d’abord le cimetière des Huguenots,

qui était situé dans la rue Saint-Hilaire, et auquel fut aussi donné le nom du Prêche1. Cet emplacement fut accordé en 1592 par le duc de Mayenne aux religieux Minimes, pour y établir un monastère de leur ordre. Vers 1570, on avait assigné aux calvinistes un quartier hors de la porte Cauchoise, auprès du cimetière des Pestiférés (Saint-Maur). En 1571, les calvinistes achetèrent au haut de la rue de la Rose, sur le rempart de Saint-Hilaire, un emplacement pour enterrer leurs morts2. Enfin, leur cimetière, qui a été pendant longtemps établi à l’extrémité de la rue du Champ-des-Oiseaux, dans un terrain à eux accordé en 1611 pour inhumer ceux des leurs qui mouraient de la peste, a été transféré près du cimetière de la Jatte.

— En 1823, l’administration municipale, prenant en considération les nombreuses demandes formées par les familles pour obtenir l’autorisation d’élever un monument sur la tombe d’un parent, décida qu’un cimetière monumental serait créé au N.-E. de la ville, sur une portion de la côte des Sapins et au-dessus de celui du Val-de-la-Jatte. Cette délibération fut approuvée par ordonnance royale en 1824.

Ce cimetière comprend une superficie de 5 hect. 53 ar. De même que les autres, il est entouré de murs. Une chapelle a été édifiée en 1825 sur le point culminant de ce cimetière, et un caveau a été établi pour le dépôt provisoire des corps qui ne peuvent être inhumés de suite.

Le 13 novembre 1834, après une cérémonie funèbre qui eut lieu à la Cathédrale de Rouen en mémoire de Boïeldieu, mort à Paris

le 9 octobre précédent, le cœur de l’illustre défunt, enfermé dans une boîte d’argent, fut transporté en grande pompe de l’Hôtel-de-Ville à Notre-Dame, et de là au Cimetière monumental, où un tombeau a été édifié. D’autres monuments, élevés aux frais de souscripteurs ou par les soins de l’autorité municipale, couvrent les restes de plusieurs autres personnages distingués qui se sont fait un nom dans les sciences et dans les arts, ou en rendant d’éminents services à notre cité, dans leurs fonctions administratives.

Cinq-Cerfs (rue des).

Cette ancienne rue, appelée rue des Chinchers dans les Antiquitez de Rouen, a été réunie en 1795 à la rue Saint-Nicolas. On la trouve néanmoins inscrite encore sous le nom de rue des Cinq-Cerfs dans un plan de 1817.

L’auteur de la Description de la Haute-Normandie prétend qu’elle porta pendant longtemps le nom de rue de Saint-Saire, parce qu’elle fut ouverte au 9e siècle sur des terrains appartenant en partie aux moines de Saint-Saire-en-Brai, ou parce que ces religieux s’y réfugièrent après la destruction de leur monastère par les Normands. D’autres pensent, au contraire, que le nom de Cinq-Cerfs ne peut provenir que d’une enseigne, laquelle, à l’imitation de beaucoup d’autres, aurait pu, au reste, être choisie pour faire allusion au nom primitif de Saint-Saire, et que, le peuple s’étant habitué à prononcer « chinché », de là serait venue la dénomination de Chinchers sous laquelle on désigne à Rouen les marchands de vieux meubles et de vieux linge, qui y demeuraient en assez grand nombre.

Il est fait mention, dans un acte de tabellionage de 1477, d’une ruelle Quinquier, près de la rue Martinville : Petite ruelle par où l’on va aux religieux de Cormeilles, prez la maison où pend l’enseigne des Chappelez. Il est question ici de la rue des Cinq-Cerfs et de l’ancien collége du Saint-Esprit, qui était situé entre la rue Saint-Nicolas et la rue Saint-Romain.

Au bas de la rue des Cinq-Cerfs, vers Robec, se trouvait encore, à la fin du dernier siècle, une ruelle qui communiquait avec la rue Damiette (Voyez la rue des Privées-de-Robec.)

Ciseaux (rue des). = Rue Ganterie, rues des Fossés-Louis-VIII et de la Poterne. — 9e section, 1er canton, la Cathédrale. — Quartier S.-O.

Ce nom vient d’une enseigne. Des actes de tabellionage de 1474 et de 1487 mentionnent une maison dans la rue du Fossé-à-Gantiers (rue Ganterie), où pend l’enseigne des « Chisieaulx », sur la paroisse de Saint-Martin-sur-Renelle. — Un titre de 1251 parle d’une rue des Cloutiers1, aboutissant à la rue Ganterie.

Claquedent (hameau de).

C’est l’ancien nom du quai de la Grande-Chaussée, dans le faubourg Saint-Sever.

Un plan de 1655 désigne ce hameau sous la dénomination des maisons de Claquedent, ainsi nommées probablement, dit l’auteur des Lettres sur Rouen, à cause de leur position sur le bord de la Seine. — Si l’on s’en rapporte à l’interprétation donnée par Ménage au mot « Claquedent », ce quartier aurait été autrefois habité par des vauriens et des fainéants, qui souffrent que les dents leur claquent plutôt que de se réchauffer à quelque travail que ce soit2.

Clé (cour de la), dans la rue Martinville, près de la rue Saint-Marc. — 3e section, 4e canton, Saint-Maclou. — Quartier S.-E.

Divers actes de tabellionage du 15e siècle et le cartulaire de Saint-Maclou (1421, 1487) citent une ruelle de la Clé, dans laquelle était une des franches-aires3, nom que l’on donnait à des maisons où l’on pouvait tenir boulangerie sans que ceux qui les occupaient fussent passés maîtres.

Des actes de 1476 concernent un hôtel où pendait l’enseigne de la Clé, situé au coin de ladite rue et borné par devant par la rue Martinville. C’est de là qu’est provenu le nom sous lequel cette cour est désignée. — Un autre acte de 1501 parle d’une maison bornée par derrière la ruelle de la Clé et d’autre bout par

devant la rue Saint-Marc. Pareille mention est faite dans les Aff. de Normandie de 1765.

— Taillepied1 cite une rue de Clérissart dans le quartier Martainville ; nous ne savons si c’est la rue de la Clé qu’il a voulu désigner.

Clère (rue de).

Il est probablement question ici du chemin appelé la cavée de Saint-Gervais, ou plutôt la route du Mont-aux-Malades. On lit, dans un acte du 26 oct. 1463 : maison bornée d’un côté par la rue de Clère, d’un bout le chemin qui mène du manoir de Saint-Gervais à la rue Crevière (probablement la rue Tabouret.)

— Une inscription placée à l’encoignure d’un chemin tendant de l’extrémité de la rue du Champ-des-Oiseaux au Mont-Saint-Aignan, porte aussi le nom de chemin de Clères.

Clos-de-Campulley (rue du). = Rue Bouquet, rue Saint-Maur. — 4e section, 5e canton, Saint-Romain. — Faubourg Bouvreuil.

On a classé sous ce nom, en 1865, une route ouverte quelques années auparavant sur un emplacement portant le nom de son ancien propriétaire2, et qui fut acquis par M. Bouquet, ancien négociant.

Les premières constructions faites dans cette rue sur les plans de M. Grimaux, architecte, ont fait donner au quartier le nom de cité Grimaux. (V. rue Bouquet.)

On a trouvé, de 1861 à 1864, dans le clos de Campulley, près de l’endroit appelé la Maladrerie, des cercueils en bois qui annonçaient la présence d’anciennes sépultures3.

Clos-des-Marqueurs (rue du). = Rue des Champs, rue de la Cage. — 2e section ; 2e canton pour les numéros pairs ; 4e canton pour les numéros impairs ; Saint-Nicaise. — Quartier N.-E.

On appelait marqueurs des hommes qui furent chargés, lors de l’invasion de la peste à Rouen, vers 1512, de marquer d’une croix blanche les maisons infectées de cette contagion. Ils se réunissaient dans l’enceinte connue sous le nom du Clos-des-Marqueurs. Là furent établis, en 1616, les bâtiments affectés, non-seulement à la demeure des Marqueurs, mais aussi à celle des médecins et autres personnes chargées de soigner les pestiférés. Un règlement de police, du 22 juin 1622, défendit à toutes personnes d’enlever ou faire enlever aucuns corps décédés de contagion, par autres que ces marqueurs, à peine de la vie.

Dans cette rue était la maison des Arquebusiers, dont le jardin occupait encore, au 18e siècle, un espace situé entre les extrémités des rues de la Cage et Tirelinceul (actuellement la rue Poussin), près des remparts.

Clos-Thirel (rue du). = Rue du Champ-des-Oiseaux, rue Verte. — 4e section, 5e canton, Saint-Romain. — Faub. Bouvreuil.

C’était précédemment une impasse, qui a pris le nom du propriétaire sur le terrain duquel elle a été ouverte. — Cette rue est inscrite, sur un plan de 1817, sous le nom de rulette du Champ-des-Oiseaux.

Closet-de-la-Madeleine (rue du). = Place Impériale, rue du Plâtre. — 6e section, 3e canton, Saint-Maclou. — Quartier S.-E.

C’est une ancienne impasse située dans la rue du Plâtre, et qui néanmoins était désignée au 15e siècle sous le nom de ruelle Laurent-Duval1. Depuis que la place Impériale a été établie, cette impasse a été continuée et arrive sur cette place par-dessous le porche d’une maison appelée l’hôtel d’Espagne.

Le closet de la Madeleine, qui a donné son nom à cette petite rue, était un cimetière dépendant de l’ancien Hôtel-Dieu.

On lit dans un acte de tabellionage du 17 février 1476 : Héritage borné d’un côté vers la porte Jean-Lequeu, d’autre bout

la rue de l’Écu-de-Verre (actuellement supprimée), d’un bout la grande rue des Augustins, d’autre bout les religieuses de la Madeleine.

Cochon-Rôti (rue du).

Cette petite rue, qui a été déclassée au commencement du 19e siècle, et dont les dernières traces ont disparu en 1859, a fait partie d’un passage qui, par un retour d’équerre, tendait de la rue des Carmes à la rue aux Juifs, et qu’on appelait la ruelle d’Ymare ou de Guiart.

Un acte de tabellionage de 1461 fait mention d’un tènement où il y a de présent une plâtrerie, bornée d’un bout une ruelle qui vient de la rue du Grand-Pont (ancien nom de la rue des Carmes) à la rue aux Juifs, et d’autre bout par la rue aux Juifs. Cette ruelle est figurée, d’une manière incomplète, sur les plans de 1655 et de 1724.

Enfin, un acte du 3 août 1529 indique une maison bornée d’un bout la maison du Bec, d’autre bout la rue du Four-qui-danse.

Le Parlement tenait, à l’Ascension, un repas qui était désigné sous la dénomination de festin du cochon, ou seulement sous celle de Cochon, parce qu’on y mangeait un cochon rôti. L’origine du nom que portait cette petite rue pourrait être attribuée à l’enseigne du rôtisseur chez lequel ce cochon était préparé.

— Il existait aussi une cour Cochon, dans le quartier de Robec.

Cœlina (rue). = Rue Saint-Julien, rue des Carrières-Gaillard. — 11e section, 6e canton, Saint-Clément. — Faubourg Saint-Sever.

Ce nom a été donné par un propriétaire à l’une des rues qu’il a ouvertes sur son terrain. Une de ces rues, nommée la rue Gaillard, dépend de la commune du Petit-Quevilly.

Coignebert (rue). = Rue Orbe et rue Bourg-l’Abbé, rue de la Roche. — 2e canton ; 2e section et Saint-Nicaise pour les numéros pairs ; 5e section et Saint-Ouen pour les numéros impairs. — Quartier N.-E.

Cette rue portait au 15e siècle le nom de Thomas-Lecomte1 ;

son nom actuel lui fut donné plus tard. Un acte de tabellionage de 1461 cite un héritage situé dans une ruelle tendant de la rue Bourg-l’Abbé aux champs de Saint-Nicaise, et d’autre bout la rue du Cognebert. Un autre acte de 1466 fait mention d’une propriété bornée d’un bout par une ruelle tendant de Bourg-l’Abbé au lieu et place nommés le camp du Régent, d’autre bout la rue Thomas-Lecomte nommée depuis la rue Cognebert. On lit Congnebert dans un acte de 1526. Dans un plan de 1655 on l’appelle la rue Lambert. Enfin elle est inscrite, sur un autre plan de 1724, rue Coquebert.

On pourrait admettre, avec l’auteur du Dictionnaire indicateur1, que le nom de cette rue provient de celui d’un propriétaire ; et comme on écrivait autrefois « coing » pour coin, on aurait pu dire le Coinhébert2, dont on aurait fait Cognebert ou Coignebert. — Les autres dénominations proviennent évidemment de propriétaires.

Une inscription placée sur une maison de la rue Coignebert, à gauche en montant, et presque en face de la rue de la Moëlle, indique que le célèbre publiciste Armand Carrel est né dans cette maison le 8 mai 1800. Il fut tué dans un duel politique, à Saint-Mandé, près Paris, le 24 juillet 1836.

Colombier (rue du). = Rue Saint-Filleul, rue du Renard. — 12e section, 5e canton, la Madeleine. — Faubourg Cauchoise.

Cette rue a pris son nom d’un colombier qui devait dépendre d’un fief de la Motte, dont le château flanqué de deux tourelles, élégant débris de l’architecture du 17e siècle, avec sa chapelle, avec ses fontaines jaillissantes, ses douves remplies d’eau, et défendu naguère par un pont-levis, se voit au milieu des vastes jardins maraîchers de la vallée d’Yonville.

— Un acte de tabellionage du 24 mai 1529 fait mention d’une maison et jardin assis en la paroisse Saint-Vivien, en la rue des Champs, bornés d’un côté la rue du Coullombier3, d’un

bout la rue des Champs et d’autre bout la rue des Chiens. — Cette rue du Colombier, dont nous ne trouvons aucune trace, fut probablement supprimée lors de l’installation des Capucins dans le quartier qui a pris leur nom.

— Une tour du Colombier était située entre la porte Saint-Hilaire et celle de Martinville, et faisait partie des dernières fortifications. Cette ancienne tour dépendait de l’hôtel de Chantereine ou du Joyeux-Repos, où fut fondé depuis le couvent des Célestins. Construite en 1408, cette tour avait été considérablement augmentée de 1514 à 1523, et était devenue une véritable forteresse. On établit sur sa plate-forme, à la fin du 17e siècle, un moulin à vent1. Elle fut détruite en 1748, et l’on acheva sa démolition en 1812. On en voit encore les vestiges dans les jardins de l’Hospice général, ainsi qu’un pan des anciennes fortifications de la ville.

Comédie (rue de la). = Quai de la Bourse (cours Boïeldieu), rue des Charrettes. — 9e section, 1er canton, la Cathédrale. — Quartier S.-O.

Ouverte en 1816, sous la dénomination de rue de la Petite-Boucherie, sur l’emplacement de l’ancienne cour ou place de ce nom2, derrière le Théâtre des Arts, qui y a une issue. On l’avait nommée aussi la rue du Grand-Corneille, mais le nom de l’illustre poète ayant été donné depuis à la petite place sur laquelle est la façade de la salle de spectacle, le nom de rue de la Comédie fut définitivement adopté. Depuis peu, le nom de Pierre-Corneille remplace celui de la rue de la Pie, où naquit ce grand écrivain.

Commerce (rue du), dans l’île de la Croix. — 1re section, 6e canton, Saint-Paul.

Ce nom a été donné à une rue ouverte depuis quelques années3.

Constantine (rue de). = Rue du Pré-de-la-Bataille, rue de Tanger. — 12e section, 5e canton, la Madeleine. — Faubourg Cauchoise.

Cette rue, qui forme le prolongement de la rue du Champ-de-Foire, a reçu son nom en 1846, en mémoire de la conquête de l’Algérie.

Consuls (palais des), limité par la rue des Charrettes, la rue Nationale et le port.

Au 15e siècle, les marchands avaient contracté l’habitude de se réunir jusque dans la nef de la Cathédrale pour traiter de leurs affaires. Le bailli de Rouen fit édifier, en 1493, dans le clos aux Juifs, une vaste salle qui fut appelée la Salle commune de la ville, « le parlouër des Bourgeois1 ; » mais elle se trouva comprise, peu d’années après, dans la construction du Palais-de-Justice, et devint la salle dite des Procureurs ou des Pas-Perdus. (Voyez Palais-de-Justice.)

Suivant un édit de 1566, du roi Henri II, c’était néanmoins dans cette dernière salle que se tenaient encore les réunions des marchands, pour en icelle se pouuoir assembler deux fois par jour et faire leurs trafficques, entreprinses et négoces.En outre, voulons et ordonnons, portait cet édit, que les marchands d’icelle ville facent, tous les ans, assemblée et congrégation de marchands …… en laquelle seront esleuz un prieur et deux consuls, lesquels congnoistront et pourront congnoistre et juger en première instance des procez et differents concernant le faict des marchandises.

Dépossédée de leur lieu ordinaire de réunion, la communauté des marchands acheta, près du quai, un emplacement où fut construit en 1725 le palais des Consuls. Cet édifice, qui a pris son nom de l’ancienne juridiction consulaire remplacée, le 14 nov. 1791, par le Tribunal de Commerce, devint alors le lieu des assemblées des négociants, qui y firent bâtir une chapelle. La Chambre de Commerce2, instituée dès 1703, y tient aussi ses séances.

La salle du rez-de-chaussée est spacieuse et a pris le nom de

Bourse couverte. L’étage supérieur, auquel on monte par un bel escalier placé au centre de la galerie du rez-de-chaussée, est occupé par les salles du Tribunal de Commerce et par une autre salle qui a reçu le nom de salle du Concert1.

On voit, dans ces appartements, deux beaux tableaux, peints par notre compatriote Lemonnier. L’un de ces tableaux, relatif au séjour que fit Louis XVI à Rouen en 1786, fut sauvé six ans après des mains des destructeurs, par les soins de son auteur et par ceux des administrations locales ; il fut restauré depuis 1814, et remis à la place qu’il avait occupée avant 17922.

La principale façade des Consuls est dans la rue Nationale ; elle est défendue par une grille qui y a été placée en 1861. Au-dessus de la barrière d’entrée, on lit cette inscription : Fovendis quotidiano congressu commerciis. Deux autres portes d’entrée sont sur la rue des Charrettes, et sur la promenade appelée la Bourse découverte ou le jardin de la Bourse. On lit, au-dessus de la première, ces mots : Discutiendis compendioso jure commerciis ; et au-dessus de la seconde : Promovendis prudenti consilio commerciis.

Outre ces inscriptions, qui font connaître la destination de l’édifice, une autre inscription latine était placée au pied d’une statue de Louis XV, que l’on voyait avant la révolution dans l’escalier des Consuls. En voici la traduction : Louis XV a érigé ce monument pour l’ornement de la ville, l’honneur du commerce et l’utilité de tout le royaume, l’an du Seigneur 1725. La statue, qui a été abattue et mutilée en 1792, a été remplacée en 1854 par une autre moulée en plâtre d’après Coustou. Sur le cul-de-lampe du piédestal où était placée la précédente statue, on mit en 1817 les paroles mémorables qu’adressa Henri IV aux Échevins de la ville, le 16 octobre 1596 : Mes amis, soyez-moi bons sujets, et je vous serai bon roi, et le meilleur roi que vous aurez jamais eu.

Contagion (rue de la).

Taillepied cite une rue de ce nom dans le quartier de Saint-Hilaire ; cette rue nous est inconnue.

Contrat-Social (rue du). = Boulevard Cauchoise, rue du Pré-de-la-Bataille. — 12e section, 5e canton, la Madeleine. — Faubourg Cauchoise.

Cette rue, ouverte vers 1775 dans le quartier neuf de Cauchoise, avait reçu alors le nom de rue de Bellegarde, qu’on lui retira en 1795 pour lui donner celui de rue du Contrat-Social1, titre de l’un des ouvrages de J.-J. Rousseau.

Le nom de Bellegarde était celui d’un conseiller au Parlement de Normandie, M. de Lannoy de Bellegarde, qui fut maire de Rouen de 1776 à 1779 et mourut vers 1786. Les raisons qui firent choisir d’abord ce nom devraient, nous le pensons, déterminer l’administration à le rétablir, soit pour la rue du Contrat-Social elle-même, soit pour son prolongement entre la place de la Madeleine et la rue du Pré-de-la-Bataille.

Coq (carrefour et rue du).

On appelait ainsi autrefois, à cause d’une enseigne, le carrefour formé par les rues Beauvoisine et du Cordier et par la rue qui conduit à la place de la Rougemare, et qui paraît avoir porté elle-même le nom de rue du Coq. La maison où pendait l’enseigne du Coq était, en effet, au coin de cette rue en descendant, comme le prouve un acte de tabellionage du 29 janvier 1464, portant : l’hostel du Coq et tous les bâtiments à l’entour, sis rue et boucherie Beauvoisine et rue Pinchedoz, appartenant aux religieux de Saint-Ouen. — Mais, dans les nomenclatures du Flambeau astronomique et de Du Souillet, le lieu nommé le Coq, où il y avait boucherie, est indiqué au côté opposé de la rue, entre la rue du Cordier et celle du Beffroy, qu’on appelait alors la grande rue de Saint-Godard. En 1768, il y avait une auberge du Coq vis-à-vis de cette même rue Saint-Godard. Cela ne peut s’expliquer que parce que, suivant un usage qui était alors en vigueur, et dont on pourrait donner des exemples plus récents, le propriétaire de l’enseigne du Coq, ayant changé de domicile, avait emporté son enseigne avec lui.

C’est au carrefour du Coq qu’avait été reportée, vers l’an 1200, la porte de Sainte-Apolline, qui était précédemment près des Carmes. On l’appela, dit T. Duplessis, la porte d’Aubevoie, du

nom de la rue voisine, qui s’étendait le long de la Rougemare et allait rejoindre le nord de la ville.

Coquereaumont (rue).

C’est le nom d’une rue qui fut réunie en 1795 à la rue des Capucins. (Voyez ce nom.)

Coquereaumont est le nom d’une famille ancienne de Rouen. Dans un assaut livré à la ville le 15 octobre 1562, un bourgeois nommé de Civile1 fut blessé en combattant sur un rempart voisin de la porte Saint-Hilaire, et fut enterré au pied de la muraille, parce qu’on le croyait mort. Le domestique de M. de Civile, nommé Nicolas Delabarre, qui désirait s’assurer par lui-même si son maître était mort réellement, obtint la permission de le déterrer sous le prétexte de le transporter dans le tombeau de sa famille ; mais ce fut chez M. de Coquereaumont que le corps de Civile fut porté par son fidèle serviteur, qui par ses soins le rappela à la vie.

La rue de Coquereaumont est citée dans un acte de tabellionage de 1397. Un autre acte de 1489 mentionne la vente d’un héritage sis au haut de la rue de Coquereaumont, borné d’un côté la rue tendant de la Cage à Coquereaumont et d’autre bout la rue aux Chiens. (Voyez ces noms.)

Coques (rue des).

Un registre du tabellionage de 1424 cite une rue de ce nom dans la paroisse de Saint-Étienne-des-Tonneliers.

Coquet (rue du). = Place Saint-Godard, rue Bouvreuil. — 8e section, 2e canton, Saint-Godard. — Quartier N.-O.

Des actes de tabellionage de 1426 font mention d’une maison devant le portail de Saint-Godard, bornée d’un bout le pavé de la rue qui mène de Saint-Godard au Châtel. D’après le Ms. des Fontaines, M. E. De la Quérière pense que cette rue a porté le nom de rue Saint-Godard ; un acte de 1481 cite, en effet, un hôtel borné par-devant la rue Saint-Godard, et d’autre bout par derrière la rue Beffroy. Dans un plan de 1655, la rue du Coquet est inscrite sous le nom de petite rue Saint-Godard. Son nom actuel vient d’une enseigne du Coquet, qui, suivant un acte du 23 septembre 1507, était celle d’une maison bornée d’un côté

par le cimetière de l’église Saint-Godard. Une maison à l’enseigne des Coquets ou des Quoquets est également citée dans des actes de 1476 et de 1481. Il y en avait une aussi près de la rue de la Seille.

Dans un plan de 1724, cette rue est désignée, peut-être par erreur, sous le nom de rue du Cornet.

Corbeau (rue du). = Rue du Ruissel, rue du Barbet. — 6e section, 3e canton, Saint-Maclou. — Quartier S.-E.

Ce nom vient évidemment d’une enseigne.

— Une rue du Corbel est citée dans un acte de tabellionage du 21 janvier 1397, au sujet d’un héritage tenant d’un bout au pavement devant l’église Saint-Michel.

Cordelier (impasse), dans la rue Saint-Vivien, entre la rue des Matelas et la Croix-de-Pierre. — 2e section, 4e canton, Saint-Vivien. — Quartier N.-E.

Cette impasse est citée par Du Souillet, qui ajoute qu’il y avait boucherie des deux côtés. C’était la boucherie Saint-Vivien : on la trouve inscrite sous le nom de ruelle as Bouchiers en la paroisse Saint-Vivien, dans Clerc-de-Ville, à la date du 18 avril 1306. Près de là était le Séminaire archiépiscopal, qui fut réuni en 1707 à celui de la rue Poisson.

Pendant les ravages de la peste, en 1649, un père cordelier s’était dévoué au service des malades ; il avait un procédé spécial pour l’évent des maisons et des personnes ; il éventait plus promptement et à moins de frais, et ceux qu’il avait guéris n’étaient plus repris ; enfin, il donnait des remèdes curatifs et préservatifs. La ville ne pouvant faire les frais d’un troisième hôpital, ce cordelier réunissait ses malades dans plusieurs maisons. De là peut-être est provenu le nom de l’impasse du Cordelier.

Une ancienne inscription, laquelle a disparu avec la maison qui a été récemment démolie, portait : cul-de-sac du Cordier1. Taillepied cite cette impasse sous le nom de rue des Cordes. On en a fait en 1823 le cul-de-sac des Cordeliers, et de nos jours l’impasse Descordes.

C’est ainsi que des noms de rues subissent des altérations qui en changent le sens primitif.

Cordeliers (rue des). = Rue des Charrettes, rue aux Ours. — 9e section, 1er canton ; la Cathédrale pour les nos pairs ; Saint-Vincent pour les nos impairs. — Quartier S.-O.

Le nom de cette rue vient du couvent des Cordeliers qui a été supprimé en 1790, et qui fut vendu peu après pour la somme de 650,000 francs.

Les Frères Mineurs, qui furent appelés plus tard les Cordeliers, vinrent à Rouen en 1228, et occupèrent d’abord le clos et la chapelle Saint-Marc. Odon Rigaud, archevêque de Rouen, leur permit, en 1246, de s’établir dans le lieu appelé le Donjon, qui leur avait été cédé en 1231 par Laurent du Donjon, en la rue du Rivage1, nommée ainsi à cause de sa position près de la Seine. On y voyait encore les ruines du château que Rollon avait fait construire. (Voyez rue Nationale.) Les Cordeliers vinrent occuper cet emplacement en 1254 ; ils furent installés par l’archevêque, et célébrèrent leur office dans la chapelle de Saint-Clément dont ils avaient obtenu le patronage, avec le droit de la démolir pour en augmenter leur couvent : cette chapelle était d’abord un oratoire que saint Mellon avait fait bâtir dans une île2, qui se trouva réunie à la ville lors de l’établissement des terres-neuves. (Voyez rue Saint-Éloi.) — Par suite de la cession de cette chapelle aux Cordeliers, ses paroissiens furent partagés entre Saint-Étienne-des-Tonneliers et Saint-Martin-du-Pont.

L’église rétablie par ces religieux fut dédiée en 1261 sous le même vocable de Saint-Clément, le roi saint Louis étant à Rouen, et fut appelée l’église des Prêcheurs. Elle avait son portail au coin de la rue des Cordeliers, en face de celle des Charrettes, et a été en partie démolie à la suite de la fermeture des couvents, à l’époque de l’ouverture de la rue Nationale et de la construction des maisons de la rue des Charrettes qui font face aux Consuls. En 1580, le clocher de l’église menaçant ruine, fut démonté et rétabli. On voit encore, au bas de la rue Nationale, au-dessus de celle des Charrettes, la partie orientale de cette église, qui était devenue pendant plusieurs siècles la

seconde paroisse de la ville, et qui est actuellement convertie en magasin. On voit aussi, dans la rue des Cordeliers, les restes du couvent dont elle a pris le nom. Le cloître, dont les galeries étaient fort estimées, servit longtemps de lieu de promenade et a été traversé par la rue Nationale. Le Donjon devait être situé vers l’angle formé par la rue des Cordeliers et par celle des Charrettes.

Saint Louis avait concédé aux Frères Mineurs une partie des anciens fossés de la ville, entre la porte du Pont-Honfroy et la rivière d’Aubette, c’est-à-dire entre les rues Saint-Marc et de la Chèvre jusqu’à la tour du Tot, pour leur faciliter les moyens de bâtir leur monastère ; ils cédèrent les mêmes fossés à divers particuliers, à la charge de contribuer pour autant à la construction de leurs bâtiments, qu’ils augmentèrent encore par la suite. De son côté, la ville accorda aux religieux, le 16 octobre 1391, cent sous tournois pour leur aider à faire leur portion de pavement d’entre leur maison et celle de Mgr l’évêque de Bayeux, conformément à une délibération relative au pavage et au nettoyage de la rue des Cordeliers1.

Le plan de Gomboust, de 1655, indique une arcade ou galerie qui traversait la rue des Cordeliers. Les religieux avaient été autorisés à l’établir pour faciliter leur communication avec des jardins qui étaient de l’autre côté de la rue.

La bibliothèque du monastère fut détruite en 1562 par les calvinistes, et rétablie peu de temps après.

Avant 1251, la rue des Cordeliers porta le nom de rue Saint-Clément. Suivant quelques auteurs, elle avait aussi reçu celui de rue du Temple, parce qu’elle conduisait au temple ou à l’église des Templiers qui étaient établis à Rouen en 1160, et dont le couvent était dans la rue de l’Estrade2, qui fut réunie en 1795 à la rue Nationale, et à la place où fut depuis l’hôtel de la Barde royale3. Les Templiers furent supprimés en 1311.

Dans le Ms. des Fontaines de 1525, le nom de rue des Cordeliers est donné à la rue des Charrettes, et la rue des Cordeliers est elle-même désignée sous celui de rue Saint-Pierre, à venir

de Machacre aux Cordeliers, probablement parce que l’église de Saint-Pierre-du-Châtel avait sa principale entrée dans cette rue.

En 1794, elle fut appelée rue du Peuple, et reprit sa précédente dénomination en 1795.

On appelait « la fontaine aux Cordeliers » celle que l’on voit actuellement à l’angle des rues Nationale et des Charrettes, parce qu’elle était située dans la cour de ces religieux, où elle fut établie en 1257. Il en est fait mention dans un acte du 8 mai 1393 ; un autre acte parle du ruissel des Cordeliers, qui n’est autre que celui de la Renelle. Le registre du tabellionage de 1400 à 1403 (fo 392 v.) parle de la construction d’une chapelle pour les Cordeliers sur la fontaine dudit hôtel, à l’endroit ou au bout de la rue du Viel-Pont. Un autre acte concerne les retraictes ou latrines de la ville, en la rue du Viel-Pont. Le registre de l’Échiquier, de 1395, fait mention d’un passage allant des Cordeliers à la rivière. Il est permis de supposer que ces désignations s’appliquaient, à cette époque, à un chemin longeant le cours de la Renelle jusqu’à la Seine.

On voyait, il y a quelques années, dans la rue des Cordeliers, une jolie maison en pierre, du 16e siècle, dont les ornements étaient d’un fort bon goût et bien conservés ; mais on les a fait disparaître en réparant la façade de la maison1.

Corderie (rue de la), au haut de la rue Saint-Maur.

Nous ne faisons que mentionner cette rue, qui est située sur la commune du Mont-Saint-Aignan, en dehors des limites de l’octroi de la ville, dans la rue Saint-Maur. Elle était connue précédemment sous le nom de l’allée des Pommiers, à cause d’une rangée de ces arbres qui bordait la rue et qui se prolonge encore dans celle de Sébastopol, appartenant à la même commune. Dans un plan de 1814, elle est inscrite sous la dénomination de chemin de la Charbonnerie.

Cordier (rue du). = Rue Beauvoisine, place Bouvreuil. — 8e section, 2e canton, Saint-Godard. — Quartier N.-O.

Le nom de cette rue semble venir de corderies qui étaient dans le voisinage. Il y avait, en effet, en 1483, un cordier dans cette

rue, qui confinait au rempart Bouvreuil1. Un acte de tabellionage de 1493 cite une maison bornée d’un bout par la rue Beffroy et d’autre bout par derrière la rue à présent nommée la rue des Cordiers.

Cette rue a été également appelée rue des Petits-Champs. Un acte de 1508 fait mention d’un héritage assis en la rue des Petits-Champs, dite la rue du Cordier. La même indication est donnée dans divers autres documents de 1422, de 1530, de 1539 et 1568.

Cordière (rue).

On trouve, dans un acte du 21 juin 1600, la désignation d’un jardin appelé vulgairement le jardin des Bouriots, borné d’un côté la ruelle appelée la Cordière, ayant issue en la rue des Marquets. Ce nom des Bouriots a quelque analogie avec celui d’une rue Robert-Bourel dont on trouve la mention, à la date de 1327, dans les registres de la fabrique de Saint-Lô, et qui était située en la paroisse Saint-Maclou2.

Serait-il question là du jardin de l’ancienne maison des Saints-Anges, qui fut établie sur une des dépendances de la Marêquerie, et qui a une entrée dans la rue du Pavillon ? La Cordière serait un ancien nom du clos des Parcheminiers ou celui d’une ruelle qui y était attenante, et dans laquelle aurait existé une corderie.

Corets (cour ou passage des).

Cette petite ruelle, qu’on appelait aussi la cour des Cornets3, était entre la rue Écuyère et la rue Sénécaux. Elle a disparu avec cette dernière rue et avec la plus grande partie de la rue Écuyère, pour l’ouverture de la rue de l’Impératrice.

« Coret, » en vieux langage, se disait de l’ouverture d’un cornet à encre. La cour des Corets était habitée par des fabricants d’écritoires en corne, et c’est de là, sans doute, qu’elle avait tiré son nom. — Il y avait une confrérie des Coretiers, dont les statuts furent rédigés en 1399.

qui est au bas de la rue Grand-Pont et sur laquelle s’ouvre le Théâtre des Arts. Cette petite place, appelée vulgairement, à l’époque de son établissement en 1816, le Quart-de-Cercle ou simplement la place du Cercle, avait été faite pour faciliter la circulation aux abords du théâtre, avant qu’on eût fait une issue du côté du port, destinée spécialement pour les personnes qui vont en voiture.

(Voyez aussi les rues de la Comédie, d’Écosse, Morant, de la Petite-Boucherie et Pierre-Corneille.)

Cornet (rue du).

Cette rue a été réunie en 1795 à la rue de la Grosse-Bouteille, dont elle était, d’après un plan de 1784, le prolongement jusqu’au carrefour formé par la rue Mamuchet et par celle des Crottes. La rue du Cornet est citée dans un acte de tabellionage de 1480, mais nous trouvons dans d’autres actes du 15e siècle la mention d’une rue du Sornet (1436, 1460), qui paraît avoir été la dénomination de celle du Cornet et de la rue de la Grosse-Bouteille elle-même. (Voyez ce nom.)

La rue du Sornet commençait à la rue de nouvel faicte pour aller de la rue Notre-Dame à la porte Neuve et à la tour Guillaume-Lion1, et devait se prolonger devant les Chambres-d’Aubette, suivant un acte du 2 juin 1463, qui concerne un héritage situé en la rue de devant les Chambres-d’Aubette, borné d’un bout par devant la rue du Sornet, d’autre bout par derrière le chemin allant au long des murs de la ville. Dans un autre acte du 24 novembre 1478, il est également parlé d’une rue du Sornet passant par-dessous le Porche-Fourré jusqu’aux murs de la ville.

Cottes (chemin des). = Rue Verte, la campagne. — 4e section, 5e canton, Saint-Romain. — Faubourg Bouvreuil.

Ce chemin est vulgairement connu sous le nom de chemin de Saint-Aignan ; il conduit à l’un des hameaux du Mont-Saint-Aignan, commune limitrophe de Rouen.

Couaque (impasse du)

Cette impasse, prolongée en 1867 jusqu’à la rue du Bas (actuellement la rue Mollien), a reçu le nom de Guy-Delabrosse.

On faisait dériver son nom de « cloaque » qui signifie égout,

et qui pouvait indiquer l’existence dans ce quartier de ces sortes de chambres-aisées à l’usage du public, dont un arrêté de police prescrivit l’établissement dans les maisons, à différentes époques.

En 1795, on donna à cette impasse le nom de cul-de-sac des Couaques.

— On appelait chambres et chambres-aisées des cloaques ou lieux d’aisance publics qui étaient établis dans divers quartiers de la ville. Il y avait les chambres notre sire le Roi1, les chambres le roi en la paroisse Saint-Denis, près la place de la Vieu-Tour2, les cambrettes, en la paroisse Saint-Vivien, près la rue d’Orberue3, les privées de Robec (voyez ce mot), les chambres et salles communes d’Aubette4, la ruelle aux Femmes dans la rue aux Certains5 (ancien nom de la rue du Fer-à-Cheval), où se trouvait un ruissel nommé le ruissel commun6. Il y avait enfin les retraictes ou latrines de la ville rue du Viel-Pont. (Voyez rue des Cordeliers.) Ces sortes d’établissements étaient alors d’autant plus utiles, qu’ils étaient à peu près inconnus dans les maisons particulières, et qu’il fallut un règlement de police, du 14 janvier 1551, pour ordonner d’en construire dans l’intérieur de ces maisons, mesures qui furent prescrites de nouveau en 15657, en 1593, en 1611, etc., pendant les ravages de la peste.

Si l’on rencontre encore dans divers quartiers de ces lieux publics dont la propreté et le confortable sont très douteux, les progrès de la civilisation ont donné naissance à des retraites plus

commodes et plus dignes du nom sous lequel on les désigne ordinairement.

Coulon (rue et impasse). = Rue du Renard, rue Chasselièvre. — 12e section, 5e canton, Saint-Gervais. — Faubourg Cauchoise.

Cette rue porte le nom d’un propriétaire.

Coupe-Gorge (rue).

Autrefois isolée, cette rue, qui vient d’être supprimée pour l’ouverture de la rue de l’Hôtel-de-Ville, était mal famée et habitée, au moins dans ses derniers temps, par des femmes de mauvaise vie. Elle avait pu recevoir son nom de quelque assassinat qui y aurait été commis. Dans plusieurs actes du 15e siècle, on l’appelait : la ruelle de Coupe-Gueule tendant de Beauvoisine au puits de Gournetz (1420, 1422). — Un acte de 1496 fait mention d’une maison et tripot où pend l’enseigne de la Fleur-de-Lys, b. d. c. la ruelle nommée anciennement Coupe-Gueule, etc.

Il y avait, depuis 1669, dans cette rue, une communauté de Sœurs grises, autrement dites des Écoles charitables, et qu’on appelait vulgairement les Sœurs du Demi-Quarteron, à cause de leur nombre de treize. Elles avaient été fondées pour tenir les écoles des pauvres filles de la ville1. Elles avaient une chapelle2, qui fut vendue en 1792, avec la maison qu’elles occupaient.

On donna en 1794, à la rue Coupe-Gorge, le nom de petite rue de Lille.

Courvoiserie (rue de la).

C’est un ancien nom de la partie de la rue de la Grosse-Horloge qui avoisine la Cathédrale. (V. rue de la Grosse-Horloge.) Plusieurs titres et actes de tabellionage font mention d’héritages situés entre la rue de Courvoiserie3 et la rue aux Tailleurs (rue du Petit-Salut). On désignait alors la rue du Bec

sous cette indication : la rue tendant de Courvoiserie à Saint-Lô. Dans un autre acte de 1422, il est question d’une propriété sise devant Notre-Dame-de-la-Ronde, tenant d’un bout au pavé de la rue de Courvoiserie, et d’autre bout au pavé de la rue aux Oues.

La rue de la Courvoiserie fut pendant longtemps le centre du commerce d’orfévrerie et du change, ainsi que le prouve une ordonnance de Charles-le-Bel, de décembre 1325, dans laquelle on lit : Dit que, par l’espace de deux cents ans environ, toutes manières de changes et d’orfévreries demourant en la ville de Rouen ont accoustumé à demourer, et tous leurs ouvreurs de change et d’orfévrerie, en la rue de la Courvoiserie à Rouen et non ailleurs, il n’y aura de change qu’à la rue de la Courvoiserie1.

On donnait aussi les noms de rue de Courvoiserie et de Courvoiseriette2 à une petite rue du quartier Saint-Nicaise, voisine de la rue Coignebert. Un acte du 30 mai 1492 porte rue de Courvoiseriette, et d. b. la rue Cocquebert. Un autre acte du 27 août de la même année mentionne la rue de Courvoiserette allant à l’église Saint-Nicaise, d’autre bout la rue Thomas-Lecomte autrement rue Cognebert. — Ce mot, « Courvoiserette » paraît désigner une petite rue qui est figurée dans les plans de 1655 et de 1724 sous le nom de rue de la Mouche, et qu’on appelle actuellement rue de la Moëlle.

Peut-être faut-il attribuer l’origine de ce nom au vieux mot « courvoisier, » par lequel on désignait en 1350 les cordonniers et les marchands de cuirs. D’un autre côté, l’auteur du Dictionnaire indicateur signale l’existence à Caen d’une rue appelée la Grand’rue, qui a porté anciennement les noms de rue Cervoise, de la Cervoiserie, de la Cervoisière, de la Courvoisière ; ces dénominations viennent, dit-on, des brasseries de bière qui étaient autrefois dans cette rue.

Cousin (rue). = Rue Verte, rue Malatiré. — 4e section, 5e canton, Saint-Romain. — Faubourg Bouvreuil.

C’était précédemment un passage, auquel a été donné le nom d’un propriétaire.

Couture (rue). = Rue d’Elbeuf, rue Saint-Julien. — 11e section, 6e canton, Saint-Sever. — Faubourg Saint-Sever.

C’est aussi le nom d’un propriétaire.

Crèches pour l’enfance indigente.

La fondation des Crèches à Rouen date de 1847. Il existe trois établissements de ce genre :

La Crèche de Saint-Maclou et de Saint-Paul, dans la rue des Arpents, sous la direction des Dames d’Ernemont ; elle y a été installée en 1853, après avoir été d’abord dans la rue du Chaudron.

La Crèche de Saint-Vivien, de Saint-Nicaise et de Saint-Hilaire, dans la rue des Capucins, dirigée par les Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul.

La Crèche Saint-Jean, rue d’Elbeuf, pour le faubourg Saint-Sever, fondée par la Franc-Maçonnerie rouennaise, et inaugurée le 30 mai 1847.

Crevier (rue). = Rue Saint-Gervais, rue Saint-Maur. — 12e section, 5e canton, Saint-Gervais. — Faubourg Cauchoise.

Cette rue portait, au 15e siècle, les noms de rue Crevière et de Quevrière, peut-être par corruption. Un acte de tabellionage du 4 mai 1424 cite ce dernier nom, et d’autre bout le pitancier de Fécamp. Un autre acte du 23 octobre 1534 concerne une maison et jardin en la rue Crevière, tendant des faubourgs à Saint-Mor vers Tabouret.

Ce nom pourrait provenir d’une enseigne représentant un chevrier. D’un autre côté, le vieux mot « grevier » qui signifie égout, canal, fossé, pourrait aussi avoir été l’origine du nom de la rue Crevier, qui par sa position reçoit les eaux des quartiers supérieurs.

Dans la rue Crevier, en face de celle du Roi, était la communauté des religieuses du Sang précieux1, sortie du tiers-ordre de Saint-Dominique, et qui s’établit en 1658. Leur chapelle, dédiée la même année, était dans cette rue. Ces religieuses furent réunies en 1764 aux Dames du Saint-Sacrement. Leur couvent occupait alors un espace considérable entre la rue Crevier et la nouvelle rue Lézurier-de-la-Martel.

Cette île, dont le nom actuel est provenu d’une croix qui était placée sur une de ses extrémités vers l’ancien pont de bateaux, a successivement reçu, soit en totalité, soit partiellement, un assez grand nombre de dénominations différentes, dues en partie aux noms de ceux qui l’habitaient ou qui y avaient des propriétés.

On la trouve inscrite dans les ouvrages de Farin et de Rondeaux de Sétry, et dans les plans de 1655, 1724 et 1784, sous le nom d’île de la Mouque1. Cette dénomination, donnée encore à l’île de la Croix au commencement du 19e siècle, venait d’une famille de La Mouque qui possédait, comme l’indique un acte de tabellionage de 1692, l’île nommée Augustine, sise en la rivière de Seine, paroisse de Saint-Maclou, bornée par François Amette et le nommé Leloup2.

Dans un plan du 16e siècle, elle est indiquée sous la désignation d’île Amet ou Amette, nom que nous venons de lire dans l’acte qui précède. On la trouve aussi sous le nom d’île du Valet.

Dans un acte du 17 mars 1527, on lit : Jean Trubert, de la paroisse Saint-Maclou, vend l’île nommée Saint-Igny devant la tour de la porte Guillaume-Lyon, bornée d’un bout par-devant la rivière de Seine, par-derrière un bras de ladite rivière, nommé le bras de Saint-Candre. Cette désignation d’île Saint-Candre se retrouve dans des actes antérieurs3 où on lit : l’île Saint-Candre en l’eaue de Seine, paroisse Saint-Maclou, divisée en deux parties, dont l’une nommée l’île du Colombier et l’autre a puis été nommée l’île Guillemette-Filleul. Il y avait, ajoute-t-on, dans chacune de ces portions des maisons qui furent démolies et abattues par les guerres. On lit encore dans un autre acte : l’île Saint-Candre en Seine avoit été vendue par feu Jehan Lelieur, bourgeois de Rouen, à Ricard Ogier ; joint d’un côté à l’eaue de Seine, d’autre côté au fossé qui sépare ladite île de l’île Bras-de-Fer.

Puis on lit dans le même registre : Jean Bras-de-Fer le jeune, de la paroisse Saint-Maclou, vend à Jean d’Estouteville sieur de Challemesnil, la moitié d’une île nommée l’île Bras-de-Fer séant en l’eau de Seine devant la ville, auprès de la tourelle Guillaume-Lion, d’autre côté l’île Pierre-Lecomte.

Enfin nous voyons dans un acte de 1360 ce qui suit : l’île

du Banc-du-Sablon, devant l’église de Grammont, laquelle île on dit être assise en la paroisse Saint-Maclou, d’un côté tout au long à l’île qui fut Jehan Bras-de-Fer le jeune, et de présent aux chanoines de Chalemesnil, d’un bout à l’île nommée île du Colombier.

Ce nom de Bras-de-Fer était encore donné à l’île, ou plutôt à une partie de l’île, en 1398. C’était celui d’une famille dont il est fait mention dans une charte de 1253. (Voyez rue Bras-de-Fer.) Un acte de partage du 15 décembre 1465 s’exprime ainsi : qui aura le tiers lot il aura une portion d’île nommée Bras-de-Fer, devant la porte Jehan-Lequeu, bornée des deux côtés par la rivière de Seine.

L’île de la Croix deviendra en peu de temps un quartier populeux de la ville, à laquelle elle est réunie par le pont de pierre qui s’appuie obliquement sur l’extrémité ouest de l’île, ce qui lui a fait donner le surnom de pont circonflexe. Cette île, qui, au commencement du 19e siècle, n’était encore parsemée que de quelques jardins et de chétives habitations, auxquels on arrivait par de petites barques semblables à celles qui fonctionnent entre le quai de Saint-Éloi et ceux de Saint-Sever, est actuellement percée de rues et édifiée de maisons. Elle possède des établissements industriels assez importants : on y remarque des chantiers de construction de navires, un établissement de bains, l’usine de la Compagnie Européenne pour l’éclairage au gaz, créée en 1845, et le Tivoli normand, appelé aussi le Château-Baubet, ouvert en 1848 par un ancien régisseur des théâtres de Rouen, pour y tenir des fêtes. Cette île offre enfin des facilités pour l’extension de la navigation de la Haute-Seine.

À l’entrée de l’île, et en face de la statue de Pierre Corneille, la ville a fait construire deux élégants pavillons pour y placer un corps-de-garde et un bureau d’octroi.

Croix-de-Fer (rue de la). = Rue Saint-Romain, rue Saint-Nicolas. — 7e section, 3e canton, la Cathédrale. — Quartier S.-E.

Ce nom vient assurément d’une enseigne. Un acte de tabellionage du 10 janvier 1466 cite un hôtel de la Croix-de-Fer, situé en la rue de la Féronnerie, qui doit être un ancien nom de la rue conduisant à celle des Féronniers, ancien nom de la rue

Saint-Romain. Un autre acte du 5 oct. de la même année parle d’un grand hôtel où pend la croix de fer, sis en la rue qui mène à Saint-Nicolas.

M. E. De la Quérière a donné des détails curieux sur une maison de cette rue qui renferme un appartement et une cheminée du plus haut intérêt1.

En 1794 on donna à la rue de la Croix-de-Fer le nom de rue Gasparin ; elle reprit en 1795 sa précédente dénomination.

Croix-de-Pierre (place de la). = Carrefour formé par les rues Saint-Hilaire, Édouard-Adam, Saint-Vivien, Orbe et des Capucins. — 2e section, 4e canton, Saint-Vivien. — Quartier N.-E.

Ce nom provient d’une croix de pierre dont l’origine remontait au 13e siècle, époque où l’archevêque Gautier-le-Magnifique en fit élever dans plusieurs quartiers de la ville. Celle-ci était placée à peu de distance2 de l’endroit où fut construite, en 1500, par le cardinal d’Amboise, la fontaine qui commença à couler en 1515 et qui est alimentée par la source de Darnétal. En partie détruite par les protestants en 1562, la croix de pierre fut réédifiée en 1628, comme le constatait une inscription trouvée en 1774, lorsque, par suite de vétusté, on fut obligé de démolir le massif qui la supportait et qui encombrait la voie publique.

La fontaine de la Croix-de-Pierre fut alors surmontée d’une croix, pour rappeler le souvenir de celle qui avait été démolie. Elle fut mutilée en 1792, et la fontaine reçut le buste de Marat, qu’en 1795 on jeta dans la rivière après l’avoir traîné dans la boue ; puis elle fut restaurée aux dépens volontaires des propriétaires voisins. La bénédiction en fut faite solennellement le 23 août 1816, par le cardinal Cambacérès, et l’on y rétablit la croix qui avait été renversée pendant la révolution ; mais on ne put remplacer que par des statuettes courtes et d’un style lourd les élégantes figures qui décoraient précédemment ce joli monument3. Au moment où nous écrivons, cette fontaine a été démontée et transportée chez un entrepreneur, où elle doit être l’objet d’une restauration complète4.

En 1794, on avait donné à la place de la Croix-de-Pierre le nom de place Marat, qui lui fut retiré en 1795.

Parmi les événements historiques dont la place de la Croix-de-Pierre fut le théâtre, l’auteur de l’Histoire du Parlement de Normandie1 rapporte qu’un hérétique, après avoir eu la langue percée, fut conduit de cette place au parvis de Notre-Dame avec une torche au poing, pour crier mercy à la belle dame et illec aussi avoir la langue coupée et brûlée devant lui. Une vive mêlée entre les papistes et les huguenots, en 1560, est signalée par le même auteur.

Cette place fut aussi, à diverses époques, le lieu de rassemblement des nombreux ouvriers de la draperie, classe remuante et indisciplinée, qui porta plus d’une fois le trouble dans la ville. (Voyez au mot Penteurs.)

Croix-d’Yonville (rue de la). = Rue du Renard, rue Binet. — 12e section, 5e canton, la Madeleine. — Faubourg Cauchoise.

Cette rue a pris son nom d’une croix en pierre qui y existait avant la révolution de 1789. Yonville est le nom de la vallée où cette rue est située.

Croix-Saint-Leufroy (rue de la).

Supprimée depuis 1820 pour l’élargissement du quai de Paris, cette petite rue régnait au-dessous de la Basse-Vieille-Tour, à partir de l’ancienne porte d’Elbeuf, et se prolongeait jusqu’à la rue du Plâtre2, où elle arrivait dans la direction de celle du Porche-Fourré, dont une partie existe encore.

Son nom dérivait probablement d’une enseigne représentant une croix érigée par saint Leufroy, qui vint à Rouen au 7e siècle.

On avait donné à cette rue, en 1794, le nom de rue du Démagogue.

Cette rue, à laquelle furent donnés vers 1793 les noms de rue de la Dordogne et de rue Gasparin, a repris en 1795 celui qu’elle porte actuellement. Ce nom vient évidemment d’une enseigne. Un acte de tabellionage du 3 janv. 1481 fait mention d’une maison où pendait l’enseigne de la Croix-de-Dieu1, bornée d’un bout par l’hôtel des Étuves de femmes (v. au mot Étuves), d’autre côté la rue de l’Aumône et d’un bout la rue qui mène de Saint-Ouen à Saint-Amand. Dans un acte du parlement de 1587, il est parlé d’une maison où pendait pour enseigne la Croix verte ; cette maison était, en 1769, à usage de boulangerie et l’une des franches-aires2.

On a pensé que le célèbre peintre Jean Jouvenet est né dans cette rue, ou qu’il y a demeuré. Une inscription placée dans la rue aux Juifs indique, néanmoins, que là naquit notre illustre compatriote.

Sur l’emplacement où furent établis les jardins de l’abbaye de Saint-Amand, dont on remarquait encore les murs de clôture, il y a peu d’années, dans la rue du Loup, alors attenant à celle de la Croix-Verte, se trouvait la porte de Saint-Léonard3, qui fit partie de la première enceinte de la ville. De la rivière de Robec, cette enceinte allait rejoindre la porte de Sainte-Appoline, située dans la rue des Carmes, près de celle de l’Aumône.

La porte de Saint-Léonard avait reçu son nom d’une chapelle existant dès les premiers siècles, et qui, après la destruction de l’église de Saint-Amand, devint elle-même l’église paroissiale. Des chartes des abbayes de Saint-Amand et de Saint-Ouen, datées de la première moitié du 13e siècle, font mention d’une ruelle conduisant de l’aître Saint-Ouen à une porte anciennement nommée la porte Saint-Linard et allant droit à Saint-Amand, en laquelle rue il y avoit des franches-aires (voyez ci-dessus), puis d’une rue allant de Saint-Amand à la porte Saint-Léonard. C’était probablement la rue qui fut appelée depuis la rue de la Croix-Verte, et qui, à l’époque dont nous parlons, devait se prolonger jusqu’à la porte de Saint-Léonard.

Crosne (rue de). = Place du Vieux-Marché, rue de Lecat. — 10e section et 1er canton jusqu’au boul. Cauchoise ; 12e section et 5e canton pour le reste ; la Madeleine. — Quartier S.-O. et faub. Cauchoise.

Vers 1775, on perça des rues dans les jardins et places vides qui se trouvaient entre les murs de la ville, l’Hôtel-Dieu et la rivière ; l’on donna vulgairement à ce nouveau quartier le nom de quartier neuf de Cauchoise. On ouvrit une grande et belle rue, qui fut d’abord désignée sous le nom de nouvelle route du Lieu-de-Santé1. Partant de la grille de l’Hôtel-Dieu, elle s’étendait jusqu’à l’emplacement où devait être bâti, entre le Vieux-Marché et la rue des Jacobins (rue de Fontenelle), un nouvel hôtel-de-ville dont la première pierre avait été posée le 8 juillet 1758, travail qui fut ensuite abandonné. On a regardé l’excessive dépense des fondations comme une des principales causes de la suspension de ces travaux2.

La nouvelle rue reçut, en 1780, la dénomination de grande rue de l’Hôtel-Dieu, puis celle de rue de Crosne, du nom de M. Thiroux de Crosne, qui fut intendant de la Généralité de Rouen depuis 1769 jusqu’en 1785, et auquel notre ville est redevable des beaux boulevards qui occupent l’emplacement des fossés de la dernière enceinte3.

Quelques années après, on déboucha la rue de Crosne à travers l’emplacement de l’hôtel-de-ville projeté, afin de la faire correspondre avec la rue de la Grosse-Horloge, que l’on avait l’intention de redresser par la suite, pour avoir une rue directe ayant pour limites extrêmes la Cathédrale et l’Hôtel-Dieu. Mais on fut forcé d’y renoncer. La rue de Crosne arrive aujourd’hui au centre des nouveaux marchés, et, en obliquant un peu à gauche, prend sa direction, par la rue Rollon, sur la place Verdrel et la rue aux Juifs.

La rue de Crosne était précédemment divisée en deux parties :

la rue de Crosne-en-Ville et la rue de Crosne-hors-Ville ; elles ne font actuellement, depuis 1864, qu’une seule et même rue.

Dans les dernières années du 18e siècle, la rue de Crosne était encore fermée par une grille en fer qui séparait le faubourg de la ville ; on lui avait donné le nom de porte ou de barrière de Crosne ; cette grille fut retirée vers 1796.

Dans cette rue est l’hôtel de la Division militaire, qui est devenu, en 1860, propriété de l’État.

La fontaine du Lieu-de-Santé, dite du Prud’homme (v. Hôtel-Dieu), a commencé à couler en 1629.

En 1794, le nom de rue Pelletier-Fargeau fut donné à la rue de Crosne depuis le Vieux-Marché jusqu’à l’hôpital ; peu de temps après, elle reçut le nom de rue de l’Hospice, à cause de la dénomination d’hospice d’humanité que l’on donna à l’Hôtel-Dieu. En 1795, les deux rues reprirent leurs anciennes dénominations, mais le nom de rue de l’Hospice resta jusqu’en 1801 à la rue de Crosne-hors-Ville, ou plutôt elle conserva longtemps cette double désignation.

Crottes (rue des). = Rue de la Grosse-Bouteille, rue Tuvache. — 6e section, 3e canton, Saint-Maclou. — Quartier S.-E.

Le quartier où cette rue est située était autrefois marécageux ; l’origine de son nom paraîtrait donc n’avoir pas besoin d’explication ; on trouve, dans des chartes du 13e siècle, ces mots : usque ad crottas, apud crutas1 ; mais, d’un autre côté, on fait dériver crottes de l’anglo-saxon « croft » qui signifie petit clos ou espace de terre placé derrière la maison. Ce mot est employé en Basse-Normandie2. — Enfin, un plan de 1655 porte le nom de rue des Grottes.

La rue des Crottes, dans la paroisse Saint-Maclou, est citée dans divers actes du 14e et du 15e siècle3. On lit dans un acte de tabellionage de 1487 la mention d’une vente d’immeubles qui se rapporte aux dépendances de l’ancien couvent des Augustins, situé

en la rue de ce nom : Un hostel et tennement nommé le Cloistre ; en ce compris deux petits louages ou maisons qui sont joignants et enclavés audit hostel et cloistre, avec les jardins et estables, la chapelle et la galerie de haut, le tout assis en la rue des Crottes.

Sur les plans de 1655 et de 1724 on trouve l’indication, au haut de la rue des Crottes, d’un passage qui conduisait de cette rue à celle des Filles-Notre-Dame, actuellement la rue des Arpents. Ce passage, cité dans le Flambeau astronomique de 1716, est encore connu sous le nom de la Cour-Rouge.

Farin fait mention d’un hôtel de Sainte-Catherine qui fut donné à cette abbaye en 1274. Il est cité, dans les Beautez de la Normandie, au rang des hôtels les plus remarquables, et indiqué comme se trouvant dans la rue des Crottes. Néanmoins, un acte du 21 déc. 1478 cite, dans la paroisse Saint-Maclou, une maison rue des Crottes, bornée d’un côté l’hôtel du haut-doyen1, d’un bout Pierre Tuvache, d’autre bout, Mrs de Ste-Catherine-du-Mont, à cause du don fait par Jacques Tuvache. L’hôtel de Sainte-Catherine est d’ailleurs indiqué comme ayant existé dans une rue portant ce nom, près des moulins situés sur la rivière de Robec, et comme ayant appartenu à ces religieux. (V. rue Sainte-Catherine.)

Par un autre acte du 26 juillet 1478, Jean Lenoble donne deux maisons sises rue des Crottes à l’hôpital du Saint-Esprit, naguère commencé en Martinville, sous Ste-Catherine-lès-Rouen, fondé par noble homme M. Jehan de Laigle, chevalier, seigneur de Clyny. (Voyez au mot Hôpitaux.)

Crucifix (rue du)

Cette rue a été réunie en 1795 à la rue des Iroquois, qui a reçu récemment le nom de Jacques-Lelieur. (Voyez ce nom.)

Du Souillet2 donne le nom de rue Saint-Étienne à la rue des Iroquois, depuis l’ancienne porte du Crucifix où il y a boucherie jusqu’à la rue du Fardeau. Il y avait, en effet, au bas de la rue du Crucifix, une porte de la ville qui avait reçu ce nom d’un grand crucifix qu’on y avait placé. Voici à quelle occasion : on fit, le 22 novembre 1537, une procession à Rouen pour de-

mander la paix ; on y porta le Saint-Sacrement, et les rues furent tendues comme au jour de la Fête-Dieu. Lorsque la procession de la paroisse Saint-Étienne s’approcha du quai, un tourbillon de vent fit tomber le Saint-Sacrement à l’endroit où a été bâtie depuis la porte dite du Crucifix, laquelle prit son nom du crucifix qui y fut placé en mémoire de cet accident.

À la porte du Crucifix étaient, suivant Taillepied, les boettes des subsides pour le roy et pour la ville.

Cette porte a été démolie vers 1803.

En 1794, la rue du Crucifix jusqu’à la rue du Fardeau fut appelée rue Scévola, et, en 1795, la dénomination de rue des Iroquois fut donnée aux deux rues demeurées réunies.

Curandiers (quai des). = Le quai de la Grande-Chaussée, la commune du Petit-Quevilly. — 11e section, 6e canton, Saint-Sever. — Faubourg Saint-Sever.

Ce nom a été donné en août 1837 à cette partie du quai, sans doute parce qu’elle était habitée par des curandiers ou blanchisseurs de toiles sur le pré. Il y a, dans la commune du Petit-Quevilly, un quartier appelé le hameau des Curanderies.

On voit aujourd’hui, sur le quai des Curandiers, plusieurs établissements industriels assez importants.

Daliphard (rue). = Rue des Capucins, rue des Champs. — 2e section, 4e canton, Saint-Nicaise. — Quartier N.-E.

Cette rue a reçu, en 1833, le nom d’un propriétaire qui en a bâti les premières maisons. Elle a été ouverte dans les dépendances de l’ancien couvent des Capucins.

Dame-Jeanne (rue). = Rue du Paradis, rue Ambroise-Fleury. — 3e section, 4e canton, Saint-Vivien. — Quartier S.-E.

Si ce nom ne vient pas d’une enseigne, dit l’auteur du Dictionnaire indicateur1, il doit être celui d’une dame Jeanne qui aurait eu une propriété dans cette petite rue. Quelques personnes écrivent, et l’on voit sur un plan de 1724, rue Dame-Jam.

Cette rue est désignée dans un acte de 1425 sous le nom de rue de la Jennette, voisine de la rue Bougerue. Dans un autre

acte de 1524 on lit : rue Jennecte, ce qui semble confirmer l’origine indiquée ci-dessus.

On lui donna en 1794 le nom du Pont-Amarck, qui était celui d’un poste important situé près de Lille, et que défendirent en 1793 des volontaires républicains, contre une force considérable. Son ancienne dénomination lui fut rendue en 1795.

Dame-Regnaulde (ruelle).

Dans un acte de tabellionage du 27 janvier 1421, une ruelle de ce nom est citée dans la paroisse Saint-Laurent, près de la rue Beauvoisine. Ce pourrait être un nom de l’ancienne petite rue Saint-Laurent. (Voyez aussi la rue du Pont-à-Dame-Renaude.)

Damiette (rue). = Rue Martinville, place du Pont-de-Robec. — 6e section pour les nos pairs ; 7e section pour les nos impairs ; 3e canton, Saint-Maclou. — Quartier S.-E.

Cette rue a été longtemps désignée et est encore connue vulgairement sous le nom de rue de la Miette, dénomination sous laquelle elle est également mentionnée dans plusieurs actes de tabellionage du 15e siècle et par divers auteurs. Ce serait là son vrai nom, s’il était, comme plusieurs écrivains l’ont supposé, celui de quelque femme distinguée qui y aurait demeuré1. De là on aurait dit rue de la Miette ; de même on aurait dit aussi rue de Dame-Miette, comme on a dit Dame-Renaulde, Dame-Jeanne, et de Dame-Miette on aurait fait Damiette.

Cependant, plusieurs autres actes de la même époque écrivent Damiette : Maison à Saint-Maclou, en Damiette2,l’hôtel et l’estal de Pierre rue Damiette3,Damiecte ou Damyecte4. On lit dans un acte de 1479 : le jeu de paulme où pend pour enseigne l’image de Saint-Jacques, en la rue de

Damyecte. Le manuscrit des Fontaines de 1525 mentionne aussi la rue Damiette. Ces différentes indications permettent de supposer également que la rue aurait été appelée ainsi en mémoire de la prise de Damiette par saint Louis, ou bien que ce nom aurait été, à cette époque, substitué à la dénomination primitive1. Mais, alors, la rue aurait été connue en 1422 sous cette dénomination, et l’on n’aurait pas eu besoin d’écrire dans un acte du 17 octobre de la même année : la ruelle qui mène de la rue Malpalu à l’Eau-de-Robec. Il est vrai, au reste, que des actes antérieurs, ainsi qu’un autre en date du 29 décembre 1425, portent rue de Damiette, paroisse Saint-Maclou, comme nous le disons plus haut.

Comme on le voit, l’origine du nom de la rue Damiette laisse le champ libre aux étymologistes, qui pourraient y trouver encore une analogie avec le vieux mot « mecte » qui signifie borne ou limite, du latin « meta », origine qui était aussi bien applicable au nom de la rue Damiette, lorsque celle-ci formait de ce côté une des limites de la ville, qu’elle l’est à celui de la rue d’Écosse. (Voy. ce nom.)

Quoi qu’il en soit, le nom de rue Damiette a été conservé : on le trouve gravé sur le mur d’une maison déjà ancienne, à l’encoignure de l’impasse des Hauts-Mariages.

M. E. De la Quérière2 signale, entre autres maisons remarquables qui existent dans cette rue, la maison connue sous le nom d’hôtel de Senneville, qui offre dans son architecture et ses sculptures un grand luxe de décoration. Cet hôtel est figuré sur un plan de 1655 sous le nom de maison de M. Dambray, qui, à cette époque, était conseiller au Parlement. Plus haut est indiquée, sur le même plan, la maison de M. Galman.

Damy-Hocquet (impasse), dans la rue du Plâtre.

Cette impasse existe encore ; c’est la troisième ruelle à gauche en montant la rue du Plâtre. Elle est figurée sur les plans de 1655 et de 1724. — On lit dans un journal de 1833 : Lamy-Hocquet.

Danguy (rue). = Rue Lafayette, rue Saint-Sever. — 11e section, 6e canton, Saint-Sever. — Faubourg Saint-Sever.

C’est le nom d’un propriétaire sur le terrain duquel cette rue a été ouverte.

Dargent (rue). = Route de Darnétal, le chemin des Vignes. — 1re section, 5e canton, Saint-Hilaire. — Faubourg Saint-Hilaire.

Cette rue est située sur les limites de la ville, au nord de la route de Darnétal. On la trouve désignée dans des anciens titres sous les divers noms d’Argant, de l’Argan ou d’Ergène ; cette dernière dénomination lui est donnée par Taillepied. Elle est indiquée sur un plan de 1814 sous le nom de rue de la Grande-Mare, parce qu’elle conduit à la ferme de ce nom.

Elle est devenue actuellement la rue Dargent sous le pinceau fantaisiste qui a tracé son inscription ; c’est au reste un hommage (probablement involontaire) rendu à la mémoire d’un agriculteur distingué, Charles-Joseph Dargent, ancien membre de l’Assemblée constituante en 1848, lauréat de la prime d’honneur du concours régional de 1861, décédé en 1863 à Saint-Léonard.

Darnétal (route de). = Place Saint-Hilaire, la ville de Darnétal. — 1re section, 5e canton, Saint-Hilaire. — Faubourg Saint-Hilaire.

On écrivait souvent Dernétal. Le Ms. des Fontaines l’appelle la rue qui vient de Dernestal à la ville1.

C’est le nom que porte actuellement la rue du Faubourg-Saint-Hilaire, qui est connue aussi sous le nom de pavé Saint-Hilaire. On la désigne également sous celui de route de Beauvais2. Peut-

être serait-il préférable de lui donner cette dernière dénomination, pour éviter toute confusion avec la rue appelée déjà rue de Darnétal.

L’église Saint-Hilaire actuelle a été reconstruite, avec la plus grande simplicité, vers 1605, au moyen d’impôts prélevés sur les habitants. Elle remplace une ancienne église que détruisit, en 1562, le canon de Charles IX contre les protestants. On la mit, en 1791, au nombre des églises succursales de Rouen ; fermée en 1793, elle fut rendue au culte catholique en 1802, avec le même titre de succursale. Près de là est une école primaire libre, dirigée par les Sœurs de la Providence.

À peu de distance est un établissement de bienfaisance créé en 1849, par M. l’abbé Podevin, dans les dépendances de l’ancien monastère des Chartreux, sous les auspices d’une Société pour le patronage et le placement des jeunes filles libérées et détenues. Cette maison recommandable, qui, lors de sa fondation, n’en pouvait recevoir qu’un très petit nombre, réunit aujourd’hui un atelier-refuge, une maison d’éducation correctionnelle, une exploitation rurale et de vastes jardins ; elle peut donner asile à trois cents personnes. Cette maison est sous la direction des Dames du Sacré-Cœur de Saint-Aubin. Une première chapelle avait été faite en 1850, mais une autre chapelle plus vaste a été édifiée en 1868, sous le vocable de Notre-Dame-du-Refuge.

La communauté des Dames Blanches, ainsi désignée à cause de leur costume, qui était précédemment établie sur la route de Darnétal, a été transférée, depuis quelques années, dans la rue des Carmélites. (Voyez ce nom.)

On donna en 1794, à la rue du Faubourg-Saint-Hilaire, le nom de quartier de la Convention, qu’il conserva jusqu’en 1795. C’est depuis peu d’années qu’on lui a donné le nom de route de Darnétal.

Darnétal (rue de). = Rue des Sapins, rue du Trou-d’Enfer. — 1re section, 5e canton, Saint Hilaire. — Faubourg Saint-Hilaire.

Ouverte à la fin du 18e siècle, cette rue a pris son nom de sa position vers la ville de Darnétal. Elle était appelée aupara-

vant la sente des Jardins, à cause des jardins qui y avaient leur entrée.

Pour éviter qu’elle ne soit confondue avec la route de Darnétal, on devrait donner à cette rue un autre nom, par exemple celui de rue de Longpaon, nom sous lequel est inscrit, dans un plan de 1814, un chemin qui lui fait suite, entre la rue Raboteuse et celle du Trou-d’Enfer.

Longpaon est un hameau dépendant de la ville de Darnétal. M. Bouquet, dans ses notes sur les Fastes de Rouen, d’Hercule Grisel, rapporte que, lors de la translation à Rouen des reliques de saint Ouen, qui en avaient été momentanément enlevées, la châsse qui les renfermait devint si lourde à son passage à Darnétal, qu’il fallut faire vœu de bâtir une église à l’endroit où elle avait été déposée, pour pouvoir l’enlever1. De là serait venu le nom du hameau de Longpaon, « longue route faite à pied2. »

Defontenay (rue). = Place du Champ-de-Mars, place Saint-Marc. — 3e section, 4e canton, Saint-Paul. — Quartier S.-E.

Cette rue, ouverte en 1805 en vertu d’une décision du conseil municipal, a reçu le nom de M. Pierre-Nicolas Defontenay3, qui fut maire de Rouen pendant les années les plus difficiles de la révolution et membre de l’Assemblée constituante. On réunit plus tard à la rue Defontenay celles des Degrés-Rompus et du Pont-de-Bois-d’Aubette. La première devait sa dénomination à des marches en pierres par lesquelles on montait sur le rempart, et dont les dernières furent retirées vers 1808. Le nom de la rue du Pont-de-bois-d’Aubette provenait d’un pont placé sur cette petite rivière.

Dans la rue Defontenay est le lieu de réunion de la Société lyrique rouennaise (ancien Caveau normand), fondée en 1867, et du Cercle rouennais de la Ligue de l’enseignement, formé à la même époque, et qui y tint sa première assemblée générale le 13 août 1868.

C’est le nom d’un propriétaire, qu’on a donné à un passage nouvellement ouvert et faisant suite à la rue du Nouveau-Monde.

Derrière (rue de).

On lit ce nom dans des actes de tabellionage du 6 mai 1421 et du 2 mai 1478, avec l’indication de la paroisse de Saint-Martin-sur-Renelle : Maison bornée d’un bout par devant la rue nommée la rue de Derrière. — C’est probablement une défiguration du nom de la rue Percière.

Descroizilles (impasse), sur le boulevard Martinville. — 1re section, 5e canton ; Saint-Paul pour le côté sud, Saint-Hilaire pour le côté nord. — Faubourg Martinville.

La rue Descroizilles, qui avait été percée vers 1835 pour mettre le boulevard Saint-Hilaire en communication avec la rue Préfontaine, a été en majeure partie expropriée pour l’installation de la gare du chemin de fer du Nord ; le déclassement de cette rue a été effectué en 1866 ; il ne reste plus, vers le boulevard, que la courte impasse ci-dessus indiquée.

La rue Descroizilles avait reçu le nom d’un savant chimiste auquel l’industrie rouennaise est redevable du perfectionnement de l’art du blanchiment des toiles par le procédé berthollien.

Deseveaux (impasse), dans la rue du Champ-des-Oiseaux. — 4e section, 5e canton, Saint-Romain. — Faubourg Bouvreuil.

Cette impasse, qui porte le nom d’un propriétaire, est indiquée dans un plan de 1817 sous le nom d’impasse du Champ-des-Oiseaux, nom que l’on donne actuellement à une autre impasse située au-dessus de la rue du Clos-Thirel.

Deux-Anges (rue des). = Rue de la Roche, rue de Joyeuse. — 2e section et Saint-Nicaise pour les numéros pairs ; 5e section et Saint-Ouen pour les numéros impairs ; 2e canton. — Quartier N.-E.

Le nom de cette rue provenait d’une enseigne des Deux-Anges ; on trouva plaisant, en 1794, de l’appeler la rue des Deux-Patriotes, puis elle fut réunie à la rue de Flandres en 1795. Elle a repris actuellement son ancien nom, et la rue de Flandres n’est plus qu’une impasse.

Il y avait eu aussi une enseigne des Deux-Anges dans la rue Malpalu, près des Augustins1. — À Paris, une rue des Deux-Anges était ainsi nommée, à cause de deux statues d’anges qui étaient placées à chacune de ses extrémités.

Devant-la-Cohue (rue de).

On appelait probablement ainsi une portion de la rue du Bailliage qui est actuellement supprimée, et qui, depuis l’ancienne rue de la Truie jusqu’à l’entrée de celle de Saint-Patrice, régnait le long des bâtiments du bailliage que l’on nommait vulgairement la Cohue2. — Un acte du 12 août 1682 fait mention d’une maison assise au coin de la rue aux Truyes, bornée d’un côté un jardin, d’autre côté la rue de Devant-la-Cohue, en la paroisse Saint-Patrice.

Dinanderie (rue). = Rue des Bons-Enfants, rue de l’Hôtel-de-Ville. — 8e section, 2e canton, Saint-Patrice. — Quartier N.-O.

On appelle dinanderie, du nom de la ville de Dinan (ou Dinant en Belgique) où on les fabrique, toutes sortes d’ustensiles de cuisine en cuivre jaune. C’est dans la rue Dinanderie qu’étaient réunis les chaudronniers3 et les marchands ou fabricants de batterie de cuisine, lesquels sont eux-mêmes désignés quelquefois sous la dénomination de dinants. (Voy. aussi l’art. de la rue des Maillots.)

Telle paraît être l’origine du nom de la rue Dinanderie, dénomination sous laquelle elle est indiquée dans divers actes du tabellionage du 15e siècle. On lui donnait aussi, vers la même époque, le nom de Neuve-Rue. Un acte de 1423 mentionne une maison sur la paroisse de Saint-Pierre-Lhonoré, bornée d’un côté par la rue Étoupée, d’autre bout la rue de Neuve-Rue. Un autre acte de 1477 indique aussi la rue de Neuve-Rue, de présent nommée la rue de Dynanderie.

Un acte de 1582 fait mention d’un jeu de paume de la Cornière qui était dans la rue Dinanderie. C’était précédemment, ainsi que l’indique un autre acte du 28 novembre 1509, l’hôtel du Petit-Muche, où pendait pour enseigne la Cornière, borné

par derrière les Étuves du Grédil. (Voy. au mot Étuves.) Là était, en 1770, le magasin du ci-devant jeu de paume de la Cornière, qui, l’année suivante, sous le nom de salle Dinanderie, et plus tard sous celui de salle Valery, servit de lieu de réunions et de fêtes. On y joua même la comédie vers la fin du 17e siècle et dans le courant du siècle suivant. La salle Dinanderie, qui, depuis peu de temps, avait été mise aussi à usage de synagogue, a été démolie vers 1865 pour le passage de la rue de l’Hôtel-de-Ville.

Domrémy (rue). = Avenue Jeanne-d’Arc, la Campagne vers le Boisguillaume. — 4e section, 5e canton, Saint-Romain. — Faubourg Beauvoisine.

On a donné ce nom à une route ouverte depuis quelques années dans l’ancien fief de Bihorel, et faisant partie d’un quartier projeté sous le nom de cité Jeanne-d’Arc.

Dorival (rue), dans la cité Landrieu. — 1re section, 5e canton, Saint-Paul. — Faubourg Martinville.

Nom donné par un propriétaire à une rue ouverte récemment.

Douanes (hôtel des), sur le quai du Havre.

Cet hôtel est contigu aux magasins de l’Entrepôt réel des marchandises venues de l’étranger, qui avaient été construits par une société de commerçants, et qui furent cédés à la ville en 1824. Ses entrées principales sont sur le quai du Havre et dans la cour des Entrepôts. (Voy. ce mot.)

L’hôtel de la Douane a été édifié en 18361 et inauguré l’année suivante, en remplacement de l’ancien bâtiment qui avait été construit en 1723 et qu’on appelait la Romaine, du nom de l’instrument qui servait à peser les marchandises assujetties aux droits. Ce bâtiment, qui était placé entre les rues Haranguerie et de la Vicomté, disparut pour le nouvel alignement des quais. Le fronton qui le décorait, et qui avait été sculpté par Coustou, statuaire du 18e siècle, fut rétabli dans l’enceinte de la nouvelle Douane, au-dessus de la porte d’entrée de l’Entrepôt, avec cette

inscription : Bas-relief de N. Coustou, exécuté en 1726, enlevé de l’ancienne Douane, située entre les rues Harenguerie et de la Vicomté, en 1836. — M. Henri Barbet, maire de Rouen. — Isabelle, architecte

— Les magasins des Docks-Entrepôts, dont la construction avait été projetée en 1843, sont situés sur la rive gauche de la Seine. Ils ont été créés de 1860 à 1862, pour servir à l’emmagasinage des marchandises sujettes aux droits de douane ou d’octroi, ainsi qu’aux opérations sur warrants1.

Les Docks occupent les terrains compris entre la rue Montméry et celle de la Petite-Chaussée ; ils s’étendent en arrière jusqu’à la rue des Emmurées. La création de ces vastes magasins a donné lieu à une dépense excédant trois millions, et a occasionné la suppression de la petite rue des Roulettes et l’expropriation de nombreuses propriétés particulières. Cet établissement, qui comporte une superficie de 25,000 mètres, doit être encore agrandi par l’adjonction de nouveaux corps de bâtiments construits par un propriétaire, lesquels seront loués à la ville jusqu’à ce qu’elle s’en rende propriétaire, soit par acquisition, soit par voie d’échange. La façade de ces docks, dans la construction desquels entrent pour une grande part la brique et le fer, fait suite à la caserne Saint-Sever.

— À l’aspect de ce vaste établissement, à la vue de ces nombreuses usines qui se sont multipliées dans le faubourg Saint-Sever et dans les communes limitrophes, en considérant l’état actuel de notre navigation maritime et les transformations qu’elle a subies depuis un certain nombre d’années, en se rendant compte des avantages que devront apporter au trafic commercial l’extension et l’amélioration de nos quais de débarquement, en songeant enfin aux relations nouvelles que doit faire naître la création d’une troisième voie ferrée, on reconnaît de plus en plus la nécessité d’établir, le plus tôt possible, un trait-d’union

devenu indispensable entre les deux rives, et d’ouvrir une vaste artère de circulation entre le comptoir et le magasinage, entre l’industrie et le commerce, non pas à travers des rues resserrées et populeuses, mais au milieu d’une ligne dégagée de tout obstacle et de tout danger ; l’on déplore enfin les entraves qui ont été apportées jusqu’à présent à l’accomplissement de cet immense progrès.

Dourdonne (grande et petite rue).

De toutes les rues qui ont disparu du vieux Rouen, il en est peu qui aient eu autant d’importance que la rue Dourdonne, si l’on en juge par le nombre des actes de tabellionage où elle est citée. Cette rue était très ancienne, puisqu’elle se trouvait, sous le nom de rue « Dordonne1 », en dehors des fossés de la ville lors de l’existence de la porte Massacre, et qu’elle devait se prolonger jusqu’à l’emplacement où fut ouverte depuis la rue des Belles-Femmes. (Voy. ce nom.)

Farin dit, en effet, que lors du premier agrandissement de la ville, le fossé tournait par la porte Massacre jusqu’au bas de la rue Dordonne, où était la porte aux Fèvres.

Cette rue Dourdonne formait, au 15e siècle, à partir de la rue Saint-Lô, la continuation du lieu appelé la Poterne2 jusqu’à la rue Massacre, et elle se trouva supprimée lors des travaux de construction du Palais-de-Justice3 et de l’établissement de la place du Marché-Neuf dans une portion de l’ancien clos aux Juifs, qui était limitée à l’est par la rue Dourdonne et à l’ouest par une autre rue appelée rue de l’Escauderie. (Voy. ce nom.)

Les comptes de la ville (1449, 53 r.) font mention de la grande et de la petite rue Dourdonne, en la paroisse Saint-Jean.

Par un acte du 30 octobre 1499, Mathieu Morisse vend à la ville de Rouen la maison où pend l’enseigne du Signot, en la paroisse de Notre-Dame-de-la-Ronde, bornée d’un côté la grande rue de Dourdonne, d’autre côté une ruelle nommée la petite rue de Dourdonne, d’un bout par-devant la rue aux Juifs, et d’autre

bout la maison où pend l’enseigne de la Pelotte1, puis naguère vendue à la ville ; lesquels maison et héritage ont été acquis par elle pour appliquer à faire un palais ordonné par le roi à ses officiers être fait au Neuf-Marché2, pour tenir en temps à venir l’Échiquier de Normandie. — Déjà le 18 mars 1493 avait eu lieu la vente d’un emplacement borné par un hôtel à la ville et la place du Neuf-Marché, et d’autre bout la rue nommée la petite rue Dourdonne.

Le 6 août 1521, pour l’établissement de la place du Neuf-Marché (voyez place Verdrel), destinée à la vente des poulailleries, fruictages et aultres, il est vendu, pour être démolies, certaines maisons et édifices estant en l’église Saint-Jean et la conciergerie du parlement. Parmi ces maisons, s’en trouve une sise en la rue Dourdonne, où pendait l’enseigne des Coquilles, appartenant à Pierre de Coullonges, puis une autre appartenant à Griffon, boulanger, etc.

On lit dans un acte du 15 mars 1539 : Maison en la rue Dourdonne, à présent appelée rue Machacre. Puis, un autre acte du 22 novembre 1548 concerne une maison en la rue du Bras, autrement la rue Dordonne, et où est ordinairement tenue la boucherie de Machacre. Cette désignation de rue du Bras semblerait indiquer que la rue Dourdonne se dirigeait autrefois en obliquant vers la rue des Belles-Femmes, comme nous l’avons déjà dit. Les plans de 1655 et de 1724 font connaître que la boucherie Massacre était alors située sur la partie sud de la place du Marché-Neuf, entre la rue Massacre et celle du Tambour.

— Les comptes de Saint-Ouen font mention du ruissel de Dourdonne, dans le quartier de la boucherie Saint-Ouen3, ce qui peut avoir motivé le choix du nom de rue de la Dordogne, qui fut donné à la rue de la Croix-Verte en 1794. Le canal couvert, qui se dirige par la rue du Petit-Mouton vers l’Eau-de-Robec, pourrait être l’ancien ruissel de Dourdonne. (Voy. rue du Petit-Mouton.)

Duboc (passage ou rue), dans la rue du Champ-des-Oiseaux. — 4e section, 5e canton, Saint-Romain. — Faubourg Bouvreuil.

Une inscription placée sur une des encoignures de ce passage, du côté de la petite rue de l’Avalasse, porte le nom de petite rue du Champ-des-Oiseaux ; mais le nom de passage Duboc, dû à celui d’un propriétaire, lui est communément resté.

Duclos (rue), dans la cité Landrieu. — 1re section, 5e canton, Saint-Paul. — Faubourg Martinville.

Rue récemment ouverte et à laquelle un propriétaire a donné son nom.

Dugay-Trouin (rue). = Boulevard Cauchoise, avenue de la Madeleine. — 12e section, 5e canton, la Madeleine. — Faubourg Cauchoise.

Cette rue, à laquelle a été donné le nom de l’illustre navigateur, avait primitivement porté celui de rue du Chien-qui-rit, provenant sans doute d’une enseigne. Ce singulier nom fut donné ensuite à une autre rue du même quartier, qui a été appelée plus tard la rue Moiteuse.

Dulong (rue). = Rue Beauvoisine, rue du Maulévrier. — 5e section, 2e canton, Saint-Ouen. — Quartier N.-E.

Ouverte dans les dernières premières années du 19e siècle, sous le nom de rue Neuve-des-Carmélites, sur l’emplacement de l’ancien monastère de ce nom, dont on voit encore quelques vestiges au haut de la rue du Vert-Buisson, cette rue a porté plus tard les noms de rue du Duc-de-Bordeaux et du Duc-de-Chartres. On lui donna, le 2 mars 1848, celui d’un illustre chimiste qui naquit à Rouen le 12 février 1785, et qui mourut le 14 juillet 1838. — En 1794, on avait remplacé le nom de la rue Neuve-des-Carmélites par celui de rue des Préjugés-vaincus.

Dans la rue Dulong, à l’encoignure de la rue Impériale, a été construit, en 1861, l’hôtel où sont établis les bureaux de la Caisse d’Épargne. Cet utile établissement, fondé en 1820 par une société de souscripteurs, a acquis une importance considérable. L’hôtel de la Caisse d’Épargne a sa façade sur la rue Impériale. Une inscription, placée sur le fronton de la porte d’en-

trée par la rue Dulong, porte ces mots : La Caisse d’Épargne, fondée à Rouen en 1820, a fait édifier cet hôtel en 1861.

Il fut question, en 1855, de prolonger la rue Dulong jusqu’au boulevard Beauvoisine, vers le haut de la rue de la Glacière, mais ce projet fut abandonné.

Dunet (ruelle).

On trouve, dans des actes de tabellionage de 1421 et de 1478, l’indication d’une ruelle Dunet, en la paroisse Saint-Godard. Le premier de ces actes parle d’un jardin contenant un siége de pentheur, borné par la ruelle Dunet et par une ruelle pour aller de la Rougemare au champ des Barres. Un autre mentionne un héritage borné d’un bout la rue tendant de la Rougemare aux murs de la ville, et d’autre bout la ruelle Dunet. Il est probable que cette petite rue faisait partie de l’emplacement où fut établi plus tard le couvent des Carmélites, et qu’occupe la rue Dulong.

Duquesne (rue). = Quai Napoléon, place de la Basse-Vieille-Tour. — 7e section, 3e canton, la Cathédrale. — Quartier S.-E.

Cette rue, ouverte en 1831, à l’époque où les travaux d’élargissement et de redressement du quai de Paris ont amené la suppression des petites rues Sainte-Geneviève et de la Croix-Saint-Leufroy, est située près de l’endroit qu’occupait la porte d’Elbeuf.

Nous ne savons si le nom que porte cette rue lui a été donné pour honorer la mémoire d’Abraham Duquesne, l’un des plus grands hommes de mer que la France ait produits, et auquel la ville de Dieppe a élevé une statue en 1844 ; s’il en était ainsi, on pourrait regretter que le choix ne fût pas tombé sur une rue plus étendue, car celle-ci a à peine vingt mètres de longueur.

Dutronché (rue). = Place Saint-Sever, rue de Seine. — 11e section, 6e canton, Saint-Sever. — Faubourg Saint-Sever.

Le nom du savant jurisconsulte, mort à Rouen en 1826, avait été choisi, le 18 novembre 1833, pour une rue du faubourg Cauchoise qui reçut ensuite celui de rue Roulland ; il fut donné, par un autre arrêté du 1er septembre de l’année suivante, à la rue actuelle, récemment ouverte alors sur un terrain appartenant à M. Lemire. M. Leboucher-Dutronché avait rempli, pendant la révolution, les difficiles fonctions de maire de Rouen.

Cette rue, achevée en 1838, est devenue l’artère de communication entre les quais de Saint-Sever et la gare des marchandises du chemin de fer de l’Ouest. Un rail, incrusté dans le pavage, permet aux locomotives de remorquer à travers la place St.-Sever les wagons servant à l’embarquement ou au débarquement des navires et bateaux amarrés le long des quais de la rive gauche.

Duval (rue). = Rue de la Pucelle, rue des Pépinières. — 11e section, 6e canton, Saint-Clément. — Faubourg Saint-Sever.

Cette rue, ouverte en 1847, a reçu le nom d’un propriétaire.

Eau-de-Robec (place de l’). = Les rues Napoléon III, du Rosier, Damiette, du Père-Adam, de la Chaîne, de la Boucherie-Saint-Ouen et de l’Eau-de-Robec. — 6e section, 3e canton, Saint-Maclou. — Quartier S.-E.

Cette place était appelée précédemment place des Ponts-de-Robec, ou plutôt du Pont-de-Robec, à cause d’un pont que les religieux de Saint-Ouen construisirent en 1385 entre la boucherie et la place qui précède la rue Damiette. Ce pont est indiqué dans les plans de 1655 et de 1724. Ce n’est que depuis peu de temps que cette désignation a été changée, sans que ce changement ait un motif plausible.

Il y avait près de là une porte de la ville appelée la porte Saint-Léonard (voy. rue de la Croix-verte et rue Saint-Amand), et qui, dans le plan de Rondeaux de Sétry, est indiquée sous le nom de porte de Abet1, peut-être par corruption du mot Robec. Mais cette porte de Robec, qu’on appelait aussi la porte de l’Orient et qui devint plus tard la porte Martinville, était au bas de la rue Saint-Romain.

On voit sur la place de l’Eau-de-Robec une maison gothique en bois du 16e siècle, qui est revêtue extérieurement, et dans la cour de derrière, de sculptures et de bas-reliefs assez curieux.

l’Arquet ; 3e section et Saint-Vivien pour le reste ; 3e canton du pont de Robec à la rue Ambroise-Fleury, 4e canton pour le reste. — Quartier S.-E.

La rivière de Robec1, qui a donné son nom à cette rue, prend sa source dans la cour d’une petite ferme située en la commune de Fontaine-sous-Préaux, passe à Saint-Martin-du-Vivier, est grossie par de nombreuses sources qui s’échappent le long de la côte, traverse Darnétal, entre dans la ville de Rouen par le faubourg Saint-Hilaire, fait mouvoir sur son parcours un grand nombre de moulins et d’usines, et, après avoir longé de l’est à l’ouest la rue qui porte son nom, passe par derrière les rues Damiette et Malpalu, et va se jeter dans la Seine, auprès du pont de Pierre-Corneille2.

La rue Eau-de-Robec était autrefois habitée presque exclusivement par des teinturiers, ce qui faisait dire à Bourgueville, au 16e siècle : Aucunes fois iaulne, aultres fois rouge, verte, bleuë, violée et aultres couleurs, selon qu’un grand nombre de teinturiers qui sont dessus la diversifient par intervalles, en faisant leurs maneuvres3. C’est ce qui a fait dire aussi à un auteur chinois qu’il y avait en Europe une rue sur laquelle on comptait plus de cinq cents ponts4, et dont l’eau changeait de couleur plusieurs fois par jour.

Cette rue était encore, au commencement du 19e siècle, le centre de la fabrique, qui depuis s’est transportée dans le quartier de Saint-Gervais.

Telle était l’importance du cours d’eau de Robec pour la teinture et la fabrication des draps, qu’un procès s’éleva en 1513, entre les teinturiers de Darnétal et ceux de Rouen, pour l’usage de ses eaux.

Dans cette rue était autrefois l’hôtel des Libraires, où pendait l’enseigne du Pot-d’étain5. Dans la grande salle de cette maison

se tenaient en outre les « plès de Robec1 » pour le règlement de toutes les affaires qui concernaient les droits que la ville avait reçus, en 1262, du roi saint Louis, sur la propriété des rivières de Robec et d’Aubette. On lit, dans un acte de tabellionage du 10 juillet 1507, que les maîtres du boujon de la draperie, reconnoissant qu’à nul appartient le droit de mettre planche sur ces rivières en la ville de Rouen, demandèrent et obtinrent des conseillers de la dite ville, permission d’en placer quatre sur Robec et trois sur Aubette, à des endroits indiqués, mais à condition que cette permission n’engage pas l’avenir et que la ville demeure maîtresse de les faire enlever à sa volonté. — Un autre acte du 19 mai 1554 porte ce qui suit : Comme, en faisant la visitation qui se fait chaque année sur la rivière de Robec, pour voir s’il y avoit aucune entreprinse sur ladite rivière, les conseillers échevins de la ville ont trouvé que Jehan Balleu avoit commencé à faire construire deux corps de maison sur ladite rivière avec quatre siéges de cloaques tombant sur ladite rivière, à l’endroit du grand moulin de la ville… Il y eut transaction, au moyen de laquelle Jehan Balleu fut autorisé à continuer sa construction en payant une rente à la ville.

À l’extrémité de la rue Eau-de-Robec, vis-à-vis de la rue des Célestins, était le couvent de ce nom qui fut supprimé vers 1778 ; il avait été fondé en 1440, dans un château qu’avait fait construire le duc de Bedfort, vice-roi pour les Anglais, au lieu appelé Chantereine ou du Joyeux-Repos2, près de l’endroit nommé la Lavanderie de Saint-Ouen, qui lui avait été cédé par les religieux de cette abbaye. Le duc, mort au château de Rouen en 1435, avait fait cette donation aux Célestins, qui en prirent possession en 1445 et donnèrent à leur monastère le titre du Val de la Sainte-Vierge. Elle fut confirmée en 1449 par le roi Charles VII. Leur église, qui était grande et remarquable, fut édifiée en 1450 à la place d’une autre chapelle qui était en bois, et consacrée en 1502. Pillée d’abord par les calvinistes (voy. rue des Célestins), elle a été détruite en 1780, et l’emplacement du monastère est occupé aujourd’hui par les dépendances de l’Hospice-général.

Entre la même rue et celle de Saint-Hilaire était le cimetière

des Huguenots, qui est figuré sous ce nom dans les plans de 1655 et de 1724. (Voy. rue Saint-Hilaire.)

C’est dans la rue de l’Eau-de-Robec que naquit Édouard Adam, physicien distingué, décédé à Montpellier en 1810. On lit sur une maison portant le no 245 l’inscription suivante : Dans cette maison est né, le 11 octobre 1768, Édouard-Jean Adam, qui, par l’invention d’une méthode distillatoire propre à retirer immédiatement des vins toutes les parties spiritueuses, a ouvert, en 1800, une source inépuisable de richesses pour le midi de la France. Le conseil municipal de Rouen a décidé, dans sa séance du 8 mai 1837, que ce marbre serait érigé en son honneur.

Une rue voisine de l’Hospice-général a reçu le nom du célèbre inventeur. Il semble qu’il eût été préférable de voir donner le nom d’Édouard Adam à la partie de la rue où il est né, pour réserver à celle qui le porte actuellement une dénomination destinée à rappeler la mémoire de l’un des fondateurs de l’hospice, de Claude Groulart, par exemple, qui fut aussi premier président de notre Parlement. Quant au nom de l’Eau-de-Robec, on aurait pu le conserver à la partie de la rue qui est parallèle à celle de Saint-Hilaire, depuis la place de la Croix-de-Pierre jusqu’au boulevard. L’on devrait alors restituer à la place du Pont-de-Robec sa véritable désignation.

L’usage de curer la rivière de Robec, pendant la semaine de la Pentecôte, est encore en vigueur. Il a été plusieurs fois question de couvrir cette rivière sur tout son parcours, ce qui aurait pour résultat de rendre cette voie de circulation moins dangereuse, en l’élargissant et en supprimant (au moins jusqu’à la hauteur de la place de la Croix-de-Pierre) les nombreux ponts qui lui donnent un caractère particulier. Cette question, d’un haut intérêt pour la rue elle-même et pour tout le quartier, ne paraît pas encore avoir été décidée.

Parmi les maisons que signale, dans la rue de l’Eau-de-Robec, l’auteur de la Description historique des Maisons de Rouen1, on remarque celle qui porte le no 186 ; elle est décorée d’un bas-relief assez curieux, et porte la date de 1588.

Eaux minérales.

Il a existé dans Rouen plusieurs établissements d’eaux miné-

rales. Celles dites de Saint-Paul jouissaient d’une réputation méritée. L’auteur de la Description de la Haute-Normandie dit qu’elles ne le cédaient pas, pour la qualité, à celles de Forges. En parlant de cette fontaine, dont l’eau était salutaire aux malades, Farin ajoute : Comme celle de la fontaine voisine où vont tous les infirmes. Ce qui indique qu’il y a près de là plusieurs autres sources minérales qui, de même que celles de Saint-Paul, sortent du versant méridional de la côte de Sainte-Catherine. Il s’en trouve, en effet, dans des jardins situés dans la rue d’Eauplet.

Les sources ferrugineuses de Saint-Paul sont au nombre de quatre1 : la Saint-Paul, connue aussi sous le nom de la Fontaine-de-Fer ; la Céleste, qui a beaucoup de rapport avec la Reinette de Forge ; l’Argentée et la Dorée, dont les qualités sont, comme celles de Saint-Paul, à peu près analogues à celles de la Royale et de la Cardinale. Elles ne sont plus l’objet d’une exploitation publique. Un privilége exclusif, en vertu de lettres patentes, avait été donné en 1765 à un sieur Gilbert, architecte, d’y construire des bains. L’emplacement des eaux minérales de Saint-Paul, qui avait appartenu à l’abbesse de Montivilliers, et qui paraissait encore fréquenté dans les dernières années du 18e siècle, a été vendu en 1791, par adjudication.

— L’établissement de la Marêquerie, dans la rue Martinville, était encore, il y a peu d’années, un lieu de réunion pour les buveurs d’eau minérale, mais il était assez peu fréquenté, tant il est vrai que les choses les plus utiles subissent l’influence de la vogue et de l’engouement. Les dépendances de cet établissement sont transformées en de vastes ateliers de chaudronnerie, et c’est à peine si quelques vestiges révèlent encore la place des sources, qui vont se perdre dans un bras de la rivière d’Aubette2. Les eaux de la Marêquerie, réunies autrefois dans un marais formé par les épanchements des eaux de la Seine, de Robec et d’Aubette, marais desséché par la suite des temps et couvert actuellement de constructions, prennent naissance dans la vallée

de Darnétal. Trois sources différentes coulaient dans les jardins, et on leur avait donné, probablement par imitation de celles de Forges, les noms de la Cardinale, de la Reinette et de la Royale. C’est à M. de la Bourdonnaye, ancien intendant de la généralité de Rouen, mort en 1779 dans un âge très avancé, que la ville avait dû, en 1750, la conservation de l’établissement des eaux minérales de la Marêquerie, qui, comme celles de Saint-Paul, ont fini par changer de mains et de destination.

— Les Affiches de Normandie de 1778 ont signalé l’existence, au Mont-Riboudet, d’une ancienne fontaine minérale autrefois fréquentée, et qui devait se trouver dans le voisinage du pont de Bapeaume, comme le constatent les vers suivants, d’un poète latin du 17e siècle1 :

Ante tamen fusam brumâ Bapalmius undam
Pons tegit ; hic quondam lympha salubris erat.

— Une autre fontaine, vulgairement appelée la fontaine de Jouvence, était en grande vogue au 17e siècle dans le village de Déville. Elle avait reçu également le nom de fontaine du Parlement, à cause des travaux que des membres de cette cour souveraine y avaient fait faire. Ces eaux minérales étaient encore recommandées au siècle dernier par Lepecq de la Clôture2.

Échange (rue de l’). = Rue de l’Industrie, rue de l’École-de-Natation. — 1re section, 6e cantonsection, Saint-Paul. — Île de la Croix.

Cette petite rue, ouverte vers 1863 dans l’île de la Croix, doit son nom à un échange de terrains qui lui a donné naissance.

École (rue de l’). = Rue Ganterie, rue Beffroy. — 8e section, 2e canton, Saint-Godard. — Quartier N.-O.

Cette rue, dont il est fait mention dans plusieurs titres sous le nom de rue de l’École de Grantmaire, a pris ce nom de l’une des écoles du chapitre de la Cathédrale, dite l’École de grammaire1, qui avait été instituée de toute ancienneté dans la paroisse de Saint-Laurent, derrière le chœur de cette église. On y apprenait aux enfants les principes de la langue latine ; après quoi ils allaient au collége des Bons-Enfants. Il y avait aussi une école de chant2. L’école de grammaire existait encore au commencement du 16e siècle ; mais elle fut supprimée peu après, comme le constate un acte de tabellionage du 5 mai 1509, qui mentionne la vente faite par Guillaume Leconte, chanoine de Notre-Dame de Rouen, d’un héritage assis en la paroisse de Saint-Laurent, en quel y a un grand corps de maison neuf sur rue, et un autre corps de maison et un appentis derrière joignant ledit héritage, auxquels héritages l’on souloit tenir l’escolle de grammaire, et que ledit Leconte avoit acquis des doyen et chapitre de Notre-Dame de Rouen.

— D’après un plan de 1655 il y avait, dans la rue de l’École, à gauche en entrant par la rue Ganterie, un hôtel appelé le bureau des Cuirs3, et à droite, un peu plus haut, un hôtel de Saint-Arnoult.

On trouva, en 1831, dans un terrain situé à l’angle de la rue de l’École et de la petite rue Saint-Laurent, et près duquel avait existé l’école de grammaire, un mur de construction romaine, ainsi que des médailles et d’autres objets antiques.

On a placé, en 1867, sur la façade d’une maison de la rue de l’École, une inscription exécutée en lettres d’or sur un marbre blanc, laquelle est ainsi conçue : Ici naquit, le 29 juillet 1802, Jules de Blosseville, navigateur et naturaliste, perdu dans les mers

du Groënland, en août 1833, avec le brick Lillois qu’il commandait.

— Il y avait eu aussi une rue de l’École, près de la rue de l’Épicerie. C’était peut-être la rue de la Salamandre, qui tend de la rue de l’Épicerie à la rue du Bac, dans laquelle a existé une école dite de Saint-Cande-le-Vieux ; cette école portait le titre de collége et était sous la conduite immédiate des chanoines de cette église. Un acte du 1er août 15511 concerne un ténement de maisons borné d’un bout par devant la rue du Petit-Muche (ancienne ruelle, aujourd’hui fermée, allant de la place du Marché-aux-balais à la rue des Fourchettes), d’autre bout la rue de l’Escole ; et une autre maison bornée d’un côté la rue du Marché-aux-balais, d’autre côté l’héritage du collége, d’un bout par devant la rue de l’Épicerie, et d’autre bout ladite rue de l’Escolle.

— Comme on l’a vu plus haut, il exista à Rouen, depuis un temps reculé, des Écoles publiques. Les plus importantes étaient, outre l’école de Grammaire, celles de Saint-Ouen, de Saint-Cande-le-Vieux et des Bons-Enfants. Il y avait aussi l’escolle as Juis2 dans la paroisse Saint-Lô.

En 1592 fut institué le collége des Jésuites, que remplaça en 1762 une école dont les maîtres furent choisis par les officiers municipaux du bureau de l’hôtel commun. Un arrêt du parlement, du 28 juin de cette même année, enjoignit aux parents, curateurs, maîtres de pension, supérieurs de séminaires et autres ayant charge de l’éducation de la jeunesse, d’envoyer leurs enfants aux écoles publiques de ce nouveau collége.

Un autre collége avait été établi à l’archevêché en 1641, par ordre de François de Harlay, archevêque de Rouen.

Le principal établissement affecté à l’instruction publique est le Lycée impérial (Voy. rue du Maulévrier), comprenant aussi le collége de Joyeuse et le collége d’enseignement secondaire spécial ; il y a aussi le Séminaire archiépiscopal de la rue Poisson, ayant pour annexes le petit séminaire du Mont-aux-Malades et plusieurs institutions ecclésiastiques dans le département.

Rouen est également le siége d’une inspection académique, d’une faculté de théologie, dont les cours se tiennent dans la cour des Libraires, rue Saint-Romain ; d’une École préparatoire de mé-

decine et de pharmacie instituée en 18411 ; d’une École préparatoire à l’enseignement supérieur des sciences et des lettres, instituée en 1855, situées l’une et l’autre dans l’ancienne enclave de Sainte-Marie, rue Impériale ; d’une École normale d’instituteurs primaires, établie dans l’ancien prieuré de Saint-Lô, et enfin d’un certain nombre d’établissements d’instruction secondaire libres, d’écoles chrétiennes et d’écoles primaires subventionnées par la ville2. Des maisons d’éducation et des écoles primaires pour les jeunes filles sont dirigées par des communautés religieuses et par des institutrices séculières3. Il y a encore dans notre ville plusieurs écoles spéciales, savoir : l’École départementale d’agriculture et d’économie rurale, instituée en 1838, et dont les cours se tiennent dans l’enclave de Sainte-Marie ; l’Académie de peinture et de dessin, dans le même local, dont la fondation remonte à 1741 : elle fut alors établie dans des salles de la Haute-Vieille-Tour (voy. ce mot) ; une École d’arboriculture, dans le jardin botanique de Trianon ; des cours publics et gratuits de chimie, d’histoire naturelle, de mathématiques appliquées aux arts et à la mécanique, une École professionnelle entretenue par la ville et créée en 1850 ; un cours supérieur et des cours particuliers de musique, fondés en 1843, etc., etc.

Il y a enfin une École gratuite de sourds-muets fondée en 1835 par l’abbé Lefebvre4, et entretenue par une société de souscripteurs. Il avait été créé avant la Révolution, à l’Hospice-général,

une institution gratuite pour les sourds et muets ; cette école, établie par Mad. de Mahiel en 1788, assistée de l’abbé Huby, chapelain de cet hôpital, ne put être maintenue. Un arrêté municipal avait été pris en 1832 pour l’institution d’une nouvelle école des sourds-muets à Rouen, mais elle n’eut également qu’une courte durée. Celle qui a été fondée en 1835 par l’abbé Lefebvre a continué d’exister depuis le décès de son fondateur. Elle est située sur la rampe Saint-Gervais.

École-de-Natation (rue de l’). = Rue de l’Échange, la Seine. — 1re section, 6e canton, Saint-Paul. — Île de la Croix.

C’est, ainsi que son nom l’indique, une rue qui, dans l’île de la Croix, longe l’établissement des bains froids, situé en face de la porte Guillaume-Lion.

D’autres personnes lui donnent le nom de rue des Bains.

Écosse (rue d’). = Rue Beauvoisine, rue de la Glacière. — 8e section, 2e canton, Saint-Godard. — Quartier N.-O.

L’auteur du Dictionnaire indicateur1 a cru pouvoir attribuer l’origine de ce nom à la circonstance suivante, en faisant remarquer toutefois que ce n’était qu’une conjecture : Un gentilhomme normand, appelé Jean Bailleul, devint roi d’Écosse, en 1292, sous le nom de John Balliol. Il revint en Normandie et mourut au commencement du 14e siècle dans le pays de Caux, d’où la famille de Bailleul tire son extraction. Il serait possible qu’en mémoire de Bailleul, roi d’Écosse, on ait donné à cette rue le nom de rue d’Écosse.

Mais nous pensons que cette origine est moins ancienne, car, dans les registres du tabellionage, nous ne trouvons ce nom mentionné que dans des actes de 1528 et de 15302, tandis que, dans beaucoup d’actes du 14e et du 15e siècle, et même dans des titres antérieurs, on trouve la rue inscrite sous les diverses dénominations de rue de Maiete, Maette, Mecte, Mette, Miecte, Myecte et Meaite3, tous mots qui, s’ils ne dérivent pas d’un nom propre, de

même qu’on l’a supposé pour la rue Damiette, pourraient provenir du mot latin « meta1 », qui signifie borne, limite, pour indiquer que cette rue était sur les limites de la ville. — Nous lisons, dans les actes de 1423 et de 1479 : Maison bornée d’un bout la rue de Mette, d’autre bout, au clos des Arbalétriers, et d’un côté au chemin de dessous les murs de la ville. Dans d’autres actes de 1502 et de 1525 il est encore question de la rue de Mecte2 et du clos des Arbalétriers de la Cinquantaine. Or, dans ce clos des Arbalétriers était, au 16e siècle, un manége où l’on entrait par une longue allée que l’on voit encore dans la rue Beauvoisine. On pourrait admettre que ce manége était dirigé par des Écossais3 domiciliés dans la rue qui en aurait conservé le nom de rue d’Écosse. Il est possible enfin que cette rue ait été habitée par des Écossais de distinction, chez l’un desquels serait descendu en 1535 Jacques V, roi d’Écosse, qui vint en France pour épouser la princesse Madeleine, fille de François Ier, et qui logea dans un hôtel de la rue d’Écosse4.

Nous avons vu que la rue d’Écosse était, au 15e siècle, sous les murs de la ville. En 1667 il intervint, sur la réclamation des habitants des rues d’Écosse et du Cordier, une délibération de l’Hôtel-de-Ville portant : Il convient faire, sur le rempart allant de la porte Bouvreuil à celle de Beauvoisine, pour rendre accessible au charroi la rue d’Écosse, aplanir le terrain commençant par la rue du Cordier jusqu’à la rue d’Écosse, au niveau du pavé et des deux rues, et adoucir en montant depuis la rue d’Écosse jusqu’au hault dudit rempart, pour faciliter le roulage du canon dans la nécessité.

Cette rue, qui aboutissait, avant les premières années du 19e siècle, à la rue du Rempart-Bouvreuil, a été prolongée jusqu’à la rue de la Glacière, au moyen de la démolition d’un bout

du mur du rempart, et du remblai d’une portion des anciens fossés.

Les Dames de la Compassion, qui s’étaient d’abord établies dans la rue des Bonnetiers, puis sur la place de la Rougemare, sous la dénomination des Religieuses garde-malades, et qui avaient transféré leur domicile, en 1853, dans un hôtel de la rue Sainte-Croix-des-Pelletiers, connu alors sous le nom de l’ancien bureau des Aides, ont, par suite de l’expropriation de leur demeure pour l’ouverture de la rue Guillaume-le-Conquérant, formé un nouvel établissement dans la rue d’Écosse, où elles ont acquis, en 1863, l’hôtel d’Héricy avec toutes ses dépendances jusqu’à la rue de la Glacière et jusqu’au boulevard Beauvoisine. Ce vaste emplacement contenait, autrefois, le manége des Arbalétriers et les derniers vestiges de l’ancien rempart, qu’on a fait disparaître entièrement en 1869. Cette communauté y fait construire des bâtiments, et se propose d’y édifier une chapelle.

En 1794, on a donné à la rue d’Écosse le nom de rue de Corneille ; elle a repris son ancienne dénomination en 1795, et le nom de Corneille a été donné à la rue Morant, qui, également, ne l’a conservé que pendant quelque temps.

Écu-de-Verre (rue de l’).

Il y avait la grande et la petite rue de l’Écu-de-Verre ; elles ont été supprimées pour l’établissement de la place Impériale, en 1839. On donnait quelquefois à ces rues le nom du Cul-de-Verre1.

Au moyen-âge, la rue de l’Écu-de-Verre portait le nom de rue d’Espaigne ou d’Espagne, ainsi qu’on le voit dans un titre de 13992 : rue d’Espaigne, par. Saint-Maclou, près du bout de la rue Malpalu vers la Seine. Un acte de 1476 fait mention de la rue de l’Écu-de-Verre, appelée aussi la rue d’Espaigne. Ce nom est dû à la résidence dans ce quartier des marchands de cette nation, qui faisaient à Rouen un grand commerce de laine, et qui même se livraient à la fabrication3. — Il existe encore dans la place Impériale un hôtel appelé hôtel d’Espagne.

Il y avait, entre la rue d’Espagne et celle du Petit-Quai (actuellement la rue du Plâtre), plusieurs voies de communication ; l’une d’elles est la rue du Closet-de-la-Madeleine, précédemment la ruelle Laurent-Duval. Une autre portait le nom de ruelle de Trigorie ou de Trihory, et même de Tricherie ; on voit encore, dans la rue du Plâtre, au-dessus de la rue du Closet, une portion de cette petite rue qui se trouve actuellement enclavée dans une propriété particulière ; elle est désignée sous le nom de ruelle de la Trésorerie.

— Taillepied cite une rue au Voerre, qu’il place dans le quartier Martinville ; nous ne savons si ce nom se rapporte à l’ancienne rue de l’Écu-de-Verre ou à celle des Verriers.

Écureuil (rue de l’). = Rue Ganterie, rue de l’Hôtel-de-Ville. — 8e section, 2e canton, Saint-Godard. — Quartier N.-O.

Cette rue est inscrite dans Taillepied et dans d’autres nomenclatures sous le nom de rue de l’Escureur ; mais un arrêt du Parlement, de 1590, fait connaître qu’il y avait, tout près de la rue Ganterie, en la paroisse Saint-Laurent, une hôtellerie où pendait l’enseigne de l’Écureuil, et que rendit célèbre un assassinat dont nous parlerons à l’article de la rue de Socrate. C’est de l’enseigne de cette hôtellerie que la rue a reçu son nom.

Un acte de tabellionage du 3 mai 1476 mentionne ce même hôtel de l’Écureuil, au coin de la rue Boutchard, à présent nommée la rue Saint-Laurent, bornée d’un côté la rue Boutchard, d’un bout la rue du Fossé-aux-Gantiers ; ce qui indique qu’avant de s’appeler rue de l’Écureuil, cette rue avait porté le nom de rue Boutchard (Boutard) et celui de rue Saint-Laurent, à cause de l’ancienne paroisse qui y est située.

Cette dernière dénomination est portée dans divers actes de tabellionage : l’un, du 7 septembre 1472, parle d’une maison joignant l’hostel de l’Écureuil et la rue Saint-Laurent. Un autre, du 20 juillet 1496, concerne une maison assise en la rue Bouchard, autrement dite Saint-Laurent. Enfin, dans un acte de 1526, il est question de la rue Saint-Laurent ou de l’Écureuil.

Le savant historien du Parlement de Normandie indique également que le nom de Boutihard était donné, en 1480, à la rue de l’Écureuil ; ce qui est confirmé par des actes de 1487 et de 1530, qui font mention d’une maison où pend l’enseigne de l’Escre-

viche, bornée d’un bout par la rue Boutilhart, à présent nommée rue de l’Écureuil.

Nous avons fait connaître, à l’article de la rue Boutard, les différentes variantes sous lesquelles ce nom est inscrit dans les actes du 15e siècle, en ajoutant que les rues Boutard et de l’Écureuil nous paraissaient n’avoir fait qu’une seule et même rue. Dans les plans de 1655 et de 1724, ces deux rues ne figurent que sous le seul nom de rue de l’Écureuil, et celui de la rue Boutard n’est inscrit que sur le plan de 1784.

L’ancienne église de Saint-Laurent, qui faisait partie de la rue de l’Écureuil, s’en trouve séparée actuellement par la rue de l’Hôtel-de-Ville, pour l’ouverture de laquelle le haut de la rue de l’Écureuil et la partie sud de celle de Saint-Laurent ont été détruits. Cette église était autrefois dans les faubourgs de la ville1 ; c’était la chapelle Saint-Antoine, où les abbés de Saint-Wandrille disaient la messe lorsqu’ils venaient à Rouen pour les séances de l’Échiquier. Elle fut érigée en paroisse en l’an 1024. Détruite par un incendie, le jour de Pâques de 1248, on fut longtemps à la rétablir. Le corps actuel de l’église, qui était d’une rare élégance, est du 15e siècle. La tour, qui avait été commencée en 1490 et achevée en 1501, fut renversée en 1520 par la violence des vents. Rétablie en 1638, elle eut encore à souffrir d’un ouragan en 1683. L’église elle-même, qui avait été ravagée par les calvinistes en 1562, fut fort endommagée par ce dernier ouragan. Dévastée en 1702 par un nouvel incendie qui éclata pendant l’office et causa la mort de plusieurs personnes, elle fut réparée l’année suivante. Ce que l’on voit encore de la tour est d’une architecture remarquable et mériterait d’être conservé. Elle était surmontée d’une aiguille en pierre, haute de trente pieds, qui a été démolie en 1810. Il existait dans l’église de Saint-Laurent des sépultures ayant appartenu à de grandes familles de Rouen et de la Normandie. On remarque, près du grand portail en entrant dans la rue Boutard, les restes d’une balustrade en pierre, taillée à jour et découpée de manière à former ces mots : Post tenebras spero lucem. — Cette église a été supprimée en 1791. C’est actuellement un magasin de voitures. (Voy. rue de l’Hôtel-de-Ville.)

Dans la rue de l’Écureuil naquirent, au 17e siècle, les Bas-

nage, célèbres jurisconsultes, dont le nom a été donné à l’une des rues de Rouen nouvellement ouvertes. L’administration municipale a fait placer, en 1844, sur la façade d’une maison qui occupe l’emplacement de l’ancien hôtel où ils sont nés, cette inscription commémorative : Ici était la maison des Basnage.

Le manuscrit des Fontaines dit, à l’occasion des fontaines de Rouen, qu’il y avait une cuve devant l’Écureuil.

M. E. De la Quérière a cité une maison remarquable qu’on voyait, en 1841, dans la rue de l’Écureuil, à gauche en montant, et qui renfermait des morceaux de sculptures, des bustes d’empereurs romains, des vestiges de fresques indiquant que là dut être une habitation importante. Cet hôtel a été démoli, et des fragments de sculptures qu’il contenait ont été transportés, en 1867, au Musée d’antiquités. De l’autre côté de la rue était une maison indiquée dans le plan de Gomboust comme étant, en 1655, la demeure de M. Bigot1.

Écuyère (rue). = Rue de la Grosse-Horloge, rue des Bons-Enfants. — 9e section et la Cathédrale pour les nos pairs ; 10e section et Saint-Patrice pour les nos impairs ; 1er canton. — Quartier S.-O.

Cette rue est mentionnée sous ce nom dans divers titres et actes du 13e siècle2. Un acte de tabellionage du 17 août 1491 parle d’un jardin avec les vignes et arbres dessus croissants, d’un bout la rue Escuyère, d’autre bout la rue des Séneschaux. Nous ne savons s’il faut attribuer l’origine du nom de cette rue à des fabricants de boucliers appelés « écus », scutarii ; ou au vieux mot « esquierre » qui signifie escadron, corps de troupe, ou enfin à des écuyers3 qui prenaient soin des chevaux. Il y avait dans cette rue une cour à l’enseigne de l’Étrille-d’or4, dont il

est fait mention dans les Affiches de la Normandie de 1764, ce qui permettrait d’adopter cette dernière étymologie1.

On donna, en 1794, à la rue Écuyère, le nom de rue de la Société, et on lui rendit en 1795 son ancienne dénomination.

Cette rue, qui était étroite et insalubre, est actuellement complétement transfigurée ; il n’en reste plus que quelques maisons du côté gauche qui n’ont pas été atteintes par l’expropriation prononcée en 1860 pour l’ouverture des nouveaux quartiers.

Dans le haut de la rue Écuyère, à gauche, à l’encoignure de celle des Bons-Enfants, était l’église de Saint-Pierre-l’Honoré, qui a été démolie vers 1840, après avoir été convertie à l’usage d’une fonderie de métaux. L’auteur des Lettres sur Rouen rapporte, suivant l’opinion du chanoine Deudemare2, que cette église aurait été construite sur les ruines d’un ancien temple consacré à Mercure, motif pour lequel, ajoute le même historien, la rue aurait porté longtemps le nom de rue Mercurière.

Un acte du 10 juin 1421 fait connaître qu’une maison de la rue Écuyère fut ruinée par haut durant le siége (précédent), par les bombardes qui l’atteignirent.

Édouard-Adam (rue). = Place Martinville, place de la Croix-de-Pierre. — 3e section, 4e canton, Saint-Vivien, excepté la partie gauche de la rue, depuis la place Martinville jusqu’à la rue Napoléon III, qui est sur Saint-Maclou. — Quartier S.-E.

Cette rue, qui a été ouverte en 1838, a été rétablie en 1866 sur un nouveau tracé, et a été prolongée jusqu’en face de la Croix-de-Pierre, au moyen de la construction d’un pont sur la rivière de Robec. Elle fait communiquer la place Martinville avec la rue Saint-Hilaire ; elle occupe, après avoir croisé la rue Napoléon III, l’emplacement des anciennes rues Picchine, des Verriers et Godard, et contribue à l’assainissement de quartiers populeux et autrefois misérables.

Elle a reçu le nom d’un célèbre chimiste qui naquit à Rouen

en 1768, dans une maison de la rue Eau-de-Robec (voy. cette rue), et mort à Montpellier en 1810.

Une borne-fontaine, qui a été établie dans cette rue, remplace celle qui, dans l’ancienne rue Picchine, était adossée contre le mur de l’Hospice-général.

Édouard-Landrieu (rue), dans le quartier appelé cité Landrieu. — 1re section, 5e canton, Saint-Paul. — Faubourg Martinville.

Nom donné par un propriétaire à une rue récemment ouverte.

Églises et Établissements religieux.

Avant 1790, il y avait à Rouen, outre l’église Cathédrale, trente-sept églises paroissiales, et à peu près autant de chapelles pour les établissements publics et pour les communautés religieuses des deux sexes. Le nombre des édifices consacrés au culte fut considérablement réduit, en mai 1791, par un décret qui fixa ce nombre à treize églises paroissiales et à cinq succursales, et qui ordonna la suppression de toutes les corporations religieuses. Les églises elles-mêmes ne tardèrent pas à être fermées et ne furent rouvertes, en partie, qu’en 17951 ; puis, en vertu d’un concordat avec le Pape, en date du 15 juillet 1801, le service du culte fut réorganisé par le rétablissement de six églises paroissiales et de huit succursales2. On rétablit, en outre, les maisons religieuses de l’Hôpital-général et de l’Hôtel-Dieu, et six pensionnats ou maisons particulières considérées comme maisons religieuses. Les autres églises et monastères demeurèrent supprimés.

Depuis cette époque, le nombre des églises paroissiales a été successivement porté à douze, et celui des succursales fixé à trois par la création récente de la succursale de Saint-Clément, dans le faubourg Saint-Sever. Il existe, en outre, neuf chapelles d’établissements publics pourvues d’aumôniers, et dix-huit monastères à chacun desquels est attaché un chapelain.

Nous nous bornerons à citer ici les noms de ces églises et de ces chapelles ; nous renvoyons, pour les détails qui les concernent, ainsi que pour les autres anciens monuments et établissements religieux de la ville de Rouen, aux articles spéciaux qui leur sont consacrés dans leur ordre alphabétique, ou à ceux relatifs aux rues et places où ils sont situés, suivant l’indication donnée aux lecteurs par la table qui termine le volume.

Églises paroissiales.

Églises succursales.

Chapelles des Établissements publics.

  • Chapelle de l’Hospice-général, boulevard Martinville à Saint-Hilaire.
  • de l’Hôtel-Dieu, dans l’intérieur de cet hospice.
  • de l’Asile de Saint-Yon, rue Saint-Julien.
  • de Quatre-Mares, à Sotteville.
  • Chapelle du Lycée impérial, rue Bourg-l’Abbé.
  • de Bicêtre, dans l’intérieur de cet établissement.
  • de la Maison de justice, dans l’intérieur du Palais.
  • de l’École normale, rue Saint-Lô.
  • du Patronage des jeunes filles libérées, route de Darnétal.

Chapelles des Monastères.

Il y a, en outre, quelques autres chapelles particulières dont nous ne saurions donner le détail.

Indépendamment des églises et chapelles consacrées au culte catholique, l’ancienne église de Saint-Éloi, située sur la place de ce nom, est affectée au Consistoire protestant, et l’ancienne église de Sainte-Marie-la-Petite, dans la rue de la Prison, est occupée par la Synagogue israélite.

Elbeuf (rue d’). = Rue Saint-Sever, les bruyères Saint-Julien. — 11e section, 6e canton ; Saint-Sever jusqu’à la rue aux Bœufs à droite et jusqu’à la rue Méridienne à gauche ; ensuite Saint-Clément. — Faubourg Saint-Sever.

Cette rue a pris son nom de sa situation entre Elbeuf et Rouen ou d’une ancienne maison appelée le château d’Elbeuf. On désigne sous la dénomination d’avenue ou d’ancienne route d’Elbeuf, un chemin qui, depuis la rue de ce nom, se prolonge jusqu’à travers la forêt des Essarts.

L’ancien parc de Trianon, situé vers l’extrémité de la rue d’Elbeuf, fut acquis par la ville en 1831 et est actuellement occupé par le Jardin botanique, qui y a été transféré en 1839. Créé d’abord dès 1735, dans une propriété particulière du faubourg Bouvreuil, puis dans une rue qui en a conservé le nom de rue du Jardin-des-Plantes, ce jardin avait été établi par une société de savants qui s’étaient réunis pour cultiver la botanique, société au sein de laquelle prit naissance l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen. Il avait été transféré, en 1757, par les soins de cette compagnie, au lieu appelé alors le cours Dauphin, dans un terrain assez vaste qui avait été enclos de murs, et qui d’abord avait été destiné à servir de lieu de dépôt des cidres, avant qu’il fût question de le transférer dans l’avenue de la Madeleine. Une vaste serre chaude et deux orangeries y furent édifiées à cette époque. Cette translation et le but de l’institution sont constatés par une inscription latine conservée dans les fondations de la serre, et dont voici la traduction : Sous le règne de Louis XV, sous le protectorat et les auspices de D. D. Frédéric Montmorency, duc de Luxembourg, pair de France, gouverneur, ce jardin, destiné à la culture et à la démonstration de toutes les plantes, de tous les arbres que produit la nature dans toutes les parties du monde, et concédé par la munificence du maire et des adjoints, a été orné et consacré par l’Académie royale des sciences, des lettres et des arts, à la santé, à l’étude, et à l’embellissement de cette bonne ville, l’an 1757. — Elle posa la première pierre de ce monument, sous les auspices et au nom de son protecteur, le 12 juillet 17581.

Ce bel établissement, l’un des plus riches de France en plantes

exotiques, a été transféré, en 18391, dans l’ancien parc de Trianon, nommé autrefois le jardin de Madame Planterose2 ou le jardin de la Mare-du-Parc. Des écoles de botanique et d’arboriculture, entretenues par la ville, ont été fondées depuis quelques années dans le domaine de Trianon et ont succédé aux cours qui avaient été institués par l’Académie des sciences dans l’ancien jardin des plantes.

Au-dessus du Jardin botanique est le nouveau cimetière de Saint-Sever, qui a été inauguré en 1856. (Voy. rue Saint-Julien.)

— Une communauté de dames de l’ordre de Saint-Benoist, appelées les Crépines, du nom de leur supérieure, qui avait été fondée précédemment au hameau de la Panneverre, dans le faubourg Saint-Hilaire, vint s’établir dans la rue d’Elbeuf, où fut édifiée, en 1684, une chapelle qui fut dédiée sous le vocable de Saint-Hilaire. Cette communauté paraît avoir été supprimée en 1770, époque où l’on fit la vente de son mobilier. On a démoli, en 1867, la porte cochère de la maison que ces religieuses avaient occupée ; elle était surmontée d’un cintre en pierre, sur lequel était gravée cette inscription : Prieuré de Saint-Hilaire, 1732.

Il existe, aux bruyères Saint-Julien, où aboutit l’avenue qui fait suite à la rue d’Elbeuf, un magnifique hippodrome qui a été établi pour les courses de chevaux. Là est aussi un champ de manœuvre pour les exercices de la cavalerie. (Voy. rue Saint-Julien.)

Emmurées (rue et place des). = Rue Saint-Sever, rue Geuffroy. — 11e section, 6e canton, Saint-Sever. — Faubourg du même nom.

Le nom de la rue des Emmurées vient d’une ancienne communauté de religieuses de l’ordre de Saint-Dominique, établie en 12633, dans le manoir archiépiscopal de Saint-Mathieu, qui avait été occupé en 1222 par des religieux du même ordre, appelés les frères Prêcheurs ou les Jacobins. (Voy. rue de Fontenelle.) L’é-

glise que ces derniers avaient fait bâtir fut démolie en 1412 ; elle était contiguë à celle qui fut édifiée alors par les Emmurées.

Cette dénomination venait de ce qu’elles donnèrent, les premières à Rouen, l’exemple d’une exacte clôture. Leur couvent était entouré de hautes murailles. Ce monastère a été supprimé en 1792 ; une partie de son emplacement fut converti en une école gratuite pour les filles, qui y fut établie vers 1810 par les Dames d’Ernemont1.

L’église des Emmurées, qui avait été construite pour la première fois par le roi saint Louis, fut dédiée de nouveau en 1479. Elle fut ruinée au 16e siècle, démolie et restaurée à plusieurs époques, puis réédifiée à neuf en 1666. Après la suppression de la communauté, cette église fut mise pendant quelques années à usage de magasin de fourrages, et sert actuellement d’écurie pour la cavalerie ; le cloître a été converti en caserne.

L’auteur de la Description de la Haute-Normandie rapporte qu’à la suite du désastre arrivé en 1591 et dans lequel se trouva enveloppé le monastère des Emmurées2, les religieuses, qui s’étaient réfugiées à l’hôtel de Saint-Wandrille, dans la rue Ganterie, eurent le courage d’aller se placer sur le grand chemin, près des ruines de leur maison, et de demander l’aumône aux passants pour la réédification de leur demeure.

Ce monastère avait reçu en 1510 les restes de Georges d’Amboise Ier, mort à Lyon ; en 1550, le corps du cardinal d’Amboise II, décédé en son château de Vigny, y fut également déposé. En 1531 on y transporta aussi Louis de Brézé, grand-sénéchal et gouverneur de la Normandie ; c’est de là qu’il fut porté en grande pompe à l’église métropolitaine3.

La rue des Emmurées, qui n’était d’abord qu’une impasse, a été continuée avant 1830 jusqu’à la Petite-Chaussée, puis ensuite jusqu’à la rue Geuffroy. Le premier établissement pour l’éclairage par le gaz courant y a été créé en 18344, époque vers laquelle on

a commencé à le substituer à l’éclairage à l’huile dans quelques quartiers de la ville.

En 1853, l’administration municipale décida que l’emplacement de l’ancien monastère serait affecté à l’installation d’un marché aux bestiaux qui a été inauguré le 20 mars 1856.

Ce marché est devenu très important. Un rapport fait à la Société d’agriculture de la Seine-Inférieure constate que, depuis le 23 mars 1869 jusqu’au 12 avril 1870, il s’y est vendu 125,863 têtes de bétail.

C’est là qu’est actuellement la place des Emmurées, destinée peut-être à mettre en rapport le faubourg Saint-Sever avec une nouvelle voie ferrée, et avec le prolongement de la rue de l’Impératrice par un troisième pont sur la Seine, si, d’une autre part, la Ville se décide un jour à retirer de là le marché aux bestiaux pour le rapprocher des Abattoirs.

Enfer (rue d’). = Rue Saint-Nicaise, rue Coignebert. — 2e section, 2e canton, Saint-Nicaise. — Quartier N.-E.

En 1794, la rue d’Enfer reçut le nom de rue de la Vertu !... Elle reprit en 1795 son ancienne dénomination.

Le mot « enfer » pris au figuré, dit l’auteur du Dictionnaire indicateur, signifie bruit, vacarme. Le nom de cette rue ne viendrait-il pas de quelque maison ou d’un lieu de rassemblement où l’on faisait ordinairement du bruit, et auquel on aurait donné pour cette raison le nom d’Enfer ?

Ce mot est aussi employé pour désigner une maison clandestine de jeu, « un jeu d’enfer. » La police fit à Paris, en 1857, un rapport contre une femme surnommée la Marquise, qui avait établi son enfer dans le voisinage de l’hôtel du Louvre.

À Paris, la porte d’Enfer était ainsi nommée à cause de l’opinion populaire que les esprits infernaux venaient dans le château de Vauvert qui était voisin.

— Un hameau du faubourg Saint-Hilaire, appelé le Trou-d’Enfer, est situé au pied de la montagne des Sapins. Un ancien chemin d’Enfer conduisant à ce hameau porte actuellement le nom de rue du Trou-d’Enfer. (Voy. cette rue.)

Enfin, un acte de tabellionage de 1461 fait mention de l’eau nommée le doigt d’Enfer, près de l’Eau-de-Robec. Serait-il question du lieu appelé le Choc, où existe, à l’aide d’une écluse, un point de jonction entre la rivière d’Aubette et celle de Robec ?

On désigne en Basse-Normandie les petits cours d’eau par le mot « doigt » ou plutôt douet, du latin « ductus. »

Entrepôts (rue ou cour des). = Quai du Havre, rue des Charrettes. — 10e section, 1er canton, Saint-Vincent. — Quartier S.-O.

Cette voie de communication entre la rue des Charrettes et le port a été ouverte pour le service des magasins de l’Entrepôt réel du commerce et de l’hôtel des Douanes qui fut construit en 1836. — On lui avait d’abord donné le nom de rue de l’Octroi.

Au commencement du 19e siècle, l’entrepôt réel des marchandises était dans un local appartenant à un négociant de Rouen1.

Épée (rue de l’). = Rues des Faulx et Saint-Vivien, rues Orbe et Bourg-l’Abbé. — 2e section et Saint-Vivien pour les nos pairs ; 5e section et Saint-Ouen pour les nos impairs ; 2e canton. — Quartier N.-E.

Le nom de cette rue est cité dans des actes de tabellionage de 1462 et de 1476. Dans un autre acte, du 13 avril 1494, la rue de l’Épée est indiquée comme bornant un héritage joignant par derrière aux murs qui faisaient anciennement cloison de la ville. Elle a dû porter aussi le nom de rue Michel-Lemercier. Un acte de 1421 cite une ruelle ainsi appelée dans le voisinage des camps de Saint-Nicaise. (Voy. rue des Champs.) Cette dénomination, devenue par vice de prononciation « rue au Mercher2, » est indiquée dans un acte de 1423 pour une rue sise derrière les murs Saint-Ouen, donnant d’un côté dans la ruelle du Bourg-l’Abbé. Enfin un acte de 1427 mentionne une ruelle qui mayne de Saint-Ouen à la porte Beauvoisine, nommée d’ancienneté la rue Michel-Lemerchier, rue dans laquelle il y avait un siége de penteur. (Voy. ce mot.)

On a pensé que le nom de la rue de l’Épée était venu d’une enseigne, qui est indiquée dans un acte du 3 août 1423. Il y avait aussi, dans une autre partie de la ville, une maison de la Petite-Épée. Mais peut-être cette rue tirerait-elle plutôt son nom d’une ancienne assemblée de justice, appelée le Plaid de l’épée, dont il

est fait mention dans les Actes normands de la Chambre des Comptes1, et qui aurait dépendu de la puissante abbaye de Saint-Ouen.

Dans la rue de l’Épée s’était établie, en 1666, une communauté des Filles de la Providence, qui fut supprimée en 1792. Cette maison s’est rétablie plus tard dans la rue du Champ-des-Oiseaux.

Au bas de la même rue, près du lieu appelé le Pont-de-l’Arquet, était la fausse porte de Saint-Ouen, qui dépendait du deuxième agrandissement de la ville, et qui fut démolie en 1539.

Un peu au-dessus est une fontaine qui fut construite en 1613, et qui est alimentée par la source de Darnétal. L’établissement de cette fontaine fut l’occasion de longs débats entre les religieux de Saint-Ouen et les échevins de la ville.

Épicerie (rue de l’). = Place de la Haute-Vieille-Tour, place de la Calende. — 7e section, 3e canton, la Cathédrale. — Quartier S.-E.

Cette rue, qui a dû prendre son nom du genre de commerce qu’on y exerçait, est souvent citée dans les actes de tabellionage du 14e et du 15e siècle. Un acte de 1422 fait mention d’une rue qui descend de la maison de la Hache2 au manoir de la ville de Rouen, en la Vieu-Tour.

Épine (rue de l’). = Rue Saint-Julien, rue des Brouettes. — 10e section, 6e canton, Saint-Clément. — Faubourg Saint-Sever.

Cette rue, qu’on trouve désignée dans les Affiches de Normandie, de 1786, sous le nom de rue du Bec, a dû prendre celui d’un propriétaire, M. de l’Épine, un des échevins de la ville, de 1787 à 1791.

Ernemont (rue et impasse d’). = Place Beauvoisine, route de Neufchâtel. — 4e section, 5e canton, Saint-Romain. — Faubourg Beauvoisine.

Le nom d’Ernemont est celui d’un village situé à 18 kilomètres de Rouen, où s’établit, en 1700, après avoir été préalable-

ment fondée vers 1680, à Darnétal, la communauté des Dames du Sacré-Cœur de Jésus et de Marie, dans une propriété qui leur fut donnée par M. Barthélemy de Saint-Ouen d’Ernemont. Plus tard, cette communauté vint à Rouen. Leur couvent fut construit sur un terrain faisant partie de l’ancien Champ-du-Pardon, et les Dames du Sacré-Cœur, connues aussi sous le nom des Capotes, et sous celui des Sœurs des Écoles chrétiennes, prirent, ainsi que la rue où elles s’installèrent, le nom de leur fondateur1.

Cette maison fut supprimée en 1792. L’année suivante, les bâtiments qu’elles avaient occupés furent convertis en un hôpital militaire ; mais la communauté fut rétablie en 1803, et les Dames d’Ernemont se livrèrent, comme auparavant, à l’enseignement et au service des hôpitaux, tant dans leur établissement que dans les campagnes2.

La rue d’Ernemont a porté aussi le nom de rue des Dames-d’Ernemont, qui fut également donné quelquefois à la rue du Champ-du-Pardon. Elle reçut, en 1794, celui de rue de la Somme, et reprit, en 1795, son ancienne dénomination.

Ce couvent possède une grande et belle chapelle, construite en remplacement d’une autre qui avait été édifiée en 1729, en même temps que les autres bâtiments qui sont dans la rue d’Ernemont3. Le portail de cette nouvelle chapelle, dont la première pierre a été posée le 1er juin 1842, est sur la route de Neufchâtel. Une autre petite chapelle a été bâtie dans les jardins de la communauté, sous le vocable de Notre-Dame-de-Bonsecours, en commémoration de son rétablissement en 1803.

Le haut de la rue d’Ernemont, joignant la route de Neufchâtel, a reçu vulgairement le nom de la « Côte-Blanche » à cause de la nature du terrain qui la compose. C’est aussi l’origine du nom d’Aubevoie (Alba via), qui a été donné à la partie supérieure de la rue Beauvoisine.

— On donnait le nom d’impasse d’Ernemont à la portion de la rue qu’on appelle actuellement la rue Lafosse. — Une seconde impasse d’Ernemont communique de la rue de ce nom à une rue nouvelle, appelée rue Mallet.

Ernest-Leroy (rue). = Boulevard Jeanne-d’Arc, rue Verte. (Débarcadère du chemin de fer.) — 4e section, 5e canton, Saint-Romain. — Faubourg Bouvreuil.

C’est la rue précédemment appelée rue du Petit-Bouvreuil, à laquelle, en vertu d’un décret du 11 décembre 1867, approuvant une délibération du conseil municipal de Rouen, on a donné le nom de l’honorable fonctionnaire (M. le baron Ernest Leroy, sénateur), qui administre le département de la Seine-Inférieure depuis 1849.

Cette rue fut désignée sous le nom de petite rue de Bouvreuil, à l’époque où les faubourgs, séparés de la ville par des remparts, n’étaient desservis que par quelques chemins de peu d’importance. Outre que les mots de petite rue ont servi à distinguer l’une de l’autre des rues portant le même nom, on les employait aussi pour celles qui étaient courtes ou étroites ; et l’on aura, par la suite, réuni l’adjectif au nom de la rue, d’où l’on aura fait la rue du Petit-Bouvreuil, comme on disait rue du Petit-Musc, du Petit-Gril, etc.

La rue Ernest-Leroy est devenue très fréquentée à cause de sa proximité de la gare du chemin de fer de Paris à la mer. Un bureau de télégraphie privée, qui avait été ouvert en 1856, à la gare de la rue Verte, est actuellement placé à la jonction de la rue Ernest-Leroy avec le boulevard de Jeanne-d’Arc.

— À l’une des encoignures de l’ancienne rue du Petit-Bouvreuil, sur le boulevard vers celui de Cauchoise, était le clos où se réunissait la compagnie des Archers pour s’exercer à tirer de l’arc. On l’appelait le clos des Archers1 ; il est désigné, sur un plan de 1784, sous le nom de jardin de l’Arc. Nous ne savons si c’est là le jardin de l’Arquenci, que vinrent occuper les Pénitents en 1609, avant de se fixer dans la rue Saint-Hilaire.

Escauderie (rue de l’)

Cette rue, à laquelle on donnait le nom de Dessus-la-Renelle,

est citée dans plusieurs actes de tabellionage des 15e et 16e siècles. Avant la création de la place du Marché-Neuf (aujourd’hui la place Verdrel), la rue d’Escauderie devait faire partie de la rue de la Renelle-des-Maroquiniers ou en former la continuation le long du cours de ce ruisseau jusques et y compris la rue du Tambour ; elle était parallèle à la rue Dourdonne (voy. ce mot), ainsi que le prouvent un acte du 11 juin 1479 concernant une maison bornée d’un bout la rue Dourdonne et d’autre bout la rue Descauderie, et un autre acte du 10 septembre 1480 qui mentionne la vente faite par les religieux de l’Hôtel-Dieu, de l’hôtel de la Cloche, paroisse Saint-Jean, borné d’un côté un hôtel yssant sur la rue d’Escauderie, et d’un bout une vide-place joignant la rue Dordonne. Cet hôtel « de la Cloque » est encore cité dans un acte de 1489 qui indique pour ses abornements, d’un bout le pavé du roi sur l’eau de Renelle, et d’autre bout le pavé de la rue Dourdonne.

L’origine de ce nom est due, nous le croyons, à l’une des préparations que l’on faisait subir aux peaux servant à la confection des parchemins, « l’échaudage », opération que l’on faisait à l’aide du cours d’eau de la Renelle. Ce qui semble confirmer notre opinion, c’est qu’il existait, au 16e siècle, dans la paroisse Saint-Maclou, une autre rue appelée rue de l’Escauderie, probablement près du clos des Parcheminiers, où s’exerçait la même industrie.

— Dans un acte du 6 avril 1424, on trouve la mention d’une rue de Leschaud, nom qui a la même signification que celui de la rue de l’Escauderie.

Espagnols (rue des). = Porte Guillaume-Lion, rue de la Grosse-Bouteille. — 3e section et 4e canton pour les nos pairs ; 6e section et 3e canton pour les nos impairs ; Saint-Maclou. — Quartier S.-E.

L’origine du nom de cette rue paraît être la même que celle de l’ancienne rue d’Espagne1, dite aussi la rue de l’Écu-de-Verre (voyez ce dernier nom). Il pourrait provenir néanmoins

comme on l’a cru communément, de prisonniers espagnols qui auraient été détenus dans les bâtiments dont nous allons parler.

La rue des Espagnols fut appelée en 1794 rue du Père-Duchesne, et reprit sa dénomination précédente en 1795, époque où on lui réunit une ancienne rue du Lion et une autre rue nommée Mont-Cornet.

Dans la rue des Espagnols, est un bâtiment considérable appelé la tour aux Normands, du nom d’une ancienne tour qui faisait partie, ainsi que ce bâtiment, des fortifications de la ville. On y établit, en 1607, une tuerie pour les menus animaux de boucherie. Il renferme aujourd’hui, outre les archives de l’école de Pharmacie, la salle de réunion de la Société des pharmaciens et un dispensaire pour la surveillance médicale des femmes de mauvaise vie.

Il y avait, à la suite de ce bâtiment, une ancienne prison civile appelée les Galiots, probablement parce qu’elle remplaça les galères de la chiourme qui stationnaient dans le port de Rouen au 16e siècle1. C’était une tour carrée, appelée aussi la tour d’Aubette ou la tour à Yart, nom sous lequel elle était encore désignée dans les derniers temps par les habitants du quartier, parce que, au 17e siècle, un gardien portant ce nom y avait résidé2. Commencée en 1394, elle fut achevée en 1405 et a été récemment démolie pour l’établissement d’une usine. Cette même tour avait reçu successivement les dénominations de tour aux Folles, de tour Gobelin, des Galiots ou de tournelle des Galériens3.

L’ancienne tour aux Normands, appelée aussi la tour des Insensés, parce que avant le 18e siècle on y avait logé des aliénés, et la tour des Libertins, parce qu’elle fut affectée également au logement des libertins et des vagabonds, devenue maison de force pendant la révolution, fut démolie vers 1826.

On voit encore, à l’entrée de la rue des Espagnols, près de la porte Guillaume-Lion, sur la façade de derrière d’une maison contiguë, la figure sculptée d’un lion colossal qui était placée

précédemment sur une tourelle contenant l’escalier de la tour Guillaume-Lion, nommée aussi la tour du Kay-Lion, laquelle, construite à la fin du 14e siècle, avait fait partie des fortifications dont les vestiges ont disparu en 1843. Ce lion, majestueusement assis, la queue roulée autour du corps et regardant en pitié la rage impuissante d’un roquet qui s’élance contre lui, était, dit M. Ch. Richard, l’expression poétique et vraie de la force de cette tour imprenable1.

À l’extrémité de la rue des Espagnols et à l’entrée de celle du Rempart-Martinville, est un pont de pierre qui était autrefois garni d’une herse destinée à fermer l’entrée de la ville par la rivière d’Aubette2. Là aussi était l’ancien hôtel du Tot, qui a été entièrement démoli en 1835 ou 1836 pour le percement de la rue Neuve-Saint-Marc. Dans la cour, était un colombier qui a porté le nom de grosse tour du Tot, et qui depuis longtemps déjà était lié à des constructions modernes. (Voy. rue de la Grosse-Bouteille.)

Le bâtiment qui a conservé le nom de la tour aux Normands renferme encore des cellules ou cachots, dont les fermetures massives et bardées de fer témoignent des précautions que l’on prenait pour y tenir renfermés les prisonniers, qui n’avaient pour respirer l’air qu’une étroite allée régnant le long de ces cachots, et close sur la rivière d’Aubette de murs percés de meurtrières. La portion de ce bâtiment la plus rapprochée de la porte Guillaume-Lion renfermait une chapelle qui est actuellement convertie en magasin.

Estal-aux-Chevaux (rue et place de l’).

On ne saurait préciser le lieu où était située la place nommée l’Estal-aux-Chevaux3, nom provenant peut-être d’un dépôt de chevaux du roi4, qui avait dû exister dans le quartier que cou-

vrent actuellement en partie les constructions de la caserne Napoléon III et qui s’étend jusqu’aux abords de L’Hospice-général. Il est supposable que cet Estal-aux-Chevaux était dans le voisinage des propriétés de l’aumônier de Sainte-Catherine, qu’avaient possédées antérieurement les religieuses de Fontaine-Guerard et où fut établi au 17e siècle le Noviciat des Jésuites. (Voy. rue du Fer-à-Cheval et rue des Marquets.) On trouve, en effet, dans un registre du tabellionage1 la mention d’une maison faisant le coin de l’estal aux chevaulx, paroisse Saint-Vivien, bornée d’un côté et d’un bout le chemin du roi, d’autre côté des religieuses de Fontaine-Guerard.

D’autres actes du 15e et du 16e siècle concernent des héritages situés en la rue de l’Estal-aux-Chevaux, autrement dite la rue aux Telliers2 (1536, 1553), qui conduisait de la place de l’Estal à la rue Bougerue appelée aussi la Fontaine-Saint-Ouen3. On y trouve également la mention d’un hôtel aux Chevaux borné d’un côté la rue Bougerue et d’un bout la rue nommée l’Estal-aux-Chevaux (1476) ; d’une rue des Pepins4 tenant à la rue de l’Estal-aux-Chevaulx (1517) ; d’un droit d’aller en un ruissel étant derrière l’Estal-aux-Chevaux (1480) ; enfin, d’une maison sise en la rue aux Telliers et anciennement la rue aux Chevaux, bornée d’un côté et d’un bout le chemin du roi et d’autre bout la ruelle du Petit-Kay par où l’on va au petit Ruissel5, ruisseau qui ne devait être autre que celui de la fontaine Saint-Ouen que l’on désigne quelquefois sous le nom de ruisseau des Baillettes (voy. rue Mollien).

On trouve aussi, dans les registres du tabellionage de 1472 à 1499, la mention d’une rue de Grenetelle ou de la Genestelle, appelée plus tard rue de la Geneste, laquelle probablement

n’existe plus, et dont la dénomination avait quelque rapport avec le nom de la rue de l’Estal.

Ce quartier a subi, au reste, à différentes époques, beaucoup de changements, surtout lors de la conversion du Noviciat des Jésuites en maison de détention ; ces changements ont eu pour effet de faire disparaître différentes ruelles dont on voit encore les traces, et qui disparaîtront à leur tour dans les travaux d’assainissement dont on poursuit l’exécution.

Estrade (rue de l’).

C’était le nom d’une rue qui fut réunie en 1795 à la rue Nationale. Dans un acte de tabellionage du 9 décembre 1421, elle est appelée la rue descendant de la fontaine des Cordeliers à la Seine.

La porte qui était au bas de cette rue, et qui fut démolie en 1791, était appelée porte de l’Estrade, de la Bourse ou des Consuls, à cause de sa proximité de la bourse des marchands ou du bâtiment des Consuls, titre que l’on donnait, avant 1790, aux juges des affaires commerciales, qui étaient présidés par un prieur. (Voy. aux mots Bourse, Consuls.) — On la nommait aussi la porte des Cordeliers, à cause du voisinage de ce monastère.

Farin1 a écrit Estarde, en ajoutant que l’Estarde de Londres signifie bourse. D’autres auteurs ont écrit Extrade ; le plan de 1655 porte Extraite.

Les Templiers, qui vinrent à Rouen en 1160, avaient leur résidence dans la rue de l’Estrade, à l’endroit où fut ensuite l’hôtel de la Barde royale2. Leur maison était en face de la salle des Marchands, nommée depuis le palais des Consuls. T. Duplessis dit qu’ils occupèrent aussi toute la place sur laquelle ce palais fut construit, et que c’est pour cette raison que la rue de la Bourse fut appelée pendant longtemps la rue du Temple, nom que l’on donnait à leur église, qui était en face de la rue des Cordeliers. — L’ordre des Templiers fut aboli en 1311 par le roi Philippe-le-Bel.

En 1794, la rue de l’Estrade reçut le nom de rue de Voltaire.

depuis le port jusqu’à la rue aux Ours, puis celui de rue Nationale, qui lui est resté.

Étancourt (passage d’). = Rue de la Grosse-Horloge, rue aux Ours. — 9e section, 1er canton, la Cathédrale. — Quartier S.-O.

Ce passage est une propriété particulière qui porte le nom de M. Pain d’Étancourt, issu d’une ancienne famille de négociants de Rouen. M. De la Quérière en a donné la description et a fait mention des statues qui ornent la cour de ce passage1.

Il fut question en 1857, au moment où l’on reconstruisait une façade qui donne sur la rue de la Grosse-Horloge, de prolonger la rue Thouret jusqu’à la rue aux Ours, en traversant ce passage. Cet immeuble a été mis en vente en 1862, et rien n’annonce qu’on ait songé à donner suite à ce projet.

Dans un acte du 24 juillet 1471, on trouve l’indication d’un hôtel et tennement de la Morissière, dans les paroisses de Notre-Dame-de-la-Ronde et de Saint-Pierre-du-Châtel ; c’est probablement un ancien nom de ce passage.

Étoupée (rue). = Rue des Bons-Enfants, rue Saint-Patrice. — 18e section, 2e canton, Saint-Patrice. — Quartier N.-O.

L’auteur du Dictionnaire indicateur dit que cette rue a dû, ainsi que la porte à laquelle elle communiquait anciennement, porter le nom de rue et de porte d’Arras. On la trouve aussi désignée, dès le 13e siècle, sous le nom de rue Étoupée2, nom qui lui fut donné alors, parce que la fausse porte de la ville qui se trouvait au haut de la rue et allait rendre à la rue Saint-Maur, avait été fermée ou bouchée. Cette expression « étouper » est encore fréquemment employée en Basse-Normandie, pour dire fermer, clore ; de même que le mot étoupe signifie clôture.

Beaucoup d’autres actes du tabellionage font mention de la rue Étoupée. On trouve néanmoins, à la date du 6 novembre 1553, l’indication d’une maison assise en la rue près de la porte d’Arras, touchant les murs de la ville, ce qui indique que la rue

était connue à ces diverses époques sous les deux dénominations.

La porte dont il est question fut fermée définitivement en 1527 ; toutefois, une délibération de la même date décida qu’elle serait donnée à fieffe, et qu’elle seroit ouverte pour passer et repasser quand il en sera mestier ; c’est ce que rapporte Farin, en ajoutant que la populace mal instruite disant souvent que cette porte avoit été étoupée mal à propos, a donné le même nom à la rue. Cette assertion de l’auteur de l’Histoire de la ville de Rouen n’est pas en rapport avec ce que nous disons plus haut, au sujet de l’origine du nom donné à cette rue, au 13e siècle.

Il y avait, avant 1792, dans la rue Étoupée, une communauté religieuse dite des Nouvelles-Catholiques, qui avait été fondée en 1675, dans le but de retirer chez elles les personnes de leur sexe engagées dans l’hérésie. Leur chapelle, dédiée en 1724 sous l’invocation de Jésus dans le Temple au milieu des docteurs, fut vendue, ainsi que les dépendances de l’établissement, en 1792, et fut démolie en 1824.

On remarque, dans cette rue, une petite maison en pierre à deux étages, dite la cité de Jérusalem, et portant la date de 1580. On y voit un bas-relief représentant la vue d’une ville où arrivent deux voyageurs. Nous renvoyons à la description qu’en fait M. De la Quérière1 et à la légende publiée à ce sujet dans la Revue de Rouen, de 1847. Il y avait aussi, dans la même rue, une maison dite de la Poterne, et dont parle un acte du 15 mars 1611 : sur cette maison, qui était la demeure d’un tavernier, était figurée une poterne avec la date de 1585.

Dans la même rue, près de celle de Saint-Patrice, on voit aussi des armoiries que l’on dit être celles des familles Toustain et de Croixmare. À cette occasion on proposa, dit-on, de donner à la rue Étoupée le nom de Toustain-de-Croixmare. La dénomination de rue Étoupée rappelant un souvenir historique, nous semble devoir être conservée, sauf à rendre à la rue de l’Amitié le nom de Croixmare, qu’elle a porté longtemps.

La rue Étoupée est actuellement traversée par celle de l’Hôtel-de-Ville. Dans sa partie supérieure, à droite en montant, on voit encore une courte impasse formée par l’extrémité de l’ancienne rue du Petit-Musc, dont le nom est encore incrusté dans le mur de la maison qui en fait l’encoignure.

— Taillepied fait mention d’une autre rue Étoupée, située dans le quartier Martinville ; nous pensons que ce pourrait être la rue Tuvache. Un acte de tabellionage du 22 avril 1474, parle d’une petite ruelle étoupée par un bout, près de la rue des Crottes.

Étroite (rue). = Rue des Sapins, rue Longue. — 4e section, 5e canton, Saint-Hilaire. — Faubourg Saint-Hilaire.

Cette rue, percée depuis le commencement du 19e siècle, a pris son nom de sa forme et par opposition à la rue Longue, à laquelle elle aboutit, mais, à coup sûr, des désignations de ce genre ne devraient pas être conservées : cette rue Étroite, qui a actuellement à peu près six mètres de largeur, mériterait une autre dénomination. On devrait lui donner celle de rue du Franc-Aleu, du nom d’un hameau voisin.

Étuves.

On donnait ce nom, au moyen-âge, à des établissements de bains. Le privilége de tenir des bains-étuves était accordé aux barbiers, qui prenaient le titre de barbiers-perruquiers-baigneurs-étuvistes, sans préjudice du droit que les chirurgiens avaient eux-mêmes de faire le poil, les cheveux, et de tenir bains et étuves pour leurs malades seulement1.

Les barbiers avaient de plus le droit de saigner et de purger. Ils étaient régis par des statuts résultant d’une ordonnance de 1407, qui furent confirmés ou modifiés à plusieurs époques jusqu’en 1719, où parurent les nouveaux statuts qui sont conservés à la Bibliothèque publique.

Postérieurement à ces statuts, le nombre des charges de barbiers, qui, avant 1658, ne s’élevait qu’à sept, et avait été plusieurs fois augmenté et diminué, fut accru en 1722 et en 1725. Ces charges étaient d’abord héréditaires ; mais en 1736 l’hérédité fut supprimée ; les possesseurs avaient toutefois la jouissance de la charge jusqu’à leur mort, ou la liberté de s’en faire rembourser le prix, qui en 1770 était encore de 3,500 livres.

Les barbiers-étuvistes étaient soumis depuis 1407 à l’inspection du premier chirurgien du roi. En 1461, Louis XI établit

son valet de chambre premier barbier et inspecteur général de la barberie du royaume.

Les barbiers-étuvistes devaient suspendre pour enseignes des bassins blancs ; les bassins jaunes étaient réservés aux chirurgiens. Leur boutique devait être peinte en bleu, avec châssis de verre, et porter cette inscription : Barbier-perruquier-baigneur-étuviste : Céans on fait le poil proprement, et on tient bains et étuves1.

Comme on le voit, les barbiers-étuvistes jouissaient de belles prérogatives, et leurs établissements occupaient, outre leurs boutiques, des emplacements assez étendus, dont quelques-uns donnèrent leur nom aux rues dans lesquelles ils étaient situés.

Voici quels étaient les établissements de ce genre au 15e siècle.

Les Étuves du Grédil2, ou de la « Neufve-Rue3 », appelées aussi les Étuves de Dinanderie4. Elles occupaient l’emplacement limité par les rues Dinanderie, du Petit-Musc, Étoupée et du Petit-Gril, qui portait aussi le nom de ruelle des Étuves5 ou des Étuves-du-Grédil. Là se trouvait l’hôtel du Petit-Muche, dont il est fait mention dans un acte du 28 novembre 1509, où pendait pour enseigne la Cornière, et où fut établi plus tard un jeu de paume qui devint ensuite la salle Dinanderie. (Voy. ce nom.)

Les Étuves de la rue de la Prison6, ou du Lion-d’argent, nom provenant d’une enseigne, comme le constatent des actes de 1489 et de 1492, concernant un hôtel, jardin et étuves assis en la rue de la Prison, à l’enseigne du Lion-d’argent.

Les Étuves de la paroisse Saint-Michel, ou du Petit-Puits, dans cette dernière rue, appelée aussi rue des Étuves et rue Ancelin ou Lancelin. Des actes de 1478 et de 1482 font mention de maisons en la rue Écuyère, bornées d’un côté et d’un bout les Étuves du Petit-Puits.

Les Étuves du Mouton, dans la rue de la Renelle et celle des Hermites, citées dans des actes de 1477, 1485 et 1487. On lit dans ce dernier acte, du 28 mars, maison bornée d’un bout par derrière la rue passant devant les Étuves du Mouton, tendant vers le chastel, d’un bout par devant la rue de dessus l’eau de Renelle. Cet établissement s’étendait jusqu’à la petite place dite des Trois-Images, appelée aussi le carrefour Rainier1. — Les Étuves du Mouton semblent avoir été établies d’abord dans la rue qui en a conservé le nom de rue du Petit-Mouton. L’enseigne du Mouton aura peut-être été transférée ensuite dans la rue des Hermites, où nous la trouvons à la fin du 15e siècle2.

Les Étuves de Gournetz ou de la Seille, dans la rue de ce nom. On les appelait aussi les Étuves d’Allemagne3. Un acte du 20 mai 1423 fait mention d’une maison tenant d’un côté aux Étuves de la Seille, bornée d’un bout par devant au pavement de la rue nommée la rue de l’Éperon4, que l’on dit la rue des Étuves-de-Gournetz. Un autre acte du 30 juin 1491 parle d’un héritage borné par la rue Pinchedos, par les étuves de la Seille et par les religieux de Saint-Ouen.

Les Étuves de Rouvray, dites aussi les Étuves des Ponchons (ou des Penteurs), sur le Ruissel, entre la rue de ce nom et celle des Ravisés qui portait alors les noms de rue de Rouvray et de rue des Étuves-de-Rouvray5. Elles étaient limitées par la rue du Chaudron, nommée aussi la rue du Sac, et par la petite rue des Marettes ou du Matré. Dans un acte de 1492 on les appelle les Étuves de Saint-Maclou, en la rue du Petit-Ruissel.

Les Étuves de la Planquette, dites aussi les Étuves de Saint-Maclou, sises entre la rue de la Planquette (appelée ainsi à cause d’un pont en bois jeté sur Robec) et un camp (champ) de Notre-Dame-de-Rouen1. Elles appartenaient aux religieux de Saint-Ouen ; elles étaient limitées par le pavement de la rue Damiette, par l’Eau-de-Robec, derrière le moulin de Saint-Ouen (dans la rue du Père-Adam) et par une ruelle jouxte Raoul Langlois.

Il y avait enfin des Étuves à femmes. Un acte du 3 janvier 1481 fait mention d’une maison où pend l’enseigne de la Croix-de-Dieu, bornée d’un bout l’hôtel des Étuves à femmes, d’autre côté la rue de l’Aumône et d’un bout la rue qui mène de Saint-Ouen à Saint-Amand. Un autre acte de 1498 parle d’une ruelle aux Étuves aux femmes.

Nous trouvons encore, à la date du 17 mars 1522, les Étuves de la Croix-de-Pardon (probablement rue de la Croix-Verte), bornant la grande maison des enfants Dubosc.

Un acte du 17 mars 1527 cite aussi une vide place où étaient les élèves des Moulins ; ladite baignerie bornée d’un côté le presbytère de Saint-Denis et d’un bout l’Eau-de-Robec.

Fardeau (rue du). = Rue Grand-Pont, rue Nationale. — 9e section, 1er canton, la Cathédrale. — Quartier S.-O.

Il se trouvait dans cette rue, près de la rue Grand-Pont, un hôtel du Fardel, où pendait une enseigne consistant en un cheval de plomb en relief pesamment chargé2 ; c’est de là sans doute que la rue a pris son nom. Raulin Gaultier, célèbre imprimeur du 16e siècle, demeurait près de l’enseigne du Fardel3.

La rue du Fardeau portait au 15e siècle la rue de Barbastre. Des actes de tabellionage mentionnent des héritages bornés d’un bout par la rue Barbastre et d’autre bout par la rue aux Tonneliers. Un autre acte concerne une maison tenant à l’hôtel du Barbet, aboutant à la rue aux Ours et à la rue Barbastre. Un autre enfin cite la rue Barbastre, au coin de la rue Cabot.

Un acte de 1433 parle d’une rue du Fardel dans laquelle descendait la rue de Balbastre, ce qui pourrait faire supposer que la rue était divisée en deux parties ; mais un autre acte du 28 septembre 1498 cite la rue du Fardel, anciennement nommée la rue de Barbastre. Néanmoins, on trouve ce dernier nom complétement défiguré dans un contrat de 1724 qui fait mention de la rue Barbotière, vers l’église de Saint-Pierre. Il se pourrait que le nom de rue Barbastre (écrit Barbotière en 1724) ait été conservé à la partie de la rue du Fardeau qui, avant l’ouverture de la rue Nationale, se prolongeait jusque derrière l’église de Saint-Pierre-du-Châtel, et venait aboutir en serpentant à la rue aux Ours, par une petite fraction qu’on voit encore à la gauche de la rue Nationale, et qui a été plusieurs fois indiquée, notamment sur un plan de 1784, sous le nom de rue Saint-Pierre-du-Châtel.

Quant à l’origine du mot Barbastre, nous ne savons si on la trouverait dans son nom latin : in vico Waltariorum1, ou dans le vieux mot « Barbistral », qui signifie barbier. — Un acte du 4 octobre 1423 parle d’une autre rue de Barbastre dans la paroisse Saint-Denis ; ce pourrait être un ancien nom de la rue des Barbiers.

— En 1509 il se tenait, depuis une trentaine d’années, dans la rue du Fardeau, des montres ou ventes de chevaux. Sur la réclamation de l’un des habitants, conseiller au Parlement, qui trouvait fort incommode que cette rue fût continuellement encombrée de chevaux qu’on faisait courir pour les vendre, la cour du Parlement arrêta que ces opérations ne pourraient avoir lieu qu’à la Rougemare ou hors de la ville2.

Farin (rue). = Rue d’Anvers, petite rue Saint-Maur. — 12e section, 5e canton, Saint-Romain. — Faubourg Bouvreuil.

Cette petite rue, nouvellement ouverte, a reçu en août 1867 le nom de l’historien de la ville de Rouen. Il semble qu’il eût été

plus à propos de donner le nom de Farin à la petite rue Saint-Maur, qui est actuellement une longue et large voie, qu’à la rue insignifiante qui le porte aujourd’hui, et à laquelle on aurait pu donner une autre dénomination, telle que celle de rue de la Chapelle-Saint-Maur ou du Clos-de-la-Carte, qui était un ancien nom de ce quartier.

Faubourg (rue du).

On appelait ainsi la partie de la rue Bouvreuil qui était au delà de l’ancienne porte1. — (Voy. aux mots Bouvreuil, Martinville, Saint-Hilaire ; voy. aussi rue du Champ-des-Oiseaux et route de Darnétal.)

Faucon (rue). = Rue du Bailliage, rue Morant. — 8e section, 2e canton, Saint-Godard. — Quartier N.-O.

Cette rue, percée en 1610, porte le nom de M. Faucon de Ris, premier président au Parlement de Normandie, qui avait acheté en 1590 une portion de la place du Vieux-Château donnant sur la rue Morant, alors appelée rue de Mathan, du nom de l’acquéreur de la totalité de cet emplacement.

On la trouve inscrite, dans les plans de 1655 et de 1724, sous le nom de rue d’Hocqueville, à cause d’un hôtel ainsi appelé, qui y était situé.

On communique de la rue Faucon à celle du Bailliage par les degrés qui ont été construits lors de l’ouverture de la rue, l’emplacement de l’ancien château étant trop élevé et la rue Faucon trop courte pour la faire arriver en pente douce jusqu’au Bailliage, ce que, d’ailleurs, l’existence de quelque souterrain a pu empêcher2. Sous cet escalier était placée, au 17e siècle, la Morgue, pour le dépôt des cadavres non reconnus3.

On donna, en 1794, à la rue Faucon le nom de rue de Calais, elle reprit en 1795 sa dénomination actuelle.

— Une cour Faucon, qui était située dans la rue Martinville, est mentionnée dans les Affiches de Normandie de 1767.

Ce nom provient d’une enseigne représentant deux faulx, enseigne qui existait encore dans le siècle dernier. L’auteur de l’Histoire de Rouen, en parlant de la translation des PP. de l’Oratoire à l’hôpital du Roi (voy. rue de l’Hôpital), dit qu’ils avaient occupé une maison auprès des Faulx1.

Dans cette rue était située la fausse porte de Saint-Ouen2, à un carrefour formé par les rues de l’Épée, des Faulx et de Saint-Vivien. Elle existait au 13e siècle, et fut démolie en 1539. De là venait le nom de rue de la Porte-Saint-Ouen3, donné quelquefois à la rue des Faulx, qui, dans le plan de 1655, est confondue avec la rue Saint-Vivien. (Voy. ce nom.)

Un acte du 4 février 1422 concerne un héritage borné d’un bout la rivière de Robec, et d’autre bout le pavé de la porte Saint-Ouen. Dans un autre acte de 1456, il est fait mention d’une maison faisant le coin de la rue de l’Arquet, en la rue qui vient de la porte Saint-Ouen à la boucherie dudit Saint-Ouen.

On trouve, dans les Archives municipales, l’indication de la maison des Lépreux, située près de la porte Saint-Ouen4, et transférée depuis au Mont-aux-Malades, ainsi que d’une autre maison près de laquelle on déposait la terre à foulon que les bourgeois de Rouen avaient été autorisés, par le roi Louis VIII, à prendre dans les forêts royales, et notamment dans celle de Roumare. Cette maison est appelée la Terrière aux foulons, dans un acte de 1420.

Toute la partie nord de la rue des Faulx a été supprimée, il y a quelques années, pour l’agrandissement et l’isolement du jardin de l’hôtel-de-ville. On a démoli, en 1869, une fontaine de médiocre apparence, qui était placée en face de la rue des Boucheries-Saint-Ouen et près du lieu qu’avait occupé l’ancienne église paroissiale de Sainte-Croix-Saint-Ouen, et qui est actuellement réuni au Jardin public. Cette fontaine avait remplacé, au commencement du 18e siècle, une pyramide de style gothique semblable à celle de la Croix-de-Pierre, et qui avait commencé à prendre son cours en 1500.

Un nouvel alignement a été donné, en 1867, à la partie sud de la rue des Faulx ; les propriétaires ont été invités à acquérir le terrain disponible devant leurs maisons, faute de quoi l’administration se serait réservé la faculté de vendre pour bâtir les parcelles restées libres. Plusieurs de ces propriétaires ont répondu à l’appel qui leur a été fait, et l’on verra bientôt, sans doute, des constructions s’élever sur le nouvel alignement.

Fer-à-Cheval (rue du).

D’après les plans de 1655 et de 1724, les anciennes rues du Gril, du Fer-à-Cheval et des Marquets, dont se compose actuellement la rue Ambroise-Fleury, ne formaient alors, depuis l’Eau-de-Robec jusqu’à la rue Martinville, qu’une seule rue désignée sous les noms de rue du Grédil ou du Gril. Dans d’autres plans, on donnait le nom de rue du Fer-à-Cheval à la partie intermédiaire située entre la rue du Gril proprement dite, partant de l’Eau-de-Robec, et la rue des Marquets qui aboutissait à la rue Martinville.

Cette rue du Fer-à-Cheval a porté, au 15e siècle, le nom de rue aux Certains ou aux Chartains. Elle est citée dans les comptes de 1488 sous cette dénomination. Un acte de tabellionage du 14 octobre 1491 mentionne la rue aux Certains, à présent nommée la rue du Fer-à-Cheval. Un autre acte du 15 février 1478 concernait l’hôtel de la Croix-blanche en la rue du Fer-à-Cheval, avec droit d’isser en la rue aux Chartains. Nous ne savons si ce nom a pour origine la désignation de « Cisterciennes » que l’on donnait aux religieuses de Fontaine-Guerard, appartenant à l’ordre de Cîteaux, lesquelles, ainsi que l’indique un acte de tabellionage1, avaient dû résider dans le voisinage du lieu appelé alors l’Estal aux chevaux (Voy. ce nom), emplacement devenu par la suite le fief de l’aumônerie de l’abbaye du mont Sainte-Catherine, et dans les dépendances duquel fut institué, en 1605, le Noviciat des Jésuites. Il paraît certain, au reste, qu’avant l’établissement de ce noviciat il y avait eu, dans cet emplacement, un autre institut religieux, comme l’indique la mention d’une rue des Novices ou du Noviciat, qu’on trouve dans un acte du 6 août 1482. Cette rue du Noviciat existait encore en 1781, auprès de la rue du Paradis ; elle fut remplacée, plus tard, par la

rue de la Ronde. Quant au nom de la rue du Fer-à-Cheval, il peut provenir d’une enseigne motivée par la proximité de l’Estal aux chevaux, dont nous avons parlé, ou encore de la forme sous laquelle sont figurés, dans les plans de 1655 et de 1724, les vastes bâtiments occupés aujourd’hui en partie par la caserne Napoléon III, dont il est question ci-après.

La communauté des Chartreux ayant été obligée de quitter, en 1597, l’abbaye de Sainte-Catherine, les propriétés de l’aumônier furent occupées, en 1605, par le Noviciat des Jésuites. L’église fut bâtie en 1622, sous le nom de la Sainte-Trinité. Par un arrêt du 2 mars 1621, le Parlement permit aux Jésuites de fermer une rue qui les incommodait, et dont le nom est resté inconnu.

Les Jésuites furent supprimés en 1762 ; leur maison ayant été donnée aux administrateurs du Collége royal, ceux-ci la cédèrent à M. de Crosne pour y établir un Dépôt de mendicité, en exécution d’une déclaration du roi, du 3 août de la même année ; puis, comme elle se trouvait insuffisante, on y suppléa par des acquisitions particulières, et on y fit, à diverses époques, notamment en 1770, 1772 et 1774, des agrandissements considérables, afin de mettre l’établissement en état de contenir six cents individus. En mai et juin 1772, on y réunit les dépôts de Caudebec et d’Évreux, qui avaient été provisoirement organisés en 1766. Le Dépôt de mendicité fut supprimé en avril 1776, puis rétabli dans la même année sous le titre de Maison de détention ou de Bicêtre ; cette maison a été transférée, en 1860, dans de vastes bâtiments construits à cet effet dans le faubourg Saint-Sever, au hameau de la Motte. Une partie de l’ancienne maison de détention a été utilisée pour la création de la caserne Napoléon III, qui a l’une de ses entrées sur la rue actuellement nommée Ambroise-Fleury, en face de la place Napoléon III, laquelle a été ouverte sur l’emplacement occupé précédemment par une partie de la rue du Fer-à-Cheval et par la petite rue des Arpenteurs.

Ferme (rue de la). = Rue Lafayette, les prairies de Grammont. — 11e section, 6e canton, Saint-Sever. — Faubourg Saint-Sever.

Nom donné, par un propriétaire, à une rue ouverte depuis quelques années dans un quartier appelé la cité Saint-Yves, situé

dans les prairies de Grammont, derrière les dépendances de la gare du chemin de fer de l’Ouest.

Feydeau (quai).

On avait appelé ainsi, du nom de M. Feydeau de Brou, ancien intendant de la Généralité, la partie du quai de Rouen qui avoisinait le quai de la Bataille, dans la paroisse Saint-Éloi.

Suivant un procès-verbal concernant les quais, dressé en 1763, le quai Feydeau, appelé aussi le quai aux Plâtres, était situé entre celui d’Harcourt et le boulevard Cauchoise. Ce terrain avait été acquis, par la ville, de différents particuliers, comme l’indique le procès-verbal précité, pour faciliter le transport des malades de la ville au Lieu-de-Santé, et pour être planté et embelli afin de servir de promenade publique. Il était limité à l’ouest par un large fossé servant à l’écoulement des eaux qui se déchargeaient du faubourg Cauchoise dans la Seine.

Ce procès-verbal avait été dressé à l’occasion de débats qui s’étaient élevés entre la vicomté de l’Eau et la ville de Rouen, au sujet de leurs droits respectifs concernant l’usage et la police des quais. La ville prétendait que le vicomte de l’Eau, dont la compétence se bornait à la charge et décharge des bateaux et au chemin de halage, n’avait des droits que sur la partie des quais qui bordait la Seine pour le service des navires, et que le reste des terrains demeurait à sa disposition. De son côté, le vicomte de l’Eau répondait que la police des quais lui appartenait d’une manière essentielle et indivisible, et que la ville n’avait d’autres droits de juridiction que pour le recouvrement des deniers patrimoniaux ; qu’enfin toute l’étendue des quais était nécessaire à la navigation, et qu’on ne pouvait les utiliser autrement. Les enquêteurs constatèrent (leur procès-verbal ayant été fait en temps de foire), qu’ils ont trouvé les quais embarrassés par les marchandises qui y séjournaient et par les berceaux des marchands forains, ce qui formait une telle confusion qu’il paraîtrait utile de placer des bornes pour conserver en tout temps, à la voirie, la largeur convenable, ou plutôt de trouver un autre terrain pour les marchands de cidre, forains et autres ; qu’en ce qui concernait le quai Feydeau et une partie du quai d’Harcourt, qui avaient été acquis pour faire une promenade publique, il serait utile de n’y laisser déposer aucune marchandise, que ce terrain fût planté d’arbres et fermé par des barrières, en laissant le long

du canal de Seine un marchepied et un passage ouvert vis-à-vis de la voirie. Ce procès-verbal concluait, enfin, à ce qu’il fût réservé le long des autres quais un emplacement de 10 à 12 toises pour la décharge des navires, etc.

Quant à la querelle qui s’était élevée entre la ville et la vicomté de l’Eau, elle n’eut jamais de solution définitive ; elle durait encore en 1789, et les effets de la révolution purent seuls mettre fin aux débats.

Figuier (rue du). = Place Saint-Marc, rue Martinville. — 3e section, 4e canton, Saint-Maclou. — Quartier S.-E.

Le nom actuel de cette rue peut avoir eu pour origine une enseigne, comme l’indiquerait un acte de tabellionage du 25 février 1500, qui concerne une maison faisant l’un des coins de la maison du Fils-Guy, en laquelle pend pour enseigne le Figuier. Mais ce même acte fait connaître, ainsi que beaucoup d’autres de la même époque, que cette rue portait alors les divers noms de Robert-le-Fils-Guy1, de Robert-le-Fils-Guier (acte de 1421), de rue au Fils ou aux Fils-Guy2 et de rue au Fils-Guier (acte de 1466), tandis que d’autres titres du même temps lui donnaient le nom de rue du Figuier3 et même celui de O’figuier ; ce qui prouve, au reste, que les scribes qui rédigeaient les actes des notaires ou qui les transcrivaient sur les registres, ne se piquaient pas d’une grande régularité et qu’ils inscrivaient les noms comme on les leur prononçait, ou comme ils les prononçaient eux-mêmes.

L’ordonnance du 12 novembre 1832, qui approuvait les plans d’établissement de la place Saint-Marc, portait que la rue du Figuier serait redressée jusqu’à la rue du Rempart-Martinville.

Flahaut (rue). = Rue de Buffon, rue de Lecat. — 12e section, 5e canton, la Madeleine. — Faubourg Cauchoise.

Le nom de cette rue vient du propriétaire qui y fit bâtir les premières maisons, vers la fin du siècle dernier.

Flandre (impasse de). = Rue de Joyeuse et rue des Deux-Anges. — 2e section, 2e canton ; Saint-Nicaise pour les nos pairs ; Saint-Ouen pour les nos impairs. — Quartier N.-E.

Cette impasse, indiquée comme rue dans une déclaration de Saint-Ouen du 14e siècle et dans des actes de tabellionage de la même époque, a probablement pris son nom d’un chemin qui se dirigeait vers la Flandre1. Dans son voisinage était le lieu appelé le camp du Régent. — On lui donnait quelquefois le nom de rue des Mathurins, à cause d’un couvent dont l’église était placée à l’angle de cette impasse. (Voy. rue de Joyeuse.)

Un acte de tabellionage du 17 janvier 1419 fait mention d’une rue des Fraudies, en la paroisse de Saint-Nicaise, près de la rue Tirelinceul. Ce doit être un nom défiguré de la rue de Flandre.

On avait projeté en 1829 de prolonger l’impasse de Flandre jusqu’au boulevard, comme on l’a fait depuis pour plusieurs rues voisines. Ce projet paraît avoir été abandonné.

Flaubert (rue). = Rue du Contrat-Social, rue du Renard. — 12e section, 5e canton, la Madeleine. — Faubourg Cauchoise.

C’est l’ancienne rue des Grosses-Pierres2, à laquelle on a donné en 1867 le nom de l’ancien chirurgien en chef de l’Hôtel-Dieu, Achille-Cléophas Flaubert, né en 1784, mort en 1846. Le nom primitif de cette rue venait de grosses pierres qui soutenaient les terres et formaient des espèces de degrés.

Fleur-de-Lys (rue de la).

Une rue de ce nom est indiquée dans un acte de tabellionage du 26 décembre 1476, en la paroisse de Saint-Maclou et dans le voisinage de la rue Eau-de-Robec. Il y avait près de la rue du Barbel un hôtel ayant pour enseigne la Fleur-de-Lys. Un autre acte du 12 décembre 1482 fait mention de la Fleur-de-Lys au pont de Robec, bornée d’un côté la rue du Sac venant au pont de Robec.

Fleuriguet (rue). = Rue Saint-Vivien, rues de l’Amitié et Pomme-d’Or. — 2e section ; 4e canton pour les nos pairs, 2e canton pour les nos impairs ; Saint-Vivien. — Quartier N.-E.

Le nom de cette rue est inscrit dans divers actes de tabellionage de 1463, 1474 et 1480. Son origine nous est inconnue, à moins qu’on ne la trouve dans le vieux mot « fleurie1 » qui signifie confrérie, d’où serait venu Fleuriguet, confrérie du guet2. On lit dans un autre acte de 1461 Fleurguet, et en 1625 Fleuriget.

Suivant d’autres titres de 1478 et de 1487, la rue Fleuriguet s’est trouvée confondue avec la rue Pomme-d’Or depuis la rue Saint-Vivien jusqu’à la rue Orbe, sous le nom de rue Touzée, qui est également cité dans des actes de 1420 et de 1422. En 1529 et en 1547 on trouve la mention de la rue Touzée ou de la Pomme-d’Or. En 1551 se retrouve le nom de la rue Fleuriguet, à présent dite rue de la Pomme-d’Or. Enfin les deux rues sont encore inscrites dans les plans de 1655 et de 1724, sous la dénomination de rue de Fleurigant. Ce n’est que plus tard que le nom de Fleuriguet a été restitué à la rue tendant de la rue Saint-Vivien à l’ancienne rue de Croixmare (rue de l’Amitié), et celui de Pomme-d’Or à la portion de la rue qui conduit à la rue Orbe.

1860 pour dégager le côté nord de l’église Saint-Vincent, a été achevée en 1867. Elle a reçu le nom d’un général né à Rouen dans la rue des Arpents en 1794, mort à Paris en 1848, des suites d’une blessure reçue dans une émeute.

Fleury (passage). = Rue de la Pucelle, rue Gessard. — 11e section, 6e canton, Saint-Clément. — Faubourg Saint-Sever.

C’est le nom du propriétaire sur le terrain duquel ce passage est situé.

Florence (rue de). = Rue de Crosne, rue Cauchoise. — 10e section, 1er canton, la Madeleine. — Quartier S.-O.

Cette rue occupe une partie de l’emplacement où l’on avait commencé en 1757 la construction d’un nouvel hôtel-de-ville.

En 1596, le cardinal de Florence, légat, accompagné de plusieurs autres grands personnages, étant venu à Rouen, alla droit à son logis, préparé en la maison d’un sieur Desenamy, marchand au Marché-aux-Veaux. C’était l’hôtel du Bourgtheroulde, où avait précédemment logé l’ambassadeur de la reine d’Angleterre. Nous ne savons à quelle époque fut ouverte la rue de Florence, mais on pourrait supposer qu’elle reçut son nom en mémoire du passage du cardinal dont nous venons de parler.

Foires et marchés.

L’origine des foires date de 630 à 635. Dagobert Ier créa, pour les marchands, des lieux de franchise où ils s’assemblaient, pour vendre, pendant un temps fixé, les objets de leur commerce sans avoir à payer des droits qui en augmentaient le prix1. Les foires avaient, au moyen-âge, une importance qu’elles n’ont pu conserver dans les temps modernes2.

Voici, par ordre de date, l’indication des foires qui se tiennent à Rouen, sur les boulevards3, et qui s’étendent, suivant leur importance, depuis la place Cauchoise jusqu’au Boulingrin. Avant la fin du 18e siècle, ces foires se tenaient sur le port ; elles furent ensuite transférées sur le boulevard Cauchoise. (Voy. à l’article quai Feydeau.)

La foire de la Chandeleur, qui ouvre le 20 février et dure quinze jours, fut instituée par saint Louis en 1269, en l’honneur de la fête de la Purification de la Vierge, et confirmée par Louis XI en 1477. En vertu de lettres de Louis XII, données à Blois le 12 janvier 1512, cette foire peut être remise et différée, quand la rivière de Seine est glacée.

La foire de l’Ascension, qui ne dure qu’un jour, est affectée spécialement à la vente des chevaux. Elle se tient sur la place de Bonne-Nouvelle. (Voy. la rue de ce nom.)

La foire de Saint-Gervais, qui existait en 1020, époque où elle fut donnée par Richard II, duc de Normandie, aux religieux de Fécamp, a lieu le 20 juin sur la place de Saint-Gervais. En 1441, le bailli de Rouen permit à ces religieux de la tenir dans le marché de la Vieille-Tour, à cause des guerres. — Le même jour se tient, sur le boulevard Cauchoise, la foire appelée autrefois foire de la Pentecôte, qui fut établie à Rouen, en 1474, par Louis XI, et qui était fixée au mardi de la Pentecôte. Sa durée est de quinze jours.

La foire de Saint-Romain, ou du Pardon, qui est la plus importante, paraît avoir été établie avant 1080 par Guillaume-le-Conquérant1. (Voy. rue du Champ-de-Pardon.) Les priviléges de cette foire furent confirmés plusieurs fois, notamment en 1450, par le roi Charles VII qui la déclara franche de toutes aides, impositions, etc., et par Louis XI, le 12 septembre 1466 ; puis deux ans après, où le même souverain en fixa la durée à toujours. Elle ouvre le 23 octobre et dure un mois. Quelques jours avant son ouverture a lieu la vente des chevaux, qui est devenue assez importante.

Il y avait aussi, anciennement, trois foires au cidre, qui se tenaient le 1er avril, le 1er juillet et le jour de la Saint-Martin. Ces foires n’existent plus.

— À l’époque néfaste de 1793, les foires eurent à subir aussi les dérisoires transformations de noms qui furent imposées à un grand nombre de rues de la ville. La foire de Saint-Romain fut appelée la foire de la Montagne ; celle de la Chandeleur devint la foire de la République ; celle de la Pentecôte reçut le nom de foire de la Liberté, et le nom de la Fraternité fut donné à la foire de Saint-Gervais.

— Les marchés et les halles sont des lieux publics où l’on vend chaque semaine les choses nécessaires à la vie, ou spécialement un seul genre de marchandises. Nous en parlons à leur ordre alphabétique. (Voy. aux mots : Boulingrin, Emmurées, Halles, Rougemare, Verdrel, Vieille-Tour et Vieux-Marché.)

Folie (impasse de la), dans la rue des Capucins. — 2e section, 4e canton, Saint-Nicaise. — Quartier N.-E.

C’est évidemment le nom d’un propriétaire. Un nommé Jacquet de la Follye existait, en 1407, dans la paroisse Saint-Vivien1. On lit, dans un acte de tabellionage de 1477, la mention d’une portion de jardin depuis l’héritage du dit De la Folie, jusqu’au chemin du roi, joignant l’hostel et tennement de la Cage. Un autre acte de 1471 indique une propriété bornée par la rue des Champs et par messire de la Follie, prêtre.

Folie (rue de la). = Rue de la Pucelle, rue Saint-Julien. — 11e section, 6e canton, Saint-Clément. — Faubourg Saint-Sever.

Cette rue fut ouverte vers 1847. Nous ne savons à quelle circonstance est dû le nom de cette rue, qui est voisine de l’Asile des aliénés. Mais il devrait être changé, pour ne pas établir de confusion avec l’impasse de la Folie, dont il est question ci-dessus.

Fond-de-la-Jatte (rue du). = Rue des Marronniers, rue de Bellevue. — 4e section, 5e canton, Saint-Romain. — Faubourg Beauvoisine.

Cette rue, située entre la rue Jouvenet et une autre rue appelée rue Nouvelle, tire son nom de sa position dans le bas du Val-de-la-Jatte. (Voy. ce nom.)

Fontaines publiques.

La plupart des fontaines étaient originairement placées dans le voisinage des églises, la coutume étant de se laver la bouche et les mains avant d’y pénétrer2. Beaucoup d’églises ont disparu,

mais les fontaines sont restées et marquent la place qu’elles avaient occupée. Nous citerons pour exemples les fontaines de Saint-Lô, des Cordeliers, des Carmes, des Pénitents, des Jacobins, de Saint-Amand, des Augustins, etc. Plus tard, et à différentes époques, le nombre des fontaines s’est multiplié dans l’intérêt des quartiers populeux.

Il existait à Rouen, avant 1820, quarante-cinq fontaines publiques. Depuis cette époque, ce nombre s’est presque doublé1. Le mode de distribution des eaux, dont l’autorité municipale s’occupe avec la sollicitude que commande l’importance de cette branche de l’alimentation et de la salubrité, a reçu, depuis un certain nombre d’années, d’utiles perfectionnements qui ont permis de ménager l’écoulement et de prévenir la déperdition des eaux, et de les employer dans les différents quartiers, à des heures déterminées, pour l’arrosage des rues, ou pour porter des secours en cas d’incendie.

Depuis 1859, au moyen de l’addition d’un appareil à piston, l’eau ne coule plus, au plus grand nombre des fontaines, que lorsqu’on pousse un bouton qui en fait mouvoir le ressort. Des réservoirs ont été pratiqués, et des mesures ont été prises pour l’écoulement souterrain des eaux superflues, qui à certaines époques, pourraient nuire à la circulation.

Des projets mis à l’étude depuis 1860 et dont la mise à exécution paraît devoir être prochaine, ont pour but d’augmenter le volume des eaux potables et de les distribuer dans tous les quartiers de la ville et dans les maisons particulières, concurremment avec les eaux des fontaines déjà existantes2.

Nous ne pouvons donner une nomenclature et une description détaillée de toutes les fontaines de Rouen. Nous consignons, dans les articles concernant les rues et les places où elles sont situées, les renseignements que nous avons pu recueillir sur celles qui méritent une mention particulière. Telles sont par exemple, pour ne citer que les plus remarquables par leur caractère monumental, les fontaines de la Croix-de-Pierre, sur la place de ce nom ; de la Crosse, dans la rue de l’Hôpital ; de Lisieux, dans la rue de la Savonnerie ; de Massacre, dans celle de la Grosse-Horloge, etc.

Les fontaines de la ville sont alimentées par cinq sources principales, savoir : la source Gaalor, celle d’Yonville ou de Saint-Filleul, les sources de Notre-Dame ou de Saint-Amand, de Saint-Nicaise ou du Plat, et de Darnétal ou de Carville.

La source de Gaalor, dont on voit le réservoir dans la rue Pouchet, sort de terre au pied de la côte du Mont-aux-Malades. Cette source, qui au 15e siècle s’appelait la fontaine du Château, est à la fois la plus ancienne et la plus considérable de celles qui alimentent les fontaines de la ville. Elle est reçue, dit Farin, sous une voûte entaillée en la roche, qui peut avoir dix ou douze pieds de largeur et environ dix pieds de hauteur1. Là-dedans est une petite image de la Vierge, et on y voit descendre les eaux de plusieurs endroits, qui se ramassent sous cette voûte pour les porter par après dans la ville par un grand canal de pierre2.

La source de Gaalor fut conduite à Rouen en 1250, mais, si l’on en croit les anciens chroniqueurs, elle coulait longtemps auparavant, et dès la première période de l’époque gallo-romaine, près du fameux temple de Roth, et entretenait la fontaine de Saint-Lô, qui était appelée Fons meretricum. Elle passe à travers la tour du donjon du Vieux-Château3, et elle se rendait dans une cuve qui existait, il y a peu d’années encore, dans la rue Bouvreuil (voy. ce nom), et qui était connue sous la dénomination de la « Source des fontaines. » De là elle se répand dans les canaux qui entretiennent un assez grand nombre des fontaines de la ville, celles de Saint-Lô et de Massacre, de la place des Carmes, de la Crosse, des rues Cauchoise, Sainte-Croix, du Fardeau, etc. La qualité de ces eaux est bonne.

Le ruisseau qui part de cette source, dit l’auteur de la Description de la Haute-Normandie4, était appelé anciennement le Roignon, ou plutôt le Reneau, et plus communément la Renelle. Dans un titre de 1414, il est désigné ainsi : Sourcin de la fon-

taine Guallor qui passe par le chalet (châtel) de Rouen et va jusqu’à Sayne1.

Ce cours d’eau n’est que le trop-plein des fontaines, qui s’écoule actuellement sous terre et forme l’étang du jardin de Solférino. Il a été longtemps utilisé pour les nombreuses tanneries réunies, il y a peu de temps encore, dans la rue qui portait son nom et qui a entièrement disparu pour l’établissement du nouveau quartier de l’Impératrice ; il s’écoule vers la Seine par des canaux dont on reconnaît le passage, à de rares intervalles, indiqué par de larges dalles qui le recouvrent.

— On donne le nom de fontaine Saint-Filleul2 au réservoir des eaux de la source d’Yonville, qui est située dans la rue Saint-Filleul3, au pied d’une montagne appelée Pestel, proche le Mont-aux-Malades, et qui fut conduite à Rouen en 1510. L’entrée de ce réservoir, qui est bâti et voûté en pierre, était surmontée d’une petite chambre qui servit autrefois de chapelle ; elle s’ouvre sur un escalier aboutissant à une cuve, où les sources qui découlent du Mont-aux-Malades sont conduites par deux aqueducs, au fond de l’un desquels on trouve une plaque de marbre scellée dans le mur et portant, sous la date de 1768, une inscription latine dont voici la traduction :

Sous le règne de Louis XV, les canaux d’argile qui recevaient l’eau filtrante furent tout-à-coup obstrués par la vase et refusèrent à la ville de Rouen les avantages d’une source pure. Nos aïeux, à différentes époques, parvinrent avec beaucoup de peine à rétablir le cours de l’eau dans les canaux. Aujourd’hui encore, un amas de boue les encombre. Pour assurer, jusqu’à la dernière postérité, un chemin souterrain plus facile à la source, la construction d’un aqueduc de vingt toises, à partir du bas de l’escalier, a été arrêtée en conseil, etc.4

La source de Saint-Filleul, dont les eaux sont excellentes, avait été conduite de 1510 à 1515 jusqu’à la rue du Chouquet1 seulement ; elle fut dirigée vers 1518 dans la ville jusqu’à la fontaine Lisieux. Un acte du 25 mai 1521 contient une transaction entre les habitants de Rouen et les propriétaires d’un jardin où furent mis des ouvriers pour trouver une source qui porte ses eaux en quatre lieux, et pour creuser et construire le réservoir sus-indiqué. Il fut accordé à ces propriétaires une indemnité de 100 livres.

De la cuve dont nous avons parlé, les eaux se rendent dans un autre réservoir qui est au pied du bâtiment où est placée la mécanique des eaux de l’Hôtel-Dieu. On lit sur la porte de ce derier réservoir l’inscription suivante :

Hic dispensat aquas œgris sanisque salubres
Nympha latens ; lateant sic dona tua dona monet.

Il fournit d’abord à l’Hôtel-Dieu deux pouces d’eau qui lui ont été concédés ; ensuite, un tuyau de plomb conduit les eaux par la rue du Lieu-de-Santé, alimente par embranchement la fontaine de la rue de Crosne, traverse le boulevard, fournit aux fontaines de la rue de Fontenelle, va alimenter celles du Vieux-Marché et de la place de la Pucelle, puis celle de la place Henri IV, tandis que la branche principale se dirige aux fontaines des rues Saint-Vincent et des Charrettes, de la Savonnerie, etc.

— La source de Notre-Dame, ou de Saint-Amand, prenait naissance à peu de distance de l’ancienne porte Bouvreuil, dans un terrain situé derrière le Vieux-Château (voy. rue Morant), et près d’une tour que l’on appelait alors Barfol. (Voy. au mot Barfort.) Ce fond fut acheté en 1252 par les religieuses de l’abbaye de Saint-Amand, lesquelles firent des dépenses considérables pour conduire ces eaux dans leur monastère. La source passe au dessous des conduites de la fontaine Gaalor, se dirige par dessous les jardins de la rue Beffroy, et arrive par la rue du Petit-Porche à l’entrée de la rue de la Seille, où elle se divise pour alimenter, d’une part, les fontaines de la place de la Cathédrale, de la rue des Bonnetiers, etc., et, d’une autre part la fontaine de la rue Impériale, placée autrefois dans l’enclave de l’abbaye de Saint-

Amand. Le trop-plein de cette source entretenait aussi autrefois un étang qui était placé dans les dépendances de l’abbaye de Saint-Ouen, à l’angle de la rue des Murs-Saint-Ouen, en face de la rue de la Seille. Un acte du 22 octobre 1503 fait mention d’un héritage borné d’un côté les murs de Saint-Ouen, d’autre côté la rue du Petit-Pinchedos, d’un bout la rue où sont les éventaulx de la fontaine Saint-Amand, et d’autre bout les maisons de l’œuvre de Saint-Ouen.

L’eau de la fontaine Notre-Dame n’est pas d’une qualité supérieure.

— La source de Darnétal, ou de Carville, appelée aussi la source du Roule ou la fontaine Saint-Jacques1, sort de terre sous la montagne du Roule, près de Saint-Léger. Ses eaux furent conduites à Rouen en 1500 par le cardinal Georges d’Amboise, et fournissent aux fontaines de la rue Saint-Hilaire, où se trouve un réservoir placé près de l’ancien couvent des Pénitents, à celles des rues Saint-Vivien et de l’Épée, de la caserne Napoléon III, de Saint-Maclou, des Augustins, etc. L’eau de cette source est réputée la meilleure. Il fut question, en 1859, de remplacer la fontaine dite de Sainte-Croix-Saint-Ouen, actuellement détruite pour la construction d’une maison sur le nouvel alignement de la rue des Faulx, par une autre fontaine qui aurait été placée au coin de la place de l’Hôtel-de-Ville et de la rue Impériale : les habitants du quartier réclamèrent contre ce projet, à cause de la qualité des eaux, par le motif que les eaux de la source Saint-Amand étaient d’une qualité inférieure à celle de Darnétal, qui fournissait la fontaine supprimée, laquelle est suppléée aujourd’hui par une borne-fontaine dans la rue Napoléon III.

— La source de Saint-Nicaise ou du Plat, prend naissance derrière le chœur de l’église Saint-Nicaise, à peu de distance d’un puits2 que l’on voyait encore au commencement du 19e siècle dans le haut de la rue Poisson. Elle avait été achetée en 1248 par les religieux de Saint-Ouen. Elle alimente la fontaine du carrefour du Plat, au coin de la rue des Maîtresses, qui commença à couler en 1656 ; celles du jardin et de l’intérieur de

l’hôtel-de-ville. Ses eaux, dit-on, ne sont bonnes ni à boire, ni à savonner, ni à faire cuire les légumes.

— Il existait autrefois, dans le bas de la rue des Champs, sous une voûte mal assurée, une autre source appelée la fontaine Caillot, dont il est fait mention dans des actes de tabellionage de 1420 et de 1483 ; elle se trouva renfermée dans les dépendances du Séminaire de la rue Poisson. (Voy. ruelle Caillot.) Cette source, qui n’alimentait que le bassin du jardin de l’abbaye, était aussi appelée la fontaine de Saint-Ouen. Elle ne donne plus d’eau.

Fontaine-Tiercelin (impasse de la).

Cette impasse, qui était située dans le quartier Saint-Marc, portait le nom d’une ancienne fontaine ou d’un lavoir qui avait reçu lui-même le nom d’un propriétaire.

Fontenelle (rue de). = Quai du Havre, rue de l’Hôtel-de-Ville. — 10e section ; 1er canton depuis le port jusqu’à la rue des Bons-Enfants ; 2e canton pour le reste ; paroisses : la Madeleine, depuis le port jusqu’à la rue Cauchoise ; Saint-Patrice pour le reste de la rue. — Quartiers S.-O. et N.-O.

Cette rue se compose des anciennes rues des Jacobins et de Saint-Pierre-le-Portier, lesquelles furent réunies, en 1794, sous la désignation de rue du Département, parce que l’administration départementale occupait l’ancien hôtel de l’Intendance, actuellement l’hôtel de la Préfecture, qui fut construit vers 1780.

Le nom de rue de Fontenelle avait été donné, en 1794, à la rue des Bons-Enfants, à laquelle on rendit l’année suivante sa précédente dénomination. C’est alors que la rue du Département reçut le nom de rue de Fontenelle, qu’on aurait mieux fait néanmoins de conserver à la rue des Bons-Enfants, où naquit l’illustre écrivain. (Voy. rue des Bons-Enfants.)

La rue de Fontenelle, qui s’arrêtait d’abord à la rue Cauchoise, a été prolongée en 1860 jusqu’à la rue de l’Hôtel-de-Ville, nouvellement ouverte, et où elle aboutit en face de la rue de Lémery.

— L’ancienne rue des Jacobins tirait son nom des religieux dominicains, connus aussi sous les dénominations des Frères Prêcheurs ou des Jacobins, à cause de la principale maison de leur ordre, dédiée à saint Jacques, qui fut édifiée à Paris dans la rue de ce nom. Ces religieux, dont l’ordre fut institué à Toulouse en

1216 par saint Dominique de Guzman, vinrent s’établir à Rouen en 1222, d’abord dans le manoir de Saint-Mathieu, appartenant alors à l’archevêque Thibaud, au faubourg d’Émendreville (Saint-Sever), qui fut habité depuis par les dames Emmurées. De là ils furent transférés, en vertu d’une charte de 1246, au lieu qu’avaient alors les Filles-Dieu et qui leur fut accordé par saint Louis. Ils y furent installés par Eude Rigaud, le 21 décembre 1257. C’est le lieu qu’ils occupaient encore lors de leur suppression en 1792. Les Jacobins s’étaient servis, pour leurs exercices religieux, d’une ancienne chapelle de Saint-Jacques-le-Majeur (voy. rue Saint-Jacques) ; ils bâtirent leur église, qui fut consacrée le 5 juin 1261 et dédiée en 1269 sous le vocable de Saint-Jacques. En 1619, ils allongèrent la nef de cette église. Leur monastère s’étendait, avant la construction du Vieux-Palais, depuis la porte de Cauchoise, près de l’église de Saint-Pierre-le-Portier, jusqu’à la Seine, et comprenait l’emplacement de l’hôtel de Fécamp et de l’église Saint-Pierre. La jouissance des remparts et des fossés, depuis la porte Cauchoise jusqu’à la Seine, leur avait été accordée par saint Louis ; elle leur fut confirmée en 1294 par Philippe-le-Bel, et en 1346 par Philippe de Valois, en considération, disaient les lettres patentes, de leur pauvreté, et pour l’affection et dévocion que nous avons à eux et à leurs prières.

L’hôtel de l’Intendance, devenu depuis l’hôtel de la Préfecture, fut bâti par les Jacobins sur leur terrain et à la place où était précédemment leur cloître. Leur ancienne église, dont les murs du midi étaient contigus à la partie nord de l’hôtel, où l’on en voyait encore des vestiges qui ont disparu en 1869, avait été transformée en galeries, qui furent appelées les galeries du Commerce1, pour recevoir les dépôts des fabriques des environs de la ville. Ces galeries étaient surmontées d’une salle nommée la grande salle du Gymnase de Rouen. Tout a été démoli pour l’agrandissement des dépendances de la Préfecture, dont les travaux sont encore maintenant en cours d’exécution. Les Jacobins avaient, vers 1780, remplacé cette église par une autre plus petite, dont le portail faisait face à la rue de Racine, nommée alors la rue Neuve-des-Jacobins. C’est sur l’emplacement de cette église

qu’a été élevé, en 1856, le vaste bâtiment où sont déposées les archives départementales.

L’ancienne rue des Jacobins a porté, au 13e siècle, le nom de rue des Frères-Prêcheurs1, et antérieurement celui de rue Brazière ou Brassière2. La rue Brazière, dit l’Historien de la ville de Rouen, est celle qui descend de Saint-Pierre-le-Portier jusques au Vieux-Palais, et en ce temps les Jacobins avoient un porche traversant sur cette rue pour aller dans leur grand jardin, qui estoit dans toute la place qui est maintenant bâtie, et qui aboutit à la grande rue du Vieux-Palais3. Les religieux fieffèrent par la suite ce jardin à divers particuliers pour y bâtir, ce qui donna naissance à la rue Neuve-des-Jacobins, maintenant la rue de Racine. — En parlant de la rue Brazière, Rondeaux de Sétry4 dit que cette rue s’étendait en longueur depuis la rue des Cordiers jusqu’à la porte par où l’on allait au pré de la Bataille5. Peut-être désignait-il par là un chemin qui tendait à la Corderie de Cauchoise.

— L’ancienne rue de Saint-Pierre-le-Portier avait pris son nom d’une église qui y était située. Cette église n’était, en 1006, qu’une chapelle faisant partie d’un manoir appartenant aux abbés de Fécamp, et était anciennement appelée Saint-Paterne ou Saint-Paër. Devenue paroissiale, elle fut agrandie en 1531, puis reconstruite en 1655. La dénomination de Portier venait de ce qu’elle était bornée par les murailles de la seconde enceinte de la ville, et voisine de la porte de Cauchoise, qui fut plus tard remontée au haut de la rue de ce nom. L’église de Saint-Pierre-le-Portier, supprimée en 1793, fut vendue et démolie peu après. Entre cette ancienne église et celle des Jacobins, on avait commencé, en 1590, la reconstruction de l’hôtel de Fécamp, mais les travaux furent entravés par le gouverneur du Vieux-Palais, qu’inquiétait l’élévation où l’on allait pousser ce bâtiment. C’est

sur cet emplacement que fut ouverte plus tard la rue de Crosne.

Les fontaines que l’on voit dans la rue de Fontenelle, au dessus de la Préfecture et au coin de la rue de Racine, ont été établies : la première en 1511 ; la seconde en 1520. Elles sont alimentées par la source d’Yonville.

Forget (rue), dans la cité Landrieu. — 1re section, 5e canton, Saint-Paul. — Faubourg Martinville.

Cette rue, nouvellement ouverte, a reçu le nom d’un propriétaire.

Forgettes (rue des). = Rue du Renard, grande rue Saint-Gervais. — 12e section, 5e canton, Saint-Gervais. — Faubourg Cauchoise.

On lit, sur une des encoignures de cette rue, gravés sur une pierre, les mots : Rue de Forget, qui sembleraient annoncer le nom d’un propriétaire. Il est supposable, néanmoins, que le nom de la rue des Forgettes vient de quelques forges ayant existé dans le voisinage ; il y avait aussi à l’extrémité de la rue Chasselièvre la terre des Fourneaux.

Dans cette rue est l’asile Dumanoir, qui a été établi en faveur des vieillards convalescents, dans une propriété dont M. Juste-Isidore Dumanoir, ancien fabricant, a fait la donation aux hospices en 1860.

Fortin (mont).

Cette montagne, située à l’extrémité de la rue du Champ-des-Oiseaux, forme la limite entre la ville et la commune du Boisguillaume. Le lieu que nous appelons le mont Fortin, dit Farin1, a esté premièrement appelé le mont Robert, puis la terre Baril, ensuite les bruyères des Lépreux et enfin le mont Fortin depuis cent ans ou environ que cette montagne fut aliénée à un nommé Fortin, conseiller au Parlement de Rouen.

Fosse (rue de la).

C’est un ancien nom de la rue de la Seille. (Voy. cette rue.) On donnait aussi ce nom à une courte impasse qui conduisait

au moulin de la Fosse, lequel, d’après les plans de 1655 et de 1724, était placé sur la rivière de Robec, entre la rue Damiette et l’ancienne rue des Savetiers. C’était vraisemblablement l’un des moulins qui sont situés au côté nord de la rue Caquerel.

Cette ruelle était aussi appelée l’impasse des Petits-Moulins, nom sous lequel elle fut expropriée en mars 1857 pour l’élargissement de la rue Caquerel ; mais cette impasse des Petits-Moulins, qui a été également supprimée antérieurement pour le passage de la rue Impériale, était plus bas et à proximité d’un autre moulin situé au milieu du parcours de la rue Malpalu, et que quelques auteurs ont aussi désigné sous le nom de moulin de la Fosse.

Fossé-Saint-Yves (rue du). = Quai Saint-Sever, rue de Lessart. — 11e section, 6e canton, Saint-Sever. — Faubourg du même nom.

Cette rue, ainsi appelée en 1834, tire son nom de la clôture qui entourait autrefois le clos des Galées et d’une ancienne chapelle qui était située à l’entrée du faubourg Saint-Sever. (Voy. rue de ce nom.)

Elle a été prolongée, il y a peu d’années, jusqu’à une rue nouvelle appelée rue de Lessart, sous le nom de rue des Fossés-S.-Yves prolongée.

Fossés-Louis-VIII (rue des). = Rue des Carmes, rue de la Poterne. — 9e section, 1er canton, la Cathédrale. — Quartier S.-O.

Ce nom fut donné en 1817 à la grande rue de l’Aumône. À l’occasion de ce changement de dénomination, voici la note qui fut insérée dans le Journal de Rouen, le 15 décembre de ladite année :

L’an 1200 environ, les faubourgs de Rouen se trouvant déjà grands et bien peuplés, l’enceinte de la ville fut agrandie. Les fossés, à cette époque, occupaient la ligne décrite par la rue dite de l’Aumône dans toute sa longueur ; ils furent portés à la hauteur de la rue Pincedos, qui en fit elle-même partie.

L’an 1224, Louis VIII, surnommé le Lion, roi de France, donna à la ville, par lettres patentes datées de Saint-Germain-en-Laie, l’emplacement de ces fossés, où ont été bâties par la suite

des maisons pour le logement des pauvres. De là le nom de rue de l’Aumône.

Les habitants de la grande rue de l’Aumône, par des motifs que tout le monde peut apprécier1, adressèrent à l’administration une demande tendant à obtenir que la portion de rue qu’ils habitent fût distinguée de l’autre partie, qui en est la prolongation, et qui conserve son nom primitif de rue de l’Aumône. (Voy. ce nom.)

L’administration, faisant droit à la réclamation des pétitionnaires, et persuadée aussi qu’il convient, sous tous les rapports, d’attacher au nom de chaque rue un souvenir spécialement historique, a décidé que la grande rue de l’Aumône s’appellerait à l’avenir rue des Fossés-Louis-VIII, en mémoire de la générosité de ce prince, qui en fit la propriété de la ville.

Mais il est probable que les terrains qui firent l’objet de la concession de 1224 restèrent vains et vagues jusqu’au moment où cette concession fut confirmée cinquante ans après à Guillaume de Saâne, par la reine Blanche, mère de saint Louis et régente du royaume pendant la minorité et les voyages de son fils ; il est probable aussi que le fondateur de l’hôpital du Roi (voy. Hôpitaux) obtint alors l’autorisation d’y faire construire des maisons pour les pauvres, ce qu’il fit avec honneur, dit l’histoire, c’est-à-dire en 1278 lorsque l’on combla les fossés qui restaient de la première enceinte, et ce qui fut pratiqué depuis par les administrateurs de l’hôpital du Roi. Ainsi, l’aumône daterait véritablement du règne de saint Louis2.

Ce qui semble confirmer cette dernière conjecture, c’est que, par la suite, les maisons de la rue de l’Aumône furent mises au nombre des revenus de l’hôpital du Roi, et que beaucoup de ces maisons font encore partie des propriétés des hôpitaux de cette ville.

Quoi qu’il en soit, le nom de rue des Fossés-Louis-VIII rappelle la cession des arrière-fossés de la ville, faite par Louis VIII en 1224 ; mais la dénomination de rue des Fossés-Saint-Louis eût mieux constaté l’époque véritable de cette aumône.

On a découvert, en 1851 et en 1863, dans la rue des Fossés-Louis-VIII, des restes de l’enceinte militaire de la ville, qui sui-

vait la rue dans toute sa longueur, des fragments de colonne, des murs d’habitation et des vases antiques1.

Foulerie-Martinville (rue de la). = Rue Martinville, rue de la Vigne. — 3e section, 3e canton, Saint-Maclou. — Quartier S.-E.

L’origine du nom de cette rue, qui doit avoir porté aussi, au 15e siècle, avec plusieurs autres, le nom de rue Foureuse (voy. ce mot), est évidemment la même que pour la rue dont il est parlé ci-dessous. Celle-ci est la ruelle de la Foulerie, sur la paroisse Saint-Maclou, dont il est fait mention dans divers actes de tabellionage des 14e et 15e siècles. Un acte de 1420 cite : la ruelle de la Foulerie à la rue de la Vigne. Un autre acte du 7 janvier 1424, la désigne sous le nom de la ruelle des Penteurs. (Voy. ce mot.)

Nous avons cru devoir distinguer cette rue de la suivante, en indiquant, à la suite de leur nom, leur position, l’une près de la rue Martinville, l’autre près de Robec.

Foulerie-Robec (rue de la). = Rue Eau-de-Robec, rue Saint-Vivien. — 3e section, 3e canton, Saint-Vivien. — Quartier S.-E.

Cette rue portait aussi, au 15e siècle, le nom de ruelle des Foulons, comme l’indique un acte de tabellionage de 1479, dans lequel on lit : Maison assise en la grande rue de Saint-Vivien, bornée d’un côté la ruelle des Foulons, d’autre côté, etc. Cette désignation semblait remonter au 12e siècle et devoir son origine au grand nombre de fabriques de draperie qui existaient à Rouen au moyen-âge, et particulièrement aux foulons et aux teinturiers qui avaient leurs établissements sur l’Eau-de-Robec2. Dans un acte de 1420, il est parlé de la terrière aux foullons allant

à la ruelle de l’Arquet. Un acte de 1540 fait mention de la ferme à fouler, située dans ce quartier. (Voy. aussi rue des Faulx.)

On voit ailleurs cette rue désignée sous les dénominations de foulerie à Saint-Vivien, appelée Espaigne, de foullerie aux Meschines, de foulerie de l’Hôpital à Rouen, du côté de l’Eau-de-Robec1. Dans un compte de 1448 il est parlé de la maison de la foulerie, sur la paroisse Saint-Vivien. Un registre des Rapports civils2 cite aussi la maison appelée la foulerie d’Espagne3 sur l’Eau-de-Robec. Enfin un acte de 1492 concerne une maison, jardin, tripot et jeu de paume, en la rue de la Foulerie de la Magdeleine, d’un côté Patin, d’autre côté le jardin de l’Escuelle-d’étain, d’un bout la rue des Foullons.

Fourchettes (rue des). = Rue du Bac, rue de l’Épicerie. — 7e section, 3e canton, la Cathédrale. — Quartier S.-E.

Nous ignorons l’origine du nom de cette rue, que Farin appelle la rue des Forcettes4. Il pourrait être provenu d’une enseigne représentant un instrument servant à tondre les draps. On prolongea jusque-là, en 1654, la salle des pauvres de l’Hôtel-Dieu de la Madeleine, au moyen de la construction d’une voûte qui traversait la partie de la rue du Bac nommée alors rue des Pannetiers.

Dans un acte de tabellionage du 29 novembre 1487, on lit la rue de Fourquette. Un autre acte de 1420 mentionne la rue qui va de Saint-Denis à la Madeleine. Un autre, enfin, de 1526, parle de la rue Basse tendant de Saint-Denis au derrière de la Madeleine.

Foureuse (rue).

Ce nom, qui n’a pas besoin d’être interprété, est donné dans divers actes de tabellionage à une ruelle située dans la paroisse Saint-Maclou5 et avoisinant la rue de la Glos et la rue Martinville.

Un acte du 11 juin 1465 cite un héritage borné d’un côté la ruelle Foureuse et d’un bout la ruelle Robert-de-la-Rivière, autrement appelée rue de la Glos. Un autre acte du 21 décembre 1479 concerne l’hôtel de l’Aigle-d’argent, borné d’un côté l’hôtel de la Cloche, d’autre côté la rue Foureuse, d’un bout la rue Martinville. On trouve encore dans un acte du 22 novembre 1548 l’indication d’une maison bornée d’un côté la rue de la Gloe, d’autre côté une ruelle commune nommée la rue Foureuse, ou autrement bran, d’un bout par devant la rue Martinville.

Il semblerait résulter des actes ci-dessus que ce nom aurait appartenu à la rue de la Vigne, qui est la ruelle la plus voisine de celle de la Glos ; mais, si l’on considère que, dans les plans de 1655 et de 1724, les noms des rues de la Glos et de la Vigne ont été intervertis comme ils ont pu l’être lors de la rédaction des actes que nous citons, et que ce n’est qu’à partir du plan de 1784 que la rue de la Vigne figure, comme aujourd’hui, à la gauche de la rue de la Glos, entre cette dernière rue et la ruelle de la Foulerie, on est porté à reconnaître que la dénomination de rue Foureuse appartient à cette dernière rue, qui, par sa forme irrégulière, semble déjà avoir mérité le nom de rue de la Serpente que cite Taillepied sans indiquer sa position. (Voy. ce mot.)

— D’après les nomenclatures de l’Histoire de Rouen, édition de Du Souillet, et du Flambeau astronomique de 1716, le nom de rue Foureuse aurait été donné aussi à l’ancienne rue Sarrasin. (Voy. rue des Maillots-Sarrasins.)

Framboisier (rue du). = Rue de Bas, rue du Renard. — 12e section, 5e canton, la Madeleine. — Faubourg Cauchoise.

Le nom donné à cette rue est celui d’un ancien fief qui était voisin de la fontaine Saint-Filleul1. — On remarque dans cette rue de nombreuses sources, dont une porte le nom de fontaine du Framboisier2.

Franc-Aleu (le).

On nomme ainsi un hameau du faubourg Saint-Hilaire, au-

trefois pour ainsi dire inhabité, actuellement percé de rues. Cette dénomination est due probablement à un fief ainsi désigné parce qu’il était libre de tout service. Les terres de franc-aleu, dit la Coutume de Normandie, sont celles qui ne reconnaissent aucun supérieur en féodalité et ne sont sujettes à faire ou payer aucuns droits seigneuriaux1. Pour l’exercice de certains marchés ou de certaines conventions, les parties se retiraient, au moyen-âge, sur un terrain de franc-aleu, pour se soustraire aux conséquences onéreuses et arbitraires de la mouvance ou censive du seigneur local2. Cela explique la passation des actes, par les anciens tabellions, à la limite d’une paroisse, usage que pratiquent encore quelques notaires de campagne pour des actes rédigés en dehors des limites de leur résidence cantonale. Les aleux se réalisaient sous un arbre ou dans un lieu abrité : de là peut-être les désignations de Chêne-Aleu ou au Leu, de la rue aux Leux, du val des Leux, etc.

Franc-Manoir (rue du). = Rue des Petites-Eaux, route de Darnétal. — 1re section, 5e canton, Saint-Hilaire. — Faubourg Saint-Hilaire.

Cette petite rue est figurée, dans un plan de 1817 et sur ceux du cadastre, sous les noms de rue Saint-André-Saint-Hilaire ou du Gravier. Son nom actuel, qui lui fut donné en 1833, vient du voisinage d’un manoir qui aurait été exempt d’impôts ou de charges quelconques.

Français (rue des).

Elle a été supprimée pour le prolongement de la rue Harenguerie jusqu’à celle de Saint-Vincent. Dans le ms. des Fontaines elle est appelée rue Francesse. Les Aff. de Normandie de 1775 et le Flambeau astronomique lui donnent le nom de petite rue Saint-Vincent.

C’était une de ces ruelles étroites traversées par des porches, comme on en voit encore dans certains quartiers, tels que les rues du Halage, des Chanoines, etc. On lit dans un acte du 6 mai 1507 la mention d’une maison compteur ou porchet, lequel por-

chet traverse la rue aux Français, borné d’un côté la rue qui mène de la vieille Harenguerie à la rue Saint-Vincent. Cette ruelle était encore fermée par les deux bouts jusqu’au moment de sa suppression. On croit que la Compagnie française y avait des magasins1, et que telle serait l’origine du nom qui lui avait été donné.

Frigory (rue). = Rue des Charrettes, rue Grand-Pont. — 9e section, 1er canton, la Cathédrale. — Quartier S.-O.

La rue Frigory paraît avoir porté au 15e siècle le nom de rue du Cornet-d’argent, qui provenait de l’enseigne d’une maison sise rue Saint-Martin (rue Grand-Pont), devant l’église de Saint-Martin-du-Bout-du-Pont, citée dans un acte de tabellionage du 23 octobre 1426. Elle est également connue sous le nom de rue et cour des Pigeons2 ; c’était encore, en 1770, une enseigne de cabaret.

La dénomination de la rue Frigory, qui ne se lit que dans les nomenclatures modernes, doit venir d’un propriétaire.

On ne trouve dans différents actes que le nom de Trigorie. C’est ainsi qu’on lit dans un acte de 1423 la rue Trigorie qui descend vers la Seine ; dans un acte de 1460, la rue de Trigorie, menant à l’abreuvoir de Seine et à la rue Saint-Martin ; dans un autre acte du 8 juillet 1503 on lit encore la rue de Trigorie, et la rue Grand-Pont est toujours appelée la rue Saint-Martin.

Nous trouvons, dans un acte de tabellionage du 10 septembre 1474 le nom d’une rue Grigoire. C’est sans aucun doute le nom défiguré de la rue appelée actuellement Frigory. Il en est de même d’une rue de la Tricherie qui est mentionnée dans un acte du 23 novembre 1521, concernant une maison en la paroisse de Saint-Martin-du-Pont, bornée d’un côté le commencement de la rue par où l’on va de la paroisse Saint-Martin à celle de Saint-Étienne-des-Tonneliers, d’autre côté la rue de Tricherie, d’un bout le pavé de devant le cimetière de Saint-Martin.

— Il y avait aussi une autre ruelle Trigory, nommée aussi Trigorye ou Trihory, dans la paroisse Saint-Maclou. Elle est citée, dans un acte du 6 mai 1482, comme voisine de la rue du Plâtre, et le registre de tabellionage de 1369 à 1373 (f. 65 v.)

près de la rue du Petit-Quai. Elle est comprise actuellement dans une propriété particulière située entre la rue du Plâtre et la place Impériale, sous le nom probablement défiguré aussi de rue de la Trésorerie ; c’est celle que l’on voit immédiatement au-dessus de la rue du Closet-de-la-Madeleine.

Froissies (ruelle des).

Un acte du 23 novembre 1501 cite une rue des Froisis en la paroisse Saint-Vivien. Un autre acte du 12 mars 1474 concerne Jean des Froissies. Nous ne savons à quelle rue ces noms se rapportent.

Gaillardbois (place du), dans la rue du Bac ; — (rue du). = Place du Gaillardbois, rue de la Savonnerie. — 7e section, 3e canton, la Cathédrale. — Quartier S.-E.

Ce nom provient de l’ancien hôtel du Gaillardbois1, appelé aussi l’hôtel Lisieux, qu’habitaient, lorsqu’ils venaient à Rouen, les évêques de Lisieux, doyens de Saint-Cande-le-Vieux. La place du Gaillardbois a été établie sur l’emplacement du cimetière et de l’ancienne église de Saint-Cande. (V. rue du Bac.)

Il existait au 14e siècle un personnage nommé Robert du Gaillardbois. — Il y avait une enseigne du Gaillardbois dans la rue des Fossoyeurs, à Paris.

Galées ou Galères (rue et clos des).

Au moyen-âge, on appelait le clos des Galées un arsenal maritime qui renfermait des chantiers de construction pour les navires, des magasins d’artillerie2 et autres engins de guerre, et d’approvisionnement des galères du roi. Établi vers la fin du 13e siècle, il occupait, dans le quartier connu encore aujourd’hui sous la dénomination de Richebourg, par la rue qui porte ce nom, un

vaste espace limité par la Seine, par le fossé et la chapelle de Saint-Yves, par le faubourg Saint-Sever, et par les biens appartenant alors aux Emmurées. Il était enceint de fossés, qui, partant de la Seine au-dessus du pont, y revenaient au hameau de Claquedent (nommé actuellement la Grande-Chaussée), après avoir traversé la chaussée de Saint-Sever au lieu appelé la Chapelle-Saint-Yves.

En 1386, Charles VI fit construire dans le clos des Galées une navie ou flotte avec des bois pris dans les forêts de Roumare et de Saint-Étienne-du-Rouvray. Cet arsenal fut détruit par les Rouennais eux-mêmes peu avant le siége mémorable que la ville eut à soutenir contre les Anglais en 1418 ; mais le nom du clos des Galées survécut longtemps. Un acte de tabellionage du 15 mars 1461 fait mention d’une maison et jardin sis en la paroisse de Saint-Martin-du-Pont, au hameau de Richebourg, bornés d’un bout le fossé du clos des Gallées. En 1473, il y avait encore en cet endroit un logis où pendait l’enseigne de la Galère, et un acte du 16 mars 1542 concerne la vente du clos Richebourg, nommé le clos aux Galères, sis hors le pont.

L’emplacement de l’ancien clos des Galées est actuellement occupé en partie par la caserne de Saint-Sever (construite de 1713 à 1729 à la place de l’hôtel des Gabelles, connu également sous la désignation de Grenier-à-sel), et par les docks et magasins d’entrepôt, qui ont été érigés en 1862.

Le savant archiviste du département, M. Ch. de Beaurepaire, a publié sur l’ancien clos des Galées un mémoire très intéressant, auquel nous avons emprunté une partie de ces détails. On pourrait conserver le souvenir de cet ancien établissement, en donnant le nom de rue du Clos-des-Galées à la rue de la Petite-Chaussée, qui en formait une des limites.

— Suivant quelques historiens1, il aurait existé un autre clos des Galées. M. de Fréville, auteur d’un Mémoire sur le commerce maritime de Rouen, dit que la ville acquit, en 1283, l’ancien clos aux Galées, qui était compris entre les rues du Vieux-Palais et de Fontenelle. Nous lisons dans la Revue de Rouen (1845, p. 125) que des engins de guerre avaient été déposés, en 1338, dans l’arsenal maritime appelé le clos aux Galées, dont l’emplacement était celui

qu’occupa plus tard la citadelle de Henri V, appelée en ces derniers temps le Vieux-Palais. Il serait vraisemblable aussi qu’un nouvel arsenal maritime eut été établi dans les environs du Mont-Riboudet après la construction du Vieux-Palais, et qu’il eût porté également le nom de clos des Galères. Cette opinion fut émise dans le Journal de Rouen, en septembre 1858, à l’occasion de la découverte faite, à l’encoignure du quai et du boulevard du Mont-Riboudet, d’une barque bien conservée et des restes d’une ancienne berge près de laquelle était coulée cette embarcation.

Les galères du roi continuèrent, au 16e siècle, de fréquenter le port de Rouen, car un arrêt du Parlement du 22 mai 1549, pour éviter les dangers pouvant résulter des querelles d’entre les soldats et gens des galères et aucuns habitants, fit défense à tous habitants, soldats et gens des galères de sortir avec armes ou bâtons, ni de faire amas et assemblées. Des galères avaient, en effet, stationné devant la ville ; des scènes sanglantes avaient eu lieu avec les habitants, et les galères tirèrent à boulet sur la ville. On rapporte aussi que, en 1690, arrivèrent à Rouen, le 30 août, quinze galères équipées et armées ; elles firent plusieurs décharges de canons. On les plaça au quai d’amont, proche les marchands de cidre, et les forçats bâtirent des loges pour débiter leurs marchandises. Ils restèrent l’espace de six mois1.

Ganterie (rue). = Rues des Carmes et Beauvoisine, rue de l’Impératrice. — Pour les numéros pairs 8e section, 2e canton, Saint-Godard ; pour les numéros impairs 9e section, 1er canton, la Cathédrale.

Dès le 13e siècle, on trouve cette rue désignée sous les noms de rue aux Gantiers, de rue Wanterie, aux Vantiers ou Wantiers2. Dans d’autres titres de la même époque on l’appelle la rue du Fossé-aux-Gantiers3. Dans de nombreux actes de tabellionage

du 14e et du 15e siècle, on l’appelle, quelquefois indifféremment dans les mêmes actes, la rue de Ganterie ou des Gantiers, et la rue du Fossé-aux-Gantiers, Vantiers ou Wantiers.

Ces diverses dénominations indiquent que les gantiers, qui, depuis de longues années, étaient établis dans ce quartier, habitaient des maisons construites sur les arrière-fossés de la ville, qui furent cédés aux bourgeois de Rouen en 1224 par le roi Louis VIII.

Dans la rue Ganterie, à proximité de la rue de l’Écureuil, est l’hôtel de Saint-Wandrille, qui avait appartenu à l’abbaye de ce nom, et où était le bureau des Finances avant d’avoir été réuni, en 1707, à la cour des Aides, sur la place de la Cathédrale. M. E. De la Quérière signale, dans la même rue, une maison d’un extérieur remarquable et renfermant des décors, des détails intéressants, des boiseries sculptées. etc.1 Presque en face est une autre maison en bois, sur une traverse de laquelle, au milieu d’ornements sculptés qui rappellent le 17e siècle, on lit : Aime ton Diev par dessvs tovte chose et ton prochain comme toi-même2.

Il y avait dans la rue Ganterie, au 17e siècle, une auberge ayant pour enseigne la Maison-royale, où logea la reine douairière d’Angleterre ; une délibération de l’hôtel-de-ville, du 7 juin 1698, accorda au maître de cet hôtel 60 livres pour l’indemniser des frais de ce logement.

Il existe dans la même rue, à droite, près de la rue des Basnage, une cour appelée communément, sans motifs sérieux, la cour du Fer-à-Cheval

Garde-Monsieur (rue). = Rue Eau-de-Robec, rue Saint-Vivien. — 3e section, 3e canton, Saint-Vivien — Quartier S.-E.

L’inscription actuelle porte Garde-Monsieur, mais cette rue se nommait primitivement rue Gardin-Monsieur et Cardin-Monsieur3. Nous ne connaissons pas l’origine de ce nom. En vieux langage on disait « gardin » pour jardin.

Gaudre (rue de).

Une rue de ce nom est indiquée dans un acte de tabellionage du 13 août 1426, en la paroisse Saint-Michel, près de la rue Ancelin. Nous ne savons à quelle rue ce nom s’applique.

Gay-Marry (rue du), dans la paroisse Saint-Vincent.

Ce nom est cité dans un compte de 1569, sans autre indication.

Gerbe-d’Orge (rue de la). = Rue Eau-de-Robec, rue Saint-Vivien. — 3e section ; 3e canton pour les numéros impairs, 4e canton pour les numéros pairs ; Saint-Vivien. — Quartier S.-E.

Ce nom vient évidemment d’une enseigne représentant une gerbe d’orge (ou d’or), qui était sculptée sur une maison du 17e siècle.

Géricault (rue de). = Rue du Loup, rue des Carmes. — 7e section, 3e canton, Saint-Ouen. — Quartier S.-E.

C’est la rue connue autrefois sous le nom de petite rue de l’Aumône. Purgée en 1842 des établissements de débauche dont elle était peuplée, elle reçut le nom du célèbre peintre du Naufrage de la Méduse ; mais nous pensons, ainsi que nous l’avons dit au sujet de la rue de l’Aumône (voy. ce nom), qu’on eût fait un meilleur choix en donnant le nom de l’artiste rouennais à la rue de l’Avalasse, dans laquelle il est né.

On voit, au rez-de-chaussée de l’hôtel-de-ville, au pied de l’escalier qui conduit au Musée, la statue en marbre blanc du peintre de la Méduse. Ce magnifique morceau de sculpture, qui ornait précédemment le tombeau de Géricault dans l’un des cimetières de Paris, a été offert, en 1845, par son auteur, à la ville de Rouen.

Germont (rue de). = Rue Lamauve, rue Édouard-Adam. — 3e section, 4e canton, Saint-Vivien. — Quartier S.-E.

Ce nom de l’un des bienfaiteurs de l’Hospice-général, l’abbé de Germont, né à Rouen en 1684, membre du Parlement, mort en février 1763, a été donné en août 1867 à la rue Bourgerue (voy. ce nom), dans laquelle est situé l’ancien bureau des Pauvres-valides. Sur un côté de cette rue est un grand bâtiment qui forme

équerre sur l’ancienne rue Picchine, laquelle fait aujourd’hui partie de la rue Édouard-Adam, ce bâtiment fut construit en 1768 à l’aide des fonds donnés par l’abbé de Germont1 et par Mme la présidente de Germont sa belle-sœur, pour la fondation d’un hospice en faveur des enfants trouvés. Une double inscription, placée à l’angle de ce bâtiment, à l’intérieur et à l’extérieur, porte ces mots : De la bienfaisance de M. et de Mme de Germont. Une autre inscription, placée dans l’église de l’Hospice-général, est ainsi conçue : Pour perpétuelle mémoire des bienfaits répétés de messire Jacques-Christophe de Germont, conseiller-clerc en la grande chambre du Parlement de Normandie, au profit de cet hôpital, et singulièrement en faveur des enfants trouvés.

Le tardif hommage qui a été rendu à la mémoire de deux bienfaiteurs de l’Hospice-général, fait espérer qu’un jour verra se perpétuer de la même manière le souvenir de Claude Groulart et de Pierre Damiens, qui furent aussi les premiers bienfaiteurs de ce bel établissement, dont ils étaient en même temps les fondateurs. Le nom de Claude Groulart, de ce premier président du Parlement, qui avait reçu la sépulture dans l’ancien couvent des Célestins, sur l’emplacement duquel s’étendent les dépendances de l’Hospice-général, serait mieux approprié sans doute à la rue qui a reçu celui d’un chimiste distingué, de même que le nom d’Édouard Adam conviendrait mieux aussi à la rue dans laquelle il est né. (Voy. rue Eau-de-Robec.) Quant au nom de Pierre Damiens, de cet honorable magistrat qui abandonna ses fonctions pour se vouer à l’administration de l’hôpital naissant, il devrait trouver sa place non loin de cet important établissement. (Voy. à l’art. Hospice-général.)

Gessard (rue). = Rue Saint-Julien, rue des Limites. — 11e section, 6e canton, Saint-Clément. — Faubourg Saint-Sever.

Cette rue a reçu, de même que la rue Bocquet, en vertu d’une ordonnance du 18 novembre 1833, le nom du propriétaire sur les terrains duquel elle avait été ouverte. Restée longtemps inachevée, elle a été admise en 1866 au nombre des voies publiques, sur une longueur totale de 471 mètres.

Geuffroy (rue). = Rue Bonne-Nouvelle, rue de la Mare-aux-Planches. — 11e section, 6e canton, Saint-Sever. — Faubourg Saint-Sever.

Cette rue fut percée vers 1803 sur le terrain d’un propriétaire nommé Benoît, qui lui donna le nom de son épouse. (Voy. rue Benoît.)

Gibert (rue de). = Rue Bihorel, la campagne vers le Boisguillaume. — 4e section, 5e canton, Saint-Romain. — Faubourg Beauvoisine.

Une partie de cette rue est sur le territoire de la commune du Boisguillaume. Elle a pris le nom d’un propriétaire.

Giffard (impasse), dans la rue Crevier. — 12e section, 5e canton, Saint-Gervais. — Faubourg Cauchoise.

C’est encore le nom d’un propriétaire.

Il a été question, en 1859, de prolonger cette impasse jusqu’à la place Saint-Gervais. Ce projet fut ajourné, faute de ressources suffisantes.

Glacière (rue de la). = Place Bouvreuil, boulevard Beauvoisine. — 8e section, 2e canton, Saint-Romain. — Quartier N.-O.

Cette rue a été percée sur les remblais des anciens fossés de la ville, pour ouvrir une communication entre la rue Bouvreuil et la rue de l’Avalasse. On l’appela d’abord rue de l’Avalasse-prolongée, et on lui donnait encore ce nom en 1823. Mais elle est inscrite sur un plan de 1817 sous la dénomination de rue de l’Avalasse-en-Ville. Elle reçut ensuite le nom de rue de la Glacière, à cause d’une glacière qui était dans son voisinage.

On a trouvé, en 1868, au fond d’une cour située à l’angle de cette rue et du boulevard Beauvoisine, un vieux reste des fortifications de la ville, contre lequel était flanquée une petite tour parfaitement conservée.

Glos (rue de la). = Rue Martinville, rue Napoléon III. — 3e section, 4e canton, Saint-Maclou. — Quartier S.-E.

Ce nom est écrit de différentes manières dans les anciens ouvrages : rue de la Glos, de la Glaure et de la Gloe ; c’est cette

dernière orthographe qui était le plus fréquemment employée au 15e siècle1.

Dans les plans de 1655 et de 1724, qui lui donnent le nom de rue de la Glaure, l’inscription de cette rue est intervertie avec celle de la rue de la Vigne ; des plans plus modernes ont rectifié cette transposition, en indiquant la première comme faisant suite à la rue du Figuier, et en faisant aboutir, d’accord avec des actes de 1420 et de 1468, dans la rue de la Vigne, la petite rue de la Foulerie.

La rue de la Glos est désignée dans plusieurs actes de tabellionage sous le nom de Robert-de-la-Rivière, à présent la rue de la Gloe. (Actes de 1420 et 1424). Un acte de 1433 ajoute au nom de Robert-de-la-Rivière ces mots : De présent la rue de la Gloe, en laquelle souloit demourer dame Larousse, dite de la Gloe. Il est fait mention dans un autre acte du 15 juillet 1529 d’une maison en la rue Martinville où pend pour enseigne la Gloe. Il semblerait résulter de là que la rue précédemment appelée Robert-de-la-Rivière aurait reçu le nom de la dame de la Gloe qui était venue y demeurer, et que cette dénomination serait aussi restée à la maison où pendait encore, un siècle plus tard, l’enseigne de la Gloe.

L’étymologie de ce nom paraît, au reste, assez incertaine. On appelait « gloe » en Normandie, une sorte de bois de chauffage assez analogue à nos cotrets actuels, et « gloerie » le lieu où on le préparait2. L’auteur de la Description de la Haute-Normandie fait dériver « glos » de « cleuz », qui veut dire fosse, fossé, haie. On en pourrait, ajoute cet historien, tirer assez naturellement le nom du village de Glos. La proximité entre la rue de la Glos et les anciens fossés de la ville, semblerait aussi justifier cette origine. Il y avait, dans la rue Saint-Patrice (probablement près du château), un hôtel de la Glos3. Enfin, « glous » est également un vieux mot qui signifie égoût, canal, fossé.

Godard (rue).

Cette petite rue, appelée aussi la rue du Porche-Godard, con-

duisait de la Croix-de-Pierre à l’Eau-de-Robec. Elle a fait place au prolongement de la rue Édouard-Adam, qui occupe aussi l’emplacement des anciennes rues des Verriers et Picchine.

Elle était inscrite sur un plan de 1817 sous le nom de rue Saint-Godard-la-Croix-de-Pierre. Le Flambeau astronomique de 1716 la désigne par le nom de rue du Loup.

Godet (cour), dans la rue du Ruissel. — 6e section, 3e canton, Saint-Maclou. — Quartier S.-E.

Ce nom, que l’on trouve écrit de différentes manières : Gaudet et Godin, est donné non-seulement à une cour de la rue du Ruissel, mais encore à une autre cour située dans la rue du Plâtre et dont il est fait mention dans les Aff. de Normandie de 1766. Un acte de tabellionage de 1525 parle aussi d’une ruelle Godet près de la Rougemare.

Nous ne savons si cette dénomination provient du nom d’un propriétaire ou d’une enseigne représentant un godet, sorte de verre à boire. On trouve dans un acte de tabellionage du 15e siècle l’indication d’une rue du Grand-Godet, en la paroisse Saint-Patrice, aux environs du Bailliage et de la rue des Balences. Cet acte concerne une maison où pendait l’enseigne du Grand-Godet, bornée d’un bout par devant ladite rue des Balences, etc. (Voy. rue Saint-Patrice.)

Gournay, Gourneest ou Gournetz (rue de), ou rue du Puits-de-Gournay.

Il y avait encore, au commencement du 19e siècle, dans un carrefour formé par les rues des Arsins, de la Perle, de la Cigogne et Coupe-Gorge, et dans l’encoignure de ces deux dernières rues, un puits auquel étaient données les dénominations ci-dessus. L’existence de ce puits, dès le 13e siècle, est constatée par différents titres. Une charte de 1266 indique un ténement situé dans la paroisse de Saint-Godard en Gournets entre la terre de Thomas Naquet et celle de J. Bancelin, tel qu’il se comporte depuis la rue jusqu’au mur de la ville1. Un rôle de Saint-Ouen du 14e siècle porte ce qui suit : Item la rue de Gourneest du costé

deverz les murs d’icelle abbaye, compris en ce toute la rue de Boudin (l’ancienne rue de la Perle) d’un costé et d’autre jusques aux dits murs d’icelle abbaye. Item et depuis le pis de Gourneest toutes les maisons et tenements de la rue des Arsins. Un acte du 3 août 1423 fait mention d’une vide place en laquelle est un puits, icelle vide place joignant la maison où pend l’enseigne de l’Épée, d’autre côté la maison de la Petite-Épée, d’un bout par derrière aux murs de la ville, d’autre bout par devant le pavé de la rue Beauvoisine. Un titre de 14491 parle de la maison du Puis-de-Gourneetz. Enfin beaucoup d’autres actes de tabellionage citent les noms de la rue de Gournay et du Puits-de-Gournay, qui semblent s’appliquer, tantôt à la rue de la Cigogne, tantôt à l’ancienne rue de la Perle, appelée précédemment la rue de Boudin. Ainsi, nous lisons dans des actes de 1422 et de 1426 l’indication d’un héritage borné d’un bout par la rue Beauvoisine et d’autre bout par la rue du Puits-de-Gournay ; et, dans un autre acte de 1504, la mention d’une maison à l’enseigne du Colimaçon, assise en la rue du Puits-de-Gournay autrement dite la rue de Boudin2. Il est possible qu’à une époque où les dénominations des rues n’étaient pas régulièrement arrêtées, les noms ci-dessus aient été donnés aux deux rues dans des actes différents. Néanmoins, il paraît résulter de divers autres actes qu’ils s’appliquaient plutôt à la rue de la Cigogne. Un acte du 19 juin 1462 porte ce qui suit : Le chapelain de la chapelle de Sainte-Colombe fondée en l’église de Notre-Dame de Rouen, demeurant en la paroisse Sainte-Croix-Saint-Ouen, en l’hostel où pend l’image de Notre-Dame, auprès du puits de Gournay, achète pour lui et ses successeurs chapelains la moitié du puits joignant ledit hostel sur lequel sera faite une cloison en charpenterie, etc. Dans un autre acte il est fait mention d’une maison assise dite rue du Puits-de-Gournay, avec un puits mitoyen entre la chapelle Sainte-Colombe et ladite maison, b. d’un côté l’héritage de ladite chapelle, d’autre côté par bas une allée ou issue appartenant à l’hostel du sieur de Coquereaumont, sis rue Beauvoisine, d’un

bout par derrière ledit sieur de Coquereaumont et d’autre bout la rue du Puits-de-Gournay. Il doit être question ici d’un ténement qui fut occupé en 1669, ainsi que nous le disons à l’article de la rue Coupe-Gorge, par la communauté des Sœurs-grises.

Grammont (avenue de). = La demi-lune du Grand-Cours, la rue de Sotteville. — 11e section, 6e canton, Saint-Sever. — Faubourg Saint-Sever.

Le hameau de Grammont, qu’on devrait écrire Grand-Mont1, tire son origine d’un ancien prieuré2 fondé en 1156, par Henri II, duc de Normandie et roi d’Angleterre. Ce prince donna aux religieux de Grand-Mont les prairies appelées le Parc, qui s’étendaient jusqu’à la Seine, en face de l’île de la Croix, en échange d’un emplacement où ils s’étaient d’abord établis dans la forêt de Rouvray. L’église du prieuré prit alors le nom de Notre-Dame-du-Parc3. Ce prieuré avait des prérogatives considérables ; il avait haute, moyenne et basse justice, qui s’étendait jusque sur une partie du faubourg Saint-Sever.

Ce monastère, qui, après avoir passé successivement dans les mains de personnages illustres, fut cédé aux pères Jésuites de Rouen en 1633, et qui avait été pillé par les Calvinistes en 1562, fut entièrement ruiné pendant les guerres de la Ligue, puis réédifié en 1652. Il eut aussi beaucoup à souffrir des inondations de la Seine, notamment en 1496, en 1571, en 1658 et en 1740. Il fut supprimé en 1762, en même temps que la corporation des jésuites dont cet ancien prieuré formait une des dépendances ; mais il paraît que plusieurs membres de cette corporation avaient continué d’y résider : des mesures furent prises en 1764 et en 1770 pour les expulser définitivement et pour vendre leur mobilier. Cette vente fut annoncée dans les Affiches de Normandie d’octobre 1770.

L’église de cet ancien monastère a été convertie en un magasin à poudre, pour l’isolement duquel on fit, en 1792, l’acquisition de bâtiments voisins et d’un espace de terrain suffisant pour le

passage des rondes extérieures1. Ce dangereux dépôt avait été renfermé jusque-là dans une des tours du Vieux-Palais.

L’avenue de Grammont a été prolongée en 1827 jusqu’à la rue de Sotteville. On lui avait donné en 1794 le nom d’avenue du Magasin-à-poudre ; on lui rendit son ancienne dénomination en 1795.

Grammont (enclave de).

C’est le chemin qui conduit de l’avenue de Grammont à la Poudrière.

Grammont (rue de). = Avenue de Grammont, rues Pavée et de Sotteville. — 11e section, 6e canton, Saint-Sever. — Faubourg Saint-Sever.

Elle reçut en 1794 le nom de rue de Metz, qu’elle ne conserva que jusqu’en 1795.

Grand-Cours (quai du). = Rue de Seine, la promenade du Grand-Cours. — 11e section, 6e canton, Saint-Sever. — Faubourg Saint-Sever.

C’est une partie de l’ancien quai d’Elbeuf, qui a pris son nom de la promenade du Grand-Cours à laquelle il conduit. On le désigne aussi quelquefois sous le nom de quai de la Gare, parce que là est situé l’embarcadère de la rive gauche du chemin de fer de l’Ouest, lequel fut inauguré à Rouen le 3 mai 1843. La gare d’expédition des marchandises y a été installée plusieurs années après.

— Le terrain sur lequel a été formée la promenade du Grand-Cours faisait anciennement partie du parc qui avait été donné aux religieux de Grammont (voy. ce nom), et qu’ils cédèrent aux échevins en 1650. Une délibération de l’hôtel-de-ville, de 1672-1673, fait connaître qu’on leur donna en échange des maisons de la rue Saint-Éloi2.

Le Grand-Cours était appelé précédemment le Cours-de-la-Reine, nom qui fut remplacé en 1794 par celui de cours de l’Égalité, et en 1795 par celui de Grand-Cours. En 1814 on lui avait rendu sa première dénomination, qui fut changée après 1848.

Les arbres de l’ancien Cours, qui avaient été plantés vers 1650, furent abattus en 1784 dans le but de procurer aux habitants de Rouen du bois de chauffage. En 1787, ce cours fut élargi aux dépens d’une partie des prairies qui le bordent et replanté de jeunes ormes et de peupliers ; puis ces derniers furent abattus quelques années après pour faciliter l’accroissement des autres arbres qui forment actuellement des ombrages agréables. Le Grand-Cours fut remblayé et achevé en 1807.

Le 14 juillet 1794, on célébra la fête de la prise de la Bastille sur cette promenade, au milieu de laquelle on avait élevé une espèce de monument et une statue colossale de la Liberté. Le 15 août 1813, on y célébra pour la dernière fois la Saint-Napoléon, fête qui avait été instituée par un décret du 19 février 1806 ; l’avenue entière fut illuminée et fut le lieu consacré aux divertissements publics. En 1855 et en 1861, eurent lieu sur le même emplacement les concours régionaux pour les animaux reproducteurs, pour les instruments et les produits de l’agriculture. L’ensemble de ces expositions fut très remarquable. Pareille exposition fut organisée en 1868 ; il y eut en même temps à Rouen courses de chevaux et régates, réunions de l’Association normande et de la Société française d’archéologie, exposition horticole, exposition des Beaux-Arts, concerts, bal, etc.

Grand-Pont (rue). = Quai Napoléon et cours Boïeldieu, place de la Cathédrale. — 7e section et 3e canton pour les nos pairs ; 9e section et 1er canton pour les nos impairs ; la Cathédrale. — Quartiers S.-E. et S.-O.

Ce nom vient de l’ancien pont de pierre qui avait été édifié par l’impératrice Mathilde, dans le 12e siècle. Il fut donné primitivement à la rue des Carmes (voy. ce nom), qu’on appelait encore au 15e siècle la rue du Pont ou de Grand-Pont1, à cause de la porte Grand-Pont2 qui d’abord était située à la hauteur de la rue du Petit-Salut, lieu qu’elle occupait dès le temps de la première enceinte de la ville aux 10e et 11e siècles, et qui fut rétablie plus tard au bas de la rue Grand-Pont actuelle, dans le voisinage de l’église de Saint-Martin-de-la-Roquette, telle qu’elle

est figurée dans un plan de la fin du 14e siècle1. Cette dernière porte, qui était directement placée en face du vieux pont de pierre, et même, dit-on, construite sur la première arche de ce pont, resta fermée depuis 1502 jusqu’en 1659. (Voy. au mot Portes.) — On lit dans une délibération de l’hôtel-de-ville de mai 1539 : Savoir si, pour l’honneur et bien de la ville, il est bon d’acquérir la porte de Grand-Pont offerte à vendre afin d’être abattue pour élargir la rue. Il est probable qu’il était alors question d’élargir la porte qui faisait partie des fortifications de la ville, et même de la reconstruire, ce qui eut lieu en effet en 1650, et donna lieu de la désigner sous le nom de la porte Neuve. — La porte Grand-Pont fut démolie en 1810.

On donnait anciennement à la rue Grand-Pont les noms de rue Saint-Martin et de grande rue Saint-Martin2. Dans des actes de tabellionage du 28 janvier et du 18 décembre 1421, elle est désignée par ceux de rue du Bout-du-Pont et de Saint-Martin-du-Bout-du-Pont. Elle portait encore la première dénomination en 1685, à cause de l’église paroissiale de Saint-Martin-du-Pont qui occupait l’emplacement de la cour Martin. (Voy. ce nom.)

Dans cette rue était l’hôpital Saint-Martin, qui existait au 15e siècle. (Voy. à l’article Hôpitaux.)

— Au bas de la rue Grand-Pont et à l’intersection des rues des Charrettes et de la Savonnerie, est une petite place circulaire appelée d’abord le Quart-de-Cercle, et qui reçut ensuite le nom de place Corneille. Là est la façade de la salle de spectacle à laquelle fut donné, en 1795, le nom de théâtre des Arts, en remplacement de celui de théâtre de la Montagne qu’elle avait porté pendant deux ans. Cette salle, bâtie par Gueroult, architecte, sur l’emplacement d’une ancienne hôtellerie appelée le Croissant, et dont la première pierre fut posée le 18 juin 1774, fut inaugurée le 29 juin 1776, jour de Saint-Pierre. Elle fut allongée, en 1809, aux dépens de l’ancienne place de la Petite-Boucherie, et reçut depuis diverses améliorations, mais elle est loin de se trouver en rapport avec la richesse monumentale de notre ville.

Un projet avait été fait, par l’architecte Gueroult, pour établir au lieu et place de la porte Grand-Pont et dans la direction de la rue Saint-Sever et de l’ancien pont de pierre, une place à laquelle aurait été donné le nom de place Louis XVI, et au centre de laquelle aurait été élevée une statue de ce souverain. Ce projet fut complétement abandonné.

Les rues Grand-Pont, des Carmes et de Beauvoisine traversent la ville du sud au nord. L’établissement des trottoirs dans ces deux premières rues et sur la place Notre-Dame date de 1856.

M. E. De la Quérière a signalé l’existence, dans la rue Grand-Pont, de quelques maisons remarquables. En 1819 on a trouvé, en creusant la terre pour établir les fondements d’une maison voisine de la rue du Petit-Salut, à plus de six mètres de profondeur, un mur de parapet couronné d’une tablette, portant de gros anneaux pour y amarrer des barques1.

Grande-Chaussée (quai de la). = Quai de la Petite-Chaussée, quai des Curandiers. — 11e section, 6e canton, Saint-Sever. — Faubourg Saint-Sever.

Ce nom a été donné, par un arrêté du 17 août 1837, à la partie de l’ancien hameau de Claquedent (voy. ce mot) située entre la rue Benoît et celle de la Grande-Chaussée.

Grande-Chaussée (rue de la). = Quai de la Grande-Chaussée et quai des Curandiers, rue Hyacinthe-Langlois, au hameau de la Motte. — 11e section, 6e canton, Saint-Sever. — Faubourg Saint-Sever.

Cette rue, qui n’était primitivement qu’un chemin conduisant de la Seine au hameau de Bonne-Nouvelle, et dont le parcours avait été longtemps négligé, a été restaurée dans le courant de 1854 ; mais on voit encore, au milieu de cette rue, un fossé profond qui n’est pas sans danger pour la circulation. On remarque dans son voisinage l’établissement appelé les Forges et les Laminoirs rouennais, créé par feu M. Laubenière, et qui avait été inauguré solennellement le 25 août 1859.

On donnait vulgairement la dénomination des Trois-Planches à une espèce de pont qui réunissait la Grande-Chaussée avec le

chemin du hameau de la Motte, lequel a reçu depuis le nom d’Hyacinthe-Langlois.

Grande-Mare (ferme de la), sur la côte des Sapins. — 1re section, 5e canton, Saint-Hilaire. — Faubourg Saint-Hilaire.

Cette ferme est située sur les limites de la ville vers la commune de Saint-Martin-du-Vivier. Une petite rue partant de la route de Darnétal et conduisant à cette ferme, est portée sur un plan de 1817 sous le nom de rue de la Grande-Mare. Elle est inscrite actuellement sous celui de rue Dargent. (Voy. ce nom.)

Grande-Mesure (rue de la). = Rue du Chaudron, rue Eau-de-Robec. — 6e section, 3e canton, Saint-Maclou. — Quartier S.-E.

Cette rue, dont le nom est venu évidemment d’une enseigne, a été élargie depuis l’ouverture de la rue Napoléon III.

Gravier (ruelle du). = Rue du Petit-Salut, rue de la Grosse-Horloge. — 9e section, 1er canton, la Cathédrale. — Quartier S.-O.

Cette ruelle est très ancienne. Elle est désignée dans un acte de tabellionage du 5 mars 1422 comme conduisant de la rue de Courvoiserie (ancien nom de la rue de la Grosse-Horloge) à la rue aux Tailleurs (actuellement la rue du Petit-Salut). Elle avoisinait les murs de la ville lorsque la porte Grand-Pont était près de la rue du Petit-Salut, et a pu prendre son nom des cailloux ou graviers qui y étaient alors. Il y avait aussi une famille du Gravier, dont cette rue a pu recevoir le nom. — On la trouve désignée dans des actes du 16e siècle sous la dénomination de la ruelle à Ronsard ou Roussart. Un acte du 9 mai 1555 concerne des maisons bornées d’un côté la ruelle vulgairement appelée la ruelle à Ronsard et d’un bout par devant la grande rue de Courvoiserie. Un autre acte du 20 octobre 1565 indique un grand corps de maison borné d’un côté la ruelle Roussart, d’un bout les représentants Roussart, d’autre bout le pavement du roi à la rue du Salut-d’or (ancien nom de la rue du Petit-Salut).

— La rue du Gravier est elle-même appelée par Du Souillet rue du Petit-Salut, et est ainsi désignée dans un plan de 1655.

Le Flambeau astronomique de 1716 l’appelle la petite rue du Petit-Salut.

— On trouvait aussi, dans le faubourg Saint-Hilaire, une rue du Gravier, appelée aussi rue Saint-André-Saint-Hilaire ; c’est la rue du Franc-Manoir (voy. ce nom).

Gril (rue du).

Plusieurs rues de Rouen ont porté les noms de rue du Grédil, du Gril ou du Petit-Gril.

Près de la rue de l’Eau-de-Robec se trouvait, il y a peu d’années encore, une rue du Gril appelée aussi rue du Grédil1, laquelle comprenait autrefois dans son parcours les anciennes rues du Fer-à-Cheval et des Marquets, remplacées actuellement, ainsi que la rue du Gril, par la rue Ambroise-Fleury, ouverte en 1867 pour communiquer directement de l’Eau-de-Robec à la rue Martainville. Cette rue paraissait tirer son nom d’une espèce de grille en fer, anciennement nommée gril ou grédil, qui servait à l’écoulement des eaux.

— On donnait également, au 15e siècle, le nom de rue du Grédil à une ruelle descendant de Beauvoisine à la Rougemare. Un acte de tabellionage de 1489 fait mention d’une maison en la rue du Gredil tendant de la Rougemare en amont à une ruelle tendant à la rue Beauvoisine et à la rue du Maulévrier. Dans le Ms des Fontaines, de 1525, il est parlé d’un gredil estant au mur d’un des fossés de la ville à Bouvreuil.

— Il existait enfin, entre la rue Étoupée et la rue Dinanderie, une rue du Petit-Gril, appelée aussi rue du Gril, qui a été supprimée pour l’ouverture de la rue de l’Hôtel-de-Ville. Un acte de tabellionage du 14 janvier 1480 donne aussi à cette petite rue le nom de rue du Grédil, nom sous lequel sont désignées les étuves qui étaient situées dans ce quartier. (Voy. au mot Étuves.) L’origine du nom de la rue du Petit-Gril pourrait donc être la même que celle des autres rues dont nous venons de parler, à moins qu’on ne dût l’attribuer à une enseigne représentant un des ustensiles de cuisine qu’on fabriquait dans le voisinage. (Voy. rue Dinanderie.) Mais un autre acte de 1487 mentionne la vente d’une vide-

place sur la paroisse Saint-Patrice, bornée d’un bout et par derrière par madame Agnès du Gril ; ce qui peut faire supposer encore que cette dernière dénomination aurait prévalu pour la désignation de cette petite rue.

Grosse-Bouteille (rue de la). = Rue Neuve-Saint-Marc, rues des Crottes et Mamuchet. — 6e section, 3e canton, Saint-Maclou. — Quartier S.-E.

Ce nom vient d’une enseigne. Un arrêt du parlement de Normandie, du 23 décembre 1532, fait mention d’une auberge où pendait pour enseigne la Grosse-Bouteille, qui était située près de la porte Guillaume-Lion. Cette rue est aussi désignée dans les anciens plans sous le nom de rue de la Grosse-Tour-du-Tot, tour qui dépendait du fief de ce nom, lequel avait droit de colombier dans l’intérieur de la ville. La tour du Tot était placée entre les rues des Espagnols et de la Chèvre, et faisait partie, au 13e siècle, de la ligne des fortifications tracée aujourd’hui par les rues de la Chèvre et du Ruissel, lorsque la porte de Robec fut reportée au carrefour du Poncel, dans la rue Martinville, sous la désignation de porte du Pont-Honfroy ou de Sainte-Catherine.

Une ancienne rue du Cornet (voy. ce nom) fait actuellement partie de la rue de la Grosse-Bouteille, dans laquelle est aussi une cour appelée la cour du Puits-d’or.

Il y avait dans cette rue une maison ayant pour enseigne le Coq. On voit encore ce coq, de grandeur naturelle, sculpté sur pierre, entre le rez-de-chaussée et le premier étage d’une maison qui paraît dater du 16e siècle. C’est actuellement l’enseigne d’un grainetier.

Grosse-Horloge (rue de la). = Place de la Cathédrale, place du Vieux-Marché. — 9e section, depuis la Cathédrale jusqu’à la rue de la Vicomté ; 10e section, le reste de la rue ; 1er canton ; paroisses : la Cathédrale, depuis la place jusqu’à la rue Écuyère pour les deux côtés ; ensuite Saint-Patrice pour le côté droit, et Saint-Vincent pour le côté gauche. — Quartier S.-O.

Cette rue est connue vulgairement sous la dénomination de

Grande-Rue ; celle de rue du Gros-Horloge, qui lui était également donnée par plusieurs auteurs et qui se trouvait inscrite sur d’anciens écriteaux, est remplacée actuellement par le nom de rue de la Grosse-Horloge, qui lui vient de l’horloge de la ville placée dans la tour du Beffroi.

La rue de la Grosse-Horloge, dont la longueur est assez considérable, eu égard à la division que subissaient au moyen-âge les quartiers de la ville, a porté plusieurs noms distincts. Entre la place de la Cathédrale et la rue Massacre, on l’appelait la rue de la Courvoiserie ou de Courvoyserie (voy. ce mot). Depuis la rue Massacre jusqu’au Vieux-Marché, on la trouve indiquée sous les noms de Machacre, de Vanterie ou Wanterie1. (Voy. ces mots.) Dans beaucoup d’actes on l’appelle la rue tendant du Gros-Horloge au Vieux-Marché.

Lorsque la porte Massacre faisait la clôture de la ville, au 11e siècle, la rue actuelle de la Grosse-Horloge, à partir de cette porte, c’est-à-dire hors de l’enceinte, se nommait la rue du Marché2. Au 15e siècle nous trouvons la même portion de rue indiquée sous le nom de grande rue Saint-Michel, dans des actes de 1402 et de 1491. Elle est enfin désignée dans un acte sans date sous celui de rue Boutterie, paroisse de Saint-Jean, où pend l’enseigne des Trois-Hannetons. C’est sans doute une défiguration de Vanterie.

À l’entrée de la rue de la Grosse-Horloge, près de la Cathédrale, on voyait encore avant 1824 les murs de l’église Saint-Herbland ou Erblanc, qui était l’une des plus anciennes paroisses de la ville. On croit qu’elle servait originairement de temple aux prêtres gaulois, qui y adoraient Vénus. Cette église, qui existait au 12e siècle, et qui avait été rebâtie en 1483, reçut en 1641 les reliques du saint auquel elle était dédiée. Elle fut supprimée comme paroisse en 1791. Ses élégants vitraux furent enlevés en 1802 et transportés en Angleterre. C’est sur l’emplacement et

avec une partie des matériaux de cette église, qui servit longtemps, depuis sa suppression, de remise à un établissement de messagerie, que furent construits en 1825 le grand hôtel et le passage Saint-Herbland. — En 1856, en opérant des travaux de terrassement pour l’établissement d’un aqueduc, on a rencontré des fondations assez considérables de l’ancienne église ; antérieurement, en 1828, on y avait découvert une belle construction romaine, à une profondeur de plus de six mètres. En 1861, dans une maison voisine, on trouva aussi des débris d’architecture romaine, des briques et des tuiles, des monnaies frustes, etc.

La communauté des Orfèvres avait, près du cimetière de Saint-Herbland, son hôtel, qui lui avait été donné, en 1441, par Guillaume Lallemand. En 1493, elle achetait de P. Courel une allée pour isser en cet hôtel1. C’est la maison qui porte le no 2 sur la rue de la Grosse-Horloge, dont la façade a été reconstruite au siècle dernier, à la suite d’un violent incendie2.

L’église royale, collégiale et paroissiale de Notre-Dame-de-la-Ronde3, était ainsi nommée tant à cause de la forme circulaire de l’édifice, que de celle de son clocher qui était en cône ou en pain de sucre, et aussi pour la distinguer de l’église métropolitaine. Elle était d’une haute antiquité, dont il ne reste d’autre preuve qu’une charte d’Odon Rigaud, de 1255. Elle occupait, entre la rue du Bec et l’ancien hôtel-de-ville, l’emplacement sur lequel a été ouverte la rue Thouret après la démolition de cette église en 1798. Cet édifice, qui fut rebâti en entier au 15e siècle, passait pour avoir été, dans son origine, un temple des faux dieux suivant les uns, une synagogue des Juifs4, suivant d’autres ; puis, selon Farin, elle aurait servi de chapelle à l’ancien hôtel-de-ville avant qu’il eût été reculé à la place des anciens remparts, près de la porte Massacre. Enfin elle devint paroisse, puis elle fut supprimée en 1791.

L’autel principal de Notre-Dame-de-la-Ronde, qui avait été

placé en 1688, n’était pas sans mérite. Son portail, qui était de style gothique, avait été commencé en 1532 et fut achevé en 1537.

Entre la rue Thouret et la tour du Beffroi, sont les bâtiments de l’ancien hôtel-de-ville, qui furent édifiés en 1608, près de la porte Massacre, sur les murailles de la ville1, pour remplacer celui qui avait été construit en 1440, plus près de l’église de Notre-Dame-de-la-Ronde, et dans lequel restèrent néanmoins, dit-on, malgré sa vétusté, les bureaux de la mairie2, jusqu’au moment où on les installa, en 1791, dans l’hôtel de la première Présidence de la rue Saint-Lô, d’où ils furent transférés, en 1800, à l’hôtel-de-ville actuel.

La tour dite du Beffroi3, où l’on monte par un escalier de deux cents marches, fut commencée en 1389, en remplacement d’une autre tour qui avait été rasée à la suite de l’émeute de 1382 ; elle fut achevée en 1398, ce qui est indiqué par une inscription gothique placée au pied de l’escalier, et dont voici la teneur : En lan de lincarnacion Nre Segnour mil ccc iiiixx et neuf fu comencé cest Berfroy : et ès ans ensuiuas iusques en lan mil ccc iiiixx et xviii fut fait et parfait. Ou quel temps noble home mess. Guill. de Belleygues cheuallier chambellen du Roy nostre Sire estoit cappitaine de ceste ville, etc.

L’arcade en pierre qui traverse la rue et dans laquelle sont les cadrans de l’horloge, a été construite en 1527, à l’endroit où était précédemment la porte Massacre. On y voit représentés un berger avec ses moutons4, qu’on regarde comme les emblêmes des armes de la ville ; on y voit aussi la figure d’une espèce de monstre rappelant la Gargouille, qui a joué un grand rôle dans les premiers temps de l’histoire de Rouen5. Sous cette arcade étaient des étaux de boucherie, comme l’indique un acte de tabel-

lionage qui fait mention de deux estaux à bouchers sous le beffroi de la ville baillés à ferme1.

Dans la tour du Beffroi est la cloche dite d’argent, que l’on sonne tous les soirs à neuf heures pour la retraite2 et dans les réjouissances ou cérémonies publiques. C’est aussi la cloche d’alarme pour les incendies ou pour les émeutes. Cette cloche, appelée Rouvel, est très ancienne, à en juger par les caractères gothiques qu’on y lit. Plusieurs écrivains l’assimilent à celle qu’on appelait Rembol3 et qui fut confisquée par le roi Charles VI pour avoir sonné dans une émeute populaire en 13824. L’auteur des Lettres sur Rouen suppose que la cloche ne fut pas livrée, et que, par arrangement, la valeur en fut payée aux représentants du roi ; il ajoute qu’il ne faut pas, dès lors, aller loin pour chercher l’origine du nom de « cloche d’argent » qui était donné à la cloche du Beffroi. Au reste, c’est à ses particularités de construction que cette cloche doit sa sonorité5, et à la cloche du beffroi le nom de cloche d’argent restera désormais, a dit l’auteur des Explorations en Normandie6, car le peuple et l’habitude l’ont appelée ainsi, et l’habitude et le peuple sont de bons parrains. — Au-dessus de la cloche sont l’horloge de la ville et un très fort timbre qui est également fort ancien ; il paraît être contemporain de la Rouvel, et porte le nom significatif de la Cache-Ribaud. Il sonnait, dit M. Ch. Richard7, pour rappeler la ville au calme et au silence, pour chasser et faire rentrer dans leurs repaires les ribauds, les mauvais sujets. La Rouvel était la cloche du tocsin ; la Cache-Ribaud était la cloche du couvre-feu. Les tinterelles qui accompagnent ce timbre furent données par un sieur De Moy en 1713, époque où l’ancien pavillon qui surmontait la tour du Beffroi fut remplacé par

une nouvelle lanterne. On lit dans l’Histoire de Rouen que l’entrée de Henri IV en cette ville fut proclamée deux jours avant par les carrefours et au haut de la tour du Beffroy où est la Grosse-Horloge, lieu d’où l’on a la coutume de faire ces sortes de proclamations.

La fontaine dite de la Grosse-Horloge ou de Massacre, qui est placée à l’angle de la rue des Vergetiers, a été construite en 1732. La maison contre laquelle elle est adossée est décorée dans le même goût que la fontaine et paraît avoir été bâtie pour faire partie de ce monument. Cette fontaine représente un rocher sur lequel on voit les figures d’Alphée et d’Aréthuse qui semblent confondre leurs eaux. Une inscription qui y était placée, a été effacée en 1792 ou 1794, par les destructeurs de monuments publics1. À l’intérieur de la maçonnerie, est un gros tuyau de plomb par lequel l’eau arrive et se déverse dans un petit bassin semi-circulaire, divisé en compartiments pour l’entretien de plusieurs autres fontaines. Une ancienne fontaine Massacre, que ce monument a remplacée, avait été construite en 1456 sur les ruines d’une autre plus ancienne qui avait commencé à couler en 1250. Une délibération de l’hôtel-de-ville, que M. Ch. de Beaurepaire a bien voulu nous communiquer, porte que par lesdits conseillers fu marchandé avec Pol Maussellemant ymaginier pour sa paine de tailler cinq ymages en pierre en cinq pièces environ de hault de iii p. iii p. pour la fontaine prez Machacre. Ce furent l’ymage de N. D. et son enfant et quatre autres ymages en fourme d’évesques comme S. Mellon, S. Romain, S. Nigaize et S. Ouen, par la somme de vingt l. t.

À l’extrémité de la rue de la Grosse-Horloge, appelée autrefois la rue de Vanterie, vers le Vieux-Marché, était l’ancienne église paroissiale de Saint-Michel, dont les derniers vestiges ont disparu en 1833. C’était autrefois la chapelle particulière où les abbés du Mont-Saint-Michel célébraient la messe lorsqu’ils venaient siéger à l’Échiquier. On ne voit rien, avant le 16e siècle,

concernant cette église, qui doit avoir été reconstruite vers 1515. Cependant on trouve, dès 1217, sur un acte concernant l’abbaye de Saint-Amand, le seing de Richard, curé de Saint-Michel-du-Marché1.

L’église de Saint-Michel fut dévastée en 1562 par les calvinistes, qui détruisirent une image du saint, couverte en plomb, dont était orné le grand portail. En 1596, la princesse de Condé y fit abjuration en présence d’Alexandre de Médicis, cardinal de Florence, légat du pape. L’église fut fort maltraitée, en 1683, par un ouragan, pendant lequel la flèche en bois de son clocher, d’une exécution remarquable, fut renversée et emportée de l’autre côté de la rue jusque sur une maison voisine, qu’elle écrasa. Ce clocher ne fut rétabli qu’en 1706. L’église de Saint-Michel fut supprimée en 1791 ; elle fut dégagée en 1829 des échoppes qui flanquaient son mur latéral sur la rue de la Grosse-Horloge, et a été démolie en 1834 pour élargir le passage, alors fort étroit, qui joint le Vieux-Marché à la place de la Pucelle. Sur ses ruines s’éleva l’hôtel Saint-Michel, qui fait face aux deux places. — En 1858, on découvrit dans les fondations de l’ancienne église une grande quantité de débris de squelettes humains.

On rencontre souvent, dans les actes de tabellionage du 15e siècle, la mention d’un hôtel du Dieu-d’Amour, qui s’étendait entre la rue de la Grosse-Horloge et celle du Petit-Puits. (Voy. cette rue.)

M. E. De la Quérière, dans sa Description historique des Maisons de Rouen, a donné des détails très intéressants sur plusieurs maisons anciennes de la rue de la Grosse-Horloge, notamment sur celle qui est connue sous le nom de passage d’Étancourt (voy. ce nom), sur l’ancien hôtel-de-ville, et sur des maisons à façades en bois et en terre cuite, du 15e et du 16e siècle, qui ont été démolies en 1861 pour le passage de la rue de l’Impératrice. La première de ces façades a été rétablie avec succès dans le square de Saint-André. Une façade en pierre, de la fin du 16e siècle, qu’on voyait au fond de la cour de l’une de ces maisons, et qui était ornée d’une statue de Diane chasseresse, a été transportée au Musée d’Antiquités.

Guifart ou Guiffart (rue).

Nous ne trouvons sur aucun plan l’indication de cette rue,

qui devait être, au 13e siècle, dans le voisinage de l’abbaye de Saint-Amand et de l’ancienne rue des Prêtresses, où l’évêque de Séez avait sa demeure. Elle est citée dans un titre de 1248 : In vico Guifart ante manerium episcopi Sagiencis. Un autre titre de 1285 porte : Vicus Guiffart per ante usque ad domos de vico Elemosine1. Ce qui fait supposer qu’il s’agit ici de la rue du Père-Adam, qui allait de la rue des Prêtresses à la rue du Petit-Mouton ; cette dernière rue fait suite à la rue de l’Aumône, avec laquelle elle se trouvait quelquefois confondue.

Guignet (ruelle).

Une ruelle de ce nom est citée dans un acte de tabellionage de 1479, comme étant située dans la paroisse de Saint-Maclou.

Guillaume-Hardy (rue), sur la paroisse Saint-Maclou.

Nous devons à M. Ch. de Beaurepaire la communication suivante, au sujet d’une rue ainsi nommée, dont nous ne pouvons préciser la situation :

Lettre de Jehan Cabot, maire de Rouen. — Comme Jehan Hardi, en temps qu’il vivoit, eust laissé en sa derrenière volenté 20 l. d’annuel rente sur son héritage pour chanter pour l’ame de lui en la paroisse Saint-Martin jouxte le pont de Roan. — Par devant nous fut presente Emmeline de Louvechiennes, seur et hoir du dit Jehan ... en temps de sa weuvée.... reconnut avoir baillé et assis en droite assiette pour cause de la dite chapellerie2, toutes les maisons assises en la rue Saint-Maclou de Roan, en une rue qui est appelée la rue Guillaume Hardi, père jadis du dit Johan.... aboutant à la ruelle Guillaume-Hardi d’un bout et d’autre bout à Robec. — Seel de la commune de Roan, fragm. du S. Lion, samedi après la Toussaint 1313.

Guillaume-le-Conquérant (rue). = Rue de l’Impératrice, place du Vieux-Marché. — 9e section jusqu’à la rue Écuyère ; 10e section jusqu’au Vieux-Marché ; 1er canton ; paroisses : la Cathédrale, de la rue de l’Impératrice à la rue Écuyère ; Saint-Patrice pour le reste de la rue. — Quartier S.-O.

Ouverte en vertu d’un arrêté municipal du 31 décembre 1860, pour former le prolongement de la rue Saint-Lô, cette rue, à laquelle a été donné le nom du septième duc de Normandie, unit, conjointement avec la nouvelle rue Rollon, les deux grands marchés de la ville. L’établissement de ces deux voies nouvelles a fait disparaître les rues Saint-Antoine, Saint-Jean et du Petit-Puits.

Guillaume-Lion (porte).

C’est la seule qui subsiste encore aujourd’hui des anciennes portes de la ville. Elle fut reconstruite en 1749, au bas de la rue des Arpents, à la place d’une ancienne porte qui avait été bâtie pour la première fois en 1454, et réédifiée en 1580. Elle avait pris le nom d’une tour voisine qui fut construite à la fin du 14e siècle par un nommé Guillaume Lion, et qui, aliénée par la ville au milieu du 18e siècle, fut démolie et remplacée par des constructions particulières.

Cette porte est appelée vulgairement « Gamelion » par contraction de son nom primitif. Les sculptures dont elle est ornée sont dues à Claude Leprince, notre compatriote, mort en 1758.

On trouve, dans divers actes de tabellionage, l’ancienne porte Guillaume-Lion mentionnée sous les divers noms de porte du Kai-Guillaume-Lyon ou du Kay-Lion1, de Lettre (l’aître) de la porte du Kay2. — En 1794, le nom de Guillaume-Tell fut donné à la porte Guillaume-Lion et à la rue des Arpents.

Il fut question en 1846 de supprimer cette porte ; le conseil municipal décida, en effet, qu’elle serait démolie sur les instantes réclamations des propriétaires voisins, et contrairement aux conclusions d’une commission qui avait été chargée d’examiner la question.

— Il existait, en 1463, près de la tour Guillaume-Lion dont nous avons parlé, une fonderie bornée d’un côté par la rue Maumuset (Mamuchet), d’autre côté le chemin de dessous les murs et d’autre bout le chemin de la tour Guillaume-Lion, probablement la rue des Espagnols. (Voy. ce nom.) — En 1587, pendant les ravages de la peste, les prisonniers de la conciergerie furent, par l’ordre du Parlement, transférés à la tour Guillaume-

Lion, préparée à cet effet par les échevins : On fera fermer sûrement, portait un arrêt du 18 mars 1583, d’huys et de serrures la tour, pour y renfermer les contrevenants aux mesures de police ; il y sera pourvu de siéges et de paillasses ; un homme capable en aura la clé, etc. Taillepied, en parlant de la porte Guillaume-Lion, ajoute ces mots : où on met ceux qui délinquent en gardant ceux de la contagion quand il y en a. Plus tard, en 1598, cette tour servit de logement aux marqueurs chargés de signaler les maisons atteintes de la peste, et fut assignée en 1620 aux administrateurs des Pauvres-valides, pour y tenir provisoirement leurs séances.

Guisier (rue).

On appelait ainsi, du nom d’un propriétaire, un chemin qui tend de l’avenue du Mont-Riboudet à une habitation particulière et de là à la rue de la Croix-d’Yonville, où il aboutit en face de la rue de la Carue, par une ancienne impasse de ce nom.

Guy-Delabrosse (rue). = Rue Édouard-Adam, rue Mollien. — 3e section, 4e canton, Saint-Vivien. — Quartier S.-E.

Cette rue, ouverte sur l’emplacement de l’ancienne impasse du Couaque (voy. ce mot), a reçu en 1867 le nom d’un célèbre médecin né à Rouen vers 1550 et décédé en 1641. — Il fut médecin particulier de Louis XIII, et le fondateur du Jardin-des-Plantes de Paris.

Hache (impasse de la), dans la rue du Mont. — 2e section, 4e canton, Saint-Vivien. — Quartier N.-E.

Nous ignorons l’origine de ce nom, qui est indiqué sans doute par erreur sous le nom de rue de la Cage dans la nomenclature de Du Souillet de 1731.

Hallage (rue du). = Rue des Tapissiers, rue de la Salamandre et place du Marché-aux-Balais. — 7e section, 3e canton, la Cathédrale. — Quartier S.-E.

Cette rue tire son nom de la maison dite du Haulage, où l’on percevait les droits sur les marchandises exposées en vente dans les halles et marchés, ainsi que l’impôt auquel étaient assujéties les différentes corporations.

Gomboust, dans les Antiquitez et singularitez de la ville de Rouen, dont nous devons la reproduction à M. Éd. Frère1, cite l’enclos des Halles vulgairement dit le Hallage.

On voit dans un acte de tabellionage de 1491 l’indication d’une ruelle tendant de la Basse-Vieille-Tour à l’huis de derrière la maison du Haulage. Un autre acte parle d’une maison ayant le même abornement et portant l’enseigne de la Chassemarée2. Enfin un acte du 23 juin 1492 concerne l’hôtel et tennement du hallage, appartenant à la ville, bornés d’un bout le chemin de dessous l’avant-sollier dudit hallage par lequel on va de la rue Saint-Cande à la Vieu-Tour (voy. rue du Bac) ; une rente de vingt sous était créée au profit de Jean Vaillant ancien quartenier et tenant l’hostel du Haulage des bourgeois de Rouen. On voit encore, dans la rue du Hallage, la trace de la ruelle ci-dessus mentionnée, qui est figurée dans les plans de 1655 et de 1724, et qui communiquait du corps de bâtiment sud de la Basse-Vieille-Tour à l’église de Saint-Cande-du-Sollier.

La maison du Haulage faisait autrefois partie du palais des ducs de Normandie. C’est dans cette maison que l’on ôtait les fers du prisonnier admis chaque année à lever la fierte. (Voy. à l’art. Vieille-Tour.)

— Nous trouvons dans des actes du 1er juin 1422 et du 16 octobre 1513 la mention d’une rue de la Herche. Le premier de ces actes indique la rue descendant de la maison de la Herche au manoir de la halle de la ville de Rouen en la Vieu-Tour. On remarque, sous le porche de l’entrée de la rue du Hallage par la place du Marché-aux-Balais, et sous la voûte d’une autre maison qui traverse la même rue, de forts gonds en fer qui ont dû servir à la suspension de barrières ou d’une sorte de fermeture appelée herche3. D’un autre côté, le registre du tabellionage des années 1369 à 1373, fo 105 vo, fait aussi mention du clos où l’on meict gloe dedens l’enclos du haulage de la ville. D’après l’interpré-

tation donnée par les dictionnaires du vieux langage, le mot « gloe » comprendrait aussi, dans sa signification, les sortes de bois servant à la confection des barrières, ce qui permet de supposer que la désignation de rue de la Herche pourrait se rapporter à la partie de la rue qui renfermait la maison dite du Haulage.

Halle-au-Blé (place de la), dans la rue Impériale, en face de la rue des Augustins. — 7e section, 3e canton, Saint-Maclou. — Quartier S.-E.

Sur cette place est actuellement la principale entrée de la halle au blé dont la fondation remonte au milieu du 13e siècle. La place de la Halle-au-blé occupe l’emplacement d’une ancienne tuerie qui avait été établie en 1607 près de la Basse-Vieille-Tour, et qui fut plus tard transférée au bout de la rue Martinville, près de la porte de ce nom, où elle subsista jusqu’à la création des abattoirs. On appelait rue de la Tuerie une petite rue aboutissant à celle des Halles, qui fut supprimée lors de l’ouverture de la rue Impériale et de l’établissement de la place de la Halle-au-blé.

Cette halle, qui a une troisième entrée sur la place de la Basse-Vieille-Tour, est peut-être un vaisseau unique en son espèce et a plus de cent mètres de longueur. (Voy. aussi rue des Halles.)

Halles (rue des). = Rue Impériale, rue de l’Épicerie. — 7e section, 3e canton, la Cathédrale. — Quartier S.-E.

En 1784, cette rue portait le nom de rue Neuve-des-Halles. Elle était fermée dès le 15e siècle, du côté de la rue de l’Épicerie, par une maison formant porche qui fut acquise vers 1835 pour élargir l’entrée de la rue, et dont on voit encore la trace près de la porte de la halle aux Merciers. Un acte de tabellionage du 28 novembre 1478 fait mention d’un hôtel par dessous lequel on passait pour aller droit à l’église des Augustins, joignant d’un côté la porte de la halle aux merciers, d’autre côté la halle aux draps et aux laines, d’un bout la rue de l’Épicerie et la porte de la Vieu-Tour, et d’autre bout par derrière la dite halle aux Merciers et le pavé de la rue tendant aux Augustins.

— À l’extrémité est de cette rue est une porte d’entrée de la halle aux grains, ce qui lui a fait donner le nom de rue de la Halle-au-blé1 dans le Flambeau astronomique de 1710.

— Les halles de Rouen passaient pour être les plus belles de l’Empire, surtout à cause de leur étendue ; elles occupaient anciennement1 un espace de neuf cents pieds en carré, dont les quatre côtés étaient bordés de boutiques à double étage. Les parties les plus remarquables de ce grand édifice étaient la halle aux merciers, les halles aux drapiers et aux laines, la halle au blé. Elles furent bâties pour la première fois vers le milieu du 13e siècle, à peu près à l’époque où Louis IX détermina la 5e enceinte de la ville ; elles appartenaient primitivement à l’archevêque de Rouen, qui, en juillet 1262, les échangea contre le château de Gaillon et la ville de Dieppe appartenant à saint Louis. Quelques mois après la ville en devint propriétaire, par la cession qui lui fut faite par le même roi, moyennant une rente de 3,000 livres2.

Un acte de tabellionage du 18 juillet 1471 nous apprend qu’à cette époque la halle aux toiles était alors en grande ruine, et que, pour la réédifier, la ville vendit à plusieurs marchands des parcelles de terrain. L’ancienne halle fut démolie en 1540, et la ville reconstruisit deux ans après la partie de la halle aux drapiers3 qui avait été coupée en 1508 pour des fêtes qui furent données à l’occasion de l’entrée du roi Louis XII4. La ville rebâtit en 1621 la grande halle du côté du hallage, qui dut remplacer la halle aux drapiers réédifiée en 1542, et dont il ne reste plus qu’une partie occupée actuellement par un faïencier ; en 1651 la halle aux merciers, en 1652 la halle aux rubanniers, et en 1744 la halle neuve5.

La halle du sud, qui est affectée actuellement à la vente des rouenneries et cotonnades de couleurs, longue de 90 mètres environ, est sur la voûte qui conduit de la Haute à la Basse-Vieille-Tour et sur d’immenses magasins où se tenaient autrefois les halles, et qui sont employés, depuis 1857, au service de l’emmagasinage des huiles et au dépôt des marchandises sur warrants. (Voy. Douanes.) On monte à cette salle par deux beaux escaliers placés en face l’un de l’autre, lesquels donnent aussi accès au monument de Saint-Romain. (Voy. Haute-Vieille-Tour.) Les vastes greniers qui surmontent cette magnifique salle sont soutenus par des charpentes appuyées de distance en distance sur des piliers en bois ; son plancher repose sur de fortes colonnes en pierre placées au rez-de-chaussée. On communique de cette halle dans celle aux toiles blanches, qui est longue d’environ soixante mètres et est située à l’est de la place ; celle du nord, qui était affectée précédemment à la vente des cotons filés1, a son entrée par la rue des Halles. Elle est de la même forme et à peu près de la même dimension que la salle du sud ; on y fait depuis 1842 la vente des toiles écrues, des futaines, etc. C’est là qu’était l’ancienne halle aux merciers-drapiers, si l’on s’en rapporte à l’acte de tabellionage du 28 novembre 1478, dont nous parlons à l’art. de la rue des Halles.

La corporation des merciers-drapiers avait son lieu d’assemblée dans de vastes salles qui sont situées sous cette dernière halle. On y remarque encore des portions de lambris décorés de riches sculptures. Elles ont servi longtemps de magasin à un faïencier2.

La halle aux cordonniers, qui, au 15e siècle, était sur la paroisse de Saint-Jean-sur-Renelle près de la rue Percière, comme le constatent des actes du 28 janvier 1419 et du 12 septembre 1421, fut installée plus tard au rez-de-chaussée du bâtiment ci-dessus désigné, au nord de la place de la Haute-Vieille-Tour, près d’un passage qui aboutissait à la rue des Halles et qu’on appelait le passage de l’industrie ; plus loin était la halle aux cailloux3, qui

s’accédait par un autre passage conduisant à une cour placée à l’ouest de la halle au blé.

Il y avait encore, dans le voisinage des halles, la halle aux bralliers ou aux vieilles lingeries1, et la halle aux badestamiers, au Mont-Saint-Denis.

Jusqu’en 1493 les halles étaient ouvertes. À cette époque on y fit placer des portes pour en éloigner les fainéants qui venaient y passer leur temps à jouer, principalement les dimanches et fêtes ; mais on négligeait souvent de les fermer. En 1616, des futaillers avaient, en laissant leur chandelle allumée, mis le feu aux copeaux amassés dans leur atelier, ce qui menaça d’embraser toutes les halles. Ils en rejetèrent la faute sur les vagabonds, qui, disaient-ils, avaient mis le feu dans les loges des halles.

En 1842, d’importantes restaurations ont été faites dans les salles de la halle. Des travaux d’agrandissement furent, en outre, projetés, et l’on eut l’intention de convertir en salles les magasins du rez-de-chaussée, pour la vente en gros des articles de draperie ou de lainage, et pour les cuirs2.

De nouvelles études tendent à dégager et à embellir les abords des halles et à les rendre plus accessibles au commerce. Au nombre des projets qui ont été soumis récemment à l’examen du conseil municipal, nous nous bornerons à mentionner celui d’ouvrir de larges voies de communication rayonnant autour de cet édifice, et dont l’une aurait en outre pour effet de découvrir la perspective de la Cathédrale, par l’établissement d’un boulevard qui aboutirait du port à la place de la Calende, en supprimant les maisons placées entre la rue du Bac et la rue de l’Épicerie, celles de la rue du Hallage, etc.

(Voy. aussi l’article de la place de la Haute-Vieille-Tour.)

Hallettes (cour des).

On appelait ainsi une cour qui avait son entrée sur la place

du Vieux-Marché, et qui a été supprimée lors du dernier agrandissement de cette place.

Hameau-des-Brouettes (rue et impasses du). = Rue Méridienne, rue des Brouettes. — 11e section, 6e canton, Saint-Clément. — Faubourg Saint-Sever.

Le hameau des Brouettes comprend l’espace limité par la rue de ce nom et par la rue d’Elbeuf. La rue du Hameau-des-Brouettes aboutit dans celle des Brouettes, presqu’en face de celle de l’Épine, par un retour d’équerre qui était connu quelques années auparavant sous le nom de rue de la Corderie. (Voy. rue des Brouettes.)

Harcourt (rue d’). = Quai du Havre, place Henri IV. — 10e section, 1er canton ; Saint-Vincent pour les nos pairs ; la Madeleine pour les nos impairs. — Quartier S.-O.

Cette rue, qui est inscrite dans un plan de 1782 sous le nom du dernier gouverneur de la ville, fut agrandie après la démolition du Vieux-Palais. Elle fut appelée, en 1794, rue de la Loi. — Depuis lors elle avait été considérée comme faisant partie de la rue du Vieux-Palais, qui se trouvait ainsi prolongée jusqu’au quai ; mais, dans les premières années du 19e siècle, elle a repris son nom de rue d’Harcourt, nom sous lequel elle figure sur les plans depuis 1814.

— On appelait quai d’Harcourt la partie du port qui longeait les murs du Vieux-Palais, et qui avait été acquise par la ville de M. d’Harcourt, gouverneur du Vieux-Palais, moyennant une rente de 1200 liv. ; à la suite de ce quai, du côté du boulevard, était le quai Feydeau, ainsi désigné dans un procès-verbal des quais de Rouen, dressé en juillet 1763. (Voy. quai Feydeau.)

Harenguerie (rue). = Quai de la Bourse, rue Saint-Vincent. — 9e section, 1er canton, Saint-Vincent. — Quartier S.-O.

Il existait, en 13541, sur les quais, à l’extrémité du pont, un emplacement où se faisait la vente des poissons apportés par les navires. Cet emplacement s’étendait jusqu’à la rue Harenguerie, dont le nom rappelle l’espèce de poisson qu’on y vendait plus

particulièrement, et au bas de laquelle fut bâtie une porte de la ville. Cette rue reçut alors le nom de la Vieille-Harenguerie, nom sous lequel elle est citée dans des titres de 1408 (époque où elle fut pavée à neuf), de 14091, de 1422. Un acte du 10 mars 1427 fait mention d’une maison faisant le coing vers Seine des louages et tennements que a ledit bailleur en la Vieille-Harenguerie, etc. Un autre acte de 1481 parle de l’hôtel de la Vieille-Harenguerie, borné d’un côté Alorge, d’autre côté la rue de la Vieille-Harenguerie, d’un bout la rue des Cordeliers (nom que l’on donnait alors à une portion de la rue des Charrettes), d’autre bout à la rivière de Seine. Comme on le voit, cet hôtel comportait dans ses dépendances une étendue assez considérable.

Vers la fin du 15e siècle, on établit la nouvelle poissonnerie dans un emplacement qui fut désigné plus tard sous le nom de la Petite-Boucherie (voy. ce mot), et que l’auteur des Beautez de la Normandie appelle la petite harenguerie du pont, où il y a boucherie, poissonnerie, etc. Un acte de tabellionage du 23 septembre 1482 concerne en effet la vente faite à la ville d’un ténement de maisons, masures et héritages près les kays, auprès de la porte aux Charretiers en la rue qui va du bout du pont vers l’église des Cordeliers (la rue des Charrettes), bornés d’un côté une vide place estant sur les kays où souloit estre l’abreuvoir aux chevaulx, et où l’on a l’intention de faire la poissonnerie de la ville. Puis, un autre acte du 16 septembre 1487 indique la vente d’un héritage borné d’un côté par le lieu où l’on a de présent édifié les maisons et estaulx de la poissonnerie du bout du pont, d’autre côté le pavé du roi où souloit être la porte aux Charrettes, et d’un bout la rue tendant à la dite poissonnerie.

L’ancienne porte Harenguerie ayant été démolie en 1723, on la reconstruisit en 1725, puis elle fut supprimée définitivement en 1827. On avait, en 1792, mutilé les écussons et armoiries qui étaient sur cette porte, comme ceux des autres monuments publics ; des chiffres, composés de deux L, sculptés au dessus des colonnes, échappèrent à la hache des destructeurs qui, sans doute, n’en avaient pas connu la signification.

La rue Harenguerie, qui n’avait été d’abord ouverte que jusqu’à la rue des Charrettes, a été prolongée, en 1864, jusqu’à la rue Saint-Vincent, aux dépens d’une ancienne ruelle fermée par

ses deux extrémités, et que l’on nommait la rue aux Français. (Voy. ce nom.)

Harpe (rue de la). = Rue Eau-de-Robec, petite rue Saint-Vivien. — 3e section, 4e canton, Saint-Vivien. — Quartier S.-E.

Il y a deux ou trois maisons au plus dans cette petite rue, qui doit son nom à une enseigne. On voit, en effet, la figure d’une harpe sculptée sur l’imposte d’une maison en pierre de la fin du 16e siècle, qui fait l’encoignure de cette rue sur celle de l’Eau-de-Robec.

Haut-Mariage (rue du). = Rue Préfontaine, rue du Mont-Gargan. — 1re section, 5e canton, Saint-Paul. — Faubourg Martinville.

Nous n’avons aucun renseignement précis sur le nom de cette petite rue, qui est très ancienne. Ce nom de Haut-Mariage, dit l’auteur du Dictionnaire indicateur, ne serait-il pas dérivé de for-mariage, qui se disait d’une union contractée contre la loi ou la coutume ? Une charte de 12571 fait mention d’un personnage nommé Gilbertus Haut-mariage, qui aurait bien pu donner son nom à la rue.

Au moyen-âge, la route de Paris passait dans la rue du Mont-Gargan, au bout de la rue du Haut-Mariage. La croix de Sainte-Catherine était placée auprès des degrés dont on voit encore des vestiges dans cette dernière rue. Ces degrés, par lesquels on descendait à l’Aubette, furent construits en 1310 par Enguerrand de Marigny, ministre de Philippe-le-Bel2. (Voy. aussi l’impasse des Hauts-Mariages.)

Haute-Vieille-Tour (place de la). = Place de la Basse-Vieille-Tour, rue de l’Épicerie. — 7e section, 3e canton, la Cathédrale. — Quartier S.-E.

On donne ce nom à l’une des deux places qui font partie du lieu appelé la Vieille-Tour, et qui sont séparées l’une de l’autre par un des bâtiments des Halles.

Cette place est désignée ainsi dans le Flambeau astronomique

de 1716 : La Vieille-Tour, et marché les vendredis, où sont les halles aux laines, aux draps, cordonniers, lingères en vieil linge, rubannières, fripiers, halles aux toiles, au fil, des chaudronniers où se tient les namps (meubles et ustensiles de ménage), des savetiers, et le Bel1, où étalent les revendeuses et les potières de terre ; les boullengers dehors la ville y vendent du pain le lundi et le vendredi. Il y a fontaine au milieu.

La place ou le Bel de la Haute-Vieille-Tour est toujours consacrée à la vente de vieux linge et d’ustensiles de toute espèce, de comestibles, etc. Une halle pour la vente à la criée de la viande de boucherie, y a été construite en 1856. Au centre de la place était autrefois une très belle fontaine qui s’élevait en pyramide triangulaire, décorée de sculptures et surmontée d’une figure d’Alexandre-le-Grand, avec ses ornements. Cette fontaine commença à couler en 1602. Il ne reste actuellement qu’un corps de fontaine très ordinaire, qui est alimentée par la source de Gaalor.

On voit, au haut de l’escalier qui conduit à la halle aux toiles (voy. Halles), une ancienne chapelle ouverte de tous côtés, où l’on conduisait processionnellement, le jour de l’Ascension, un criminel, pour lever la châsse de Saint-Romain. Cette chapelle, appelée le Bel de la Vieille-Tour2, ou l’édicule de la Fierte, ou encore le monument de Saint-Romain3, fut construite en 1542 en remplacement d’une autre qui menaçait ruine4. Le prisonnier admis à lever la fierte était absous, lui et ses complices. Pour jouir de cette faveur, il fallait que le crime de meurtre eût été commis sans préméditation. Les détails sur l’origine de ce beau privilége qui fut aboli en 1791, après une existence de plus de mille ans, sont donnés par tous les auteurs qui ont écrit sur

l’histoire de Rouen, et ont été consignés surtout dans le bel ouvrage de M. A. Floquet1.

Au-dessus de la halle aux toiles étaient les salles de l’Académie des arts, de dessin et de peinture, avant leur translation dans les dépendances de l’ancien monastère de Sainte-Marie, situé dans la rue Beauvoisine et la rue Impériale. Le peintre Descamps vint à Rouen en 1740, reçut gratuitement des élèves en 1741, et établit ainsi une école qui fut fondée par arrêts du Conseil de 1750 et 1755, avec le titre d’École gratuite de dessin. On lui donna, par la suite, celui d’Académie des arts, de dessin et de peinture. Après la mort de Descamps, cette école fut dirigée par J.-B. Descamps, son fils, qui reçut en 1791 le titre de directeur général de l’École de peinture et de dessin de Rouen et du département de la Seine-Inférieure. Cette école fut supprimée en 1793. Rétablie vers 1805, l’Académie des arts, de dessin et de peinture de Rouen a été transférée, en 1828, dans le local qu’elle occupe actuellement.

Hauts-Mariages (impasse des), dans la rue Damiette. — 6e section, 3e canton, Saint-Maclou. — Quartier S.-O.

Cette impasse est désignée dans des actes de tabellionage du 31 juillet 1425 et du 26 novembre 1538, sous les noms de rue du Hault-Mariage ou des Hauts-Mariages. L’origine de son nom pourrait être la même que pour la rue du Haut-Mariage, dont nous avons parlé. (Voy. p. 281.)

En face de cette impasse était autrefois une petite rue allant de la rue Damiette à celle des Cinq-Cerfs, actuellement réunie à la rue Saint-Nicolas. (Voy. rue des Privées-de-Robec.)

Havre (quai du). = Rue de la Vicomté, boulevard Cauchoise. — 10e section, 1er canton ; Saint-Vincent, de la rue de la Vicomté à la rue d’Harcourt ; ensuite la Madeleine. — Quartier S.-O.

On appelle ainsi, en vertu d’un arrêté du 17 août 1837, la partie du port qui fait suite au quai de la Bourse, et qui s’étend jusqu’au boulevard Cauchoise, le quai d’Harcourt compris. (Voy. Port de Rouen.)

— On donne le nom de route neuve du Havre ou de Saint-

Romain à la route départementale no 4, qui part de l’avenue du Mont-Riboudet, en face de la rue Binet, et se dirige sur Bapeaume. Cette route a été livrée à la circulation vers 1850.

Henri-Quatre (place). = Rues du Vieux-Palais, Saint-Jacques, des Charrettes et d’Harcourt. — 10e section, 1er canton ; Saint-Vincent, pour le côté droit ; la Madeleine, pour le côté gauche. — Quartier S.-O.

Cette place avait reçu, en 1794, le nom de place du Vieux-Palais ; elle reprit sa dénomination actuelle en 1814. On l’appelait quelquefois, au 15e siècle, la place du Palais-du-Roi. Un acte de tabellionage de 1422 cite un héritage devant la dite place, d’un bout l’hôtel des Béguines (Voy. rue du Vieux-Palais.)

La fontaine que l’on voit au centre de la place Henri-Quatre a été établie en 1559 ; elle est alimentée par les eaux de la source d’Yonville. Elle était surmontée d’une grande figure d’Hercule armé d’une massue et ceint d’une peau de lion, par laquelle on avait eu la prétention de représenter le souverain. Le 4 juin 1782, cette figure fut remplacée par une autre statue du même prince, en habit royal et appuyé sur un bouclier. L’œuvre du sculpteur rouennais Jadoulle fut abattue et mutilée le 5 octobre 1792. L’auteur des Lettres sur Rouen dit que cette statue orne actuellement le bosquet d’une belle propriété des environs de Rouen.

Herbière (rue). = Rue des Charrettes, place de la Pucelle. — 10e section, 1er canton, Saint-Vincent. — Quartier S.-O.

Cette rue, citée dans des chartes anciennes1, est mentionnée dans divers actes de tabellionage du 15e siècle2. Dans un plan de 1597 on l’appelle rue de l’Herberie. Il est vraisemblable que son nom vient des herbes qui croissaient en abondance sur les terres neuves qui, vers le 10e siècle, furent rapportées pour réunir l’île de Saint-Éloi à la terre ferme.

Nous ne savons si c’est la même rue qui se trouve désignée dans un acte de tabellionage du 13 mai 1463, sous le nom de

rue Maline. Cet acte fait mention de l’hôtel du Heaume, à trois pignons sur rue, en la rue de la Vicomté, d’un bout à la rue Maline.

Dans la rue Herbière était l’hôtel des Monnaies. M. l’abbé Cochet fait remonter l’atelier monétaire de Rouen aux époques gauloise et romaine1. Le Flambeau astronomique de 1728 dit que la cour des Monnaies fut érigée le 17 mai 8532, par Charles-le-Chauve, qui, dans un capitulaire de 864, comprit Rouen dans la liste des dix endroits où il ordonna de continuer de battre monnaie. Sans qu’on puisse dire que l’atelier monétaire a toujours été dans la rue Herbière, on sait que la confrérie des monnayeurs était établie à l’église de Saint-Georges qui en est voisine, et que Nicolas du Val-Richer, leur prévôt, y fut inhumé en 1462.

On ne peut donc indiquer l’origine de l’hôtel des Monnaies de Rouen ; seulement, les armes de France en relief, avec des F couronnés, qui sont sculptées au-dessus de la porte du bâtiment, où était la fonderie, ainsi que l’architecture de ce bâtiment, le plus ancien de tous ceux de l’hôtel, attestent qu’il a été réédifié sous François Ier3. En 1592, la monnaie de Rouen fut transférée à Dieppe en vertu de lettres patentes, mais elle y resta peu de temps. Sur les anciens plans, l’hôtel des Monnaies est indiqué comme formant une rue qui allait de la rue Herbière à la rue Saint-Éloi, et qui fut supprimée vers la fin du siècle dernier.

Fermé en 1793 et rétabli en 1803, cet établissement a été de nouveau supprimé en 1848 ; il fut toutefois utilisé en 1852 pour contribuer à la refonte de la vieille monnaie de cuivre, après quoi eut lieu sa suppression définitive, et l’hôtel qu’il occupait a été plus tard converti en caserne pour les préposés des douanes.

Il y eut anciennement, dans la rue Herbière, une communauté religieuse de la congrégation de Notre-Dame, qui fut transférée, en 1648, dans la rue Notre-Dame, appelée depuis la rue des Arpents.

On voyait, au pied d’une des premières maisons de la rue Herbière, à gauche en montant, une plaque en faïence portant une inscription qui indiquait la hauteur qu’avaient atteinte,

en 1740, les eaux de la Seine. Cette plaque a disparu dans le courant de 1841.

Herbouville (rue d’). = Rue Saint-Maur, rue Crevier. — 12e section, 5e canton, Saint-Gervais. — Faubourg Bouvreuil.

Ce nom a été donné en juin 1867 à la rue Fessardière, en mémoire du marquis d’Herbouville, né à Rouen en 1756, lequel fut nommé, en 1787, membre de l’assemblée provinciale de Rouen, devint ensuite commandant de la garde nationale de cette ville, et remplit, en 1790, les fonctions de président de l’administration départementale de la Seine-Inférieure.

La rue Fessardière était désignée, dans différents actes de tabellionage du 14e et du 15e siècle, sous les noms de la Haute1 et de la Basse-Fessardière. Dans un rôle du 14e siècle on l’appelle la rue de la Grand’Fessardière. Il y avait, vers la même époque, les jardins de la Fessardière dans la rue qui mène de la rue Saint-Nicolas (actuellement la rue Saint-Maur) à la rue Quevrière (Crevier). C’était probablement le nom d’un fief.

En 1794, on donna à la rue Fessardière le nom de rue de Saare-Libre, qui était celui d’une place forte du département de la Moselle ; et elle avait repris, en 1795, son ancienne dénomination.

Hérisson (impasse), dans la rue du Mont. — 2e section, 4e canton, Saint-Vivien. — Quartier N.-E.

Cette impasse portait aussi le nom du camp ou du champ Hérisson. Elle est située derrière le couvent des dames de Sainte-Marie. C’est le nom d’un fief sur lequel furent construites, au 14e siècle, les maisons du quartier de la rue du Mont.

Sur les plans de 1655 et de 1724, l’impasse Hérisson est figurée comme formant le prolongement de la rue Bassesse jusqu’aux remparts ; mais rien n’indique que ce prolongement ait été fait.

Hermites (rue des).

Cette rue, qui a été supprimée en 1861 pour l’ouverture de la rue des Basnage et pour l’établissement du square de Solférino, avait reçu, en 1794, le nom de rue du Juré, qu’elle ne conserva que jusqu’en 1795.

La rue des Hermites, qui existait au 13e siècle, dut recevoir son nom du second couvent qui y fut établi, de 1250 à 1260, par les Templiers1, dont la principale maison était dans la rue de l’Estrade en face de la rue des Cordeliers, ou bien d’une enseigne ou image représentant des hermites. Un acte de tabell. de 1384 parle du prieur et des frères de Notre-Dame-des-Hermites en la paroisse de Saint-Jean-sur-Renelle. Une vide place nommée les Ermites, en la paroisse Saint-Godard, est mentionnée dans un autre acte du 21 mars 1481. Dans la liste des rues de Rouen insérée au Flambeau astronomique de 1716, on lit la rue des Hermites jusqu’aux Trois-Images. Enfin une place dite des Trois-Images, située sur la Renelle, est citée dans un journal de Rouen, à la date du 19 décembre 1782.

On voyait encore, au bas de cette rue, à l’époque de sa suppression, une importante construction en pierre qu’on supposait avoir appartenu au couvent des Templiers.

Dans la rue des Hermites étaient autrefois les étuves du Mouton, lesquelles occupaient l’emplacement situé entre cette rue et celle de la Renelle, et borné par une petite place qui était appelée le carrefour des Trois-Images. Dans un acte du 27 décembre 1554, il est parlé de la vente d’une maison, sise en la rue des Hermites, autrement dite la rue des Étuves. (Voyez ce mot.)

— Le nom de carrefour Rinier ou Raynier, qu’on pourrait croire dérivé de celui de la Renelle, était aussi donné, dans des actes de tabellionage de 1423, de 1460, 1462 et 1465, à cette petite place des Trois-Images, borné d’un côté par le cours d’eau de la Renelle et de l’autre par le pavé qui conduisait à la rue Percière. D’après un titre du prieuré de Saint-Lô, ce nom de Rainier aurait eu pour origine celui d’un hermite2.

Hôpital (rue de l’). = Place de l’Hôtel-de-Ville, rues des Carmes et Beauvoisine. — 5e section et 2e canton pour les nos pairs ; 7e section et 3e canton pour les nos impairs. — Quartiers N.-E. et S.-E.

Cette rue, qui est indiquée dans un acte de tabellionage de

1424, comme étant la rue qui deschent de l’Hospital du Roy à Sainct-Ouen, est appelée dans d’autres actes rue Saint-Ouen1 et grande rue Saint-Ouen. En 1646, dans une transaction rapportée par Farin, elle est appelée rue Sainte-Croix-Saint-Ouen. Les plans de 1655 et de 1724 l’inscrivent sous le nom de rue de la Crosse ; mais, en 1712, elle était aussi désignée sous ceux de rue de l’Oratoire et des Pères ou Prêtres-de-l’Oratoire. Enfin, un plan de 1784 lui donne le nom de rue de l’Hôpital. En 1794, elle reçut ceux de rue Nationale et de rue de Voltaire, et conserva cette dernière dénomination jusqu’en 1817, pour reprendre celle qu’elle porte aujourd’hui.

Ces différents noms provenaient : 1o de la position de cette rue entre le carrefour de la Crosse et l’église abbatiale de Saint-Ouen, près de laquelle était aussi la petite église de Sainte-Croix-Saint-Ouen, à l’entrée de la rue des Faulx ; 2o de l’hôpital du Roi, qui fut créé au 13e siècle et dans lequel vinrent s’établir en 1635 les pères de l’Oratoire.

Cet hôpital fut fondé en 1277, pour y loger les pauvres pélerins, par Guillaume de Saâne, trésorier de l’église de Rouen. On l’avait d’abord nommé l’hôpital ou collége du Trésorier, mais le roi Philippe-le-Bel ayant augmenté ses revenus, on l’appela l’hôpital du Roi. En 1566, il avait été donné à la ville par Charles IX, à la condition d’y fonder un collége, mais ce dessein, qui devint l’occasion de longs débats, ne fut pas accompli. En 1618, les prêtres de l’Oratoire quittèrent la maison qu’ils occupaient depuis deux ans dans la rue des Faulx, pour s’établir dans des maisons voisines de l’hôpital du Roi. Ils se servirent de la chapelle de Sainte-Barbe, dite la chapelle des Pauvres-Pélerins, qui en faisait partie, pour y célébrer le service divin. Cette chapelle était située dans la rue Beauvoisine, ainsi que le prouve un acte de tabellionage du 25 août 14922. En 1635 ces religieux restèrent possesseurs des bâtiments de l’hôpital et en cédèrent les revenus aux administrateurs du bureau des Pauvres-valides, qui songeaient à transférer cet établissement à la Marêquerie.

C’est ainsi que passèrent en la possession du bureau des Pauvres valides, par une transaction du 14 juin 1646, entr’autres revenus, les maisons sises en la rue de l’Aumône (voy. page 241), pour en faire et disposer comme du bien appartenant aux pauvres, et pour aider à la nourriture et entretien qu’ils recevoient audit hôpital du Roi.

Les pères de l’Oratoire firent construire, en 1658, une église à l’encoignure de la rue de l’Hôpital et de celle des Arsins. Elle fut dédiée en 1670. Après la suppression des Oratoriens, cette église fut vendue en 1792, cet a été démolie en 1802. C’est sur l’emplacement de l’hôpital du Roi qu’est aujourd’hui l’École professionnelle entretenue par la ville, et qui y a été établie vers 1860.

Dans la rue de l’Hôpital, près de la place Saint-Ouen, était l’hôtel où fut tué, le 23 juillet 1417, pendant une émeute, le bailli de Rouen Raoul de Gaucourt. Son assassin Gillot Leclerc fut exécuté plus tard par ordre du Dauphin, devenu depuis Charles VII1.

À l’une des extrémités de la rue de l’Hôpital est le carrefour de la Crosse, qui est formé par les rues Beauvoisine, des Carmes, Ganterie et de l’Hôpital, et qui sert de limites aux quatre quartiers de la ville. Le nom donné à ce carrefour, dit l’auteur du Dictionnaire indicateur2, vient d’un grand écusson composé d’une crosse et de diverses armoiries, qui était adossé à des maisons appartenant en 1524 à l’abbaye de Lille-Dieu. Cet écusson disparut en 1791. Nous trouvons néanmoins que ce nom pourrait être provenu antérieurement d’une enseigne : un acte de tabellionage du 6 décembre 1472 cite une maison en la grande rue de Saint-Ouen (la rue de l’Hôpital), bornée d’un côté la cour de l’hostel où pend l’enseigne de la Croche. On lit aussi le nom de la « Choche » dans un Ms. d’un bourgeois de Rouen, qui a fait partie de la bibliothèque du savant abbé De la Rue.

L’hôtellerie de la Crosse était, en 1591, au carrefour de ce nom ; elle était construite en travers, faisant arcade sur la rue. De là les membres de l’Échiquier avaient assisté, en 1508, à l’entrée de Louis XII, et cette cour, devenue le Parlement depuis deux ans, y vit aussi l’entrée de François Ier.

Un jour de décembre 1617, un sieur Charles de Pommereul,

qui était logé à l’hôtellerie de l’Écureuil, sortait, sur les six heures du soir, accompagné de laquais portant des flambeaux, pour se rendre au logis du roi Louis XIII qui était alors à Rouen, lorsqu’il fut assailli par six ou sept individus qui s’étaient embusqués sous des portes, au carrefour de la Crosse.

— L’élégante fontaine qui est adossée à la maison formant l’encoignure des rues de l’Hôpital et des Carmes, est la fontaine de la Crosse. Elle fut édifiée vers la fin du 15e siècle1. Voici dans quelles circonstances eut lieu sa construction. Le 18 mai 1476, Loys de Harcourt, patriarche de Jérusalem, évêque de Bayeux, avait fait un prêt de 2,250 liv. à la ville de Rouen, qui s’était obligée à lui servir une rente de 150 l. t. Depuis ce temps, le patriarche avait manifesté l’intention d’abandonner les arrérages de cette rente, et même une partie du capital s’il était nécessaire, pour qu’une fontaine fût faite et amenée à ses propres coûts et dépens, en la ville, auprès du carrouge (carrefour) de la Chroche, au lieu où il y a de présent un puits commun, en la rue qui va droit à Saint-Ouen. Le patriarche étant décédé, le capital et les arrérages de la rente furent réclamés par le mari de la sœur de Loys d’Harcourt ; mais, ayant appris quelles avaient été les intentions de celui-ci, ce personnage nommé De la Rozière, était disposé à consentir à leur exécution lorsqu’il mourut à son tour, laissant des enfants mineurs. À la suite d’assez longs débats qui furent portés devant l’Échiquier, le tuteur des mineurs finit par abandonner les arrérages de la rente, et, de leur côté, les conseillers de la ville, reconnaissant la courtoisie que leur fit le patriarche, et que sa dicte volonté estoit de faire faire ladicte fontaine... pour et au bien et utilité et décoration de ladicte ville, s’obligèrent à la construire à bref délai, et, pour l’honneur du dit seigneur trespassé et en reconnoissance de ce qu’elle aura été faicte de ses biens, et pour que le peuple de la ville soit plus enclin à prier pour lui, décidèrent que les armes de Loys d’Harcourt seraient placées sur la fontaine, en lieu émynent2.

La fontaine de la Crosse a été complétement restaurée il y a

quelques années, mais les armes du patriarche ont disparu ; elles ont été remplacées par un écusson aux armes de France. Ne serait-il pas plus conforme à l’histoire et à l’équité, de rétablir l’ancien écusson aux armes de Loys d’Harcourt ?

— On voit, au Musée d’antiquités, un bas-relief représentant une Vénus marine qui ornait une des maisons de la rue de l’Hôpital, et qui fut retiré en 1834. Des travaux de fondation, exécutés en 1856 et en 1866, dans la même rue, ont amené la découverte de beaucoup de débris appartenant à l’époque romaine.

Hôpitaux.

L’origine de ces établissements de bienfaisance remonte à une haute antiquité. Les anciens conciles ordonnèrent aux évêques de procurer aux pauvres les secours dont ils avaient besoin, et de donner l’hospitalité aux voyageurs indigents. Ils furent reçus d’abord dans les presbytères, qui bientôt devinrent insuffisants ; les hôpitaux prirent alors naissance : de là leurs noms d’hôpital, d’hospice, du mot latin « hospes. »

Il y avait, dès les premiers siècles de notre ère, l’hôpital de Notre-Dame, dans le cloître des Chanoines, appelé plus tard le collége de l’Albane. Cet hôpital devint l’hôpital de Sainte-Marie-Madeleine, aujourd’hui l’Hôtel-Dieu. (Voyez ce nom.)

L’auteur des Lettres sur Rouen fait mention d’un hôpital des Chaussetiers, qui fut fondé en 514, si l’on en croit les vieilles chroniques, à l’endroit où exista depuis le couvent des Jacobins, actuellement remplacé par l’hôtel de la Préfecture. Il était destiné à recevoir les pauvres pélerins, et les chaussetiers en étaient les administrateurs. C’était certainement le plus ancien, ajoute-t-il, de tous ceux qui ont existé à Rouen, à l’exception de l’Hôtel-Dieu. Il est probable que cet hôpital aura été plus tard réuni à la Madeleine.

— L’hôpital Saint-Martin, qui existait au 15e siècle1, désigné aussi sous les noms de Saint-Fiacre et de Sainte-Véronique,

était situé dans la rue Grand-Pont, entre les rues aux Ours et du Fardeau, dans une maison sur laquelle était représentée une image de saint Martin à cheval. Il n’en restait plus, en 1668, qu’une chapelle et la maison du chapelain1. Cette chapelle est figurée, dans un plan de 1724, à l’angle de la rue du Fardeau et de la rue actuellement nommée Jacques-Lelieur. La nomenclature des rues donnée par le Flambeau astronomique de 1716 cite, en effet, une chapelle de Saint-Martin entre les rues ci-dessus désignées.

— L’hôpital de Jéricho, ou de Martinville, pour les aveugles, fondé en 1050 par Guillaume-le-Conquérant, était situé à proximité de la fontaine Jacob et du hameau du Nid-de-Chien, au pied du mont Sainte-Catherine. Il fut remplacé en 1478 par l’hôpital du Saint-Esprit, membre dépendant des Quinze-Vingts de Paris, comme le fait connaître un acte de tabellionage du 7 janvier 1489.

Voici ce que nous révèle, à l’occasion de cet hôpital, un autre acte du 18 novembre 1482 : Jean de Laigle ou de Lègle, chevalier seigneur de Cluny2, avait fait commencer à cette époque un monastère et hôpital près de la ville de Rouen, sur une vide-place de la paroisse Saint-Pol, tenue de la seigneurie de Saint-Michel en Mont-Gargan, appartenant au prieuré de Saint-Michel qui dépendait de Sainte-Catherine ; icelle place bornée, d’un côté, le chemin tendant de Rouen à Sainte-Marguerite3, d’autre côté les religieux de Sainte-Catherine, d’un bout le chemin de la fontaine Jacob descendant vers bas. Il avait obtenu, dès 1447, le consentement du pape, ceux du roi et du cardinal d’Estouteville, et voulut faire bénir et dédier cet hôpital sous le nom du Saint-Esprit ; mais il n’était pas plus facile en ce temps-là de faire un peu de bien qu’il ne le serait aujourd’hui : les religieux de Saint-Michel et ceux de Saint-Ouen s’opposèrent, en vertu de leurs droits seigneuriaux, à l’achèvement de l’œuvre de Jean de Laigle ; à son tour, le prieuré de Saint-Paul mit des

entraves. Il fallut transiger et s’engager au paiement de plusieurs rentes, pour la sûreté desquelles hypothèque fut donnée sur l’hôpital1 et sur les autres biens du fondateur. Les religieux de Saint-Ouen, se réservant le droit de toujours présenter à l’une des places de chapelain de l’hôpital, ne s’opposèrent plus à sa dédicace et à sa bénédiction2.

Dans un registre des rapports civils du parlement, à la date du 2 mars 1582, il est encore fait mention de l’hôpital de Jéricho ou du Saint-Esprit3, situé au-dessous de l’abbaye de Sainte-Catherine, et dont Michel de Ronnet était jouissant comme prieur de Saint-Michel près de ladite abbaye ; le cardinal de Bourbon y installa, en la même année, après y avoir fait des réparations, les Capucins qui arrivaient à Rouen ; mais ils n’y restèrent que jusqu’au temps où Henri IV vint mettre le siége devant la ville en 1591, époque où ils se retirèrent dans l’intérieur, par suite des travaux de défense que fit faire l’amiral de Villars, gouverneur pour la Ligue, travaux qui amenèrent la démolition du couvent et de l’église des Capucins.

— L’hôpital du Roi, fondé en 1277 par Guillaume de Saâne, était situé dans la rue appelée jusqu’alors rue de Saint-Ouen. (Voyez rue de l’Hôpital.) C’est ce que nous indique une charte de 1279, concernant une donation par devant le vicomte de Rouen, faite par Guillaume Fauvel à Guillaume de Saâne, trésorier de l’église de Notre-Dame et fondateur de l’ospital que ledict trésorier a esdifié en la rue St Oien de Roam4. C’est ce même Guillaume de Saâne qui obtint de la reine Blanche la confirmation de la donation qui avait été faite à la ville de Rouen, par Louis VIII, de la place des anciens fossés de la ville en la rue de l’Aumône, à la condition d’y faire construire des maisons pour loger gratuitement des familles indigentes. (Voyez rue des Fossés-Louis-VIII.)

Une délibération de l’Hôtel-de-Ville, du 2 décembre 1534, réglementa l’administration des hôpitaux du Roi et de Saint-Martin, et de celui de Sainte-Catherine, dont nous parlons ci-après.

— L’hôpital de Saint-Jean-sur-Renelle, connu aussi sous le nom d’hôpital de Saint-Antoine, fut fondé vers 1320, dans la rue Saint-Antoine, appelée alors la rue Vaquais, rue dont il ne reste plus de traces. Les frères Billettes en prirent possession à la fin du 14e siècle. (Voyez rue Saint-Antoine.)

— L’hôpital de Saint-Vivien fut fondé en 1350, dans la rue et près de l’église de ce nom, par un maire de Rouen nommé Jean Lefebvre, et augmenté en 1466. On en voit encore les vestiges. (V. rue Saint-Vivien.) Le curé et le trésorier de la paroisse en étaient les administrateurs. — Il y avait, en 1518, hors de la ville et près de la porte Saint-Hilaire, un hôpital de Sainte-Catherine1, que l’on suppose avoir été réuni à celui de Saint-Vivien.

— L’hôpital de Sainte-Élisabeth, désigné en 1772 sous le nom d’hôpital Saint-François, fut construit en 1708 dans la rue Saint-Hilaire par les religieuses hospitalières de l’ordre de Saint-François, en remplacement d’une autre maison qu’elles avaient établie en 1662 dans la rue des Capucins (voyez cette rue), sous le nom d’hôpital de Saint-Louis et de Sainte-Élisabeth, ou d’hôpital des Incurables. Il fut fermé comme les autres établissements religieux en 1791, et son local est actuellement occupé par des écoles primaires entretenues par la ville.

— On donnait encore le nom d’hôpital à l’hôtel de Sainte-Vaubourg qui était situé dans la rue Saint-Éloi. Un acte de tabellionage, du 31 décembre 1397, fait mention d’une maison tenant d’un bout aux ospitalières de Sainte-Vaubourg.

— Il y avait aussi, outre les maladreries ou léproseries placées en dehors de la ville et dont la principale était celle du prieuré du Mont-aux-Malades, située antérieurement derrière l’abbaye de Saint-Ouen sous la désignation de bordellum Leprosorum2, il

y avait la léproserie de Saint-Gervais, qui paraît avoir été fondée par l’abbaye de Fécamp : elle existait au 15e siècle, et fut réunie, vers 1651, aux Pauvres valides ; c’est sans doute cet établissement qui donna son nom à la rue Maladrerie1. Il y avait aussi, pour les femmes, la salle aux Pucelles, à Saint-Julien. (Voyez ce nom.)

— La ville de Rouen possède aujourd’hui les importants établissements de l’Hôtel-Dieu, de l’Hospice-général, et deux Asiles pour les aliénés. (Voyez ces divers noms.) Nous mentionnerons, en outre, des hospices spéciaux dont la récente fondation est due à divers bienfaiteurs :

L’hôpital Lamauve, pour les protestants, ouvert en 1852 sur le boulevard Saint-Hilaire, dont la création est due aux bienfaits de l’honorable médecin Louis-César Lamauve, décédé à Rouen en 1821, et de Mme Frey du Fossé.

L’hôpital Saint-Vincent-de-Paul, rue des Capucins2, fondé en 1857 par M. l’abbé Forbras, curé de Saint-Vivien ; institué, en 1865, par le Conseil général, à titre d’établissement départemental, sous le nom d’Hôpital Forbras, par suite de la donation qui en a été faite par son fondateur au département, à la condition qu’il sera maintenu à sa destination actuelle, et qu’il sera toujours conservé à l’usage d’hôpital spécial pour le traitement des aveugles curables, sous la direction des Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul.

L’asile Dumanoir, dans la rue des Forgettes, fut, en 1860, l’objet d’une fondation par un généreux propriétaire de ce nom, en faveur des vieillards convalescents. De nouvelles donations, dues à la générosité de MM. Gaillard, Prosper Soyer et Legouy, récemment décédés, destinées, d’après le vœu des testateurs, à l’établissement d’un asile pour les convalescents, permettront bientôt à notre administration municipale de suppléer à l’insuffisance de ce local, qui peut recevoir tout au plus une douzaine de pensionnaires.

La gésine Henri-Pillore, transférée, en 1855, de l’Hôtel-Dieu à l’Hospice-général, en vertu d’un legs fait à la ville en faveur des femmes en couche, par Mme Henri Pillore, veuve du docteur qui, à l’époque de son décès (25 février 1855), était médecin en chef du service de la gésine à l’Hôtel-Dieu.

Nous devons citer enfin, au nombre de ces établissements de charité, l’Asile pour les vieillards, créé dans la rue des Capucins, vers 1850, par le courageux dévoûment des Petites-Sœurs-des-Pauvres. (V. rue des Capucins.)1

En terminant ce rapide exposé concernant quelques uns de nos hôpitaux, nous ne saurions passer sous silence la formation d’une association de bienfaisance qui s’organise (avril 1870), sous le titre de l’Assistance aux Convalescents, société libre de bienfaisance et de secours aux convalescents indigents de la ville de Rouen. Cette association charitable a pour but, comme son titre l’indique, de venir en aide aux malheureux qui, à peine guéris, sortent de l’hôpital dénués de tout, et de leur fournir les moyens d’attendre le retour des forces et du travail.

Hospice-général.

Cet hôpital (qui fut appelé en 1793, de même que l’Hôtel-Dieu, l’Hospice d’humanité) est situé au S.-E. de la ville, et a sa principale entrée dans la rue de Germont, ancienne rue Bourgerue. Il occupe un vaste terrain dans le voisinage du lieu appelé autrefois la Marêquerie, à proximité du boulevard Martinville. Ses dépendances s’étendent jusque sur l’emplacement de l’ancien couvent des Célestins, précédemment l’hôtel de Chantereine ou du Joyeux-Repos.

C’était, à l’époque de sa fondation, le bureau des Pauvres valides, qui avait été établi en 1534, et qui, après avoir séparé ses intérêts de ceux de l’Hôtel-Dieu de la Madeleine, fut autorisé à exproprier des biens situés à la Marêquerie.

Les détails suivants, que nous empruntons à un arrêt du Parlement du 2 décembre 16222, font connaître les circonstances qui amenèrent la fondation de l’Hospice-général, fondation à laquelle prit une large part le vénérable Claude Groulart, premier président du Parlement de Normandie.

Les administrateurs du bureau des Pauvres valides avaient demandé l’autorisation de tenir leurs séances, comme précédemment, dans la haute salle de l’Hôtel-Dieu de la Madeleine, alors situé près de la Cathédrale. Ils exposèrent que, le 17 janvier 1622, ils avaient sollicité des échevins une place vide dans la Vieille-Tour, près des halles... Ils ont demandé depuis de tenir leur bureau dans un bout des grandes halles1... Un arrêt du 22 novembre suivant a ordonné, disaient-ils, que le bureau continuerait de se réunir dans la halle de la Féronnerie2, où il avait été transféré depuis que la contagion l’avait forcé de quitter l’hôpital du Roi3... que cet endroit est étroit et fétide... que, depuis 1533, date de son établissement, le bureau avait tenu ses séances à l’Hôtel-Dieu de la Madeleine ; qu’il ne l’avait quitté que parce que les pestiférés y étaient apportés de toutes parts ; mais, à présent que les contagiés sont portés au Lieu-de-santé hors de la ville, ils demandent à tenir leurs séances à l’Hôtel-Dieu, les pauvres qui viennent à la halle de la Féronnerie étant exposés aux intempéries etc.

Pour les échevins on répondit que les administrateurs du bureau des Pauvres valides, depuis l’invasion de la peste, avaient trouvé bon de louer une salle dans le monastère des Augustins où ils étaient restés jusqu’en 1605 ; qu’ils en prirent une plus vaste chez les Carmes, mais que cette salle leur ayant été retirée, ils s’installèrent à l’hôpital du Roi, d’où, la contagion s’étant déclarée, il leur fut assigné la halle de la Féronnerie, place qu’ils disent à présent incommode et malsaine ; qu’il est impossible de leur assigner la place qu’ils demandent dans les halles ; que le bureau des Pauvres valides possède, à la Marêquerie, certains héritages où il pourrait faire une place commode pour établir ce bureau, etc.

Pour les administrateurs des pauvres de l’Hôtel-Dieu, on dit que ce bureau était bien plus ancien que celui des Pauvres valides ; que leur revenu est distinct comme leur administration ; que l’Hôtel-Dieu ne peut fournir un lieu de séances ; que si, en 1556, le bureau des valides a été installé à l’Hôtel-Dieu, ce n’a été que par tolérance et à prix d’argent, etc.

La cour ordonna que, dans six mois, les administrateurs du bureau des Pauvres valides se procureront un lieu pour leurs séances, soit à la Marêquerie, ou en la place qui ci-devant leur avait été baillée par les échevins..

Cependant, la fondation de l’Hôpital-général avait été commencée en 1602 par le président Claude Groulart, qui avait acheté l’emplacement et fait construire les bâtiments nécessaires, conformément aux projets qui avaient été approuvés par plusieurs arrêts, notamment par ceux de 1534 et des années suivantes. Les efforts du fondateur furent secondés, quelques années plus tard1, par Pierre Damiens, conseiller au Parlement, qui se chargea de l’organisation de cet établissement et se mit à la tête de son administration. De nouvelles acquisitions furent faites, des constructions considérables furent entreprises à l’aide de généreuses dotations ; une transaction passée le 14 juin 1646 entre les pères de l’Oratoire établis dans l’ancien hôpital du Roi et les administrateurs des Pauvres valides, assura à ce bureau tous les revenus de l’ancien hôpital, y compris les maisons de la rue de l’Aumône qui lui avaient été assignées à la charge de recevoir, loger et nourrir les pélerins et les passants. Ces conventions devaient être constatées dans une inscription sur la porte principale du bureau des Pauvres valides, portant ce qui suit :

L’Hôpital des pauvres renfermés, auquel l’hôpital royal, scis en la rue Sainte-Croix-Saint-Ouen2 pour la portion des pauvres dudit hôpital du Roy, a été transféré par l’autorité du Roy et de la Cour, pour aider à la nourriture et entretien desdits pauvres renfermés3.

Le bureau des Pauvres valides fut érigé en hôpital-général

en 1681. Dans une réunion du bureau général des pauvres, qui eut lieu le 9 mars 1654, il avait été reconnu que le prix de ce grand ouvrage pourrait monter à 400 ou 500,000 livres ; mais ce prix n’effraya point. On désirait loger et nourrir les pauvres valides et recevoir de jeunes garçons pour les faire travailler. On donnerait à ces pauvres une marque du bureau, pour les faire reconnaître parmi les gueux et vagabonds étrangers, etc.

Depuis cette époque, de nouveaux bâtiments ont été ajoutés à l’Hospice-général, notamment en 1768 (V. rue de Germont), en 18231, en 1845 ; de vastes jardins lui ont été réunis par des agrandissements successifs, et ont permis récemment de limiter ce magnifique monument de la charité publique, par les rues Édouard-Adam et Napoléon III.

Outre les pauvres valides et les vieillards des deux sexes, cet hôpital reçoit les individus infirmes, incurables ou atteints de maladies chroniques. Il s’occupe spécialement du sort et de l’éducation des enfants trouvés et abandonnés. À l’aide d’une fondation de l’abbé de Germont, dont nous parlerons ci-après, on établit, en 1763, par forme d’essai, trente crèches pour les enfants exposés. Ces enfants devaient être élevés avec le lait des animaux. Une maison fut louée et mise en état de servir d’hospice des enfants trouvés ; elle était située au-dessus de l’église de Saint-Hilaire. Cet état de choses dura probablement jusqu’à l’époque (1768) où l’agrandissement de l’Hospice-général permit de les y recevoir définitivement. Il y avait aussi, avant la création de l’Asile des aliénés, un lieu appelé les Petites-Maisons, où l’on plaçait les fous qui avaient été précédemment renfermés à la tour Guillaume-Lion.

La population de l’Hospice-général est habituellement de quinze à dix-huit cents individus. Cette population s’éleva en 1790 à 4,086 ; en 1792, elle était de 3,3722. Cet important établissement, qui eut pendant longtemps son administration particulière, est régi par la même direction que l’Hôtel-Dieu, sous la surveillance d’une commission qui relève elle-même de l’administration publique. Des dames religieuses de l’ordre de

Notre-Dame de Charité1 prodiguent aux pauvres et aux malades les soins les plus minutieux ; elles avaient été supprimées en 1793, mais elles reprirent en 1803 les fonctions qu’elles n’auraient jamais dû être forcées d’abandonner.

En 1658, on fit couler dans l’enclos de cet hospice une fontaine qui prend sa source au lieu appelé anciennement la Fontaine-Saint-Ouen. (V. rue Bourgerue.)

Du boulevard Martinville, on aperçoit la façade de l’église de l’Hospice général, au fond d’une avenue qui est fermée sur ce boulevard par une belle grille en fer. Cet édifice a succédé, en 1790, à une ancienne chapelle qui avait été bâtie en 1651, et qui avait été consacrée sous l’invocation de Notre-Dame de la Charité. Cette chapelle étant devenue insuffisante pour la population de l’hospice, on commença à édifier la nouvelle église en 1785, et la première pierre fut posée par le cardinal de la Rochefoucauld ; la bénédiction fut faite le 25 mars 1790. Le cimetière qui était affecté à cet établissement était limité par les anciennes fortifications près du boulevard Martinville et par la rue Eau-de-Robec ; il avait été bénit en septembre 1763. — On voit encore, à l’extrémité d’une terrasse qui regarde le boulevard Saint-Hilaire, les restes d’une énorme tour qu’on appelait la tour du Colombier (voyez ce mot), et qui faisait partie des fortifications de la ville.

— Nous avons nommé les deux principaux fondateurs de l’Hospice-général. On a donné récemment le nom de M. de Germont, l’un de ses bienfaiteurs, à la rue Bourgerue, dans laquelle est la principale entrée de cet établissement philanthropique. C’est, comme nous l’avons dit, à l’aide des donations faites par l’abbé de Germont2 et de celles de Mme la présidente de Germont, sa belle-sœur, que l’on fit bâtir en 1768 un grand bâtiment formant équerre sur l’ancienne rue Picchine, qui fait actuellement partie de la rue Édouard-Adam. Sur une inscription placée à l’angle de ce bâtiment, on lit : De la bienfaisance de M. et de Mme de Germont. D’autres rues qui avoisinent l’Hospice-général ont reçu des noms nouveaux, parmi lesquels

on cherche vainement ceux de Claude Groulart et de Pierre Damiens. Cette omission pourrait encore être réparée1. Si, comme nous l’avons proposé à l’occasion de la rue de l’Eau-de-Robec, le nom d’Édouard Adam, qui naquit dans cette rue, était donné à la portion qui vient de la Boucherie-Saint-Ouen jusqu’en face de la fontaine de la Croix-de-pierre2, la rue qui porte actuellement, et depuis peu de temps, le nom de l’habile chimiste, pourrait recevoir celui de Claude Groulart. Le nom de Pierre Damiens pourrait aussi être donné, soit à la petite place circulaire qui a été récemment établie à l’intersection des rues Napoléon III et Édouard-Adam, soit au bout de rue qui de cette place aboutit à celle de Martinville.

Une autre rue voisine de l’Hospice-général porte depuis 1867 le nom de rue Lamauve, qui a été donné à l’ancienne rue Caumont. À ce sujet, il n’est pas encore prouvé que cette dernière dénomination ne soit pas devenue, par la faute de celui qui avait été chargé d’inscrire le nom de la rue, une transformation du nom de Gaumont, que l’on trouve parmi ceux des bienfaiteurs de nos hôpitaux. (V. rue Lamauve.)

Nous ne saurions publier les noms de tous les bienfaiteurs de nos hôpitaux ; bornons-nous à dire que ces noms sont consignés, par les soins de la commission administrative, sur un tableau placé dans une des salles de l’Hospice-général, et destiné à perpétuer leur mémoire.

― En 1794, l’Hospice-général reçut le nom d’Hôpital national de la Montagne. On lit dans le Journal de Rouen du 8 ventôse an II : « L’arbre de la liberté sera élevé dans cet asile, autrefois de l’ignominie, et maintenant celui de la fraternité. »

Hôtel-de-Ville (passage de l’). = Rue de la Grosse-Horloge, rue Neuve-Massacre. ― 9e section, 1er canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-O.

Dans un acte de tabellionage du 18 août 1508, le passage de l’ancien Hôtel-de-Ville est appelé la ruelle du Beffroi ; il était

appelé aussi le passage de la Voûte-Massacre. Sur un plan de 1817, il est inscrit sous le nom de petite rue de Massacre ; le nom qu’il porte aujourd’hui lui a été donné par un arrêté du 18 juin 1860. L’ancien Hôtel-de-Ville avait été bâti en 1440, sur les ruines d’un édifice plus ancien et en partie sur les murs de clôture de la ville. Il occupait d’abord un vaste carré comprenant tout l’espace qui s’étend de la voûte actuelle à la rue aux Juifs, et au milieu duquel ont été ouvertes la rue Thouret et la rue Neuve-Massacre. Il fut remplacé, en 1608, par l’édifice dont on voit encore des parties dans les rues de la Grosse-horloge et aux Juifs ; mais il ne fut pas terminé entièrement, et l’administration communale continua d’occuper l’ancien Hôtel-de-Ville, malgré son état de vétusté.

Sur une partie de l’emplacement occupé par la rue Neuve-Massacre, près de la fontaine, qui commença à couler en 1530, était la chapelle de l’Hôtel-de-Ville, charmant bijou gothique dont il ne reste rien1. Près de là aussi avait été placée la bibliothèque de l’Académie des sciences, dans une galerie qui avait été concédée à cette société savante à l’époque de sa création. (V. rue Neuve-Massacre.)

― Il avait été décidé en 1749 qu’un nouveau monument destiné à remplacer celui de la Grosse-Horloge serait construit à l’extrémité occidentale du Vieux-Marché, au milieu d’un vaste emplacement dans lequel auraient été réservés une place Royale, une cour et un jardin. Dans l’ensemble de ce projet grandiose, la rue de la Grosse-Horloge devait être redressée ; la Cathédrale et l’hôtel-Dieu se fussent trouvés en regard. Ce plan fut adopté par le roi Louis XV, et l’exécution fut commencée par la construction des fondations, dont la première pierre fut posée en 1758. Elles paraissaient déjà au-dessus du sol lorsque le projet fut abandonné. Le lieu où devait être édifié ce nouvel Hôtel-de-Ville est actuellement traversé par la rue de Crosne (voyez ce nom).

Il fallait pourvoir néanmoins au choix d’un nouvel emplacement pour y établir les bureaux de la Mairie. Après avoir décidé, en 17892, qu’ils seraient placés dans une des tours du Vieux-

Palais, on leur fit occuper, en janvier 1791, l’hôtel de la Présidence1, puis cette administration fut transférée momentanément, en 1794, au palais archiépiscopal, et elle retourna à l’hôtel de la rue Saint-Lô jusqu’à l’époque où elle prit possession de l’Hôtel-de-Ville actuel.

Hôtel-de-Ville (place de l’). = limitée par la rue des Faulx, celles des Boucheries-Saint-Ouen et de la Croix-Verte, par la rue Impériale, qui la traverse du sud au nord ; par les rues de l’Hôpital, de l’Hôtel-de-Ville, de la Seille et du Petit-Porche. ― 5e section et 2e canton, pour la place, excepté la partie sud ; 7e section et 3e canton, pour la partie sud ; Saint-Ouen. ― Quartier N.-E.

Ce nom a été donné, le 7 avril 1852, à la place située en face de la Mairie ; il s’appliquait également aux portions sises à l’ouest et au sud de l’église de Saint-Ouen.

La place de l’Hôtel-de-Ville se compose actuellement :

1o De l’ancienne place de Saint-Ouen, qui était située vis-à-vis et au côté sud de l’église, entre la rue de l’Hôpital et la rue des Faulx, et qui, jusqu’en 1319, fut le cimetière paroissial ;

2o De la cour abbatiale, dite cour de Saint-Ouen, qui fut supprimée de 1816 à 1820, par la démolition des murs qui la fermaient du côté de l’ancienne place de Saint-Ouen et de l’ancienne rue des Murs-Saint-Ouen ;

3o Et de toutes les dépendances de l’ancien Logis-du-roi, ainsi qu’il est décrit sur les plans de 1655 et de 1724, et qui s’étendaient alors jusqu’à la rue Bourg-l’abbé, où se trouvait un porche ou une porte d’entrée, qui donna probablement son nom à la rue du Petit-Porche.

Cette place est ainsi nommée parce que les bureaux de la Mairie, qui, à la fin du 18e siècle, étaient encore dans les salles de l’ancien Hôtel-de-Ville, dont on voit encore une partie dans la rue de la Grosse-Horloge, ont été transférés dans les bâtiments qui avaient servi d’habitation aux religieux de l’abbaye de Saint-Ouen, et dans le dortoir des bénédictins, lesquels furent cédés à la ville, en 1800, par le gouvernement, pour être appropriés à leur nouvelle destination. (Voyez passage de l’Hôtel-de-Ville.)

C’est sur cette place qu’est édifiée la belle basilique de Saint-Ouen. Un monastère de l’ordre de Saint-Benoist avait été fondé, en dehors de la première enceinte de la ville, avant la fin du 4e siècle. Ce monastère ayant été ruiné, il fut rétabli en 533 par sainte Clotilde et par Clotaire son fils, sous le vocable des Saints-Apôtres1 ; il devint ensuite l’abbaye de Saint-Ouen. L’église, qui avait porté primitivement le nom de Saint-Pierre seul, puis ceux de Saint-Pierre et Saint-Paul, prit celui du saint archevêque de Rouen qui y avait été sacré en 646, et qui y fut enterré en 689. Réduite en cendres et gravement endommagée par les Normands en 841, l’abbaye fut réparée par Rollon et par ses successeurs. Un nouvel édifice, qui avait été commencé en 1046 par Nicolas de Normandie, fils du duc Richard III, et qui fut dédié en 11262 par l’archevêque Geoffroy, fut encore dévasté en 1136 par un incendie. Le monastère et l’église furent rétablis peu après3 pour la troisième fois, par la piété de l’impératrice Mathilde ; mais un nouvel incendie, qui dévora une partie de la ville, les consuma entièrement en 1248. Les religieux se réfugièrent alors dans un manoir qu’ils possédaient à Bihorel, et firent reconstruire plus tard leur dortoir et leur réfectoire ; puis ils entourèrent de murailles toute l’abbaye, qui, par suite de l’extension que la ville avait prise, se trouva renfermée dans son enceinte. Enfin, ils agrandirent leurs jardins aux dépens des anciens fossés qui leur avaient été accordés par saint Louis.

Les abbés de Saint-Ouen jouissaient, depuis un temps immémorial, du privilége d’avoir haute, moyenne et basse justice, qui était rendue en son nom par le sénéchal ou le bailli de sa baronnie. Ils avaient leur prison dans la rue appelée aujourd’hui rue de l’Amitié. Leurs sentences recevaient leur exécution aux fourches de Bihorel, dans le manoir qui appartenait à ces religieux. L’abbaye de Saint-Ouen fut supprimée en 1790 ; la vente de ses biens et celle des biens personnels de l’abbé, faites en vertu du décret du 16 août 1792 qui ordonna l’aliénation de toutes les maisons occupées par les religieux, produisirent ensemble plus de 900,000 livres.

L’église actuellement existante fut commencée en 1318 par le célèbre abbé Jean Roussel, dit Marc-d’argent1, sur les ruines de l’ancienne. Elle fut continuée à différentes époques et terminée en 1522. Les deux rosaces de la croisée furent construites par un maître maçon nommé Alexandre de Berneval, et par son fils Colin de Berneval, et non par un apprenti que le maître aurait tué dans un accès de jalousie, comme l’ont rapporté les historiens de Saint-Ouen suivant une fable commune à plusieurs localités2. Le portail principal de la basilique, qui est orné d’une très belle rosace et qui fut élevé en 1515 par le cardinal Cibo, neveu du pape Léon X, demeura imparfait. Il devait être accompagné de deux belles tours dans le genre de celle qui s’élève si majestueusement au centre de l’édifice ; mais il y a été suppléé par deux flèches qui ont été bâties en 1848, sur les plans de M. Grégoire, architecte, et le portail a été achevé en 18513.

La magnifique tour centrale, qui date des dernières années du 15e siècle et dont la couronne à jour est du plus bel effet, a été réparée d’abord en 1700, et restaurée en dernier lieu en 1858. Elle avait été atteinte par la foudre en 1714, et plusieurs des petites pyramides qui la surmontent avaient été renversées ; elles furent réparées peu après.

Le portail du sud, qui ouvre sur le jardin public, est décoré de très belles sculptures et de figures nombreuses qui lui ont fait donner le nom de porte des Marmousets4, nom que portait aussi une ancienne cour placée près de la grille actuelle du jardin, et

dans laquelle on voyait encore, il y a peu d’années, le presbytère de l’église paroissiale.

L’église de Saint-Ouen, restaurée d’abord en 1814, a reçu depuis quelques années de nombreuses et utiles améliorations. Son orgue a été réparé en 1858. Une nouvelle chaire à prêcher y a été établie en 1860. Dégagée au midi des constructions qui la masquaient, et au nord des ignobles baraques1 qui obstruaient la galerie de l’ancien cloître de Saint-Ouen, galerie à laquelle on a rendu sa physionomie primitive, la basilique a été entourée de grilles. Peu d’édifices offrent une architecture gothique aussi légère et aussi élégante. Le 22 avril 1860 les reliques de saint Ouen, recouvrées par Mgr de Bailleul, y ont été transférées solennellement.

Après la suppression des ordres religieux, l’église de Saint-Ouen fut mise au nombre des treize paroisses conservées en 1791. Elle resta peu de temps à cet usage. Ce beau monument dont nous entendîmes voter la démolition, nous dit l’auteur du Dictionnaire indicateur, fut converti en 1793 en atelier de forgerons. Il y fut établi une manufacture d’armes, et pendant quelque temps on put lire sur sa porte2 :

C’est ici que se forge, au bruit de cent marteaux,
Le fer qui doit, tyrans, vous creuser des tombeaux.

En septembre 1798, cet édifice fut choisi par l’administration municipale pour y célébrer les fêtes décadaires, lire les lois, prononcer les mariages, etc. Malgré ces destinations si contraires à son institution, l’église de Saint-Ouen fut conservée, mais il en disparut un beau jubé que le cardinal d’Estouteville avait fait faire et de belles grilles qui entouraient le chœur avant 1789. En 1801, elle fut accordée aux prêtres soumissionnaires non assermentés, et remise l’année suivante à l’usage d’église paroissiale.

― Au sud de ce monument était une autre église appelée Sainte-Croix-Saint-Ouen. C’était primitivement une chapelle de l’ancienne église de Saint Ouen, mais cette chapelle étant tombée en

ruines et l’abbé Marc-d’argent ayant pris la résolution de rebâtir l’église abbatiale, il fit construire, vers 1340, dans une partie du cimetière1 qui en dépendait, une église pour servir de paroisse. Cette église fut agrandie en 1470 et en 1522, mais elle fut ravagée par les hérétiques en 1562. Farin rapporte que celui qui les commandait, voyant qu’une image de la Vierge était restée débout au-dessus du crucifix, se fit apporter une échelle, où étant monté il tomba et fut écrasé par la statue qu’il avait renversée. L’édifice fut reconstruit en 1601 au moyen d’impôts prélevés sur les habitants de la paroisse2. Son portail fut refait en 1760. L’église de Sainte-Croix-Saint-Ouen, qui était placée entre la cour des Marmousets et la rue des Faulx, fut supprimée en 1791 et démolie en 1795 ; la suppression, en 1861, des maisons du côté nord de la rue des Faulx, a mis à découvert quelques-uns de ses vestiges. Dans l’origine, le cimetière où elle était bâtie était entouré de hautes murailles et séparée de la cour des religieux par une porte voûtée surmontée de deux pavillons ; cette porte a été démolie en 1818, époque de la suppression des autres murs de clôture3.

― Dans la cour dite de Saint-Ouen, au nord de l’église actuelle, se trouvait l’hôtel abbatial, grand édifice d’un fort beau gothique commencé en 1503 par Antoine Bohier, abbé de ce monastère, terminé vers 1545, et démoli en 1815. Cet édifice fut connu successivement sous les noms d’hôtel de Longueville et de palais du Luxembourg, parce que l’abbatiale fut habitée par le duc de Longueville, beau-frère du roi Louis XIII Grand Condé, dont il avait épousé la sœur en secondes noces, et depuis par les ducs de Luxembourg, gouverneurs de la province de Normandie. Il porta aussi le nom de Logis-du-roi4, ainsi qu’on le trouve inscrit sur les plans de 1655 et de 1724, l’ancienne abbatiale ayant été aussi le séjour de nos rois au 16e et au 17e siècle, dans leurs

voyages à Rouen. Henri IV y demeura quatre mois, et y tint en 1596 une assemblée de notables dans laquelle il prononça aux assistants les paroles mémorables qu’on lit encore dans le palais des Consuls. (Voyez page 146.) Là descendit également, en 1650, Louis XIV avec la reine mère. C’est aussi dans cette abbatiale que logea en 1640 le chancelier Séguier, auquel le roi Louis XIII avait donné mission d’aller rétablir l’autorité royale blessée par les troubles de 1639 pendant la révolte des nu-pieds1. Le maréchal de Vieilleville y avait demeuré également en 1563, et, dans un dîner donné à l’abbatiale, coupa d’un revers d’épée la main du grand bailli de Rouen Villebon d’Estouteville. En 1589, pendant la journée des barricades, le gouverneur Carrouges avait été assiégé dans le manoir de Saint-Ouen.

Après la démolition des murs et des bâtiments qui entouraient la cour de l’abbatiale, on construisit la façade de l’Hôtel-de-Ville qui avait été édifié vers le milieu du 18e siècle (Ce vaste édifice avait été construit par les Bénédictins de Saint-Ouen, pour leur servir de dortoir, de réfectoire.), et l’on y établit les bureaux de la mairie, lesquels occupent le rez-de-chaussée et le premier étage ; au-dessus furent installées la Bibliothèque publique et les galeries du Musée des tableaux2. On remarque, dans l’intérieur de cet édifice, deux beaux escaliers qui méritent l’attention des curieux, particulièrement celui qui conduit au Musée et à la Bibliothèque. On a placé, en 1859, en face de l’escalier central et aux deux côtés de la porte de la grande salle du rez-de-chaussée, une statue de Pierre Corneille, et celle de Jeanne d’Arc exécutée par Feuchères.

La ville de Rouen possède encore, outre le Musée et la Bibliothèque, ces deux utiles et importants établissements artistiques et scientifiques, le dépôt non moins intéressant des archives municipales dont la mise en ordre fut confiée aux soins intelligents de M. Ch. Richard, qui, depuis 1852, a été appelé à remplir dans un autre département de hautes fonctions administratives. Il existe dans ces archives un manuscrit, dit le Livre des fontaines, exécuté en 1525 par Jacques Lelieur. « Le plan des rues et des maisons au-dessous desquelles passent les sources qui alimentent les fontaines de la ville y est minutieusement détaillé. La place des fontaines, leurs formes et leurs noms, y sont clairement exprimés. Ce registre est fait avec la plus grande attention ; il est couvert en

velours. Il fut donné à la ville, à la condition qu’il serait enfermé dans un coffre cadenassé auquel serait attaché une chaîne de fer tenant à un crampon enfoncé dans la muraille1. »

La façade de l’Hôtel-de-Ville fut terminée en 1825, et on y ajouta depuis le fronton central et les pavillons placés à chacune de ses extrémités. La place fut dressée et plantée en 1818 ; plus tard on y a installé des trottoirs, et, à la suite de toutes ces améliorations successives, on y a érigé en 1865 une statue équestre de Napoléon Ier. Commencée en 1863, cette statue a été inaugurée le 15 août 1865. Les matériaux qui sont entrés dans sa composition proviennent des balanciers en bronze de notre ancien hôtel des Monnaies, lesquels avaient été fondus avec le métal de pièces de canon conquises à Austerlitz, et qui fut cédé à la ville de Rouen.

En 1868, les premières plantations qui avaient été faites ont été remplacées par celles qui décorent actuellement la place de l’Hôtel-de-Ville.

En face du grand portail de l’église de Saint-Ouen, au même lieu où était précédemment un hôpital dépendant de la même abbaye, existaient en 1560 les écoles dites de Saint-Ouen, divisées en quatre classes et pouvant contenir cinq cents élèves. C’est dans le cimetière de Saint-Ouen que se passa la scène de la fausse abjuration de Jeanne d’Arc. L’aître de l’abbaye avait aussi été, en 1381, le théâtre principal de l’émeute connue sous le nom de la harelle de Rouen ; les révoltés ayant choisi pour leur roi Jean Legras, l’un des leurs, y tinrent leurs assises pendant trois jours.

Il a été construit, en 1845, au nord de la place de l’Hôtel-de-Ville, un bâtiment renfermant une prison municipale avec séparation pour les sexes et les âges, une salle de police pour la garde nationale, et contenant en outre un lieu de dépôt pour les armes et de réserve pour les pompes de la ville, un bûcher, une écurie, etc.

― En traversant le vestibule de l’Hôtel-de-Ville on arrive au jardin public, autrefois celui du monastère. Ce jardin fut planté

en 1804 et ouvert au public le 15 mai 1806. Il a été agrandi en 1863, aux dépens du côté gauche de la rue des Faulx1. On voit dans ce jardin, contre l’église et à la jonction avec le bâtiment de la mairie, un fragment d’architecture romane en forme de tour et qu’on appelle la Chambre-aux-Clercs. On peut le considérer comme un reste de l’abside de l’ancienne église, dont la construction avait été commencée vers le milieu du 11e siècle2 et dont nous avons parlé plus haut. On s’est occupé, en 1870, de déblayer l’intérieur de la tour aux Clercs, dans le but de restaurer complétement ce précieux monument.

Au nord d’un bassin circulaire situé au centre de ce jardin devant la façade de l’Hôtel-de-Ville, on plaça vers 1827, contre le mur, un méridien qui décorait précédemment l’ancienne bourse découverte. On y rétablit en 1815 un médaillon de Louis XV, qui avait été enlevé vers 1792. Ce méridien vient d’être réparé, et ses sculptures ont été restaurées.

Enfin on a érigé dans ce jardin, en 1865, une statue de Rollon.

― On avait donné, en 1794, à la place de Saint-Ouen le nom de place Nationale, puis celui de place Voltaire ; son ancien nom lui fut rendu en 1817, et c’est, comme nous l’avons dit, depuis 1852 qu’elle a été réunie à celle de l’Hôtel-de-Ville. Lorsqu’on visite cette place, on éprouve un sentiment de regret à considérer les constructions si disparates qui l’entourent et qui portent le cachet des divers alignements qu’on a essayé de lui donner à différentes époques.

La borne-fontaine qu’on voit presque en face de la rue de la Seille, a remplacé l’ancienne fontaine dite des Murs-Saint-

Ouen1, qui, à la suppression de la rue de ce nom, avait été mise dans une encoignure de la place, à peu de distance de l’endroit où était précédemment celle qui commença à couler en 1530. À l’extrémité S.-E. de la même place était, à l’entrée de la rue des Faulx et près de celle des Boucheries-Saint-Ouen, une autre fontaine qui avait été établie en 1500 et qui recevait les eaux de la source de Darnétal. Elle a été démolie en 1869. (Voyez rue des Faulx.) Une autre fontaine placée à l’intérieur de l’Hôtel-de-Ville, est, ainsi que le jet d’eau du jardin, alimentée par la source de Saint-Nicaise.

La place de l’Hôtel-de-Ville, les alentours de l’ancienne abbaye et le jardin de Saint-Ouen, sont parsemés de débris romains, de restes antiques, de tuiles et de poteries, de médailles, etc. On y a fait de 1834 à 1863 de nombreuses découvertes2.

Hôtel-de-Ville (rue de l’). = Place de l’Hôtel-de-Ville, place Cauchoise. ― 5e section, depuis l’Hôtel-de-Ville jusqu’à la rue Beauvoisine ; 8e section pour le reste de la rue ; 2e canton ; paroisses : Saint-Ouen, de la place à la rue Beauvoisine ; Saint-Godard, de cette rue à celle de l’Impératrice ; Saint-Patrice, pour le reste de la rue. ― Quartiers N.-E. et N.-O.

Ouverte d’abord en 1858 sur l’emplacement des rues de la Perle, Coupe-Gorge et petite rue Saint-Laurent, la rue de l’Hôtel-de-Ville a reçu ce nom le 31 décembre 1860, et a été achevée en 1866. Elle relie directement la place de l’Hôtel-de-Ville à la place Cauchoise, après avoir traversé les rues Beauvoisine, de l’École, de l’Écureuil, la rue Étoupée, celles des Champs-Maillets et de Lémery, et supprimé les rues des Maillots, du Petit-Musc et du Petit-Gril. Dans un parcours de neuf cents mètres environ, sur une largeur de seize mètres, cette spacieuse rue a fait disparaître des bouges infects, des logements insalubres, et assainit les principaux quartiers de la ville.

Après avoir quitté la place de la Mairie, dont on a pu admirer les belles proportions, et que décorent d’une manière si pittores-

que la magnifique église abbatiale enrichie des nouvelles tours qui complètent sa façade, et la statue équestre de Napoléon Ier, érigée sur le carrefour formé par le passage de la rue Impériale au centre de la place, on aperçoit, à droite de la rue de l’Hôtel-de-Ville, l’ancienne église de Saint-Laurent, remarquable par son étendue, par la beauté de son architecture gothique, par sa tour si élégante dont la construction est de la fin du 15e siècle. Supprimée en 1791, l’église de Saint-Laurent servit jusqu’en 1794 de local pour la réunion d’une société populaire appelée le Club des Jacobins, et fut ensuite vendue1. Il serait regrettable que la ville ne pût se mettre en mesure de donner à cet élégant monument une plus honorable destination que celle de servir d’écurie et de magasin de voitures de louage. Il fut question en 1856 de la restaurer et d’y transporter le Musée départemental d’antiquités, mais ce projet fut abandonné. En 1860, M. André Durand proposa de nouveau de consacrer l’église Saint-Laurent à la création d’un musée historique et archéologique. On doit conserver l’espoir, qu’à défaut de l’édifice entier, sa jolie tour pourra être conservée ; mais qui ne verrait avec intérêt revivre le souvenir des grandes écoles de grammaire, situées autrefois derrière le chœur de l’église de Saint-Laurent, dans la création d’une école publique au sein d’un monument qui a cessé d’être affecté aux cérémonies religieuses ?

À la suite de cette église et à la place qu’occupait le côté sud de la rue Saint-Laurent, a été établie une promenade publique sur laquelle il a été question de bâtir un vaste édifice destiné à contenir une salle de fêtes, le musée des tableaux, des galeries d’exposition, etc. L’énormité des dépenses qu’entraînerait la mise à exécution de ce plan d’une utilité reconnue, semble devoir commander son ajournement ; mais ce projet vient d’être, de la part de la Société des Amis des arts, l’objet d’une nouvelle proposition en ce qui concerne la création de galeries d’exposition artistique, et l’on doit désirer sa prompte réalisation2.

Placé au bas de la rue Bouvreuil, non loin de la tour à laquelle on a donné récemment le nom de Jeanne-d’Arc, au pied de ces degrés, derniers vestiges des alentours du château de Philippe-

Auguste, à la place de ce quartier attristé par le souvenir de la prison du Bailliage, par le sombre aspect de la rue « aux Truyes » habitée naguère par l’exécuteur des œuvres de la justice, le riant jardin de Solférino, ouvert au public en 1863, forme une heureuse station entre la place de l’Hôtel-de-Ville et la magnifique rue de l’Impératrice, laquelle, en même temps que celle dont nous nous occupons, marie si avantageusement, avec le centre de la cité, les quartiers commerciaux de Cauchoise, et ouvre une communication non moins utile entre le port de Rouen et la gare du chemin de fer de Paris à la mer. Ce délicieux jardin remplace l’ancien quartier des tanneries, et on y a ingénieusement ménagé le cours de la Renelle pour en faire un étang. (Voyez au mot Solférino.)

Plus loin est le nouvel hôtel de la succursale de la Banque de France, construit en 1862. À gauche de la rue, on voit les anciens hôtels de Lampérière et de Saint-Arnoult, et la rue des Basnage, récemment ouverte à la place de l’ancienne rue des Hermites.

Hôtel-Dieu (Avenue de l’).

On appelait ainsi vulgairement la portion plantée de la rue de Crosne, qui avait été d’abord divisée en deux, sous les noms de rue de Crosne-en-Ville et de Crosne-hors-Ville ; ces deux rues sont aujourd’hui réunies en une seule (voyez rue de Crosne).

― L’Hôtel Dieu, ou l’hôpital de Sainte-Marie-Madeleine, dont l’origine paraît remonter, ainsi que celle du prieuré du même nom, au temps de nos premiers archevêques, avait été établi d’abord dans le cloître des Chanoines, appelé plus tard le Collége de l’Albane, sous la dénomination d’hôpital Notre-Dame. L’emplacement qu’il occupait s’étant trouvé trop resserré, cet hôpital fut transféré, pendant quelque temps, hors de la porte Saint-Hilaire, au lieu appelé le Nid-de-Chien, puis reporté, dès le xiiie siècle1, auprès de la Cathédrale, dans le prieuré où l’arche-

vêque Eudes Rigaud déposa, le 18 mai 1268, les reliques de sainte Marie-Madeleine, dont l’hôpital prit le nom1. L’ancienne église de ce prieuré, qui était située dans la rue de la Madeleine, étant tombée en ruine, on en construisit une autre en 1508, dans la rue du Change. Plus tard, en 1620, on construisit de nouveaux bâtiments pour l’hôpital, près de la place de la Calende2. Ces bâtiments ayant été détruits par le feu en 1624, ainsi que les restes de l’ancienne église, ils furent réédifiés et agrandis en 16383. On construisit, en 1654, la voûte de l’horloge qui traversait la rue du Bac, appelée alors la rue des Pannetiers, à cause de la profession de ceux qui l’habitaient. Une autre salle fut prolongée de la même manière sur la rue des Fourchettes (voyez ce nom), de sorte que l’Hôtel-Dieu finit par occuper un vaste carré qui était circonscrit par la place de la Calende, les rues de l’Épicerie, des Fourchettes, de la Madeleine et du Change.

L’Hôtel-Dieu de la Madeleine était sous la direction des Frères hospitaliers, qui, par la suite, embrassèrent la règle de Saint-Augustin. Des religieuses, chargées de prendre soin des pauvres, y étaient en 1296, et même antérieurement4 ; elles formèrent, en 1645, un corps de communauté, sous la même règle de Saint-Augustin.

La peste ayant fait de grands ravages à Rouen pendant les xvie et xviie siècles, l’hôpital de la Madeleine était devenu tout-à-fait insuffisant pour recevoir tous les malades atteints par la contagion, et dont la présence dans le centre de la ville était

d’ailleurs un danger pour la population. En 1537, le Parlement ordonna, entre autres mesures, que les malades seraient conduits au lieu de l’Aulnay, situé porte Cauchoise, appartenant à l’Hôtel-Dieu, comme dépendant de la ferme de ce nom, et fit prendre les dispositions nécessaires pour l’établissement de lieux d’évent, à l’endroit appelé déjà le Lieu-de-Santé, parce qu’on y envoyait les convalescents pour y rétablir leurs forces avant de rentrer chez eux ou dans leurs familles (voyez cour Avenelle). On en organisa aussi dans une île voisine de la ville et dans les fermes du Petit et du Grand-Aulnay, qui avaient été données à l’Hôtel-Dieu, en 1195, par Richard-Cœur-de-Lion, et qui étaient situées de l’autre côté de la Seine, où les malades étaient conduits dans des bacs organisés à cet effet. Les constructions qui avaient été faites au Lieu-de-Santé, à l’aide d’aumônes des habitants, ayant été démolies pendant les troubles, le Parlement ordonna, en 1593, aux échevins d’y disposer des loges nécessaires pour recevoir les pestiférés. Il fallut enfin un dernier ordre du Parlement, en 1598, pour obliger l’hôpital de la Madeleine à admettre de nouveaux malades ; mais le nombre augmentant toujours, on fut obligé d’en transporter jusqu’au manoir de Saint-Julien. (Voyez ce nom)

Sur ces entrefaites, on songea à approprier des terrains qui avaient été acquis en 1567 des héritiers de Guillaume Prudhomme, général de Normandie et trésorier de l’Épargne du Roi, situés dans le faubourg Cauchoise, et qui furent réunis à ceux que la ville avait également acquis ou qu’elle possédait déjà1, pour y placer les pestiférés dont l’admission à la Madeleine était devenue impossible. Des installations provisoires furent faites en 1622 ; des loges en essentes goudronnées par dehors, et couvertes de chaume, furent établies pour y placer les malades séparément ; des mesures furent prises, enfin, pour hâter la construction d’un hôpital des Pestiférés. Le Lieu-de-Santé devait comprendre alors deux hôpitaux contigus, dont l’un, l’hôpital Saint-Louis, était destiné à renfermer les malades, et l’autre, l’hôpital Saint-Roch, était pour les convalescents, et pour servir

de lieu d’évent. Les premières pierres de ces édifices furent posées le 7 et le 27 mars 16541.

Mais de nombreux obstacles, dont les principaux étaient occasionnés par la misère des temps et par les troubles qui en furent la suite, comme par l’insuffisance des ressources que la ville avait à sa disposition, vinrent, malgré les efforts réitérés et malgré les arrêts du Parlement, s’opposer au prompt accomplissement de ces projets. En 1741, l’encombrement de l’Hôtel-Dieu, qui déjà menaçait ruine, devint tel, qu’on fut dans la nécessité de porter beaucoup de malades dans la grande salle de l’Archevêché. Ce ne fut que vers 1749 que le nouvel établissement put être mis en état de remplacer l’Hôtel-Dieu, et cet hôpital y fut définitivement transféré en 1758.

Une inscription latine, placée au pied du grand escalier du nouvel hôpital, enlevée pendant la révolution, puis rétablie plusieurs années après, constate une partie de ces faits. En voici la traduction :2

Sous le règne de Louis XV, l’ancien hôpital de Sainte-Madeleine, situé près de l’église métropolitaine, menaçant ruine jusque dans sa base, le magnifique hospice actuel fut établi hors la ville, dans une vaste enceinte, où l’on pouvait jouir d’un air plus pur et plus libre. Les bâtiments élevés, pendant le siècle dernier, pour les pestiférés, avaient été préalablement restaurés et augmentés de constructions plus spacieuses. On avait eu soin également d’y conduire des eaux partout où le besoin pouvait s’en faire sentir. L’hospice fut commencé l’an de grâce 1749, terminé l’an 1758, et ouvert aux malades indigents aussi bien qu’aux deux corporations religieuses qui leur donnent des secours le 16 juillet, par les protecteurs en titre de l’établissement : le cardinal de Saulx-Tavannes, etc. ; Hue de Miromesnil, etc., etc.

L’administration de cet hôpital, tant au spirituel qu’au temporel, avait été confiée pendant longtemps, jusqu’en 1553, à des prieurs ou chefs de la communauté des Frères hospitaliers ; cette

communauté n’existe plus depuis la révolution. L’Hôtel-Dieu, l’Hospice-général et l’Asile Dumanoir sont régis par un directeur, sous la surveillance d’un conseil d’administration présidé par le maire de Rouen.

La population moyenne de l’Hôtel-Dieu varie de cinq à six cents individus, dont les soins sont confiés à des religieuses qui avaient été supprimées en 17931, et qui furent rappelées le 20 janvier 1801. Ces dames possèdent, dans l’intérieur de l’hôpital, une chapelle particulière, qui, après la démolition, en 1764, de l’ancienne église de la Madeleine, située rue du Change, reçut quelques uns des ornements qu’elle renfermait, lesquels furent donnés par trois habitants de Rouen, qui s’étaient réunis pour en devenir acquéreurs2. L’église paroissiale de Sainte Madeleine, située sur la place de ce nom, ne fut édifiée que longtemps après les bâtiments de l’Hôtel-Dieu (voyez place de la Madeleine). Il a été construit un nouveau bâtiment, dont la première pierre a été posée, le 17 juin 1824, par le cardinal prince de Croï.

Dans l’un des jardins, au pied de l’un des bâtiments de l’Hôtel-Dieu, on voit une machine hydraulique qui alimente les réservoirs de la maison et plusieurs fontaines de la ville. On l’appelle aussi le Château-d’eau. Ces réservoirs furent établis pour recueillir les eaux des sources de Saint-Filleul.

Le service médical, dans les deux hôpitaux, est divisé en deux parties distinctes : celle de la médecine et celle de la chirurgie. Des élèves internes et externes suivent des cours annuels, qui sont professés dans les deux établissements.

Houlegate (impasse), sur le boulevard Cauchoise, entre la rue Stanislas-Girardin et celle du Lieu-de-Santé. ― 1re section, 5e canton, la Madeleine. ― Faubourg Cauchoise.

Cette impasse est actuellement fermée par une barrière sur le boulevard. Elle était également connue sous le nom de rue Cattegatte, qui n’est qu’un nom défiguré de Houlegast, que quelques personnes écrivent « Houlegatte. » Un registre de tabellionage des années 1400 à 1403 fait mention d’un quemin appelé Houlegatte, en la paroisse Saint-Andrieu, hors la place Cauchoise. C’était une ancienne ruelle qui conduisait au Pré-de-la-Bataille,

ainsi nommé à cause d’un combat qui y fut livré sous les murs de Rouen, en 920. Farin rapporte que Guillaume-Longue-Épée, second duc de Normandie, étant assiégé par Rioulf, comte du Cotentin, fit une sortie avec trois cents braves, conduits par les comtes de Harcourt et du Bessin, contre les assaillants, au nombre de trois à quatre mille, et les défit complètement, sans perdre un seul soldat. Le pré de la Bataille comprenait, jusqu’à la vallée d’Yonville, l’emplacement du quartier neuf de Cauchoise et de la Corderie, actuellement la rue Stanislas-Girardin.

La rue Houlegast (Houlgate dans un acte du 29 novembre 1519) est inscrite sur un plan de 1525, et est encore figurée sur ceux de 1655 et de 1724. Nous ignorons l’origine de ce nom, que l’auteur du Dictionnaire indicateur a cru pouvoir faire dériver des mots anglais « hovel, » qui signifie cabane, chaumière, et « gate, » porte. Houlegatte ou gatte houle, du vieux saxon, signifie chemin creux, passage étroit. Des rues, des chemins couverts, portent ce nom en Basse-Normandie.

Hyacinthe-Langlois (rue). = Carrefour de la Grande-Chaussée, hameau de la Motte. ― 11e section, 6e canton, Saint-Sever. ― Faubourg Saint-Sever.

Ce n’était précédemment qu’un sentier, qui a reçu en 1867 le nom d’Hyacinthe Langlois, en mémoire de cet artiste éminent, peintre, graveur, littérateur et antiquaire, né à Pont-de-l’Arche en 1777, mort en 1837 à Rouen, où il a laissé de nombreux et durables souvenirs. Ses amis lui ont fait élever un monument funèbre au Cimetière monumental, et les habitants de Pont-de-l’Arche ont édifié, sur une des places de la ville, le buste de ce savant et modeste artiste.


Seconde partie.

Seconde partie.


Les graves événements qui se sont accomplis depuis la publication de notre seconde livraison, et qui ont retardé celle de la troisième, ont motivé des changements dans la dénomination de plusieurs de nos principales rues.

Ces changements sont indiqués dans un arrêté de M. le maire de Rouen, en date du 25 septembre 1870, et qui est ainsi conçu :

La dénomination de quai de Paris est rendue au quai dit : quai Napoléon.

Les dénominations de rue et place de la République, sont restituées à celles de rue et place Impériale.

Les noms de rue et place d’Amiens remplaceront ceux de rue et place Napoléon III.

Le nom de rue Jeanne-d’Arc remplacera celui de rue de l’Impératrice.

Nos lecteurs trouveront, à leur ordre alphabétique, les articles consacrés à ces différentes voies publiques, à l’exception de ce qui concerne la rue et la place d’Amiens, que nous substituerons aux articles de la rue et de la place Napoléon III.

Dans la partie déjà imprimée de ce volume, c’est-à-dire jusqu’à la page 318, où se lisent les dénominations supprimées, il sera

facile, à l’aide des indications données par l’arrêté ci-dessus, d’établir les dénominations nouvelles.

Ainsi, partout où se trouvera le nom de quai Napoléon, il faudra lire quai de Paris ;

Au lieu de rue ou place Impériale, on devra lire rue ou place de la République ;

Au lieu de rue ou place Napoléon III, on lira rue ou place d’Amiens ;

Enfin, au nom de la rue de l’Impératrice, on substituera celui de Jeanne-d’Arc.

31 Mars 1871.


Île-Lacroix (rue de l’). = Le Pont de pierre, le centre de l’île de la Croix. ― 1re section, 6e canton, Saint-Paul. ― Île de la Croix.

On l’appelle communément la rue Centrale, parce qu’elle est destinée à être prolongée d’une extrémité à l’autre de l’île, lorsque l’intérêt bien entendu des propriétaires des terrains qu’elle doit traverser aura permis sa continuation au centre de l’île.

Impératrice (rue de l’), v. rue Jeanne-d’Arc.

Impériale (rue et place), v. rue et place de la République.

Industrie (rue de l’). = Rue de l’Île-Lacroix, rue Sainte-Adélaïde. ― 1re section, 6e canton, Saint-Paul. ― Île de la Croix.

Ce nom a été donné par les habitants à une rue ouverte dans l’île de la Croix, depuis la rue Centrale qui part du Pont de pierre jusqu’à la rue du Commerce, et conduisant à plusieurs établissements industriels.

Jacques-Lelieur (rue). = Quai de la Bourse, rue du Fardeau. ― 9e section, 1er canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-O.

Un arrêté du maire de Rouen a donné, à la rue appelée précédemment rue des Iroquois, le nom de Jacques Lelieur, né au

15e siècle1, ancien notaire et conseiller échevin de 1519 à 1544, auteur du Manuscrit des Fontaines, dont il fit don à la ville en 15252. Ce nom rappelle aussi la mémoire d’un ancien maire de Rouen, capitaine des châteaux de cette ville au 14e siècle, qui fut inhumé en 1366 dans l’ancienne église des Cordeliers.

Nous trouvons cette rue désignée de la manière suivante dans un acte de tabellionage de 1724 : Une rue de nouvel faicte, qui mène de l’hôtel Colin de Baudribost à Seine, sur la paroisse de Saint-Étienne-des-Tonneliers. Dans le Manuscrit des Fontaines de 1525, elle est inscrite sous le nom de rue de la Tête-Sarrasine ou de la Porte-Sarrasine, dénominations provenant d’une ancienne enseigne, et qui se rapportent sans doute au temps où les murs de la ville étaient près de la rue aux Ours. Une sarrasine était une espèce de porte à treillis ou à barreaux, en forme de herse, que l’on plaçait dans les fortifications. Dans le plan de 1655, et dans un autre plan de 1731, ainsi que dans le Flambeau astronomique de 1716, la rue des Iroquois était appelée rue Saint-Étienne, à cause de l’église de ce nom, qui avait dans cette rue sa principale entrée, et dont on voit encore les murs. (Voyez rue Saint-Étienne-des-Tonneliers.) La dénomination qui lui fut attribuée depuis était probablement un souvenir des expéditions dirigées, dans le cours du 17e siècle, par les Normands dans l’Amérique du Nord, sous la conduite de Cavelier de la Salle. Cet intrépide voyageur, né à Rouen le 22 novembre 1643, auquel on doit la découverte du Mississipi, mourut assassiné par ses compagnons en 1687. Il avait fondé en 1678, près du lac Ontario, dans le pays des Iroquois, le fort de Frontenac, ville importante aujourd’hui sous le nom de Kingston3. Des relations commerciales s’étaient établies entre notre ville et le Canada, dont les produits étaient envoyés directement à des négociants qui demeuraient dans la rue dont il est ici question. C’eût été peut-être là un motif suffisant pour que le nom de la rue des Iroquois fût conservé ; mais si l’administration municipale voulait le changer, il semble que ce changement aurait dû se faire plutôt au profit

de Cavelier de la Salle. Quant au nom de Jacques Lelieur, il aurait dû être donné de préférence à la rue de la Savonnerie, dans laquelle il est né1.

En 1794, les rues des Iroquois et du Crucifix réunies ont reçu le nom de rue Scévola. En 1795, elles demeurèrent réunies sous celui de rue des Iroquois.

Jamblet (rue).

On trouve la mention d’une rue de ce nom dans un acte de tabellionnage de 1478, près d’une autre rue appelée Foubert ou Toubert, dans la paroisse Saint-Maclou. L’une et l’autre nous sont inconnues.

Jardin-au-Blanc (le).

On désignait ainsi, dans un acte de tabellionage du 17 octobre 1476, du nom de son propriétaire Jean Leblanc, un vaste emplacement qui comprenait, au 16e siècle, une notable partie du quartier Saint-Hilaire, et qui s’étendait encore, en 1600, depuis la porte Martinville jusqu’au lieu appelé le Noviciat des Jésuites (actuellement transformé en caserne). En 1620, ce jardin était, en tout ou en partie, la propriété d’un sieur Leblanc, qui offrit de vendre à la ville une maison qu’il possédait à la Marêquerie, pour y loger les médecins, apothicaires et chapelains chargés de soigner les malades de la peste.

Dans un acte du 21 juillet 1570, on trouve la mention suivante : Nicolas Leblanc, procureur au Parlement, prend à bail pour soixante-dix-neuf ans, des membres de la confrérie de Sainte-Marie-Madeleine, tous maîtres et joueurs d’instruments, un jardin, etc., à prendre depuis le jardin dudit Leblanc, borné vers le rempart de la porte Martinville par G. Simon et autres ; d’autre côté ledit rempart, ledit Leblanc et MM. du Bureau de la Madeleine ; d’un bout ledit Leblanc, près les Bouriots2, avec sortie sur la rue des Marquets. Outre le prix du bail, les bailleurs devaient donner chaque année une double aubade, le premier mai, et le preneur s’obligeait, de son côté, à donner sur les

lieux, aussi chaque année, le mercredi des Rogations, deux galons de vin.

Le Flambeau astronomique de 1716, et la nomenclature des rues donnée par Du Souillet en 1731, laissent quelque incertitude au sujet de la position qu’occupait alors ce Jardin-au-Blanc. Ils indiquent comme y aboutissant, du côté opposé à la rue Martinville, les rues de la Glos et de la Vigne, en même temps qu’ils placent, à gauche de la rue des Marquets, la rue et jardin au Blanc et celle des Trois-Cornets1. Cela semble indiquer que ce jardin, si vaste en 1476, alors qu’il était la propriété de Jean Leblanc, avait été divisé, par la suite, en deux parties, dont l’une, celle de Nicolas Leblanc (devenu fieffataire de la seconde par l’acte de 1570), s’étendait jusqu’au lieu où est aujourd’hui la place d’Amiens. Mais le plan de Gomboust, de 1655, marque la position du jardin au Blanc, dans lequel était édifiée une maison, dans l’emplacement où sont actuellement la rue du Pavillon, qui a dû prendre son nom de la maison indiquée ci-dessus, et le clos des Parcheminiers, qui, dans un plan de 1784, se trouve inscrit sous le titre des Eaux de la Marêquerie. Cette circonstance, jointe à celle de la location qui est l’objet de l’acte du 21 juillet 1570, donne lieu de croire que le jardin au Blanc était devenu, par suite d’une spéculation, un lieu de réunion où l’on allait prendre les eaux et se divertir. Ce qui viendrait à l’appui de cette dernière opinion, c’est qu’il y avait encore, au commencement du 19e siècle, dans le quartier de Saint-Maur, un bal champêtre connu sous le nom de Jardin-du-Blanc ou de Leblanc.

Les Affiches de Normandie, de 1771, citent une rue au Blanc, qui devait conduire au jardin de ce nom. ― Un acte de tabellionage de 1481 indique, dans le même quartier, la sente qui mène au jardin de Saint Joire.

Jardin-Blanchard (le), en la paroisse Saint-Gervais.

Ce nom est indiqué, sans autre détail, dans des actes de tabellionage du 16 avril 1421 et du 12 mars 1492. L’un de ces actes mentionne la vente d’un terrain à prendre à même du jardin appelé le Jardin-Blanchard.

Jardin-Thierry (rue du). = Route de Darnétal, rue du Chemin-de-Fer. ― 1re section, 5e canton, Saint-Hilaire. ― Faubourg Saint-Hilaire.

Cette rue, ouverte depuis 1819, porte le nom d’un propriétaire. Le Jardin-Thierry est cité dans les Affiches de Normandie de 1775.

Jardin-de-l’Aurore (rue du), dans la rue du Mont-Gargan. ― 1re section, 5e canton, Saint-Paul. ― Faubourg Martinville.

Cette rue commence dans la rue du Mont-Gargan et est parallèle au prolongement de cette même rue, après le cimetière. Elle a pris son nom de l’enseigne d’un jardin dit de l’Aurore, où se tint pendant quelque temps un bal champêtre. On l’appelait aussi quelquefois rue de l’Aurore, nom sous lequel elle est inscrite dans un plan de 1814.

Jardin-des-Plantes (rue du). = Rue du Champ-des-Oiseaux, petite rue de l’Avalasse. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Bouvreuil.

On l’appelle aussi quelquefois la rue de l’Ancien-Jardin-des-Plantes, à cause du jardin botanique qui avait été établi, d’abord en 1735 au faubourg Bouvreuil, d’où il fut transféré vingt-deux ans après au cours de Paris, actuellement le quai du même nom, et de là dans l’ancien parc de Trianon. (Voyez rue d’Elbeuf.)

Jardins (rue des). = Rue du Puits, rue des Sapins. ― 1re section, 5e canton, Saint-Hilaire. ― Faubourg Saint-Hilaire.

Cette rue, percée au commencement du 19e siècle, a été appelée ainsi à cause des jardins qui y ont leur entrée.

― Une autre rue des Jardins figure sur un plan de 1817, dans le faubourg Cauchoise ; c’est actuellement la portion de la rue Flaubert qui règne derrière les jardins de l’Hôtel-Dieu, et qui était connue sous le nom de rue des Grosses-Pierres.

Jean-David (cour). = Rue des Charrettes, près la place Henri-Quatre, rue des Ramassés. ― 10e section, 1er canton, Saint-Vincent. ― Quartier S.-O.

Cette cour ou passage, dont nous avons parlé à l’occasion de la rue Cabaret, a porté aussi le nom de cour Jean-Avril.

Jean-Dupont (rue). = Rue du Colombier, rue de la Croix-d’Yonville. ― 12e section, 5e canton, la Madeleine. Faubourg Cauchoise.

Cette rue, sise dans le quartier des jardins d’Yonville, porte le nom du propriétaire qui l’a fait ouvrir sur son terrain. Elle est indiquée par erreur, dans un plan de 1817, comme partant de la rue du Renard.

Jeanne-d’Arc (avenue de). = Rue Neuve-Jouvenet (ancienne impasse), la campagne vers le Bois-Guillaume. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Beauvoisine.

En 1860, l’ancien domaine de Bihorel, qui est situé entre la rue de ce nom, celle d’Ernemont et la route de Neufchâtel, a été converti, par son propriétaire, en un quartier nouveau auquel il a donné le nom de cité de Jeanne-d’Arc. La même dénomination ayant remplacé officiellement, depuis cette époque, le nom du boulevard Bouvreuil, et le même nom ayant été adopté en 1870 pour remplacer celui de la rue de l’Impératrice, il paraîtrait utile de faire le choix d’une autre désignation pour le quartier ainsi dépossédé de ce titre. Nous croyons qu’on ferait bien de remplacer le nom de l’avenue de Jeanne-d’Arc par celui de Vaucouleurs, et de donner à cette dernière rue celui de Charles VII, dont les armes, que guidait encore le souvenir de l’héroïne de Domrémy, ont affranchi notre ville de l’occupation étrangère.

Jeanne-d’Arc (boulevard). = Rues Bouvreuil et du Champ-des-Oiseaux, boulevard Cauchoise. ― 4e section pour les numéros pairs, jusqu’à la rampe Bouvreuil ; 12e section pour les numéros 114 et 116 ; 8e section pour les numéros impairs ; 5e canton ; paroisses Saint-Romain, des deux côtés jusqu’à la rampe Bouvreuil ; ensuite Saint-Patrice pour les numéros impairs ; St-Gervais pour les numéros pairs. ― Faubourg Bouvreuil.

Le nom de l’héroïne qui contribua à l’affranchissement de la France au 15e siècle a été donné, en août 1867, au boulevard Bouvreuil, près duquel est située la tour connue jusqu’à présent sous le nom de tour ou de donjon du Vieux-Château, et dans laquelle1 la prisonnière des Anglais, subit les interrogatoires qui

précédèrent sa condamnation. Une société de souscripteurs s’est formée en 1866 pour le rachat de cette tour, qui a reçu également le nom de Jeanne-d’Arc, et pour l’érection d’un monument en l’honneur de la pucelle d’Orléans. (Voyez rue Morand.)

Sur ce boulevard, près de la rue Neuve-Saint-Patrice, était aussi la tour Bigot, qui faisait partie des fortifications de la ville. Elle fut construite vers 1514 et fut démolie en 1839. (Voyez ce nom, page 46.)

Jeanne-d’Arc (rue). = Le quai du Havre, le boulevard Jeanne-d’Arc. ― 9e section et 1er canton, depuis le port jusqu’à la rue Ganterie ; 8e section et 2e canton pour le reste de la rue. ― Paroisses : Saint-Vincent, depuis le port jusqu’à la rue aux Ours ; la Cathédrale, de cette rue à la rue Ganterie ; ensuite Saint-Godard pour le côté droit, et Saint-Patrice pour le côté gauche. ― Quartiers S.-E. et N.-E.

Ouverte sous le nom de rue de l’Impératrice, en vertu d’un traité signé le 12 novembre 18591, pour l’exécution des grands travaux de Rouen, qui furent autorisés par un décret de juin 1860, cette rue a reçu son nom actuel le 25 septembre 1870. Acceptée en 1866 comme route impériale, elle relie le port à la gare du chemin de fer de l’Ouest (rive droite). Pour qui ne connaissait pas Rouen avant cette époque, la rue Jeanne-d’Arc apparaît comme une belle et large voie qui coupe une partie de la ville en deux vastes quartiers, du midi au nord. Mais, aux yeux de ceux qui, avant 1860, avaient parcouru les tortueuses et incommodes rues qui réunissaient l’une à l’autre ses deux extrémités, l’ouverture de cette magnifique rue, d’une étendue d’environ mille mètres sur dix-huit mètres de largeur, est une conception hardie qui a triomphé de grandes difficultés, et dont l’exécution n’a pu se faire sans des dépenses considérables, et non sans avoir compromis de petites fortunes immobilières, par suite de dépossessions arbitraires et d’expropriations pour cause d’utilité publique. Une dizaine de rues ont été supprimées, et plus de cinq cents maisons ont été détruites pour faire place à la rue Jeanne-d’Arc, dont on ne peut méconnaître l’utilité et

l’importance. L’établissement de cette belle rue, combiné avec l’ouverture de celle de l’Hôtel-de-Ville et de plusieurs autres moins étendues mais non moins belles et non moins utiles, a donné un nouvel aspect à notre ville, autrefois réputée laide1 malgré ses nombreux et riches monuments.

D’autres améliorations de plus d’un genre, déjà commencées précédemment, et mises à exécution sur une plus large échelle pendant ces dernières années, ont eu pour résultats l’assainissement des marchés publics, celui de plusieurs anciens quartiers populeux, et des éléments de bien-être et de prospérité qui font honneur à l’administration des hommes de bien auxquels étaient confiés les intérêts de la ville et du département. Aussi le nom de place Verdrel, donné récemment à celle du Marché-Neuf, que borde à l’ouest la rue Jeanne-d’Arc, celui d’Ambroise-Fleury que porte une rue nouvellement agrandie dans un autre quartier ; le nom enfin de la rue Ernest-Leroy, qui communique de la rue Jeanne-d’Arc à la gare de la rue Verte, attestent que la reconnaissance publique ne leur a pas fait défaut.

Partant du port entre la rue Haranguerie et la rue Nationale, la rue Jeanne-d’Arc rencontre sur son passage l’hôtel de l’Octroi municipal, dont la première pierre fut posée le 15 août 1860, et dans lequel ont été installés en 1863, outre les bureaux de l’Octroi, ceux des Contributions indirectes et des Poids et mesures ; la rue des Charrettes, où se trouve l’entrée du Dépotoir public ; la rue et l’église Saint-Vincent ; la rue Fleurus-Duvivier, nouvellement faite pour isoler complètement cette église ; la rue aux Ours, à l’une des encoignures de laquelle est le square renfermant la jolie tour de l’ancienne église Saint-André, tour dont la restauration a été terminée en 1867 ; la rue de la Grosse-Horloge ; les rues Rollon et Guillaume-le-Conquérant2, ouvertes récemment aussi pour relier à la place du Vieux-Marché celle du Marché-Neuf, que l’on voit à droite de la rue Jeanne-d’Arc, et qui confine au Palais-de-Justice ; l’hôtel de la Poste aux lettres3, édifié en 1863 ; les rues des Bons-Enfants et de l’Hôtel-de-Ville ;

le square Solférino ; les rues Saint-Patrice et du Bailliage ; enfin les rues Morand et Alain-Blanchart ; puis elle arrive au boulevard, en face de la rue Ernest-Leroy (ancienne rue du Petit-Bouvreuil), qui conduit à l’embarcadère du chemin de fer de Paris à la mer. Les agrandissements projetés pour cet embarcadère, qui est devenu aujourd’hui insuffisant, auront probablement pour effet le prolongement de la rue Jeanne-d’Arc jusqu’en face de la gare elle-même.

D’autres projets, qui auraient pour but d’établir un pont fixe au bas de la rue Jeanne-d’Arc, et de continuer cette rue jusqu’à la route de Caen, à travers les prairies du faubourg Saint-Sever1, travaux dont le vœu a été exprimé en 1863 par le conseil général du département, sont devenus l’objet d’études sérieuses et de débats divers. Ces projets, dont la réalisation semble compromise pour quelque temps encore par les oppositions qu’ils ont soulevées, recevront plus tard, il faut l’espérer, leur solution, dans des conditions de nature à concilier tous les intérêts.

À l’endroit où la rue Jeanne-d’Arc arrive au boulevard Bouvreuil, actuellement appelé aussi le boulevard Jeanne-d’Arc, non loin d’une tour dépendant du vieux Château, et qui était appelée la tour de la Pucelle, parce que cette héroïne y avait été renfermée avant d’être jugée, une porte avait été ouverte au xiiie siècle, donnant sur les remparts, du côté de la campagne. C’est probablement cette porte que Farin cite sous le nom de porte Gaalor. T. Duplessis dit qu’on lui donnait en 1443 le nom de porte du Châtel, et qu’elle fut ensuite murée. C’était, dit-on, dans une de ses salles que l’Échiquier tint ses séances jusqu’en 1499, après quoi elles eurent lieu dans la grande salle du Château.

Sur plusieurs points du parcours de la rue Jeanne-d’Arc, on a découvert, en 1862 et en 1863, de nombreux vestiges antiques, des peintures murales, des poteries, des monnaies, une belle lampe portant un nom, une statuette en terre cuite, un

grand vase en bronze, etc. En construisant, en 1864, les maisons situées entre les rues Rollon et Guillaume-le-Conquérant, on a rencontré des masses de débris, un hypocauste et une salle romaine1.

Jésuites (rue des).

Cette petite rue, citée dans un acte de tabellionage du 15e siècle, devait faire communiquer la rue des Minimes avec celle du Grand Maulévrier, à travers les jardins des Jésuites, lesquels font actuellement partie des dépendances du Lycée. (Voyez rue de Maulévrier.)

Jeux de Paume, Billards, Jeux de Boule, etc.

Au moyen-âge, les jeux de paume et de mail étaient mis au nombre des jeux permis, comme exerçant et fortifiant le corps et le conservant en santé. Des ordonnances de police prescrivaient que tout ce qui se jouera au jeu de paume sera payé au gagnant comme une dette raisonnable et acquise par son travail2. Tandis qu’il était défendu de tirer de l’arc, de jouer à la paume et au mail dans les rues, places publiques et autres lieux fréquentés, les lois municipales protégeaient les établissements consacrés à ces sortes de divertissement, tout en prescrivant de sages mesures d’ordre et de police, soit en défendant d’y admettre des enfants de famille, des mineurs, des artisans. etc., soit en interdisant aux cabaretiers et à tous autres, dans les maisons desquels étaient les jeux de paume, d’y laisser jouer pendant les jours ouvrables ; en revanche, il était permis aux paumiers3 et aux raquetiers de tenir leurs jeux les dimanches et fêtes, pendant la durée desquels tous autres jeux étaient défendus4.

Les jeux de paume et de mail se multiplièrent donc, notamment au 15e siècle, et nous trouvons dans les actes de tabellionage de cette époque, ainsi que dans ceux du Parlement du 16e et du 17e siècle, la mention de plus de trente établissements de ce

genre à Rouen, nombre encore inférieur à celui des jeux de paume qui existaient en réalité dans la ville et dans la banlieue.

Parmi eux nous citerons au hasard, et sans ordre de date, comme sans pouvoir préciser leur importance1 :

Le jeu de paume du Port-du-Salut, en la paroisse de Saint-Étienne-des-Tonneliers, où parut en 1556 la première troupe d’acteurs qui soit venue à Rouen. (Voyez rue du Petit-Salut.)

Celui du Métayer, du nom de son propriétaire, à l’enseigne de la Cuillère-à-Pot, dans l’ancienne rue Vathieu-Blondel, qui fait actuellement partie de la rue de la Chèvre, où joua Molière en 1643, avec la troupe dite l’Illustre Théâtre.

Le jeu de paume de Braquet ou des Braques, au bas de la rue du Vieux-Palais, portant le nom de son propriétaire. On voyait en 1539, se rendre à ce tripot, montés sur leur mule, tels conseillers du Parlement qui s’étaient fait excuser au palais comme atteints d’indisposition2. Là joua aussi Molière avec sa troupe en 1658 ; il y eut bataille, où l’acteur Larivière fut blessé. En 1687, le second Théâtre-Français y était établi sous le titre de « la Comédie », qu’il échangea plus tard contre celui d’Opéra. Il fut incendié le 17 mars 1696.

Le jeu de paume du Patin, où l’on joua la comédie, était dans la rue de la Seille.

Celui de l’Aigle-d’Or, entre l’ancienne rue de l’Aumône et la rue Ganterie, où fut commis, le 29 mai 1591, l’assassinat d’un capitaine Lesmone, par un autre capitaine nommé Bailleul, seigneur de Beauvais, qui était descendu en l’hôtellerie où pendait l’enseigne de l’Écureuil (voyez ce nom), en la paroisse Saint-Laurent. Ce jeu était découvert. Il fut vendu en 1668, pour le prolongement, jusqu’à la rue Ganterie, de la rue de Socrate, qu’on appelait alors la rue Neuve-Saint-Lô.

Les jeux de paume du Château-Rouge et de la Cigogne, près des Murs Saint-Ouen, où se trouvaient, suivant des arrêts du Parlement de 1616 et de 1626, des jeux de hasard où toutes sortes de personnes perdaient et enfouissaient leurs biens par des profusions immenses et extraordinaires, à leur ruine et au grand scandale public. Le Château-Rouge fut incendié en 1655.

Celui des Deux-Maures, dans la rue des Charrettes, en face de la rue Herbière, où plusieurs troupes d’acteurs vinrent successivement en représentation, de 1650 à 1658 ; où fut établie, en 1689, « l’Académie de musique ou Opéra », en concurrence avec la comédie du jeu de paume des Braques. Dans le courant du 18e siècle, le jeu de paume des Deux-Maures fut transformé en salle de spectacle. (Voyez Théâtres.)

Ceux de la Rougemare, où il y avait des comédiens, et du Verdelet, dans la rue des Carmélites. Ce dernier avait quatre-vingt-treize pieds de long sur trente-six de large, et était pavé en pierres de lierre (liais).

Les deux jeux de paume à l’enseigne de Saint-Eustache, situés derrière la maison de Corneille, et dont l’entrée était par la rue aux Chevaux ; celui du Signot, dans la paroisse Saint-Sauveur, tenu par le sieur Th. de Boutincourt ; et un autre à l’image de Saint-Eustache également, mais situé dans le quartier Martinville, dont le propriétaire fut condamné, en 1608, à placer des estamperches de pot en pot, de huit pieds de hauteur, et d’y attacher des rets pour empescher les balles d’endommager les voisins.

Il y avait encore les jeux de paume et jardins assis hors de la porte Cauchoise et de la porte Bouvreuil ; celui de la Cornière, en la rue Dinanderie, où l’on joua la comédie au 17e et au 18e siècle ; ceux aux enseignes des Trois-Queues-de-Renard, en la paroisse Saint-Vincent ; du Signot1, des Carolus-d’Or, du Chat-qui-Veille ; ceux encore à l’enseigne des Cochonnets et à l’image de Sainte-Claire, dans la rue Notre-Dame, appelée depuis la rue des Arpents ; des Penteurs, près du Noviciat des Jésuites ; du Petit-Maure, du Héron, de la Grande et de la Petite-Bête, etc., dont les locataires demandèrent, comme beaucoup d’autres, pendant les maladies, les troubles et autres malheurs publics qui affligèrent la fin du 16e siècle et une partie du siècle suivant, soit la résiliation du bail, soit la diminution du prix de ce bail. L’un de ces établissements était loué 1200 livres par an en 1590 ; la location fut réduite de moitié, ainsi que d’autres baux.

Il y avait enfin les jeux de pal-mail, situés le long des prairies de Grammont, et dont le nom est resté à une promenade plantée qui s’étendait jusqu’à l’église de Saint-Sever. Le 5 juin 1602, le Parlement fut saisi d’une demande formée par la veuve de Michel Leboullenger, en son vivant joueur de mus et de haut bois du roy, aux fins d’obtenir l’entérinement des lettres à elle octroyées le 5 décembre précédent, et en vertu desquelles permission lui avait été donnée d’établir un jeu de pal-mail près du prieuré de Grammont, non-seulement en conséquence des services faits par son mari, tant au roy de présent régnant qu’à ses prédécesseurs, mais aussi qu’elle tient quitte sa majesté de six cents escus du nombre de ce qui estoit dû audit Leboullenger pour ses gaiges et appointements.

Mais la gravité des abus qu’occasionnait l’existence de tous ces établissements, joints à ceux qui résultaient des brelans et des académies de jeux défendus, dont le nombre s’était également multiplié au point d’exiger une répression sévère1, durent rendre nécessaires des dispositions réglementaires propres à diminuer le nombre des jeux de paume. Un arrêt du Parlement de Paris, du 10 juin 1551, renouvelé en 1598 et 1599, fit défense d’en bâtir de nouveaux dans la ville et dans les faubourgs de la capitale, et ces mesures durent s’étendre au reste du royaume. Toutefois, les paumiers et les raquetiers obtinrent l’autorisation d’avoir des billards qui avaient été antérieurement interdits, dans les maisons où ils tenaient les jeux de paume, et non ailleurs2.

Plus tard, le 19 août 1772, une sentence de police fixa à douze le nombre des billards à Rouen ; mais ce nombre ayant beaucoup augmenté, un nouvel arrêt du Parlement du 1er septembre 1786, le réduisit à vingt-quatre pour la ville et pour les faubourgs3.

Cependant, en 1769 et en 1770, les jeux de paume étaient passés de mode, car les Affiches de Normandie de cette époque annonçaient la vente ou la démolition de plusieurs de ces établissements ; on annonçait, entre autres, la location d’un grand magasin où étaient ci-devant le jeu de paume et le tripot de la Cornière, devenus depuis la salle Dinanderie (voyez p. 174),

et celle du jeu de paume du Sinop (ou Signot), sur la place de la Poissonnerie. Ce dernier subsistait encore en 1772, et fut l’objet d’une annonce ou plutôt d’une réclame ainsi conçue, et qui donne un aperçu des jeux alors en faveur : Nos bons aïeux, après avoir travaillé, se délassaient à jouer au mail, à la paume, et à d’autres exercices qui les rendaient plus alertes, plus adroits et surtout plus robustes. Tous ces jeux, qui semblent faits pour les hommes, ont été presque abandonnés ; nous nous sommes retranchés, avec le beau sexe, sur les cartes, et aujourd’hui le « ouicht », le pamphile, l’admirable médiateur, à qui on commence à substituer la comète, nous occupent. Il n’y a plus que quelques personnes qui aiment les jeux de nos pères. Le sieur Toussaint, qui tient le jeu de paume de la Poissonnerie, etc., etc.

Mais les jeux de paume furent peu à peu tout-à-fait délaissés, et il ne subsista plus, au commencement du 19e siècle, que celui où venaient s’exercer, à ciel ouvert, dans l’avenue de la Madeleine, le petit nombre de ceux qui n’avaient pas perdu le souvenir et le goût de ce genre de divertissement. Ils avaient été remplacés par des jeux de boules. Les Affiches de Normandie de 1784 font mention d’un ténement de trois jeux de boules et de maisons appelées « l’entrée de Jérusalem, » dans la rue Saint-Hilaire.

Jouvenet (rue). = Rue d’Ernemont, rue de la Rampe. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Beauvoisine.

Cette rue porte le nom d’un peintre célèbre, Jean Jouvenet, qui est né à Rouen le 21 août 1647, et est mort le 5 avril 1717.

Elle avait reçu, vers la fin du 18e siècle, époque de son ouverture, le nom de M. de la Michodière, qui fut intendant de la généralité de Rouen de 1762 à 1768, et qui était le beau-père de M. de Crosne1. On avait donné en 1794, à cette rue, le nom de rue de Suède, et en 1795 celui de rue de Malherbe.

La rue Jouvenet ne s’étendait précédemment que depuis la rue d’Ernemont jusqu’à la rue Bihorel. On lui a réuni, en 1795, la rue Dyel-de-Vaudrock, qui portait, en 1790, le nom d’un ancien

conseiller au Parlement, M. Dyel de Vaudrock de Limpiville, et à laquelle on donna, en 1794, celui de rue Barra. Plus tard, on lui réunit encore une autre rue que l’on trouve inscrite, sur un plan de 1817, sous la dénomination de rue des Pleins-Champs, dû sans doute à sa position en pleine campagne.

Au moyen de ces deux adjonctions, la rue Jouvenet se trouva prolongée jusqu’à la rue de la Rampe, derrière le Boulingrin.

Le nom de rue des Pleins-Champs remplaça ensuite celui de rue des Champs, que portait une rue parallèle à celle du Nord, pour la distinguer d’une autre rue des Champs qui est dans le quartier de Saint-Nicaise.

Il y aurait toute justice de rétablir le nom de M. de la Michodière ; il serait lu, par exemple, avec plus d’intérêt que ceux des rues des Pleins-Champs, du Pérou, de Bonnefoi et autres, qui sont voisines de celle à laquelle le nom de cet administrateur avait été donné. On trouverait d’ailleurs facilement, pour ces diverses rues, des dénominations empreintes d’un caractère historique ou d’un hommage rendu à la mémoire de personnages dont notre ville s’enorgueillit. Dans un éloquent discours où l’on prononçait l’éloge de l’un de nos peintres les plus distingués, on a demandé que son nom fût donné à l’une des rues de Rouen1. Le nom d’Anicet Lemonnier devrait, en effet, trouver sa place non loin des rues Jouvenet et du Poussin.

Joyeuse (rue de). = Rue des Deux-Anges, rue de la République. ― 5e section, 2e canton, Saint-Ouen. ― Quartier N.-E.

On a remplacé, en août 1867, le nom de la rue du Petit-Maulévrier, précédemment appelée rue de la Levrette2, par celui du cardinal de Joyeuse, fondateur de l’ancien séminaire qui fut établi en 1616 près de l’ancien collége des Jésuites, actuellement réuni au Lycée. (Voyez rue de Maulévrier.)

Dans un acte de tabellionage du 18 septembre 1421, il est fait mention du chemin tendant de la porte Beauvoisine à la rue de Flandre. Un autre acte de 1534 cite la rue du Petit-Maulévrier, au précédent la rue tendant au champ du Bourg-l’abbé, à

présent appelé le champ du Régent. En 1794, on lui donna le nom de rue du Travail.

À l’extrémité de la rue de Joyeuse qui forme l’angle de la rue Neuve-Sainte-Marie, était l’ancienne abbaye des Gravelines, dites les religieuses anglaises de Sainte-Claire, qui vinrent à Rouen après la prise de la ville de Gravelines, en 1644, par l’armée de Louis XIV. Elles se logèrent d’abord dans la rue du Grand-Maulévrier, puis elles entrèrent en 1651 dans le local auquel elles ont donné leur nom. Leur chapelle, placée sous le vocable de Jésus-Marie-Joseph, avait été bâtie en même temps que le monastère, et fut dédiée en 1667. Après la suppression de cette communauté en 1791, leur maison servit, pendant quelques années, de logements particuliers et de lieu de détention. On y renferma, pendant le règne de la terreur, les femmes suspectes d’incivisme, et ayant fils ou frère émigré1. Les prêtres non constitutionnels soumissionnaires officièrent publiquement dans la chapelle de l’ancienne abbaye, en 1801. Cet établissement, acquis en 1812 par Mme de Trébons, appartient actuellement à la communauté des dames de la Visitation de Sainte-Marie, qui y ont formé leur premier monastère et y ont établi un pensionnat, après avoir demeuré pendant quelque temps, à la suite du décret d’autorisation de 1806, dans l’ancien local du deuxième monastère de leur ordre, rue des Capucins, jusqu’au rétablissement de cette seconde maison.

À l’autre extrémité de la rue de Joyeuse, contre l’impasse de Flandres, était le couvent des Mathurins, autrement dit des religieux de l’ordre de la Sainte-Trinité et de la Rédemption des Captifs, qui, vers 1669, bâtirent leur église, et fondèrent dans leur maison, en 1731, un hôpital pour les pauvres captifs rachetés2. Les Mathurins furent supprimés en 1792. Leur maison est actuellement occupée par une institution de jeunes gens.

En face est le monastère des dames de l’lmmaculée-Conception, qui s’y sont établies vers 1845. Dans la même rue est l’école d’enseignement mutuel des Frères des Écoles chrétiennes, pour les paroisses de Saint-Ouen et de Saint-Nicaise.

Juifs (rue aux). = Rue des Carmes, place Verdrel. ― 9e section, 1er canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-O.

Sous le règne de nos premiers ducs, il y avait, dans plusieurs villes de la Normandie, des quartiers affectés à la demeure des familles juives, qui y faisaient la banque, le change des monnaies. Ces quartiers ou ces rues en ont conservé le nom1.

Traqués déjà dans leur quartier en 10962, où l’on en fit un grand massacre, les juifs furent chassés de France en 1181, par Philippe-Auguste, puis expulsés de nouveau en 1306 et en 1311 ; mais le lieu où ils avaient tenu leur synagogue continua d’être appelé le clos aux Juifs. Ce clos, dont il est fait mention dans divers actes de tabellionage, et qui fut cédé à la ville par Philippe-le-Bel, moyennant une rente de 300 livres tournois, en vertu d’une charte de 1306, comprenait tout l’espace occupé aujourd’hui par la place Verdrel (ancien Marché-Neuf), par les rues aux Juifs, Boudin et Saint-Lô, par l’hôtel des Sociétés savantes (anciennement de la Présidence), et par le Palais-de-Justice. C’était encore, en 1410, un terrain inhabité et en pâturage3. Le marché aux herbes, aux volailles et menues denrées, qui se tenait depuis un temps immémorial dans le parvis de Notre-Dame, fut transféré, en 1429, dans la partie du clos aux Juifs4 où l’on commença, en 1499, les travaux de construction du Palais-de-Justice. En 1515, ce marché fut transféré de nouveau en dehors de la cour du même palais sur la place Verdrel, qui a longtemps porté le nom de place du Marché-Neuf.

On voit, dit l’auteur du Dictionnaire indicateur5, des preuves de l’existence de synagogues dans quelques-unes des caves de la rue aux Juifs, près du Palais-de-Justice et de la rue des Carmes. Elle se révèle surtout, d’après Rondeaux de Sétry6, à l’entrée de

la rue aux Juifs, à droite en partant de la place Verdrel. C’est un grand pavillon de pierre presque carré, qui a deux étages voûtés, dont l’intérieur est un demi-souterrain de dix-neuf pieds d’élévation. L’on y apercevait encore sur les murs quelques traces de peintures à fresque échappées aux ravages du temps1. Quelques anciens historiens, entre autres Taillepied, affirment que l’église de Notre-Dame-de-la-Ronde, aujourd’hui disparue aurait dans l’origine servi de synagogue. L’auteur des Lettres sur Rouen fait aussi mention d’une vieille chapelle, qui était dans la rue Saint-Lô, au-dessus de la rue Boudin, et qui aurait servi au même usage. Un temple israélite était encore établi, de nos jours, dans le passage Saint-Jean, qui a été démoli pour l’ouverture de la rue de l’Impératrice, actuellement la rue Jeanne-d’Arc ; il a été transféré, en 1859, dans la salle de la rue Dinanderie (voyez ce nom), puis dans l’ancienne église de Sainte-Marie-la-Petite, sise rue des Bons-Enfants, à l’angle de la rue de la Prison.

Dans le Manuscrit des Fontaines, la partie de la rue aux Juifs qui avoisine la place Verdrel, est indiquée sous le nom de rue du Pélerin, provenant d’une ancienne enseigne sur la potence de laquelle on voyait une figure de pélerin.

On remarque en face du Palais-de-Justice une maison en pierre construite sous le règne de Henri III, et qui a fait partie de l’ancien Hôtel-de-Ville. La façade de cette maison, qui est enrichie de belles sculptures, a été reproduite par E.-H. Langlois, dans la Description historique des Maisons de Rouen, de M. E. De la Quérière.

Une inscription, placée en 1867 sur la façade d’une maison qui remplace aujourd’hui, dans la même rue, derrière la rue du Bec, une maison du 15e siècle décrite par le même auteur, indique que dans cette maison naquit Jean Jouvenet, en avril 1644. Près de là se trouvait une petite rue appelée ruelle d’Ymare ou de Guiart ; et qui, à la fin du 18e siècle, portait le nom de rue du Cochon-Rôti. (Voyez p. 142.)

On a découvert dans la rue aux Juifs, près de la rue Massacre, ainsi que sous le sol de l’église Saint-Jean, actuellement détruite, des restes d’une voie antique, des poteries, des monnaies, etc.2

Cette voie antique a été aussi rencontrée à l’angle de la rue des Carmes, à huit mètres au-dessous du sol1.

― On donnait aussi les noms de mont et de clos aux Juifs, au quartier où est établie la rue Saint-Maur. (Voyez ce nom.)

Juifs (impasse aux), dans la rue de la Pucelle. ― 11e section, 6e canton, Saint-Clément. ― Faubourg Saint-Sever.

C’est le nom que portait l’un des hameaux du faubourg Saint-Sever, où les juifs avaient leur lieu de sépulture. ― L’impasse qui porte ce nom, et qui est quelquefois désignée sous celui de petite rue des Juifs, paraît devoir se prolonger jusqu’à l’ancienne impasse de Saint-Yon, appelée actuellement la rue du Terrain.

Lafayette (place). = Les quais du Grand-Cours, d’Elbeuf et de Saint-Sever, le pont de Pierre-Corneille.

Lafayette (rue). = Place Lafayette, rue Saint-Sever et rue d’Elbeuf. ― 11e section, 6e canton, Saint-Sever. ― Faubourg Saint-Sever.

Commencées en 1828, à la suite de la construction du pont de pierre, la rue et la place Lafayette ont reçu, le 5 janvier 1831, le nom de l’illustre général, qui est mort le 20 mai 1834. La rue Lafayette fut prolongée en 1845 jusqu’en face de l’église Saint-Sever.

Laferrière (rue).

Une rue de ce nom est indiquée dans un acte de tabellionage du 30 septembre 1425, en la paroisse de Saint-Vincent2. Nous ne savons où était située cette rue. Farin cite, au nombre des maires de Rouen, Mathieu de la Ferrière en 1283, et Pierre de la Ferrière en 1379 et en 1380. Il cite également, parmi les bienfaiteurs de la chapelle collégiale du Saint-Sépulcre, un chevalier nommé Jean de la Ferrière.

Lafosse (rue). ― Rue d’Ernemont, route de Neufchâtel. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Beauvoisine.

Cette rue, ouverte depuis peu d’années dans l’ancien champ

du Pardon, porte le nom d’un propriétaire. Dans cette rue est un passage communiquant du sud au nord avec la route de Neufchâtel.

Lair (rue et impasse). = Rue de la Pucelle, rue Saint-Julien. ― 11e section, 6e canton, Saint-Clément. ― Faubourg Saint-Sever.

On appelle ainsi, du nom d’un propriétaire, une petite rue, en face de laquelle se trouve, dans la rue de la Pucelle, une impasse qui paraît devoir se prolonger, de même que l’impasse aux Juifs, jusqu’à la rue du Terrain, nommée précédemment impasse Saint-Yon.

Lamauve (rue). = Rue de Germont, près de l’Hospice-général, rue Eau-de-Robec. ― 3e section, 4e canton, Saint-Vivien. ― Quartier S.-E.

C’est le nom d’un médecin célèbre, Louis-César Lamauve, né à Vittefleur en 1762, ancien chirurgien en chef de l’Hospice-général, décédé en 1821 à Rouen, et auquel est due la fondation d’un hôpital pour les protestants, situé sur le boulevard Saint-Hilaire.

La rue Lamauve, que l’on trouve aussi désignée, dans les Affiches de Normandie de 1777, sous la dénomination de rue du Bureau1, parce qu’elle conduit à l’Hospice-général, appelé précédemment le Bureau des Pauvres valides, avait porté jusqu’en 1867 le nom de rue Caumont ; mais il est vraisemblable que, par suite d’une de ces erreurs assez familières aux agents préposés à l’inscription des rues de la ville, et dont on pourrait citer plus d’un exemple, on aura écrit Caumont pour Gaumont, nom d’une famille ancienne de bourgeois, qui a compté au nombre de ses membres un administrateur de l’Hôtel-Dieu et un des bienfaiteurs de l’Hospice-général. On voit, en effet, dans les actes de tabellionage de 1532 à 1536, la mention d’une rue Gaumont, dans la paroisse Saint-Vivien2. Nous lisons aussi, dans un acte du 21 novembre 1540 : Maison et jardin sis rue de la Marêquerie, près de la fontaine Saint-Ouen (c’est l’ancienne rue Bourgerue),

bornés d’un côté Richard Anceaume, d’autre côté la rue de Gaumont, etc. Enfin, un acte du 12 décembre 1552 cite une maison en la rue de Gaumont, tendant du pont à Dame-Renaulde à la fontaine Saint-Vivien. Il paraît regrettable, alors, que l’on ait retiré à cette rue la dénomination qui rappelait un ancien bienfaiteur de l’Hospice-général, et qui aurait dû être conservée moyennant la rectification du nom véritable. On aurait pu choisir, pour conserver la mémoire du fondateur de l’hôpital Lamauve, soit le boulevard Saint-Hilaire, où cet hôpital est situé, soit l’une des rues qui l’avoisinent.

En 1794, la rue Caumont reçut le nom de rue de la Loi, que porta également la rue d’Harcourt, et avait repris en 1795 sa précédente dénomination.

Lambert (impasse), dans la rue Potart. ― 7e section, 3e canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-E.

Le nom de cette impasse, avant 1794, était cul-de-sac de Saint-Lambert, dû à une enseigne de la chapelle Saint-Lambert, qui était placée à une maison à usage d’auberge, dont il est parlé dans les Affiches de Normandie de 1775. On l’appelait aussi quelquefois l’impasse Piquet, nom provenant vraisemblablement d’un propriétaire.

Suivant un acte de tabellionage du 24 mars 1555, cette impasse communiquait autrefois avec la place du Gaillardbois. On lui donna, en 1794, le nom d’impasse Molière, et en 1795 celui qu’elle porte aujourd’hui.

Landrieu (rue). = Rue du Jardin-de-l’Aurore, rue Forget. ― 1re section, 5e canton, Saint-Paul. ― Faubourg Martinville.

Un propriétaire a donné son nom à un nouveau hameau qui se forme sur le versant nord de la montagne Sainte-Catherine, derrière la rue du Jardin-de-l’Aurore, et dont la rue désignée ci-dessus fait partie. Plusieurs autres rues de ce quartier ont aussi reçu les noms de leurs propriétaires.

Langrenée (impasse), dans la rue Chasselièvre. ― 12e section, 5e canton, Saint-Gervais. ― Faubourg Cauchoise.

On désigne ainsi, du nom d’un propriétaire, l’une des impasses

nouvellement ouvertes dans la rue Chasselièvre : c’est celle qui prolonge en équerre l’impasse portant le no 2.

Lanterne (rue de la).

Cette rue, qui longeait le port devant le bâtiment des Consuls, entre la rue des Iroquois et la rue Nationale, a été supprimée en 1824, pour l’établissement de la nouvelle promenade de la Bourse, en remplacement de celle qui existait au lieu appelé alors la place des Marchands, entre la rue Nationale et la rue Haranguerie.

La nomenclature de Du Souillet indique une rue de l’Espérance, près de la rue et porte de l’Estrade, où est la juridiction consulaire. C’était probablement le nom que portait la rue de la Lanterne, avant d’avoir reçu sa nouvelle dénomination d’une lanterne1 placée près de la porte d’entrée des Consuls ou d’une maison particulière.

Larochefoucault (rue de). = Rue du Champ-des-Oiseaux, rue Ernest-Leroy et rue Verte. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Bouvreuil.

Ouverte en 1809 et nivelée en 1820, cette rue reçut, en 1825, le nom du cardinal-archevêque de Rouen qui occupa ce siége depuis 1759 jusqu’en 1790, et qui avait fondé la communauté des Vieux-Prêtres, dans les anciens bâtiments du Val-de-Grâce, qu’on voit encore dans la rue du Champ-des-Oiseaux, au-dessous de l’église de Saint-Romain.

Le portail de cette église donne sur la rue de Larochefoucault, qui longe aussi les dépendances de la gare du chemin de fer, dans la rue Verte.

― Une autre rue, à laquelle avait été donné aussi le nom de Larochefoucault, avait été percée, à la fin du siècle dernier, dans le quartier neuf de Cauchoise. Elle reçut, en 1794, le nom de rue du Club, et en 1795 celui de Lecat, qui lui est resté.

Latérale (rue). = La Seine, au midi de l’île de la Croix. ― 1re section, 6e canton, Saint-Paul.

On a donné ce nom à une petite rue ouverte récemment dans l’île de la Croix.

Laumonier (rue). = Rue d’Anvers, petite rue Saint-Maur. ― 12e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Bouvreuil.

Cette petite rue, qui avait été appelée précédemment la rue Duthuit-Saint-Maur1, du nom d’un propriétaire de ce quartier, est parallèle à celle qui a reçu le nom de Farin, historien de la ville de Rouen. ― On lui a donné, le 31 août 1867, celui d’un médecin, Jean-Baptiste Laumonier, né à Lisieux en 1749, mort le 10 janvier 1818, à Rouen, où il remplissait depuis 1785 les fonctions de chirurgien en chef de l’Hôtel-Dieu. Cette place avait été mise au concours. Laumonier ouvrit, dans cet hôpital, un cours d’anatomie en février 1786.

Laurent (rue). = Rue de la Motte, rue aux Anglais. ― 11e section, 6e canton, Saint-Sever. ― Faubourg Saint-Sever.

C’est le nom d’un propriétaire qui a ouvert cette rue sur son terrain.

Lecat (rue de). = Quai du Mont-Riboudet, rue du Renard. ― 12e section, 5e canton, la Madeleine. ― Faubourg Cauchoise.

Ouverte en 1784, cette rue reçut d’abord le nom de Larochefoucault (voyez ce nom). On lui donna, en 1794, le nom de rue du Club, puis, en 1795, celui du célèbre docteur Lecat, mort le 21 août 1768, chirurgien en chef de l’Hôtel-Dieu, et l’un des fondateurs de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen. La rue de Lecat fut prolongée, ainsi que la rue de Buffon, jusqu’à celle du Renard, conformément à une délibération du 26 juin 1823.

Dans cette rue est situé l’Hôtel-Dieu de la Madeleine, dont

la barrière d’entrée est en face de la rue de Crosne. (Voyez ce nom.)

Lécuyer (rue). = Rue des Brouettes, rue Saint-Julien. ― 11e section, 6e canton, Saint-Clément. ― Faubourg Saint-Sever.

Cette rue porte le nom du propriétaire qui l’ouvrit sur son terrain. Ce nom, dont la consonnance rappelle un titre nobiliaire, n’échappa point, en 1794, au caractère ombrageux de nos réformateurs, qui lui donnèrent celui de rue de l’Industrie ; mais elle reprit, en 1795, sa précédente dénomination.

Legris (rue). = Rue Forget, rue Louise. ― 1re section, 5e canton, Saint-Paul. ― Faubourg Martinville.

Nom donné, par un propriétaire, à une rue nouvellement ouverte dans un quartier appelé la cité Landrieu.

Lémery (rue de). = Rue de l’Hôtel-de-Ville, boulevard Jeanne-d’Arc. ― 8e section, 2e canton, Saint-Patrice. ― Quartier N.-O.

Cette rue, dont une partie a été récemment supprimée pour l’ouverture de celle de l’Hôtel-de-Ville, fut percée, en 1792, sur l’emplacement des Feuillants1. Elle porte le nom d’un chimiste distingué, Nicolas Lémery, né à Rouen en 1645, mort en 1715, auteur de la Pharmacopée universelle.

On a trouvé dans cette rue, en 1840, en opérant des fondations, une médaille en bronze de l’empereur Verus.

Lemire (rue). = Rue Saint-Sever, rue de Seine. ― 11e section, 6e canton, Saint-Sever. ― Faubourg Saint-Sever.

C’est le nom du propriétaire des anciens chantiers de bois de construction sur lesquels cette rue fut ouverte en 1834. M. Jean-Baptiste Lemire était le chef d’une importante maison de commerce de Rouen, qui transféra, vers 1830, ses chantiers de construction et d’armements du quai du Grand-Cours à l’avenue du Mont-Riboudet.

Lenostre (rue de). = Boulevard Cauchoise, avenue de la Madeleine. ― 12e section, 5e canton, la Madeleine. ― Faubourg Cauchoise.

Cette rue, qui portait précédemment le nom de rue de Sommesnil, fut appelée, en 1794, rue de la Mère-Duchesne1, et en 1795 rue de Lenostre, du nom de l’intendant des jardins des Tuileries, mort à Paris en 1700.

Le nom de Sommesnil, qui avait été donné à cette rue lors de son ouverture, rappelait la mémoire de Bigot de Sommesnil, qui fut maire de Rouen en 1779.

Si l’on ne jugeait pas à propos de restituer à la rue de Lenostre la dénomination qui lui fut donnée lors de son ouverture, il serait juste de ne pas condamner à l’oubli le nom de Sommesnil, que l’on pourrait substituer, par exemple, à celui de la rue du Champ-de-Foire, ou à la continuation de la rue du Contrat-Social, depuis la place de la Madeleine jusqu’à la rue du Pré-de-la-Bataille.

Leroy (rue). = Rue Louise, rue Moitte, dans la cité Landrieu. ― 1re section, 5e canton, Saint-Paul. ― Faubourg Martinville.

Ce nom a été donné, par un propriétaire, à une rue ouverte récemment dans ce quartier.

Lessard (rue de). = Rue Saint-Sever, en face du marché des Emmurées, les prairies de Grammont. ― 1re section, 6e canton, Saint-Sever. ― Faubourg Saint-Sever.

Cette rue, classée en 1858, fait partie d’un quartier appelé la cité Saint-Yves, par le propriétaire du terrain sur lequel il a été établi depuis quelques années. Le nom de Lessard, qui est emprunté à celui d’une forêt voisine du faubourg Saint-Sever, a son étymologie dans le mot « essarter », arracher des broussailles, qu’on trouve employé dans une charte de donation faite en 1183, par Henri II, de son manoir royal de Quevilly en faveur de la communauté des Lépreuses de Saint-Julien2.

Une famille des Essars, qui existait dès le 14e siècle, a fourni plusieurs maires à la ville de Rouen.

― Les propriétaires du quartier Saint-Yves ont offert de céder gratuitement à la ville un emplacement suffisant pour y établir un marché aux bestiaux, au centre duquel passerait cette rue, pour aboutir à l’avenue de Grammont.

Lézurier-de-la-Martel (rue). = Rampe Cauchoise, rue Chassemarée. ― 12e section, 5e canton, Saint-Gervais. ― Faubourg Cauchoise.

Cette rue, qui avait été ouverte d’abord jusqu’à la rue Saint-André, reçut en 1834 le nom de M. le baron Lézurier de la Martel, qui fut maire de Rouen de 1813 à 1815. Né à Rouen en 1765, M. Lézurier est mort en janvier 1852, au château de Sainte-Vaubourg.

Le prolongement de cette rue jusqu’à la rue Chassemarée fut autorisé en juillet 1853.

Libraires (cour des), dans la rue Saint-Romain. ― 7e section, 3e canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-E.

On appelle ainsi le passage qui conduit de la rue Saint-Romain à l’église Cathédrale. Ce nom vient de ce que les libraires furent autorisés, en 1457, à occuper, à titre de location, les boutiques qui étaient établies de chaque côté de ce passage.

La cour des Libraires était connue antérieurement sous les noms de rue de la Cour-de-l’Official et de cour des Boursiers. La première de ces dénominations était due au voisinage de l’ancienne maison de l’Officialité (voyez rue Saint-Romain) ; celle des Boursiers, qu’elle portait au 14e siècle, paraît devoir être attribuée au commerce de bourses, gibecières, sacs et étuis en cuir, qui se faisait dans la même enceinte. Les changeurs de monnaies s’y réunissaient également, ainsi qu’aux environs de la Vieille-Tour ; en 1325, le roi Charles-le-Bel leur défendit de continuer d’y tenir le change, et leur enjoignit d’habiter la rue située aux abords de la Cathédrale1. (V. rue de Courvoiserie.)

Lieu-de-Santé (rue du). = Boulevard Cauchoise, rue de Lecat. ― 12e section, 5e canton, la Madeleine. ― Faubourg Cauchoise.

Cette rue a tiré son nom d’un emplacement qui, sous la dénomination du Lieu-de-Santé, fut approprié, au 16e siècle, pour servir de lieu d’évent des objets ayant appartenu aux pestiférés, et pour y placer les malades atteints de la contagion, lesquels, à cause de leur nombre toujours croissant, ne pouvaient être admis dans l’Hôtel-Dieu de la Madeleine, alors placé au centre de la ville. (Voyez cour Avenelle.)

Près du Lieu-de-Santé étaient les jardins du général Prudhomme, qualifié général de Normandie, grand personnage contemporain de François Ier, et que Clément Marot célébra dans ses vers. Cette propriété fut acquise par les échevins le 11 juin 1567, pour y construire le nouvel hospice. (Voyez Hôtel-Dieu.)

Cet emplacement avait été affecté, en 1531, au logement du cardinal légat (le chancelier Duprat) qui accompagnait le Dauphin, fils de François Ier, dans son voyage à Rouen. Là descendit aussi, en 1550, Marie de Lorraine, reine douairière et régente d’Écosse, qui était venue en France voir Marie Stuart, sa fille, âgée de huit ans, élevée à la cour de France1.

Lièvre (cour ou impasse du), dans la rue Martinville. ― 7e section, 3e canton, Saint-Maclou. ― Quartier S.-E.

Ce nom est probablement venu d’une enseigne. La rue du Lièvre est citée dans un acte de tabellionage de 1527. Elle tend de la rue Martinville au canal de la rivière d’Aubette, par un passage qui a porté le nom de passage du Territoire.

Limites (rue des). = Route de Caen, place des Chartreux. ― 11e section, 6e canton, Saint-Clément. ― Faubourg Saint-Sever.

Ouverte sous ce nom dès 1833, cette rue a été classée en 1869 ; elle forme la limite entre la ville et la commune du Petit-Quevilly.

Lindel ou Lindet (rue). = Rue d’Eauplet, route de Bonsecours. ― 1re section, 5e canton, paroisse Saint-Paul, pour le côté gauche.

Cette rue sert de limite entre la ville et la commune de Blosville-Bonsecours. Il est supposable que c’est le nom d’un propriétaire, que l’on trouve écrit de plusieurs manières.

Loges (rue des).

On trouve cette rue inscrite sur un plan de 1817, sous le nom de petite rue de la Corderie. Elle fait actuellement partie de la rue Stanislas-Girardin. Elle dut son nom à des loges qui avaient été établies pour y recevoir les pestiférés. Ordre avait été donné par le Parlement, en août 1621, de construire autour du Lieu-de-Santé des loges en essentes, couvertes en chaume, et fournies de lits pour y mettre les malades et les coucher séparément. Ces malades étaient alors en si grand nombre au Lieu-de-Santé, qu’il y en eut jusqu’à quatre dans le même lit.

― On a donné aussi, dans un plan de 1817 et dans un autre de 1868, le nom de rue des Loges à un chemin ou sentier partant de la rue de Moïse, et se dirigeant vers la campagne du Mont-aux-Malades.

Longue (rue). = Rampe Saint-Hilaire, la campagne vers le Cimetière monumental. ― 4e section, 5e canton, Saint-Hilaire. ― Faubourg Beauvoisine.

Cette rue, percée au commencement du 19e siècle, est entre le Boulingrin et la côte des Sapins. Elle doit son nom à sa forme longue, comparativement aux rues voisines. La rue Longue avait une issue vers le chemin qui se trouve devant le mur du cimetière monumental ; cette issue a été supprimée.

Longuerue (rue de).

On trouve l’indication d’une rue de ce nom en la paroisse Saint-Vivien, dans un acte de tabellionage du 16 janvier 1462. Il est probable qu’il s’agit ici de la rue Orbe, qui était appelée aussi Orberue.

Louette (rues). = Rue Saint-Maur, rue Crevier. ― 12e section, 5e canton, Saint-Gervais. ― Faubourg Cauchoise.

La grande et la petite rue Louette (cette dernière prenant naiss-

sance et aboutissant dans la rue principale par deux retours d’équerre), portent le nom du propriétaire sur le terrain duquel elles ont été établies au commencement du 19e siècle.

Louis-Auber (rue). = Rue Saint-Gervais, rue Rouland. ― 12e section, 5e canton, Saint-Gervais. ― Faubourg Cauchoise.

C’est le nom d’un manufacturier qui a mis en réputation l’industrie rouennaise, par l’introduction, avant 1830, des métiers à la Jacquart, et par leur application au tissage du coton. On lui doit aussi la création des tissus portant le nom de nouveautés, et l’invention d’étoffes brochées, croisées, à fleurs contredites et avec opposition de couleurs1, succès qui lui ont mérité la médaille d’or décernée par la Société d’Émulation de Rouen et la décoration de la Légion-d’honneur.

Louis Auber est mort à Rouen en 1836.

En 1841, on trouva dans cette rue, ouverte récemment, deux sarcophages en plomb et un autre en pierre. Ce dernier contenait un squelette.

Louise (rue), dans la cité Landrieu. ― 1re section, 5e canton, Saint-Paul. ― Faubourg Martinville.

Nom donné par un propriétaire à une rue nouvellement ouverte.

Loup (rue du). = Place Saint-Amand, rue de la Croix-Verte. ― 7e section, 3e canton, Saint-Ouen. ― Quartier S.-E.

Cette rue, que l’on désignait quelquefois sous la dénomination de rue du Petit-Loup, a pris son nom d’une enseigne qui y existait autrefois. Elle a porté, au 14e et au 15e siècle, la dénomination de rue du Pesquier, comme le font connaître plusieurs actes de tabellionage qui désignent ainsi une rue tendant de l’église de Saint-Amand à aller vers celle de Saint-Ouen. ― Un acte du 10 mars 1487 fait aussi mention d’un héritage, dans la paroisse Saint-Amand, devant la clôture des murailles des dames abbesses et couvent, en la rue du Pesquier, tendant de Saint-Amand à Saint-Ouen2. (Voyez rue de la Croix-Verte.)

― Une autre rue du Loup est indiquée dans le Flambeau astronomique comme étant située près de la Croix-de-Pierre, dans la rue Saint-Vivien. C’est celle qui a reçu depuis les noms de rue ou de porche Godard et de rue de Brutus.

― On donne aussi le nom de rue au Loup à un chemin rural conduisant de l’ancienne route de Bapeaume à Déville, et à gauche duquel on voit plusieurs sources d’eau minérale. D’anciens titres font mention d’une rue aux Leux, vers Yonville. Ce nom pourrait avoir la même origine que celle dont nous parlons à l’article du Franc-Aleu1 ; on en aurait fait, par corruption, la rue au Loup ou la sente aux Loups2.

― Enfin, les Affiches de Normandie parlent de la rue de Carville ou sente au Loup, près du Lieu-de-Santé.

Lyons-la-Forêt (route de). ― 1re section, 5e canton, Saint-Paul. ― Faubourg Martinville.

On appelle ainsi le chemin de grande communication no 42, qui part de l’extrémité de la rue Préfontaine, à l’est du passage du chemin de fer de Paris à la mer. Un arrêté municipal du 29 juin 1870 a donné la même dénomination à la portion de rue nouvellement ouverte entre cette même rue Préfontaine et le boulevard Martinville, où elle aboutit en face de la rue d’Amiens (ancienne rue Napoléon III).

Macé (rue). = Rue Eau-de-Robec, rue Saint-Hilaire. ― 3e section, 4e canton, Saint-Vivien. ― Quartier S.-E.

Ce doit être le nom d’un propriétaire. Les nomenclatures du 18e siècle lui donnent celui de rue du Refuge, à cause de l’ancien

couvent de ce nom, appelé aussi « les Filles pénitentes, » qui était situé dans la rue Saint-Hilaire, en face du couvent de Sainte-Claire. Néanmoins, dans un acte de tabellionage du 15e siècle, elle est mentionnée sous le nom de rue Massé, près le Refuge, dans la paroisse Saint-Vivien.

Madeleine (avenue et place de la). = Quai du Mont-Riboudet, rue du Contrat-Social. ― 12e section, 5e canton, la Madeleine. ― Faubourg Cauchoise.

Cette avenue fut nivelée et plantée vers 1783. Elle a pris son nom de l’église de la Madeleine, dont le portail lui fait face, et qui était aussi désignée sous celui d’église du Lieu-de-Santé.

Tout le côté gauche de cette avenue est occupé par les habitations, presque uniformes, des marchands de cidre en gros, qui ont leurs celliers et magasins dans le Champ de foire aux boissons (voyez ce nom).

En 1794, on l’appela l’avenue de l’Hospice.

― Sur la place de la Madeleine est l’élégante église paroissiale de ce nom, qui fut édifiée d’abord pour l’usage particulier du nouvel Hôtel-Dieu. Elle fut commencée en 1767, et dédiée en 1781. Une inscription latine, gravée en lettres d’or sur une grande tablette de marbre noir, relatant cette circonstance, avait été placée, à cette dernière époque, dans l’église ; elle fut enlevée et brisée pendant la révolution. Les fragments en ont été retrouvés, et l’inscription a été rétablie en 1844, par les soins de la fabrique.

En voici la traduction :

Sous le règne de Louis XVI, cet édifice, élevé par la piété publique, fut dédié à la religion par le pontife de Rouen, le 7 avril 1781. Les intérêts de l’hospice étaient alors confiés à Monseigneur le duc de la Rochefoucault, archevêque de Rouen, cardinal de l’Église romaine, à M. de Montholon, etc., etc. ― Le premier plan de cette église a été réformé par D.-J.-A. Lebrument, qui en fut l’architecte1.

Cette église fut mise, en 1791, sous le nom de Sainte-Madeleine, au nombre des treize paroisses conservées à Rouen, et fut fermée peu de temps après. On lui rendit en 1802 son titre d’église paroissiale.

Quoique la communauté des religieuses de l’Hôtel-Dieu ait sa chapelle particulière, l’église de la Madeleine sert aussi pour l’usage de cet hospice. Une grille en fer, pratiquée derrière le chœur, sépare d’avec le public les personnes attachées à cet établissement.

― Les dames religieuses de la Miséricorde, servantes des pauvres et des orphelines, se sont établies en octobre 1818 sur la place de la Madeleine. Leur chapelle a été construite en 1843. Cette maison a été fondée par l’abbé Lefebvre, ancien vicaire de la Madeleine ; elle réunit un pensionnat, un ouvroir interne, un externat, une salle d’asile et un orphelinat. Les dames de la Miséricorde font aussi la visite des pauvres à domicile. Elles ont établi une succursale dans la rue Beauvoisine, dans l’ancien couvent de Belfonds.

― Un passage, communiquant de la rue de Lenostre à la place de la Madeleine, est appelé communément le passage de la Madeleine.

Madeleine (rue de la). = Rue du Bac, rue Grand-Pont. ― 7e section, 3e canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-E.

Le nom de cette rue vient de l’ancien Hôtel-Dieu ou prieuré de la Madeleine, qui, au 12e siècle, portait le nom d’hôpital Notre-Dame, et qui continua d’exister, jusqu’en 1758, sur le territoire au centre duquel passe la partie de la rue du Bac appelée précédemment la rue des Pannetiers. Cet établissement charitable fut alors transféré au Lieu-de-Santé (voyez Hôtel-Dieu). Il avait été question, en 1519, de mettre l’hôpital de la Madeleine aux Jacobins, lesquels seraient venus s’installer à la Madeleine1.

L’ancienne église de l’Hôtel Dieu était située dans la rue de la Madeleine, mais cette église menaçant ruine, on en commença une nouvelle en 1508, dans la rue du Change. Ce qui restait de l’église de la Madeleine fut détruit par un incendie qui éclata dans cette rue le 13 septembre 1624, et qui dura plusieurs jours.

En 1794, la rue de la Madeleine fut appelée rue de la Citoyenne.

― C’est dans cette rue qu’est situé le Mont-de-Piété, qui occupe une partie des dépendances de l’ancien Hôtel-Dieu. Créés originairement en Italie vers le milieu du 15e siècle, pour com-

battre l’usure, entretenus, à la voix des missionnaires et des prédicateurs, par les offrandes des riches qui s’amoncelèrent au nom de la religion et de l’humanité1, les Monts-de-Piété (montes pietatis) commencèrent à prêter sur gages aux classes malaisées, moyennant une légère rétribution. Les premiers établissements de ce genre ne s’organisèrent en France que longtemps après ; un édit de Louis XIII, qui ne reçut pas son exécution, avait ordonné d’en ouvrir dans toutes les villes du royaume. On forma d’abord des institutions de prêts charitables, mais, après la révolution qui causa leur ruine, on vit s’élever à leur place des tripots d’usure connus sous le titre de lombards, qui exigeaient jusqu’à 40 et 50 p. 100 d’intérêt. Un décret du 16 pluviôse an VII soumit ces maisons à l’autorisation du gouvernement, et décida qu’elles seraient régies au profit des pauvres. Une seule de ces maisons fut tolérée à Rouen, à la condition de verser à la caisse des hospices une somme annuelle de 18,000 fr. ; elle tomba en faillite. Une ordonnance royale autorisa, le 22 novembre 1826, la création du Mont-de-Piété actuel, qui est administré au profit des hospices.

― Une école gratuite pour les filles avait été fondée le 4 août 1671, dans la rue de la Madeleine, par Marie Houdemare, qui s’était réservé d’enseigner elle-même pendant sa vie2.

― Cette rue est une de celles dont le nom peut induire en erreur les personnes qui ne connaissent pas la ville, car il fait double emploi avec celui de l’avenue et de la place dont nous parlons ci-dessus. Il y aurait lieu de conserver le souvenir historique qui se rattache au nom de cette rue, en lui substituant celui de rue de l’Ancien-Hôtel-Dieu.

Maillots (rue des).

Cette rue a été supprimée en 1861, pour le passage de celle de l’Hôtel-de-Ville. Son nom était dû à une enseigne des Maillots (ou Maillets, instrument de menuiserie), placée, comme l’indique un arrêt du parlement de 1505, à une maison aboutant sur la rue de la Renelle, rue qui a été également supprimée. Un acte de tabellionage parle aussi de la rue descendant en l’hôtel où

pend pour enseigne les Maillots sur l’eau de Renelle, et d’une rue devant l’hôtel du Serpent.

La rue des Maillots a porté aussi le nom de rue Pierre-de-Saint-Jacques, comme on le voit dans des actes de tabellionage du 12 septembre 1492 et du 7 avril 1494, qui parlent d’une rue ainsi appelée et de présent nommée, dit ce dernier acte, la rue des Maillots. Elle est également citée dans d’autres actes de 1466 et de 1553, à propos de maisons touchant à la halle aux Tanneurs, et bornées par l’eau de la Renelle et par la rue des Maillots. Enfin, nous trouvons encore la même rue désignée sous le nom de rue du Pot-de-Cuivre, dû sans doute à une enseigne placée dans le voisinage de la rue Dinanderie, dont le nom rappelle le genre de commerce qu’on y faisait. Un acte de tabellionage du 17 avril 1537 concerne une maison sise sur la paroisse Saint-Patrice, en la rue tendant de la rue Dinanderie en la rue du Pot-de-Cuivre, et bornée d’un bout par ladite rue. Dans un autre acte du 23 juin 1547, il est question d’une maison faisant le coin devant le Pot-de-Cuivre, en allant à l’eau de Renelle, bornée d’un côté la rue tendant de la Cornière (ancien jeu de paume de la rue Dinanderie) aux Maillots, d’un bout par devant la rue du Coulomb (rue du Sacre).1

M. E. de la Quérière2 a donné le détail de curieuses sculptures qui décoraient l’intérieur d’une maison de la rue des Maillots. Les amis des arts doivent désirer que ces richesses artistiques n’aient pas été entièrement perdues.

Maillots-Sarrasin (rue des). = Quai de Paris (ancien quai Napoléon), rue des Augustins. ― 6e section, 3e canton, Saint-Maclou. ― Quartier S.-E.

On a formé cette rue, en 1812, par la démolition du côté ouest de la rue Sarrasin, dont nous allons parler, et du côté est de celle des Trois-Maillots, qui lui était parallèle. Le nom de la rue des Maillots-Sarrasin rappelle ceux des deux anciennes rues dont elle se compose.

La rue des Trois-Maillots devait avoir pris son nom d’une enseigne sur laquelle étaient figurés des Maillets, appelés ancien-

nement Maillots. Elle est indiquée, dans le Flambeau astronomique de 1716, sous le nom de rue Porchequin, qui, suivant un acte de tabellionage du 6 novembre 1492, provenait d’un porche par où l’on passait, et qui était appelé le Porchekayn. Un autre acte du 2 mai 1494 fait mention d’une ruelle qui mène à la Seine, au long du Porchecayn1.

La rue Sarrasin était désignée, dans le Flambeau astronomique et dans l’Histoire de Rouen (édition de Du Souillet), sous le nom caractéristique de rue Foureuse, nom que l’on trouve cité aussi dans divers actes de tabellionage du 15e siècle (voyez ce nom). Taillepied lui donne le nom encore plus expressif de rue du Merdret2. Ces dénominations prouvent qu’on a eu raison de faire disparaître une aile de cette rue, pour n’en faire qu’une seule avec un côté de celle des Trois-Maillots.

Nous ignorons l’origine du nom de Sarrasin, que l’on trouve répandu dans diverses contrées, ni à quelle époque la rue avait pris ce nom, que M. l’abbé Cochet considère comme devant être attribué, parmi nous, aux Normands encore païens plutôt qu’aux peuples envahisseurs qui ne pénétrèrent que dans le midi et dans l’ouest de la France. Dans le relevé « des Droictures, Coustumes et Apartenances de la Visconté de l’Eaue de Rouen, » qu’a publié M. de Fréville dans son Mémoire sur le Commerce maritime de Rouen, est un article lxxiii qui concerne les noms des Sarrasins convertis à la foi chrétienne, et combien ils ont de gaiges chascun jor, et combien l’an, por leurs mesons, assignez à prendre sur la viscontée de l’eaue de Rouen. Enfin, au moyen-âge, cette dénomination était toujours prise en mauvaise part, et l’épithète de sarrasin se confondait, dans le langage vulgaire, avec celle de brigand, avec celle des dévastateurs qui avaient accompagné Rollon dans sa conquête ; c’était un terme de malédiction3.

L’auteur du Dictionnaire indicateur a pensé que le nom de Sarrasin pouvait provenir d’une sarrasine ou herse qui se plaçait à la porte d’une ville, et qu’on laissait tomber quand on craignait quelque surprise. (Voyez rues des Champs, du Hallage, et rue Jacques-Lelieur.)

Maîtresses (rue des). = Rue de l’Amitié, rue Orbe. ― 2e section, 2e canton, Saint-Vivien. ― Quartier N.-E.

Dans les plans de 1724 et de 1784, le nom de la rue des Maîtresses et celui de la rue Pomme-d’Or sont intervertis.

Nous n’avons aucun renseignement sur l’origine du nom de la rue des Maîtresses. Ce nom était également donné à la portion de la rue aux Ours qui était située entre la rue des Cordeliers et la rue Ancrière, et qui est aujourd’hui supprimée pour le passage de la rue Jeanne-d’Arc (ancienne rue de l’Impératrice).

À l’entrée de la rue des Maîtresses, au coin de la rue Orbe, est la fontaine dite du Plat, nom que porte aussi le carrefour qui l’avoisine. Dans un acte de tabellionage du 3 août 1526, il est parlé d’une rue du Plat-d’Étain, dans la paroisse de Saint-Nicaise. Sans pouvoir préciser où se trouvait cette rue, il paraît supposable qu’elle avait tiré son nom d’une enseigne, et que telle était aussi l’origine de celui du carrefour et de la fontaine du Plat.

Maladrerie (rue). = Rue Ernest-Leroy, rue Saint-Maur. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Bouvreuil.

Ce nom doit venir de l’une des maladreries ou léproseries qui existaient anciennement à Saint-Gervais et au Mont-Saint-Jacques, appelé actuellement le Mont-aux-Malades.

Il y avait dans cette rue, au 16e siècle, un endroit appelé l’Ermitage, qui appartenait aux religieux de Saint-Lô. Un plan de 1655 y indique une maison de plaisance appartenant à M. Dauvray, et qui pourrait être le lieu précédemment occupé par une des anciennes léproseries. Quant au nom de M. Dauvray, nous pensons qu’il s’agit ici d’une famille Danviray, dont un membre était, à cette époque, conseiller au Parlement de Normandie.

― Dans un journal de 1823, on trouve la mention de la rue du Petit-Bouvreuil, ci-devant Maladrerie, ce qui indiquerait que les deux rues n’en formaient autrefois qu’une seule. Nous lisons dans un acte du 29 mars 1565 : Maison et jardin rue de la Maillardière, hors la porte Bouvreuil, bornés... et d’un bout le clos des Archers, ce qui paraît avoir quelque rapport avec la rue Maladrerie ; mais il existait à Rouen, au 18e siècle, une famille de la Maillardière, dont une rue voisine a pu prendre le nom.

Malatiré (rue). = Rue du Champ-des-Oiseaux, la commune du Mont-Saint-Aignan. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Bouvreuil.

Ce nom vient d’un propriétaire de tout ou partie du terrain sur lequel la rue a été ouverte. Il y avait encore à Rouen une famille de ce nom à la fin du siècle dernier.

On donna en 1794, à la rue Malatiré, le nom de rue du Fort-Vauban ; elle reprit en 1795 sa précédente dénomination.

Malherbe (rue).

On trouve, dans les Plès de Lecouète, à la date du 8 avril 1365, la désignation d’une rue Malerbe, dont la situation n’est pas indiquée. ― Les Affiches de Normandie, de 1788, citent une rue Malherbe dans le faubourg Bouvreuil. Ce nom fut donné, en 1795, à la rue de la Michodière, qui plus tard a reçu celui de rue Jouvenet

Malherne (impasse), dans la rue du Nord. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Beauvoisine.

Ce doit être Malherbe, du nom d’un propriétaire ; c’est ainsi qu’elle est inscrite dans le Dictionnaire indicateur de 1819.

Mallet (rue). = Rue Lafosse, impasse d’Ernemont. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Beauvoisine.

Cette rue porte le nom du propriétaire du terrain sur lequel elle a été ouverte.

Malouet (rue). = Rue de la Ferme, rue des Chantiers. ― 11e section, 6e canton, Saint-Sever. ― Faubourg Saint-Sever.

On a donné le nom de M. le baron Malouet, qui fut préfet de la Seine-Inférieure de 1818 à 1820, à une rue ouverte récemment dans un quartier projeté dans les anciens prés de Grammont, sous la dénomination de cité Saint-Yves. Elle avait été inscrite précédemment sous celle d’avenue de la Métairie-du-Pré-aux-Bœufs. (Voyez rue du Pré-aux-Bœufs.)

Malpalu (rue). = Rue de la République (ancienne rue Impériale), rue Martinville. ― 6e section pour les nos pairs ; 7e section pour les nos impairs ; 3e canton ; Saint-Maclou. ― Quartier S.-E.

Le nom de la rue Malpalu, indiqué dans différents titres du 11e au 14e siècle1, est écrit Marpalu dans plusieurs autres actes2, où l’on donne aussi le nom de grande rue de Marpalu à la rue Martinville. Suivant quelques auteurs, « mala » signifiant mauvais et « palus » désignant un marais, la rue Malpalu tirerait son nom des marais ou prairies marécageuses qui existaient dans ce quartier lorsque l’église Saint-Maclou était encore en dehors de la ville. La rue Marspalus, dit à ce sujet l’auteur des Beautez de la Normandie, n’étoit qu’un marécage d’où elle a pris son nom de « palus, » qui signifie un marais. D’autres étymologistes font aussi dériver le nom de Marpalu de « martis palus, » marais de Mars. (Voyez rue Martinville.)

On trouve écrit rue Malpalus dans plusieurs anciens plans et ouvrages. Ce nom est inscrit sur le portail, de la fin du 17e siècle, qui masque l’ancien porche de l’église des Augustins, au bas de la rue Malpalu, à sa jonction avec la rue de la République.

L’Histoire de Rouen enregistre plusieurs personnages du nom de Malepalus ; outre Robert de Malepalus, qui fut maire en 1204, un chanoine appelé Nicolas de Malepalus vivait en 1199 ; en 1200, Richard de Malepalus était doyen de la Cathédrale ; enfin il y eut en 1223 un bailli nommé Guillaume de Maupalu.

Farin rapporte qu’en 1090 Robert II, duc de Normandie, à la suite d’une émotion populaire, sortit de la ville par la porte de Robec, fut reçu avec honneur par les habitants de la rue Malepalus, et qu’il s’embarqua et passa au faubourg d’Émendreville3.

Dans cette rue, où était situé, au 10e et au 11e siècle, le verger des archevêques de Rouen4, se trouvait au 16e siècle la demeure

d’un sieur Dufour de Longuerue, chez lequel descendit, en 1540, Guillaume Poyet, chancelier de François Ier, sur les conseils duquel le Parlement fut interdit pendant quelque temps.

Les causes auxquelles est attribuée le plus généralement l’origine du nom de la rue Malpalu, n’avaient pas encore complètement disparu au 17e siècle. Lorsque, en 1617, Louis XIII vint à Rouen, le roi ayant exprimé l’intention de faire son entrée en descendant la côte de Sainte-Catherine, et en traversant la porte Martinville, pour suivre les remparts jusqu’à la porte du Bac nouvellement construite, une députation de bourgeois de Rouen alla trouver le roi à Gaillon, pour le détourner de ce projet, toute la partie de terrain comprise entre l’extrémité de la rue Martinville et la porte du Bac étant marécageuse, pleine de précipices et d’un accès difficile et dangereux. Le roi fit son entrée par la porte de Saint-Hilaire1.

― Dans le haut de la rue Malpalu, et à l’angle de la rue Martinville, est l’église paroissiale de Saint-Maclou, l’un des plus jolis monuments de l’architecture chrétienne que possède notre ville. Avant 1200, cette église n’était encore, suivant quelques historiens, qu’une chapelle en dehors de l’enceinte de Rouen2, et qui fut alors totalement brûlée3. Ayant été rebâtie, elle fut la proie d’un nouvel incendie en 12114. Elle fut réédifiée quelque temps après. Étant devenue trop petite par suite de l’agrandissement de la ville, elle fut reconstruite en 1432 aux frais des fidèles, auxquels l’archevêque Hugues accorda quarante jours d’indulgences, et fut achevée vers 1480, puis dédiée en 1521. L’ancien clocher, qui était très-élevé, et dont la plate-forme fut commencée en 1511, fut achevé l’année suivante ; il était en pierre, bois et plomb. Ayant été ébranlé en 1706 par un ouragan, il fut démoli en partie trente ans après, et le reste fut détruit de 1794 à 1796. La jolie pyramide en pierre qui surmonte actuellement la tour de ce clocher, a été construite en 1868. Commencée le 2 avril, son érection a été faite en quatre mois, et la nouvelle

croix, surmontée du coq en cuivre doré qui ornait l’ancien clocher, a été mise en place le 8 août suivant.

Le chœur de l’église de Saint-Maclou était fermé par un jubé qui n’existe plus. Son portail est magnifique ; les portes qui ferment l’entrée principale et celles de la façade du côté de la rue Martinville, lesquelles datent du milieu du 16e siècle, sont des chefs-d’œuvre qui font l’admiration des visiteurs. Elles ont été décrites, ainsi que l’édifice entier, avec un soin minutieux, par M. l’abbé Ouin-Lacroix1. Le bel escalier, appelé « le degré des Orgues », fut exécuté de 1518 à 1520, ainsi que les gracieuses boiseries de la tribune. Celles qui décorent la chapelle de Notre-Dame-de-Pitié ont été faites en 1745.

L’église de Saint-Maclou fut mise en 1791 au nombre des églises paroissiales de Rouen, et fut fermée en 1793. Elle a été rendue au culte catholique en 1802, sous le même titre d’église paroissiale. Le quartier qui la renferme est une des paroisses les plus populeuses de la ville.

On a détruit des boutiques et échopes qui régnaient autour de cet édifice du côté de la rue Martinville, et dont la construction remontait au 16e siècle. En 1854, la ville a fait l’acquisition de plusieurs maisons de la rue Caquerel, pour démasquer complètement les abords de l’église du côté de la rue de la République.

― On voit, au bas de la rue, l’ancienne église des Augustins. Cet édifice, dont la construction date des 14e et 15e siècles, sert aujourd’hui de magasin (voyez rue des Augustins), lequel est surmonté d’une salle de réunion pour diverses associations de bienfaisance et autres. ― Outre l’inscription placée à la droite du portail de cette église, qui indique l’ancienne orthographe du nom de la rue Malpalu, on remarque, au côté opposé, à la hauteur de 1 m. 60 du sol, ces mots : La grosse eau du 28 déc. 1740, qui rappellent une des inondations occasionnées par les débordements de la Seine.

La rue Malpalu était fermée sur le port par la porte Jean-Lecœur, qui a été démolie vers 18122.

On remarque, dans la rue Malpalu, au coin de la rue Tuvache, une maison du 15e siècle, qui est curieuse par son antiquité et

par les sculptures dont elle est ornée. Elles se composent de bas-reliefs et de figures en bois qui ont été dessinées et gravées par E.-H. Langlois. C’est probablement cette maison que l’on désignait sous le titre d’hôtel du Pélican.

Plusieurs maisons, également fort anciennes, ont disparu pour l’ouverture de la rue de la République1. Une de ces maisons avait pour enseigne la Tuile-d’Or, et fut, au 16e siècle, la demeure de l’imprimeur Richard Goupil. Une autre, portant l’enseigne de l’Île-du-Brésil2, démolie en 1837, contenait un bas-relief qui a été recueilli et déposé au Musée d’antiquités. Cette notable partie du Vieux-Rouen a été décrite, avec de curieux détails, par M. E. de la Quérière3.

Mamuchet (rue et impasse). = Rue Porche-Fourré, rue des Augustins. ― 6e section, 3e canton, Saint-Maclou. ― Quartier S.-E.

Il serait possible de trouver l’étymologie du nom de cette rue dans le vieux langage. Au 15e siècle, on écrivait Maumuche4, et Maumuchet5. En admettant que « mau » signifie mal, et muchet » muche ou cachette, on aurait : mauvaise cachette, mal caché, mal muché, d’où serait venu, par corruption, Mamuchet.

― Un acte de tabellionage du 15e siècle fait mention d’une autre rue de Maumuchet, près de la rue de l’Épicerie. (Voyez place du Marché-aux-Balais, rue du Petit-Musc.)

Marché (rue du). = Place du Vieux-Marché, rue de Fontenelle. ― 10e section, 1er canton, la Madeleine. ― Quartier S.-O.

Ouverte à la fin du siècle dernier, cette rue, appelée encore en 1827 rue Neuve-du-Marché, a pris son nom de sa proximité du Vieux-Marché. ― Le côté nord de cette rue est édifié en partie sur des caves qui dépendaient des constructions commencées en 1757, pour le nouvel Hôtel-de-Ville projeté. (Voyez rue de Crosne.)

Marché-aux-Balais (place du). = Rues de l’Épicerie, du Hallage et de la Salamandre. ― 7e section, 3e canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-E.

Il y avait anciennement, près de l’église de Saint-Martin-sur-Renelle, une vide-place que l’on appelait le marché aux Balais, sans doute à cause du commerce que l’on y faisait. Cette place fut donnée, en 1200, par Jean-sans-Terre, roi d’Angleterre, à l’église Saint-Martin, pour lui servir de cimetière. On dut alors établir ailleurs le marché pour la vente des balais, et on le transféra, vers 1644, sur l’emplacement qui a pris le nom de place du Marché-aux-Balais. On y remarque une maison portant la date de 1602, et sur laquelle est sculptée une salamandre, qui paraît avoir donné son nom à la rue voisine.

Dans l’angle nord-ouest de cette petite place est une allée qui formait autrefois une petite rue ayant une issue dans la rue des Fourchettes1, et qui a dû porter les noms de ruelle du Petit-Muche et de la Vignette. (Voyez rue de la Salamandre.)

Marché-Neuf (place du).

Le nom de Marché-Neuf ou du Neuf-Marché était donné, depuis le commencement du 16e siècle, à la place qui a reçu, en 1868, celui de place Verdrel. (Voyez ce nom.)

rue de la Mare, et, dans le Dictionnaire indicateur de 1819, sous celui de rue de la Grande-Mare ; elle devait cette double dénomination à un étang qui avait fait partie des biens du prieuré de Bonne-Nouvelle, et dont la propriété lui fut disputée en 1641 par un sieur d’Émendreville. Des planches placées sur un fossé, pour communiquer avec la grande chaussée, ont fait donner à cette rue le nom de rue de la Mare-aux-Planches.

Mare-du-Parc (rue de la). = Rue d’Elbeuf, la commune de Sotteville. ― 11e section, 6e canton, Saint-Clément. ― Faubourg Saint-Sever.

C’est le nom d’une mare voisine, qui fut ainsi appelée parce qu’elle était située dans le parc des ducs de Normandie. ― Près de là se réunirent plusieurs fois, au 13e siècle, le clergé et le peuple de Rouen, pour entendre les prédications de l’archevêque Eudes Rigaud, à la suite desquelles furent condamnés des hérétiques à être brûlés vifs. La mare du Parc était alors le lieu ordinaire de ces sortes d’exécutions.

Marêquerie (la).

Dans les plans de 1655 et de 1724, une rue de la Marêquerie est indiquée à deux places différentes et assez distantes l’une de l’autre, quoique faisant partie du même quartier. Dans des plans plus modernes, on a donné le nom de rue de la Marêquerie à celle que l’on appelle actuellement la rue Blanche, et qui comprend aussi les anciennes rues du Bon-Espoir, de la Planche-Ferrée et de Bourgerue. On avait désigné de la même manière la rue appelée depuis rue des Canettes (dénomination qui avait pour origine de petits canaux établis pour l’écoulement des eaux), laquelle rue a également disparu pour faire place à la rue Napoléon III (actuellement la rue d’Amiens). Enfin, ce nom de la Marêquerie était commun à tout le quartier, naguère marécageux par suite de l’épanchement des eaux de Robec, d’Aubette et de la Seine, qui se trouva compris dans la ville lors de son dernier agrandissement de ce côté, et dans lequel a été fondé l’Hospice-général. Un acte du 6 novembre 1553 parle de la rue des Piquesins, appelée plus tard rue Picchine (voyez ce nom), au lieu dit la Marêquerie.

On donne aussi, en Basse-Normandie, les noms de la Maresque et des Maresquiers, à des terrains naturellement humides.

Il existait, il y a peu d’années encore, au lieu connu autrefois sous la désignation du Jardin-au-Blanc, un établissement portant le nom des Eaux minérales de la Marêquerie. (Voir Eaux minérales.)

Marette (ruelle de la). = Rue du Ruissel, rue des Ravisés. ― 6e section, 3e canton, Saint-Maclou. ― Quartier S.-E.

L’inscription porte rue des Marettes, mais le nom primitif est Marette, qui signifie petite mare ; il provient d’un étang qui existait dans une vide-place figurée, sous la désignation du Ruissel, sur un plan de 1655, et près duquel étaient, au 15e siècle, les étuves du Ruissel ou du Rouvray.

On désignait aussi, dans un plan de 1817, cette ruelle sous le nom de rue du Matré, nom que portent plusieurs localités des environs de Rouen.

On trouve, dans un acte de tabellionage de 1466, la mention d’une rue de la Carde, allant du petit Ruissel à la rue de Rouvray (aujourd’hui la rue des Ravisés). La même rue recevait, dans un autre acte du 20 octobre 1399, le nom de ruelle Pierre-Godefroy. Ce sont probablement d’anciens noms de la rue de la Marette.

― Il y a, dans la commune de Sotteville, un hameau et une rue des Marettes.

Marquets (rue des).

On appelait ainsi une rue qui fait actuellement partie de la rue Ambroise-Fleury. ― La rue des Marquets, qui est désignée dans le plan de 1655 sous la dénomination de rue du Gredil, et sous celle de rue du Gril dans un plan de 1724, avait porté précédemment les noms de rue de l’Aumônerie1, de ruelle de l’Aumônier du couvent de Sainte-Catherine2, de ruelle à l’Aumônier3. Un acte de tabellionage, du 28 juin 1494, fait mention d’une maison sise en la rue à l’Aumônier-de-Sainte-Catherine, autrement dite la rue Cardot-des-Marquets4. On lit, dans d’autres actes de 1496 et de 1500 : la rue de Lomosnier, autrement dite des Marquets, et la rue des Marquets, anciennement nommée la

rue de Lomosnier. Ces désignations provenaient de ce que l’aumônier de Sainte-Catherine avait près de là des propriétés pour lesquelles il payait à la ville une rente de 75 l. t.1 Un acte de tabellionage de 1422 parle de l’office de l’Aumônerie, dans les rues de l’Aumônerie et de Martinville, sur la paroisse de Saint-Maclou. Un autre acte de 1425 mentionne la ruelle à l’Aumônier, sise ès pentheurs des Aires. (Voyez au mot Penteurs.)

Cette même rue des Marquets comprenait aussi, dans son parcours, la rue qui fut appelée depuis rue du Fer-à-Cheval. Un acte du 12 avril 1554 concerne des maisons et jardins, jeu de paume et tannerie, sis en la rue des Marquets, appelée rue du Fer-à-Cheval, et en la rue des Penteurs, bornés en pointe par ladite rue des Penteurs. Les petites rues du Fer-à-Cheval et des Penteurs (ou Arpenteurs), ont disparu lors de la création de la petite place qui a reçu, en 1870, le nom de place d’Amiens.

Quant au nom des Marquets, il doit provenir de la position de cette rue dans le quartier de la Marêquerie. Elle est citée dans quelques actes, comme nous le disons plus haut, sous les dénominations de rue ou ruelle des Marquets et de Cardot-des-Marquets, nom cité dans un acte de 1492, pour l’abornement d’une maison assise au clos des Parcheminiers.

Marronniers (rue des). = Place du Boulingrin, rue des Pommiers-Mallet. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Saint-Hilaire.

Cette rue tire son nom des plantations de marronniers qui entourent la place du Boulingrin. Elle a été continuée, depuis quelques années, sous le nom de rue des Marronniers-Prolongée.

Martin (cour), dans la rue Grand-Pont et la rue de la Savonnerie. ― 7e section, 3e canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-E.

La cour Martin, ou plutôt Saint-Martin, occupe l’emplacement de l’ancienne église de Saint-Martin-du-Pont. Cette église était, avant le 10e siècle, une chapelle bâtie sur un roc, dans une île

qui fut réunie à la terre ferme dans le cours du 12e siècle1. Elle portait alors le nom de Saint-Martin-de-la-Roquette. C’est là que, suivant quelques auteurs, débarqua Rollon en 876, lorsqu’il s’empara d’une partie de la Normandie. (Voyez aux mots Ponts et Portes.) L’église, se trouvant réunie à la ville, fut agrandie, et prit, après la construction du vieux pont de pierre, le nom de Saint-Martin-du-Pont ou du Bout-du-Pont, dénominations sous lesquelles elle est désignée dans plusieurs actes de tabellionage du 15e siècle. La paroisse de Saint-Martin s’étendait alors jusque sur la partie du faubourg Saint-Sever la plus rapprochée de la rivière. Un acte du 27 avril 1421 fait mention d’un héritage situé en la paroisse de Saint-Martin-du-bout-du-Pont, hors l’enclos de la ville, borné par l’abreuvoir aux chevaux, le chemin de Seine, et le chemin du roi descendant de la porte au clos des Galées de Rouen. (Voyez Galées.)

Le clocher de l’église de Saint-Martin-du-Pont était d’une structure admirable ; élevé vers 15252 par l’architecte qui fit une des pyramides de la Cathédrale, il fut achevé en 1544, puis réédifié de 1720 à 1737. L’église fut supprimée en 1791 et vendue l’année suivante à un sieur Thibault, qui la fit démolir en 1800. L’horloge demeura la propriété de la ville3, et fut placée à l’église de Saint-Vincent.

La cour Martin communique avec la rue de la Savonnerie par un passage obscur, où se trouve un escalier composé de plusieurs marches.

Martinville (boulevard). = Place Martinville, place Saint-Hilaire. ― 1re section pour les nos pairs ; 3e section pour les nos impairs ; 5e canton ; paroisse Saint-Paul pour le côté droit jusqu’à l’impasse Descroizilles ; ensuite Saint-Hilaire ; pour le côté gauche, Saint-Vivien. ― Faubourg Martinville.

On donna en 1794, au boulevard Martinville jusqu’à Saint-Hilaire, le nom de boulevard de la Liberté, qu’il conserva jus-

qu’en 1795. La partie qui descend à la Seine reçut alors le nom de boulevard de la Nitrière, et a conservé celui de place du Champ-de-Mars. ― Avant 1789, on appelait boulevard de l’Hôpital ou du Bureau la partie qui longe les jardins de l’Hospice-général.

Ce boulevard est planté de platanes qui sont devenus remarquables par leur grosseur et par leur beauté, ce qui lui a fait donner vulgairement le nom de boulevard des Platanes.

Martinville (place). = La place du Champ-de-Mars, la rue du Faubourg-Martinville, la rue et le boulevard Martinville. ― 1re section pour les nos pairs ; 3e section pour les nos impairs ; 5e canton ; paroisses : Saint-Paul pour les nos pairs ; Saint-Maclou pour les no 1 et 3 ; Saint-Vivien pour le reste.

Martinville (rue). = Place Martinville, rues Damiette et Malpalu. ― 3e section et 4e canton, depuis la place jusqu’à la rue de la Chèvre ; 6e section et 3e canton pour le reste ; Saint-Maclou. ― Quartier S.-E.

Ce nom vient d’un ancien fief cité dès 1195 dans une charte de Richard-Cœur-de-Lion, et qui était situé à peu de distance du quartier appelé le Pont-Honfray ou le Ponchel1 ; il portait aussi le nom de Bouclon ou Bouquelon, qui était celui d’un moulin à tan placé, comme l’indique un plan de 1655, sur la rivière d’Aubette, en face de la fontaine Jacob, et où l’on voyait un colombier.

On a souvent écrit Martainville, mais nous avons adopté, avec M. Ch. Richard, l’orthographe des auteurs des 11e, 12e et 13e siècles, qui font dériver ce nom de Martinivilla, dont la traduction est Martinville. D’autres le font dériver de « Martis-Via », la voie de Mars, qui serait venu d’un ancien temple consacré à Mars, et sur l’emplacement duquel est actuellement l’église Saint-Paul. Ils donnent la même origine au nom de la rue Malpalu, qui dériverait de Martis-Paludes, palus ou marais de Mars2.

La rue Martinville portait, au 11e siècle, le nom de chemin du Ny-de-Chien, lieu où était le chenil des ducs de Normandie.

Elle était alors la seule voie de communication entre Rouen et Paris1. Elle est quelquefois appelée la grande rue de Martinville2 ; la portion comprise entre la rue Damiette et le carrefour du Ponchel ou du Ponceau (voyez ce nom), était connue en 1474 sous la dénomination de grande rue Saint-Maclou3. Un titre de 1471 constate qu’elle fut élargie, à cette époque, de trois à quatre pieds.

En 1794, on donna à la rue Martinville le nom de rue de la Liberté, qu’elle porta jusqu’en 1795.

La porte Martinville, qui, dans les derniers temps, était située à l’extrémité de cette rue, près de la place, avait porté successivement dans l’origine, c’est-à-dire vers le commencement du 10e siècle, le nom de porte de Robec4, à cause de sa position près de cette rivière au carrefour de l’archevêché5 et en face de l’église Saint-Maclou, puis ceux de porte du Pont-Honfroy6, de Pont-Leffroy7, ou de Sainte-Catherine, parce que, reportée avant la seconde partie du 13e siècle au carrefour du Ponceau, elle confinait aux propriétés de l’aumônier de Sainte-Catherine (voir rue des Marquets), ou formait le point de communication entre la ville et la montagne qui en défendait les abords.

Suivant Farin, c’est à l’époque du quatrième agrandissement de la ville que fut édifiée, en 1253, la première porte Martinville, à l’entrée de la rue du côté du faubourg, et près de l’étang du fief de ce nom, appelé plus tard le Vivier. Condamnée à être abattue, par l’ordre du roi Charles VI, à la suite de l’émeute de la Harelle, cette porte fut démolie en 1397 et remplacée par une

autre plus grande et plus forte, bâtie sur pilotis, et qui fut achevée en 1407, puis élargie en 1471. Le bastion qui lui servait de défense ne fut commencé qu’en 1509, et terminé vers 1585 ou 1586. Pour faciliter ces constructions, un grand fossé, qui allait de cette porte à la rivière de Seine, permettait à des bateaux chargés de matériaux de monter jusque-là.

Cette porte Martinville, qui avait été témoin des luttes que suivit l’occupation anglaise, s’ouvrit la première aux libérateurs de Rouen en 1449. Depuis cette époque, retentirent plus d’une fois sous ses voûtes de joyeuses entrées, et de temps en temps quelque brillant cortége fit résonner le pont-levis, et jeta en passant le reflet de sa splendeur sur la sombre forteresse1. Après avoir mentionné l’entrée du cardinal d’Estouteville en 1454, l’historiographe de la porte Martinville, qui nous fait toujours regretter l’absence des détails qu’il avait promis sur la porte de Saint-Hilaire, fait assister ses lecteurs, en 1492, à l’arrivée du duc d’Orléans, devenu plus tard Louis XII, roi de France2, à celle de Georges d’Amboise qui eut lieu deux ans après, à la triste entrée de Henri III en 1588, à celles de Sully en 1608, de la comtesse de Soissons en 1611, puis, en 1620, à l’arrivée du duc de Longueville et à celle de Louis XIII qui le suivit de près pour mettre un terme aux menées du nouveau gouverneur de la Normandie en faveur de la reine-mère. Vingt ans après, le chancelier Séguier vint faire à Rouen un séjour dont l’histoire a conservé le souvenir, comme celui de la révolte des Nu-Pieds qui en avait été le motif. Enfin, en 1656 1650, eut lieu la dernière entrée dont la porte Martinville fut le théâtre, celle du roi Louis XIV, alors âgé de onze ans, amené par la reine-mère et par Mazarin pour maintenir la Normandie dans le devoir. Depuis cette dernière époque, la porte Martinville commença à déchoir. Au dernier siége que la ville avait eu à soutenir en 1591, cette porte avait été le centre d’une grande activité et de sorties mémorables ; mais, à un demi-siècle de là, Rouen avait cessé d’être une place de guerre. On songea à ouvrir une communication directe entre le centre de la ville et la route de Paris, projet qui fut réalisé en 1709. Long-temps négligée, au point que son

passage était devenu dangereux, la porte Martinville fut vouée à la démolition en 1732. Elle fut néanmoins encore réparée en 1767, et ne fut définitivement détruite qu’en 1783. On la remplaça par une grille en fer, flanquée de deux espèces de guérites, dont l’existence fut de courte durée. C’est près de là que, pendant les troubles qui éclatèrent en 1789, la loi martiale fut publiée.

Près de la porte Martinville était, comme nous l’avons dit, un vivier qu’alimentait le trop-plein des rivières de Robec et d’Aubette, et qui faisait mouvoir des moulins importants. Il portait les noms de vivier de Martinville, de vivier du Roi, vivier de Saint-Vivien, aboutant à la cauchie de Martinville. L’un de ces moulins était appelé, par un acte de tabellionage de 1421, le moulin de la Bretesque. En 1406, les religieux de Sainte-Catherine firent rompre la nuit, et clandestinement, les écluses de ce vivier et le mirent à sec. Les registres de l’Hôtel-de-Ville font mention, à la date du 27 mai 1510, d’un moulin nouveau à édifier près de celui qui était assis au vivier de Martinville, pour subvenir aux boulangers-banniers. Le 1er mars 1526, des débats s’ouvrirent devant le parlement, entre les religieux de Sainte-Catherine et les bourgeois de Rouen, au sujet de la construction d’une maison près et environ l’écluse et pont de bois traversant la chaussée de Martinville et joignant le vivier.

Il y a peu d’années encore, existait à l’entrée de la rue Martinville un établissement d’eaux minérales (voyez page 185), qui avait acquis une certaine célébrité. Il était connu sous le nom des Eaux minérales de la Marêquerie. Ce vaste emplacement est occupé aujourd’hui par une usine pour la construction des chaudières à vapeur.

Dans les premiers temps de notre histoire, et avant que le cours des rivières et des nombreuses sources qui sillonnent le quartier Martinville et son faubourg, ait été réglé par l’établissement de canaux et de conduits, leurs eaux, réunies à celles de la Seine, qui inondaient si fréquemment les parties basses de la ville1, entretenaient de vastes marais dont il est parlé plus d’une fois dans nos anciennes annales, et dont le nom de la rue Malpalu

a pu conserver le souvenir. Les jardins actuels de l’Hospice-général, la Marêquerie, le Pré-au-Loup, formaient alors ces dangereux cloaques dont les premières tentatives de dessèchement, attribuées à saint Romain, ont dû donner naissance à l’histoire du miracle de la gargouille. Plus tard peut-être, ces amas d’eaux stagnantes ne restèrent-ils pas étrangers à l’invasion des maladies pestilentielles qui, d’abord au xive siècle, et aux siècles suivants, causèrent tant de désastres dans notre ville. Dans le but de remédier à une partie des misères qu’engendrèrent ces tristes époques, on entreprit des travaux considérables qui eurent pour résultat le creusement du lit des rivières, la réunion et l’utilisation des eaux, la création du Champ-de-Mars et du Chemin-Neuf, enfin l’assainissement de tous ces quartiers, assainissement qu’on poursuit encore de nos jours avec succès.

Dans la rue Martinville est l’entrée principale de l’aître ou de l’ancien cimetière de Saint-Maclou (voyez ce nom). Plus loin, à l’angle de la rue Malpalu, est la jolie église de Saint-Maclou (voyez rue Malpalu), contre laquelle est adossée une fontaine qui fut construite en 1515, et qu’alimente la source de Darnétal1. Plusieurs autres fontaines ont été placées récemment dans ce quartier populeux.

La boucherie Saint-Maclou était bornée d’un bout par une maison portant l’enseigne de la Truie-qui-file (acte de tabell. de 1627). C’était antérieurement un jeu de paume (acte du 27 octobre 1465). Suivant les Affiches de Normandie de 1777, la boucherie Saint-Maclou était encore dans la rue Martinville, près du Coq-hardi et de la cour du Grand-Turc. Une tuerie à l’usage des bouchers existait à peu de distance de la porte Martinville. Ces sortes d’établissements ont été avantageusement remplacées par la création des Abattoirs.

Parmi les maisons assez curieuses que cette rue renferme, on en voit une au coin de la rue de la Glos, dont la façade en pierre est portée par une pièce de bois sur laquelle on lit cette inscription : Povr tovt espoir Diev à mon aide.

Il y avait, dit M. Ch. Richard, dans le voisinage de la porte,

une enseigne de la Croche (ou Crosse)1. On y donna au duc d’Orléans, lors de son entrée en 1492, le spectacle d’une scène pastorale dans laquelle on fit figurer un berger que l’on dit avoir pu être le berger Rouen, dont la tradition s’est perpétuée jusqu’à nos jours, et qui garde encore silencieusement ses moutons sous l’arcade de la Grosse-Horloge2.

La rue Martinville, l’une des plus populeuses de la ville, renferme des cours et passages, des impasses, où sont agglomérées de nombreuses habitations, dont quelques-unes sont dans un état qui justifie les efforts tentés par l’administration pour l’assainissement de ce quartier. On y voit, outre les cours du Mouton, du Lièvre, de la Clé, du Puits-d’or, outre l’impasse des Prêtres, dont nous parlons à leur ordre alphabétique, les cours Cabot, Coruble, du Dauphin, du Faucon, du Grand-Turc, etc.

Martinville (rue du Faubourg-). = Place Martinville, rue du Chemin-Neuf. ― 1re section, 5e canton, Saint-Paul.

Ce faubourg est situé entre celui de Saint-Hilaire et la Seine. La rue du Faubourg-Martinville est désignée, dans un plan du xvie siècle, sous le nom de chaussée de Martinville. C’était, en effet, là que passait la voie romaine qui se rendait à la capitale du monde par Radepont, Paris, Sens, Troyes et Lyon, et quittait Rouen par la porte orientale, longeait la rue Martinville, passait par le Nid-de-Chien, Carville, Montmain, etc.3

Dans cette rue était le couvent des Augustins-déchaussés, dont nous avons parlé à l’article du Champ-de-Mars (page 108).

On donna, en 1794, le nom de quartier de la Liberté à tout le faubourg, jusqu’à Eauplet. Il reprit sa précédente dénomination en 1795.

de cette rue aux bouchers qui s’y trouvent réunis ; mais ce n’est pas l’origine de ce nom, qui rappelle évidemment des événements de la plus haute antiquité.

Cette désignation remonte, en effet, à une date très reculée, et a été plus d’une fois employée dans un sens se rattachant au récit de scènes sanglantes auxquelles seraient restées les dénominations de boucherie ou massacre, aussi bien qu’aux lieux qui en auraient été le théâtre. Sans qu’il soit nécessaire de remonter jusqu’aux temps qui ont donné naissance aux noms du Pré-de-la-Bataille et de la Rougemare, l’histoire rapporte que le départ des Croisés fut, au xie siècle, signalé par le massacre général des Juifs, dont le quartier à Rouen était voisin de la porte Massacre ; en rendant compte de la prise du château de Rouen, en 1357, le chroniqueur ajoute : Et aussi cheuz de Rouen alerent ardre le manoir au seigneur du Vivier, et ne povoit venir nul gentilhomme à Rouen par la porte Saint-Hilaire qu’il ne fust tué ; et fu appellé, une grand pieche, la porte de Machacre1.

La rue Massacre2 était autrefois en dehors de la ville, et a dû prendre son nom de la porte occidentale appelée Massacre, qui était située, au ve siècle, au lieu où est actuellement l’arcade de la Grosse-Horloge. C’est vers le commencement du xie siècle que cette porte fut reculée dans la rue Cauchoise, près de celle des Jacobins, puis elle fut reportée plus haut en 1525 ; mais la dénomination de porte Massacre3 était restée à l’emplacement sur lequel fut bâtie, en 1527, la voûte en pierre qui existe près de la tour du Beffroy ; et le nom de rue Massacre est donné, dans le Ms. des Fontaines de 1525, à la rue de la Grosse-Horloge, depuis l’horloge jusqu’au Vieux-Marché. Ce nom lui est également donné dans un acte de tabellionage du 21 juillet 1462, lequel concerne la vente d’un héritage, borné d’un bout la rue Machacre et d’autre bout la rue aux Ours, dans les paroisses de N.-Dame-de-la-Ronde et de S.-Pierre-du-Châtel.

Quelle que puisse être l’origine du mot « massacre », et quel que soit le sens que les étymologistes lui donnent, soit qu’on le fasse provenir, ainsi que nous l’avons dit, de quelque sanglant événement, soit qu’il désigne, comme l’ont dit quelques auteurs, le commerce de la boucherie1, il est évident que ce commerce se faisait, depuis un temps immémorial, près de la porte de ce nom. Un titre de 1227 parle d’un étal de boucher situé sous la porte Massacre2 ; un acte de tabellionage de 1464 fait mention de maison, hostel et estal à boucherie situés sous la même porte. Plus tard, nous trouvons la boucherie Massacre figurée, dans le plan de Gomboust de 1655, et dans un autre plan de 1724, sur le côté sud de la place du Marché-Neuf3 ; enfin les nomenclatures de 1716 et de 1731 font mention de la rue Massacre, où il y a boucherie. Observons toutefois qu’il y avait aussi boucherie dans d’autres quartiers, pour lesquels la même dénomination n’est pas employée.

Les plans de 1655 et de 1724, le Flambeau astronomique de 1716, et la nomenclature de Du Souillet, comprennent sous le nom de rue Massacre, la rue Massacre actuelle et celle des Vergetiers. (Voyez ce nom.)

Mastiquet (impasse), dans la rue Potart. = 7e section, 3e canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-E.

Le nom de cette impasse vient probablement de celui d’un propriétaire.

Matelats (rue des). = Rue Saint-Vivien, rue Orbe. ― 2e section, 4e canton, Saint-Vivien. ― Quartier N.-E.

Cette rue a porté au xive siècle et au commencement du xve,

les diverses dénominations de Tiercelin, Tierceline, Tressolin1, et celles de Cresselin2 ou de Crosselin3, qui, en définitive, étaient le même nom écrit de différentes manières ; mais des actes de la fin du xve siècle l’appellent rue des Matelats.

Dans un de ces actes de tabellionage, on lit : la rue Tierceline, près le cimetière Saint-Vivien. Un autre de 1464 porte : la rue des Matelats, anciennement nommée la rue Tresselin.

Le nom actuel de cette rue vient d’une enseigne, ainsi que l’indique un acte du 8 janvier 1489, dans lequel on lit : Une maison à deux pignons rue Tiercelin et d’Orberue, devant l’enseigne des Mathelas, d’un côté la rue anciennement nommée Tiercelin, d’un bout par devant la rue d’Orberue.

Entre la rue des Matelats et la rue Fleuriguet était le cimetière Saint-Vivien4, auquel on arrivait par la rue Saint-Vivien et la rue Orbe. C’est sur cet emplacement qu’a été ouverte la rue Neuve-Saint-Vivien.

Mathurins (rue des).

On trouve ce nom désigné dans les Affiches de Normandie de 1788 ; nous ne savons s’il s’applique à l’impasse de Flandre ou à la rue de Joyeuse, appelée précédemment la rue du Petit-Maulévrier. La maison des Mathurins était placée à l’angle de ces deux rues.

Maulévrier (rue du). = Rue Bourg-l’Abbé, rue de Joyeuse. ― 5e section, 2e canton, Saint-Ouen. ― Quartier N.-E.

Cette rue a pris son nom de l’hôtel du Maulévrier, qui, au xve siècle, avait appartenu à Pierre de Brézé, grand-sénéchal de Normandie, et à son fils Jacques de Brézé, comme le constate un acte de tabellionage du 25 octobre 1481. Cet hôtel fut acheté en 1583 par le cardinal Charles de Bourbon, pour y fonder un collége dirigé par les Jésuites, dont le premier établissement en France date de 1560. Ce collége fut installé en 1592. Trois ans après, les Jésuites ayant été expulsés du royaume, Henri IV,

par des lettres patentes, fit don à la ville de la maison qu’ils occupaient, pour y établir un collége ; mais les ressources nécessaires ayant manqué aux échevins, et les Jésuites ayant été autorisés à revenir en France, ceux-ci rentrèrent en possession en 1604, puis ils achetèrent, les années suivantes, l’hôtel d’O et plusieurs autres propriétés voisines, construisirent de grands édifices, et commencèrent en 1614 à bâtir leur église, dont la reine Marie de Médicis posa la première pierre, et qui fut consacrée en 1631 sous le vocable de Saint-Louis ; mais elle ne fut achevée qu’en 1704. L’entrée de cette église est par la rue Bourg-l’Abbé.

Le collége fondé par les Jésuites était déjà fréquenté par de nombreux élèves, si l’on en juge par un arrêt du 14 avril 1611, qui enjoignit aux échevins de faire construire des cloaques pour ce collége, dont les élèves, au nombre de plus de 1600, allaient faire leurs immondices sur les remparts voisins. Cet ordre fut renouvelé le 25 février 1613 : Faire bâtir des baraques pour éviter aux ordures des écoliers qui vont sur les remparts, quand on devroit prendre deux ou trois sous sur chaque écolier pour subvenir à cette construction.

Les Jésuites ajoutèrent, en 1615, à leur établissement, le petit séminaire de Joyeuse, qui avait été fondé par le cardinal de ce nom pour y recevoir un certain nombre d’élèves qui se destinaient à l’état ecclésiastique. Un Abrégé de l’Histoire de la ville de Rouen, publié en 1759, fait connaître que la porte d’entrée et l’aile gauche du collége des Jésuites avaient été édifiés quelques années auparavant, et que les Pères y firent élever un théâtre pour y représenter les exercices qu’ils étaient dans l’usage de faire tous les ans1.

Après la suppression en France de la corporation des Jésuites, en 1762, leur collége fut fermé et leur mobilier vendu dans la même année ; l’établissement continua, sous le titre de collége royal2, d’être dirigé par des professeurs séculiers jusque dans les premières années de la révolution. Un arrêt du Parlement du

5 février 1763 réunit au collége royal la maison du noviciat des Jésuites et les biens qui y étaient attachés. En vertu de cet arrêt, on transféra dans l’église du collége les corps de Gilles Dufay et d’Isabeau Dumoucel. En 1796, le collége royal fut remplacé par une école centrale qui, en 1803, reçut le titre de Lycée. Redevenu collége royal après la chute du premier empire, cet établissement reprit en 1848 sa désignation actuelle. L’ancien petit Séminaire, qui avait été annexé de nouveau, en 1820, aux dépendances du collége, porte depuis quelques années le nom de petit collége de Joyeuse. Il est réservé aux plus jeunes enfants.

La ville a fait récemment l’acquisition de vieilles maisons qui composaient le côté sud de la rue de Joyeuse, depuis la rue du Maulévrier jusqu’à celle des Minimes, pour servir à l’agrandissement des dépendances du Lycée, par la construction de nouveaux bâtiments dont les travaux ont été adjugés en février 1870. On a dégagé en 1855, dans la rue du Maulévrier, une partie de la chapelle du Lycée.

Le Flambeau astronomique de 1716 donne, à la partie de la rue Bourg-l’Abbé qui est entre celle des Minimes et la place de la Rougemare, le nom de rue du Maulévrier. Il désigne en même temps la rue actuelle du Maulévrier sous celui de rue du Petit-Maulévrier ou du Collége-des-Jésuites ; puis il donne le nom de rue de la Levrette à l’ancienne rue du Petit-Maulévrier, actuellement la rue de Joyeuse. Ces indications se trouvent aussi sur d’anciens plans. Plus tard on rétablit le nom de rue Bourg-l’Abbé, qui subsiste encore, le nom du Grand-Maulévrier, qui a été remplacé en 1867 par celui de rue du Maulévrier, et enfin le nom de rue du Petit-Maulévrier, qui, à la même époque, a été également remplacé par celui de rue de Joyeuse.

En 1794, on avait donné à la rue du Grand-Maulévrier le nom de rue des Arts1.

Le haut de la rue des Minimes, à partir de la rue Caron jusqu’à la rue de Joyeuse actuelle, a été également appelé rue du Petit-Maulévrier. Cette division en deux portions de la rue des Minimes, sous une dénomination différente (division qu’on faisait subir en même temps à la rue du Grand-Maulévrier), était due à l’existence d’une petite rue, appelée alors la rue des Jésuites, qui traversait

les jardins de cet établissement1, ou qui les séparait de ceux de l’ancien séminaire de Joyeuse, en communiquant de la rue des Minimes à celle du Grand-Maulévrier.

Méridienne (rue et passage). = Rue des Brouettes, place de la Croix, à Sotteville. ― 11e section, 6e canton ; paroisses : Saint-Sever pour le côté nord ; Saint-Clément pour le côté sud. ― Faubourg Saint-Sever.

Le nom de cette rue, dans laquelle il y avait primitivement peu de maisons, presque toutes du même côté et exposées au midi, vient évidemment de sa position. Elle fut ouverte en vertu d’une ordonnance royale du 16 août 1831, puis continuée en 1833, à partir de la rue d’Elbeuf jusqu’au carrefour des Brouettes. Elle a été prolongée, en 1870, sous le nom de rue Saint-Clément, jusqu’à la rue Saint-Julien, à travers l’ancien cimetière de Saint-Sever.

― On donne provisoirement le nom de passage Méridienne à une voie nouvellement ouverte, qui conduit de la rue Méridienne à celle de la Mare-du-Parc, en traversant un quartier projeté sous la dénomination de cité de Néel.

Merisier (rue du). = Rue du Puits, rue des Sapins. ― 1re section, 5e canton, Saint-Hilaire. ― Faubourg Saint-Hilaire.

On l’appelle aussi la rue des Merisiers ; cette désignation est due à des arbres de cette espèce qui y étaient plantés.

Merrier (rue du).

Cette rue, qui depuis 1792 a été réunie à la rue de la Vicomté, figure encore sur un plan de 1817 sous le nom de rue du Merrier. Elle est désignée dans plusieurs titres du xive et du xve siècle, sous les noms de rue du Merrin, du Merrien ou du Mesrien2. Dans une délibération de l’Hôtel-de-Ville du 12 juin 1406, on lui donne cette dernière dénomination à propos de l’enlèvement des

pierres qui servaient à la reconstruction de la porte de la Vicomté ; puis on lit, dans un acte de tabellionage du 22 février 1468 : La rue anciennement nommée de la Hucherie, et de présent la rue du Merrien, paroisse Saint-Michel ; ce qui semble indiquer qu’elle avait été habitée par des menuisiers-huchers.

On trouve, dans un autre acte du 18 juin 15951, le nom de rue du Merrain, mot qui signifie pièce de bois pour la bâtisse, et dont on se sert aussi en Basse-Normandie pour désigner toute espèce de voitures de transport. Plus tard enfin on a écrit rue du Merrier, puis du Meurier, ce qui a fait supposer également que le nom de la rue avait pu provenir d’une enseigne représentant un mûrier, arbre2.

Les religieux de Saint-Georges avaient dans cette rue un hôtel dit de Saint-Georges, qui était entouré des hôtels du Coq, des Trois-Verres, de la Fleur-de-Lys, etc. Ils le vendirent en 1446 à Jean de Drosay, secrétaire du roi d’Angleterre. Cet hôtel s’étendait jusqu’à la rue de Vanterie (rue de la Grosse-Horloge), et dépendait autant de la paroisse de Saint-Jean que de celle de Saint-Michel.

Meslier (impasse du), dans la rue de la Croix-d’Yonville. ― 12e section, 5e canton, la Madeleine. ― Faubourg Cauchoise.

Ce nom semble venir d’un néflier, arbre appelé vulgairement mélier.

Meules (quai aux), entre la rue Montméry et celle de la Petite-Chaussée. ― 11e section, 6e canton, Saint-Sever. ― Faubourg Saint-Sever.

Ce quai fait partie de l’emplacement où étaient anciennement le clos des Galées et le hameau de Claquedent. On lui a donné, en août 1837, le nom de quai aux Meules, parce qu’il était ordinairement le lieu de dépôt des meules et des pierres de moulage, lequel a été reporté un peu plus loin depuis la construction des vastes magasins des Docks-Entrepôts ouverts en 1862. (Voyez Douanes.)

Avant le xvie siècle, le quai aux Meules était placé sur la rive

droite de la Seine1 ; il fut reporté en 1509 au côté opposé de la rivière, par sentence du bailli de Rouen, du 13 juillet 1506.

Il y avait, avant 1772, au quai aux Meules, une manufacture royale de savons.

Mignotte (rue).

C’est un des noms que portait, au xve et au xvie siècle, la rue qui fut plus tard appelée rue de la Pie, et en 1867 rue Pierre-Corneille. Cette dénomination de rue Mignotte, qu’on écrivait aussi Mygnotte, provenait d’un sieur Jehan Mygnot, qui est cité dans un acte de tabellionage de 1472. La rue était désignée en 1424 par ces mots : La rue qui vient des Jacobins au Viel-Marché devant Saint-Sauveur. On l’indiquait en 1430 comme étant la rue descendant du Vieux-Marché aux Jacobins, en la même paroisse. En 1474, il est fait mention d’une maison et hôtel assis en la rue Mygnotte, d’un bout le pavement de ladite rue par laquelle l’en va de l’église Saint-Sauveur à celle des Jacobins, d’autre bout par derrière l’hostel d’Esneval. Cet hôtel d’Esneval, qui, dans plusieurs autres actes de 1507 à 1510, servait encore d’abornement par derrière à plusieurs maisons et hôtels assis en la rue Mignotte, occupait tout l’espace compris entre la rue de Fontenelle et celle du Vieux-Palais, où devait être sa principale entrée.

La rue Mignotte avait aussi porté le nom de rue Saint-Jacques. Un acte de 1437 cite la rue Mignot, que l’on dit rue Saint-Jacques. D’autres actes de 1478 et de 1481 font mention, dans la rue Saint-Jacques, en la paroisse de Saint-Pierre-le-Portier, d’une maison joignant d’un côté le manoir de Boucachard. Enfin, on lit dans un acte du 4 novembre 1500 : une maison où pend l’enseigne du Bourdon-de-Saint-Jacques, bornée d’un côté par les Filles-Dieu, d’un bout par devant la rue Mygnotte, anciennement nommée la rue Saint-Jacques. Cette enseigne du Bourdon-de-Saint-Jacques aurait donc été l’origine de ce dernier nom.

Le plan de Gomboust de 1655 indique, dans la rue inscrite

alors sous le nom de rue de la Pie, outre la maison de la famille de Corneille (voyez rue Pierre-Corneille), deux autres hôtels situés à gauche de la même rue, lesquels étaient habités alors, le premier par M. Leferon, échevin, le second par M. Desalleuse. L’un de ces hôtels pourrait avoir été précédemment le manoir de Boucachard, dont il a été question plus haut.

Minimes (rue des). = Rue Bourg-l’Abbé, rue de Joyeuse. ― 5e section, 2e canton, Saint-Ouen. ― Quartier N.-E.

Le nom de cette rue vient du couvent des Minimes qui fut supprimé et vendu en 1792. Après plusieurs tentatives infructueuses faites au 16e siècle1, pour s’établir à Rouen chez les Célestins et ailleurs, notamment dans le cimetière des Huguenots qui leur avait été accordé en 1572 par le duc de Mayenne, les Minimes, dits les Bonshommes, qui appartenaient à l’ordre de Saint-François-de-Paul, obtinrent, le 24 mai 1602, l’autorisation du Parlement d’accepter la donation qui leur fut faite par M. de Bouville, leur principal fondateur, de plusieurs maisons situées rues Bourg-l’Abbé et du Petit-Maulévrier, pour achever la construction de leur monastère et de leur chapelle ; ce qu’ils firent en 1611. Leur église fut dédiée en 1656 ; elle a son entrée par la rue Bourg-l’Abbé. Cet ancien établissement est occupé actuellement par les dames du Saint-Sacrement, qui étaient précédemment dans la rue Morant, au lieu où sont actuellement les dames Ursulines d’Elbeuf.

Une partie de la rue des Minimes est désignée, dans quelques anciens plans, sous le nom de rue du Petit-Maulévrier. (Voyez rue du Maulévrier.) Un acte de tabellionage de 1466 en fait mention sous l’indication de la rue descendant à la rue du Bourg-l’Abbé. Elle reçut, en 1794, le nom de rue des Assignats, et reprit en 1795 celui de rue des Minimes.

Miracles (cour des).

On donne vulgairement ce surnom à plusieurs cours appartenant à différents quartiers de Rouen. Nous lisons, au sujet de cette dénomination, ce qui suit dans le Dictionnaire des rues de Paris, par De la Tynna : Le nom de cour des Miracles était

commun, par dérision, aux endroits qui servaient de retraite aux mendiants et aux vagabonds, avant l’établissement des hôpitaux. L’estropié et le malade contrefait pour attirer la commisération publique opéraient, chaque soir, en rentrant dans ces cours, le miracle d’une guérison parfaite.

Moëlle (rue de la). = Rue Saint-Nicaise, rue Coignebert. ― 2e section, 2e canton, Saint-Nicaise. ― Quartier N.-E.

Au 14e et au 15e siècle on l’appelait la rue de la Courveseriette. (Voir p. 157.) Dans les plans de 1655 et de 1724, on la trouve inscrite sous le nom de rue de la Mouche. Ce n’est que dans les plans plus modernes qu’elle porte celui de rue de la Mouelle ou Moëlle. Il est possible que le nom de la Mouche soit provenu de quelque enseigne, et qu’on en eût fait la Mouelle par corruption. Peut-être aussi serait-ce une variante du mot « muche », par lequel on désignait des rues mal famées. (Voyez les rues du Petit-Muche, la rue Mamuchet.)

Mogador (rue).

Ce nom avait été donné, à l’occasion de la prise de cette ville d’Afrique, en 1844, à une rue tracée pour communiquer de la rue du Pré-de-la-Bataille à la rue de Tanger. Cette rue, n’ayant pas été classée par l’administration municipale, a été supprimée depuis.

Moineau (rue du). = Petite rue de l’Avalasse, route de Neufchâtel. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Bouvreuil.

C’était dans l’origine un passage qui portait le nom de petite rue Verte, nom qu’on trouve inscrit sur un plan de 1817. Celui qui lui a été donné en 1834 serait dû, si nous en croyons le récit d’un ancien habitant de ce quartier, à la circonstance suivante : le propriétaire du terrain sur lequel la rue a été ouverte ou élargie s’appelait Pigeon, et il demanda que son nom lui fût donné ; mais comme il y avait alors dans la ville une rue Pigeon, on ne céda qu’à une partie de ses instances, en faisant le choix du nom d’un autre oiseau.

Moïse (rue de). = Rue du Renard, la campagne. ― 12e section, 5e canton, Saint-Gervais. ― Faubourg Cauchoise.

Nous ignorons quelle peut être l’origine du nom de cette rue,

qui, dans un plan de 1817, est indiquée sous celui de petite rue du Renard.

Moiteuse (rue). = Quai du Mont-Riboudet, rue Dugay-Trouin. ― 12e section, 5e canton, la Madeleine. ― Faubourg Cauchoise.

Le nom de cette rue, que l’on écrit quelquefois Moetteuse ou Mouetteuse, paraît être dérivé de sa position sur un terrain humide et autrefois marécageux, près de la Seine.

Un plan de 1784 appelle Motteuse la rue qui reçut en 1795 le nom de rue Dugay-Trouin. Ce même plan donne, à la rue Moiteuse actuelle, le nom de rue du Chien-qui-rit, nom qu’avait porté aussi la rue Dugay-Trouin avant sa nouvelle dénomination.

Moitte (rue), dans la cité Landrieu. = 1re section, 5e canton, Saint-Paul. ― Faubourg Martinville.

Ce nom est donné par un propriétaire qui habite la rue, nouvellement ouverte.

Mollien (rue). = Rue d’Amiens, rue Blanche. ― 3e section, 4e canton, Saint-Vivien. ― Quartier S.-E.

Cette rue, qui est située derrière la caserne de la rue d’Amiens, remplace l’ancienne rue du Bas, qui a été élargie et a reçu en 1867 le nom du comte Mollien (Jean-Nicolas), né à Rouen en 1758, dans la rue Martinville, et dont le père était fabricant de passementerie. Le comte Mollien, qui avait été membre du conseil des Cinq-Cents, et qui fut ministre du Trésor public en 1805, est mort à Morigny, près d’Étampes, en 1850, à l’âge de quatre-vingt-douze ans.

L’ancienne rue du Bas est indiquée, dans des actes de tabellionage, sous les noms de rue au Bas ou aux Bas1. Un acte de 1430 parle d’un ruissel qui traverse la rue au Bas. Un autre acte de 1524 concerne une maison sise en la même rue, en face de la fontaine Saint-Ouen : La grande porte de ladite maison est droit vis-à-vis de ladite fontaine. Ailleurs, ce petit cours d’eau est désigné sous le nom de ruisseau des Baillettes.

Dans un acte de 1478, il est parlé d’une maison bornée d’un bout la rue au Bas en la paroisse Saint-Vivien, d’autre bout la

ruelle des Pentheurs. Cette dénomination était donnée à plusieurs rues, dans différents quartiers. (Voyez au mot Penteurs.)

Taillepied fait mention d’une rue du Bas-cul, nom qui pourrait bien avoir été celui de la rue du Bas, et dont on aurait supprimé plus tard la dernière syllabe. Dans un compte de la ville, de 1539, il est parlé d’une rue aux Vastz ; ce doit être aussi un nom défiguré de l’ancienne rue du Bas : il en est de même d’une rue du Bast, près du Bureau, que citent les Affiches de Normandie de 1771.

Monnaie (rue de la).

On trouve assez souvent, dans les actes de tabellionage du 15e siècle, l’indication d’une rue de ce nom. On appelait ainsi la partie de la rue Saint-Éloi qui avoisinait les Filles-Dieu, dont le monastère était dans la rue du Vieux-Palais. En 1421, on fait mention d’une rue de la Monnaie descendant au quai Saint-Éloi. Un acte de 1436 cite la même rue, près des Filles-Dieu. Un autre acte du 16 mars 1509 concerne la vente d’un grand terrain borné d’un bout la rue du Vieux-Palais, et d’autre bout la rue de la Monnaie.

― En 1731, on donnait le nom de cour des Monnaies à l’emplacement occupé par l’ancien hôtel des Monnaies, entre la rue Herbière et la rue Saint-Éloi. (Voyez rue Herbière.)

Mont (rue du). = Rue de la Rose, rue Bassesse. ― 2e section, 4e canton, Saint-Vivien. ― Quartier N.-E.

Le nom de cette rue vient de l’ancien fief du Mont, dans lequel elle se trouve, ainsi que les rues Sainte-Geneviève-du-Mont, de la Cigogne-du-Mont, etc. Le lieu que l’on appelait le Jardin-du-Mont, au 15e siècle, était une place vide qui s’étendait depuis la porte Saint-Hilaire jusqu’aux Capucins.

Dans les plans de 1655 et de 1724, et dans le Flambeau astronomique de 1716, une partie de la rue du Mont, du côté de la rue Bassesse, est désignée sous le nom de rue de la Corne.

C’est dans cette rue que les religieuses des Annonciades, vulgairement appelées les Filles Cantelles, du nom de leur fondatrice1, s’étaient établies en 1648, après avoir demeuré pendant

quatre ans dans la rue Saint-Vivien, à l’endroit où fut fondé depuis le séminaire archiépiscopal. Leur chapelle, qui fut achevée et bénite en 1653, sous l’invocation de Saint-Jean, fut remise à neuf au 18e siècle. Les Annonciades y restèrent jusqu’en 1790. Leur emplacement, qui fut vendu deux ans après, est occupé par les dames religieuses de Jésus-Christ, qui continuent à Rouen l’œuvre du Bon-Pasteur. Cette œuvre, qui avait été fondée à Rouen à la fin du 17e siècle, consistait à recueillir les filles repenties pour les retirer du monde et les faire travailler. Les dames du Bon-Pasteur s’établirent en 1698, d’abord dans la rue du Grand-Maulévrier, ensuite au faubourg Saint-Sever, et, peu de temps après, rue de la Cigogne-du-Mont, où elles étaient encore en 1790. La continuation de cette œuvre de bienfaisance avait été entreprise par Mlle Prevost, qui avait ouvert dans la rue du Petit-Maulévrier une maison de jeunes Orphelines, laquelle fut transférée, en 1846, dans la rue de la Cigogne-du-Mont, où elle subsistait encore il y a quelques années. Les dames religieuses de Jésus-Christ s’installèrent, vers 1836, dans la rue du Petit-Maulévrier, et ensuite dans l’ancienne maison des Pénitents, rue Saint-Hilaire, jusqu’au moment où elles la cédèrent à la communauté des Saints-Anges, et vinrent habiter la rue du Mont. Il avait été fondé, en 1824, dans leur maison actuelle, un institut de jeunes Orphelins, par M. l’abbé Lefebvre, auquel est dû l’établissement des Orphelines de la Miséricorde. Cet institut, qui fut ensuite dirigé par l’abbé Eude, fut transféré plus tard à Mesnières, près de Neufchâtel.

Mont-Gargan (rue du). = Rue du Chemin-Neuf, le hameau du Nid-de-Chien, sur la route de Lyons-la-Forêt. ― 1re section, 5e canton, Saint-Paul. ― Faubourg Martinville.

Le nom de cette rue vient de la côte appelée le Mont-Gargan, au pied de laquelle elle est située. On trouve ce nom cité dans une charte du 13e siècle1. La rue du Mont-Gargan est indiquée en 1785 sous le nom de rue du Haut-Mariage, nom que porte encore une ruelle voisine.

On prête au nom du Mont-Gargan deux origines différentes2.

Les uns croient que c’est une abréviation de « Gargantua », et qu’on a pu dire le Mont-Gargantua, comme on appelle chaise de Gargantua un rocher situé au bord de la Seine, près de Duclair. D’autres prétendent que Gargan est un mot défiguré d’Archange1, et qu’il se rapporte au temps de la fondation de la chapelle du prieuré de Saint-Michel, fondation qui aurait été précédée, dit-on, de l’apparition de l’archange Saint-Michel. Cette circonstance est déjà rapportée2, suivant une tradition du 5e siècle, au sujet d’une montagne des environs de Naples, sur laquelle l’archange Saint-Michel était honoré d’un culte tout particulier, et où l’on aurait édifié, d’après son ordre, une église consacrée sous son vocable. C’est aussi à la suite d’une apparition semblable, qui se serait renouvelée jusqu’à trois fois, que le bienheureux saint Aubert, évêque d’Avranches, aurait fondé le monastère du Mont-Saint-Michel sur l’ancien mont de Belenus3, qui devint en peu de temps, pour la France, ce qu’était pour l’Italie le Mont-Gargan, devenu plus tard le Mont-Saint-Ange. Il y a lieu de supposer, dès-lors, que, dans le temps de la fondation de la chapelle Saint-Michel, près de Rouen, on donna le nom de Mont-Gargan à la partie de la montagne Sainte-Catherine où cette chapelle fut édifiée.

En 1794, on a donné le nom de rue de la Montagne à la rue du Mont-Gargan, qui reprit en 1795 son ancienne dénomination. Dans cette rue est le cimetière du Mont-Gargan, où fut transféré celui de Saint-Paul. (Voyez p. 136.)

Mont-Riboudet (avenue du). = Le quai du Mont-Riboudet, la commune de Déville. ― 12e section, 5e canton, la Madeleine. ― Faubourg Cauchoise.

C’est le nom d’un monticule qui est placé entre cette avenue et le chemin de Bapeaume. Nous ne savons s’il vient d’un ancien propriétaire. Quelques étymologistes du 18e siècle lui donnent le nom de Reboudet ; d’autres ont prétendu qu’il faut écrire Mont-

Triboudet1. Mais l’auteur d’une lettre insérée dans les Affiches de Normandie du 19 juin 1778, prête à ce même nom une tout autre étymologie, que nous nous bornerons à rapporter. Ce n’est, dit-il, ni Montriboudet, ni Mont-Riboudet, mais bien Montriboulet (mons stultorum).2 Triboulet, ajoute le même auteur, est le nom qu’on donnait aux polissons qui, du haut d’une côte, trouvent le moyen de rouler jusqu’en bas, en passant leurs mains jointes derrière les jarrets, et roulent ainsi du haut en bas d’un coteau uni et rapide, à la manière des sautereaux et verberies, entre Senlis et Compiègne, qui en donnaient le spectacle aux voyageurs pour en obtenir quelque chose, etc.

Cette belle avenue, qui fut garnie d’arbres vers le milieu du 18e siècle, environ dix ans avant la plantation des boulevards, offre un coup-d’œil agréable3. Elle venait précédemment jusqu’à l’angle du boulevard Cauchoise, au bas duquel était placée une grille ou barrière qui fermait de ce côté l’extrémité du port. La partie de cette avenue qui est située entre le boulevard et l’avenue de la Madeleine, est devenue en 1839 le quai du Mont-Riboudet. (Voyez ci-après.)

En 1794, l’avenue du Mont-Riboudet reçut le nom de cours de la République ; celui de quartier de la République fut également donné au pavé de Déville et aux paroisses de Saint-Gervais et de Saint-André-hors-la-Ville. Les anciennes dénominations leur furent rendues en 1795.

On a ouvert depuis 1845, à cette ancienne route de Paris au Havre, une nouvelle direction destinée à adoucir la pente qu’offrait le Mont-Riboudet, au moyen d’un embranchement qui, partant de l’avenue à la hauteur de la rue Binet, rejoint, sur la limite de la ville, la route impériale no 14 et la route départementale no 4, de Rouen à Saint-Romain.

À gauche de cette nouvelle route est un chemin appelé la rue des Prés, à la suite duquel est un fossé dont les eaux s’écoulent dans la Seine, et qu’on nomme le fossé de l’Écorce. Les archevêques de Rouen possédaient à Déville, au 16e siècle, un manoir

dont dépendait un bois portant encore le nom de bois de l’Archevêque. On croit communément que les écorces à tan qu’on y recueillait étaient apportées autrefois à ce fossé, pour être transportées par eau jusqu’à leur destination.

Ou donnait le nom de sente du Désert à un chemin qui communiquait de la rue du Renard à la grande route du Mont-Riboudet.

Les eaux minérales du Mont-Riboudet avaient acquis autrefois une certaine célébrité ; elles ont été vantées en 1603 par le docteur Jacques Duval1. (Voyez p. 186.)

Mont-Riboudet (quai du). = Le boulevard Cauchoise, l’avenue de la Madeleine. ― 12e section, 5e canton, la Madeleine. ― Faubourg Cauchoise.

On a donné cette dénomination à la partie de l’avenue du Mont-Riboudet comprise entre le boulevard et le champ de foire aux Boissons. Les arbres furent abattus en 1839 pour l’établissement d’un quai qui fut vulgairement appelé le quai de la Madeleine, et qui reçut ensuite le nom de quai du Mont-Riboudet.

La rue de Buffon, qui aboutit à ce quai, avait été ouverte sous le nom de rue de Montholon, qui lui fut retiré en 1795. Il serait juste de rétablir près de là le souvenir d’une famille qui tint un rang honorable dans la magistrature2, en donnant le nom de Montholon au quai du Mont-Riboudet, ce qui éviterait aussi de laisser à deux voies distinctes l’une de l’autre une même dénomination.

Montbret (rue de). = Rue du Petit-Porche, rue Beauvoisine. ― 3e section, 2e canton, Saint-Ouen. ― Quartier N.-E.

Cette rue, qui était appelée précédemment rue Pincedos, est située à la place qu’occupaient autrefois les fossés de la ville dépendant de la seconde enceinte. On lui a donné en 1854 le nom qu’elle porte actuellement, en mémoire de M. le baron Coquebert de Montbret, décédé en 1847, qui, ayant institué la ville de

Rouen sa légataire universelle, lui a fait don d’une bibliothèque composée de soixante mille volumes au moins, et de différents immeubles d’une valeur de plus de 200,000 fr.

Le nom primitif de cette rue était écrit de différentes manières : Pincedos, Pince-doz, Pinchedos, Pinche-doz ; elle est citée sous ces diverses dénominations dans un rôle de Saint-Ouen du 14e siècle, et dans des actes de tabellionage du quinzième. Une inscription gravée sur la pierre, au coin de la rue du Petit-Porche, porte rue Pinchedos. Un titre du 25 août 1607 cite une rue de la Rochette allant à Pinchedoz proche le Coq. Dans un acte du 25 janvier 1421, on lit : La rue Tailletenue, autrement dite Pinchedos, bornée d’un bout par une ruelle par où l’en va à la Rougemare. Des actes de 1489 et de 1503 concernent une maison bornée d’un côté la rue du Petit-Pinchedos, et d’un bout où est l’esventes des fontaines de l’abbaye de Saint-Amand. (Voyez rue de la Seille.)

La nomenclature des rues donnée par Taillepied indique, outre la rue de Pince-doz, qu’il place dans le quartier de Beauvoisine, une autre rue Pinsedoigts dans le quartier de Martinville. Nous ne savons à quelle rue ce dernier nom doit être attribué.

― La salle de discipline de la garde nationale de Rouen, qui était située dans la rue Pincedos1, a reçu communément, comme celle de Paris, le nom d’hôtel des Haricots. Voici, d’après un ouvrage de M. de Chevallet sur la formation de la langue française, quelle serait l’origine de cette dénomination :

En 1815, le général baron Darricau fut nommé commandant des fédérés de Paris, et il prit des mesures énergiques pour organiser cette milice indisciplinée. D’après ses ordres, quiconque manquait à son service allait expier son insubordination dans une vieille masure convertie en maison d’arrêt. Les coupables se moquèrent du général et de sa prison, qu’ils appelèrent l’hôtel Darricau ; puis, quelques plaisants jouant sur les mots, et faisant allusion à la maigre chère que l’on faisait à l’hôtel, le nommèrent l’hôtel des Haricots. Sous la restauration, cette prison fut destinée à recevoir les gardes nationaux récalcitrants, et c’est sous ce nom que la maison d’arrêt de la garde nationale est encore aujourd’hui vulgairement désignée2.

Montée (rue de la). = Place du Boulingrin, rue de la Rampe. ― 4e section, 5e canton, Saint-Nicaise. ― Faubourg Beauvoisine.

C’est, ainsi que l’indique le nom qui lui a été donné en novembre 1833, une petite rue par laquelle on monte du Boulingrin à la rue de la Rampe, qui conduit au Cimetière monumental.

Montméry (rue). = Quai aux Meules, rue Richebourg. ― 11e section, 6e canton, Saint-Sever. ― Faubourg Saint-Sever.

On écrivait quelquefois Momerie, mot qui, en vieux langage, signifie mascarade, parade, déguisement.

La rue Montméry sépare actuellement l’extrémité de la caserne Saint-Sever des magasins de l’entrepôt appelés Docks, qui ont été établis en 1862 sur le quai aux Meules. Nous la croyons destinée à former un jour le prolongement de la rue Jeanne-d’Arc à travers les plaines de Saint-Sever, pour rejoindre la route de Caen. Ce serait une raison pour remplacer le nom assez insignifiant de la rue Montméry par celui d’Émendreville, nom que portait, au moyen-âge, le faubourg Saint-Sever.

Morand (port).

On trouve, dans un plan du 10e siècle, les noms de Porc-Espy et de porc Morand, donnés au lieu où abordaient les bateaux auprès de l’aître Notre-Dame, jusque sous la place de la Calende, où se tenait alors le marché au blé. D’après Taillepied, cette dénomination serait venue d’un porc-épic qui avait figuré sur les armes de la ville, avant la figure de l’agneau. Suivant une autre interprétation, ce serait le port de l’épi, terme servant à désigner l’extrémité d’une digue en maçonnerie. (Voyez page 79 ; voyez aussi la Revue de Rouen de 1849, p. 591.) À la suite du second agrandissement de Rouen, le nom de port Morand fut donné à la partie des quais où furent établis la porte du Bac et la porte Dorée, près de l’ancienne rue de Sainte-Geneviève. Il est probable néanmoins que la même désignation demeura longtemps encore affectée au quartier avoisinant la place de la Calende, comme nous le voyons dans un acte de tabellionage du 8 août 1522, où il est fait mention d’une maison sise auprez de la croix du Port-Morant, bornée d’un côté la rue qui est au long de

l’aistre de l’église Notre-Dame, vers la tour de Saint-Romain, nommée la rue de la Chapellerie, d’un bout la rue de Grand-Pont1. Nous trouvons aussi, dans un autre acte du 27 mai 1555, la vente d’une maison assise devant la tour Saint-Romain, faisant le coin de la rue de l’Albane, bornée par la rue de devant le cimetière de la grande église Notre-Dame de Rouen, tendant au port Morand.

Morant (rue). = Rue Bouvreuil, rue Jeanne-d’Arc (ancienne rue de l’Impératrice.) ― 8e section, 2e canton, Saint-Godard. ― Quartier N.-O.

Cette rue, qui a été percée en 1610, a porté pendant longtemps le nom d’un sieur de Mathan, conseiller au parlement de Normandie, qui avait acquis une partie de l’emplacement du château bâti par Philippe-Auguste, en 1205, dans le quartier de Bouvreuil, après la réunion de la Normandie à la couronne. Mais cette même rue de Mathan2 est désignée dans l’Histoire de Rouen sous le nom de rue Morant, qui est celui du premier acquéreur de cet emplacement. Thomas Morant d’Éterville, trésorier de France, en avait obtenu, en effet, la cession en 1610, en même temps qu’Alexandre Faucon de Ris, premier président du Parlement, à la condition d’y faire bâtir des maisons, et ils en cédèrent une portion à M. de Mathan, qui y établit un château et des jardins.

Farin la désigne aussi sous le nom de rue du Château, qui lui est encore donné en 1740, et même en 1776. La réunion de ces deux dénominations fait supposer que la rue fut divisée en deux parties, dont l’une, depuis la rue Bouvreuil jusqu’à la rue Faucon, fut appelée rue Morant, et l’autre rue du Château3.

Dans le manuscrit des Fontaines de 1525, on trouve l’indication d’une ruelle du Vieux-Château, qui était vraisemblablement une ancienne voie que remplaça, en 1610, la rue de Mathan, devenue plus tard la rue Morant.

Le château de Bouvreuil fut appelé dans l’origine le château de Gaalor ou de la Fontaine-Gaalor ; il prit plus tard le nom de

Vieux-Château, c’est-à-dire quelques années après la construction du Palais-Royal, plus connu lui-même sous le nom de Vieux-Palais1. Il occupait l’espace compris à peu près aujourd’hui entre le boulevard Jeanne-d’Arc, la rue Bouvreuil, celles du Bailliage et du Moulinet. Il était bien fortifié de tours, avec un fossé et deux enceintes de murailles ; la première renfermait une avant-cour ; la seconde, la cour de la citadelle2. Cette forteresse fut enfermée dans la ville par saint Louis, au milieu du 13e siècle. Il reste encore une de ses tours, appelée le gros Donjon, dite aussi anciennement la tour du Ravelin3, et à laquelle on a donné récemment le nom de tour de Jeanne-d’Arc. Cette tour, plus grosse et plus haute que n’étaient les autres, au nombre de six, et au travers de laquelle passait l’eau de la source Gaalor, était déjà très ancienne et en mauvais état lors de la construction du château, et avait été réédifiée avec des dimensions plus considérables. On voyait encore, en 1659, les vestiges d’un moulin que les eaux de Gaalor faisaient mouvoir près de cette tour, dont on dut, en 1840, la conservation à l’intervention de M. A. Deville, qui obtint son classement au nombre des monuments historiques. Cette tour a été acquise par l’État en 1867, avec jouissance au profit du département. Une société de souscripteurs, qui avait pris, un an auparavant, le titre de comité de souscription pour le rachat de la tour de Jeanne-d’Arc et pour l’érection d’un monument en son honneur4, a pris les dispositions nécessaires pour la livrer à l’attention des visiteurs.

Le donjon du Vieux-Château aurait, selon quelques historiens, servi de prison à l’héroïne de Domrémy ; mais, suivant M. A. Deville, ce fut là seulement que la Pucelle subit plusieurs de ses interrogatoires ; ce fut là qu’elle fut menacée de la question et qu’elle fit à ses bourreaux ces réponses mémorables que l’histoire a recueillies5. À peu de distance de la rue du Moulinet, et vers

le lieu où arrive l’extrémité de la rue Jeanne-d’Arc, était une autre tour appelée la tour de la Pucelle, et qui paraît, avec plus de vraisemblance, ainsi que l’indique son nom, être celle où Jeanne d’Arc fut renfermée1. Cette tour fut démolie en 1809. On en a découvert les fondations en 1841, en faisant des fouilles pour bâtir des maisons nouvelles.

À l’est du château était la tour du Gascon, au sud de laquelle était celle du Beffroi, qui a donné son nom à une rue voisine2, à peu de distance d’un endroit appelé la Dépense ou la cuve de distribution des fontaines de la ville, qui existait encore dans la rue Bouvreuil avant l’élargissement de cette rue. La porte du château, proprement dite, qui était élevée de quatorze pieds (cinq mètres environ) au-dessus du niveau du chemin, était située près d’une grande maison en pierre placée à gauche des anciens degrés du Bailliage, dans la rue de ce nom. Sous cette maison était primitivement la prison du Bailliage, prison affreuse où l’on renfermait les accusés des plus grands crimes, et qui a été détruite vers la fin du 17e siècle. Une autre porte, appelée la porte de la Basse-Cour, était à l’encoignure de l’ancien hôtel de Raffetot, qui formait lui-même l’angle de la rue du Moulinet et de la rue Morant, et qui a disparu pour le passage de la rue Jeanne-d’Arc. Du côté du faubourg Bouvreuil était la porte du Châtel, appelée depuis la porte des Champs3, qui fut murée après 1443, et que Du Souillet cite sous le nom de porte Gaalor. Enfin, dans l’intérieur de la citadelle était un pont-levis flanqué de deux tours, qui, de la basse-cour, donnait accès dans l’enceinte du château, désignée par Farin sous la dénomination de « pourpris », vieux mot qui signifiait enceinte, enclos, dépendance d’une maison.

Il y avait, au château de Bouvreuil, une chapelle de fondation royale dédiée à saint Romain. C’était précédemment la chapelle des ducs de Normandie, qui y fut transférée lors de la démolition de leur manoir de la Vieille-Tour en 1204, et qui fut donnée en 1222 aux religieux de l’Hôtel-Dieu, par Philippe-Auguste. Cette chapelle, qui fut détruite en même temps que le Vieux-Château en 1590, fut transportée au Vieux-Palais.

La cour de l’Échiquier, qui s’assemblait précédemment dans le cloître de Saint-Gervais, siégea depuis 1207 au Château, qui fut aussi le siége du gouvernement de la province jusqu’à la fin du 16e siècle. En 1423, l’Échiquier fut obligé de tenir ses séances à l’archevêché, et en 1424 à la halle aux Pelletiers, en la Basse-Vieille-Tour1 ; il fut ensuite réinstallé dans une des salles de la porte du château, du côté de la campagne2, jusqu’en 1499, époque où, rendue perpétuelle par Louis XII, cette cour s’assembla, par ordre de ce prince, dans la grande salle de la forteresse, jusqu’en 1507, qu’elle fut définitivement établie dans le Palais-de-Justice, appelé alors le Palais-Royal.

En 1356, le roi Jean arrêta de sa main, au château de Bouvreuil, Charles-le-Mauvais, roi de Navarre, au milieu d’un festin où se trouvaient aussi réunis, avec le dauphin duc de Normandie, plusieurs seigneurs, au nombre desquels étaient le comte d’Harcourt, Jean Malet sire de Graville, le sire de Maubué de Mainemare et Colinet Doublet3. Ces trois derniers furent conduits au Champ-du-Pardon et décapités ; puis leurs corps furent traînés et pendus au gibet, et leurs têtes mises à des lances. L’année suivante, les corps de trois de ces seigneurs furent inhumés dans la cathédrale de Rouen, celui du comte de Harcourt ayant été enlevé secrètement par sa famille4.

Le Vieux-Château, qui avait été vainement assiégé un an auparavant, pendant une émeute populaire où périt le bailli

Raoul de Gaucourt, fut obligé de capituler en 14181, devant Henri V, roi d’Angleterre, auquel la ville de Rouen se rendit après une défense héroïque dirigée par Alain Blanchart, lequel paya de sa vie sa généreuse conduite. Là eut lieu en 1430, ainsi que nous l’avons dit plus haut, la captivité de Jeanne d’Arc, l’un des plus touchants épisodes de l’histoire de France.

Pendant la domination anglaise, cette forteresse fut prise par les Français le 3 mars 1431 : un sieur de Ricarville y pénétra pendant la nuit, et s’en rendit maître avec cent vingt hommes d’élite. Le comte d’Arundel, qui y commandait, n’eut que le temps de se sauver par dessus les remparts ; mais bientôt, assiégés eux-mêmes par les Anglais, Ricarville et ses compagnons durent se rendre à discrétion, et furent mis à mort. La ville ne fut affranchie du joug des Anglais que seize ans plus tard, par Charles VII.

Après être tombé au pouvoir des Calvinistes en 1562, le Vieux-Château dut sa destruction aux guerres de la Ligue : pris en 1590, dans le but de servir la cause de Henri IV, par le marquis d’Alègre, dont les soldats y furent introduits par la trahison du capitaine Louis, qui y commandait2 ; assiégé et repris par le chevalier d’Aumale, qui tenait pour la Ligue, il fut condamné à être démoli ; deux de ses tours et la voûte du portail avaient été déjà détruites par un incendie en 1542.

Un édit de 1594, rendu sur la réduction de la ville de Rouen, avait déclaré que cette citadelle ne serait pas remise sur pied. Lorsqu’on eut commencé sa démolition, les religieux Capucins en prirent possession pendant quelque temps et y construisirent une chapelle. La place fut donnée ensuite aux arquebusiers pour y faire leurs exercices, et les matériaux furent accordés par le roi aux Minimes ; mais, en 1602, la compagnie de la Cinquantaine s’opposa à ce que ces religieux enlevassent les matériaux, et demanda à être maintenue dans la jouissance des terrains du château, en remplacement du clos qu’elle avait sur le rempart. Cet emplacement fut enfin cédé en 1610, comme nous l’avons dit plus haut, à Thomas Morant d’Éterville et à Faucon de Ris, pour y bâtir des maisons.

Les dames religieuses de l’Adoration perpétuelle du Saint-

Sacrement, qui s’étaient établies en 1670 dans la rue Saint-Vigor, et en 1677 dans celle des Arsins, acquirent en 1683 le château de Mathan, dont elles prirent possession l’année suivante. Leur première chapelle, commencée en 1687, et dédiée deux ans après sous le vocable de la Conception de la Vierge, fut incendiée en partie en 1738, et réparée dans les années qui suivirent. Cette communauté ayant été supprimée en 1792, la maison fut employée à différents usages ; l’église fut de nouveau consacrée au culte en 1795, par l’évêque Gratien et par les prêtres constitutionnels, puis elle fut convertie pendant quelque temps en atelier de filature1, où fonctionna l’une des premières pompes à feu qu’on ait vues à Rouen2. Enfin, elle fut restaurée au commencement du 19e siècle, époque où l’établissement fut acquis par les dames Ursulines d’Elbeuf, qui y fondèrent un pensionnat connu sous le nom de pension de Mme Cousin, leur supérieure. Ce monastère, qui avait été en partie dévasté par un incendie le 11 juin 1855, a été restauré l’année suivante. La chapelle publique fut agrandie et inaugurée le 29 mars de la même année.

La communauté des Dames du Saint-Sacrement est actuellement établie dans l’ancienne maison des Minimes, rue Bourg-l’Abbé.

On a donné en 1794, à la rue Morant, le nom de rue Jean-Jacques-Rousseau, et en 1795 celui de Corneille, qu’elle conserva jusqu’en 1818, époque où l’on rétablit le nom de la rue Morant.

Morris (rue). = Rue des Emmurées, rue du Pré. ― 11e section, 6e canton, Saint-Sever. ― Faubourg Saint-Sever.

Cette rue a reçu en 1867 le nom d’un officier distingué né à Canteleu, près Rouen, en 1803. Comme général de division, Louis-Michel Morris s’est couvert de gloire dans la guerre de Crimée et à Solférino.

La rue Morris, qui longe la caserne Bonne-Nouvelle, occupe l’emplacement de l’ancienne rue de la Mare-au-Trou, appelée ainsi à cause de l’existence, dans ce quartier, d’une mare qu’on trouve désignée, dans les Affiches de Normandie de 1768, sous le nom de mare de Mauderville, nom corrompu d’Émendreville.

Motte (rue de la). = Place Bonne-Nouvelle, la campagne vers le Petit-Quevilly. ― 11e section, 6e canton, Saint-Sever. ― Faubourg Saint-Sever.

Cette rue était aussi appelée rue du Château-de-la-Motte, du nom d’un ancien château situé dans un des hameaux du faubourg Saint-Sever1, et sur l’emplacement duquel a été établie, de 1856 à 1859, la maison dite de Bicêtre.

Ce vaste établissement, qui occupe une superficie totale de 46,000 mètres, et qui peut recevoir huit cent trente-quatre prisonniers, a été édifié pour y transférer l’ancienne maison d’arrêt et de correction qui était située dans la rue du Fer-à-Cheval (actuellement la rue Ambroise-Fleury), et dont une dépendance a été convertie en une caserne d’infanterie.

La ferme de la Motte et celles du Grand et du Petit-Aulnay, qui en sont assez rapprochées, appartenaient à l’Hôtel-Dieu, comme on le voit par un acte de tabellionage du 21 mars 1591. Le 4 août 1544, des travaux avaient été ordonnés au Lieu-de-Santé et au Petit-Aulnay, pour y établir des lieux d’évent. Ce dernier lieu ayant été reconnu insuffisant, l’on prit en 1622 des dispositions pour en créer un autre. La ville fit, deux ans après, l’expropriation d’une vide-place contenant huit acres, sise entre le prieuré de Bonne-Nouvelle et le Petit-Quevilly, pour y fonder un second Lieu-de-Santé, dont la construction fut ordonnée le 20 novembre 1652 ; mais ce projet ne fut pas exécuté, d’autres dispositions ayant été adoptées pour la création du nouvel Hôtel-Dieu de la Madeleine.

Moulin-de-Saint-Amand (rue du). = Route de Darnétal, rue des Petites-Eaux-de-Robec. ― 1re section, 5e canton, Saint-Hilaire. ― Faubourg Saint-Hilaire.

Cette petite rue conduit de la route de Darnétal à un ancien moulin qui avait appartenu à la célèbre abbaye de Saint-Amand. Elle est inscrite, dans les plans de 1868 et de 1869, sous le nom de rue Saint-Amand, mais il convient de lui conserver celui de rue du Moulin-Saint-Amand, sous lequel elle figure dans un plan

de 1840, afin d’éviter une confusion avec la rue Saint-Amand qui est située dans la ville. Ce même nom de rue du Moulin-Saint-Amand avait été donné quelquefois à la portion de la rue du Tour qui aboutit des Petites-Eaux à la route de Darnétal. (Voyez rue du Tour.)

Moulin-du-Choc (chemin du).

Ce chemin fait actuellement partie de la rue des Petites-Eaux-de-Robec. C’était le nom de l’un des nombreux moulins du faubourg Saint-Hilaire. On appelle le choc l’écluse par laquelle une partie des eaux de la rivière d’Aubette coule dans celle de Robec, parce qu’à cet endroit les eaux des deux rivières s’entrechoquent ou approchent l’une de l’autre.

Moulin-à-Couteaux (rue du).

C’est le nom d’un ancien moulin dont il est fait mention dans un acte de tabellionage de 1414, où les taillandiers faisaient aiguiser les haches, serpes, etc. On y fabriquait des forces à tondre les draps. Cet établissement était en activité en 1765, sous le titre de manufacture de forces anglaises à tondre les draps et d’outils pour les corroyeurs. Il fut converti en un moulin à alizari.

― La rue du Moulin-à-Couteaux est figurée, dans un plan de 1817, comme allant de la rue du Nid-de-Chien à celle du Cat-Rouge. Elle a été supprimée pour le passage du chemin de fer du Nord.

Moulinet (rue du). = Rue Saint-Patrice, rue Alain-Blanchart. ― 8e section, 2e canton, Saint-Godard pour les numéros pairs ; Saint-Patrice pour les numéros impairs. ― Quartier N.-O.

Le nom de cette rue doit venir, suivant les uns, d’une enseigne du Moulinet qui existait près de là. Il y avait en 1455 une enseigne du Moulinet dans la paroisse de Sainte-Marie-la-Petite1. D’autres l’attribuent à un tourniquet qui était autrefois placé à l’une de ses issues, pendant l’existence du Vieux-Château, ou enfin au voisinage d’un moulin que faisait tourner le cours d’eau qui passait dans la tour du Ravelin2. (Voyez rue Morant.)

On a donné quelquefois à la rue du Moulinet la dénomination

de rue de la Truie, nom que portait une rue voisine actuellement supprimée ; dans les plans de 1655 et de 1724, elle était indiquée comme faisant partie de la rue du Sacre, appelée quelquefois la rue du Coulomb, parce qu’il y existait un hôtel de ce nom. Un acte de tabellionage du 4 décembre 1484 parle d’une rue descendant du Chastel au Coulomb ; un autre acte du 26 juillet 1549 cite une maison bornée par devant la rue du Coullon et par derrière la rue aux Truyes.

Une autre dénomination était donnée encore à la rue du Moulinet : un acte du 11 juillet 1537 fait mention d’une maison bornée d’un bout la rue du Fresne, d’autre bout le presbytère de Saint-Patrice. Un autre acte de 1641 cite aussi une rue Dufresne, autrement du Moulinet.

Dans le haut de cette rue, à gauche1, était la maison de M. de Franquetot, président au Parlement de Normandie ; au-dessus était celle de M. de Vagnon, sur l’emplacement de laquelle a été ouverte la rue Alain-Blanchart. En face, au coin de la rue Morant, était l’hôtel de Raffetot, qui a été détruit pour le passage de la rue de l’Impératrice (actuellement la rue Jeanne-d’Arc).

En 1794, on donna à la rue du Moulinet le nom de rue de Jeanbart ; elle reprit en 1795 sa précédente dénomination.

Muette (passage de la).

On donnait ce nom à un passage qui existait au-dessous de l’église de Saint-Laurent, entre la rue de l’École et celle de l’Écureuil. ― On appelait aussi passage de la Muette, du nom de l’enseigne d’un magasin de nouveautés, une maison par laquelle on communiquait de la rue Ganterie dans celle de l’Écureuil.

Murs-Saint-Ouen (rue des).

Cette rue, qui n’existe plus, et dont l’origine remontait au milieu du 13e siècle, avait tiré son nom des murs de clôture qui entouraient la cour de Saint-Ouen, et qui furent démolis de 1816

à 1820. (V. place de l’Hôtel-de-Ville.) — On lui avait donné anciennement le nom de rue des Nattiers, provenant probablement des fabricants ou marchands de nattes qui l’habitaient. L’usage des nattes était autrefois très fréquent ; on les employait pour le coucher des prisonniers. Dans un acte du Parlement, on voit que les vieilles nattes de la cour étaient données aux prisonniers de la Conciergerie.

La rue des Murs-Saint-Ouen, à laquelle fut réunie celle du Petit-Porche, reçut en 1794 le nom de rue de la Fontaine-Neuve. Les deux rues reprirent chacune leur ancienne dénomination en 1795. Cette désignation de rue de la Fontaine-Neuve venait de la fontaine dite des Murs-Saint-Ouen, alimentée par la source de Gaalor, qui fut établie en 1733 vis-à-vis de la rue de la Seille, et qui fut démolie en 1819 avec le mur auquel elle était adossée, par suite de la suppression d’un jardin voisin, dont le sol fut nivelé pour rendre la place de l’Hôtel-de-Ville plus régulière. Sur cette fontaine, aujourd’hui remplacée par une borne en fonte que l’on voit à quelques pas au-dessous, était une inscription latine qui a disparu en 17921.

Murs-Saint-Yon (rue des). = Route de Caen, rue de la Pucelle. — 11e section, 6e canton, Saint-Clément. — Faubourg Saint-Sever.

Cette rue a pris son nom des murs qui environnent l’emplacement de Saint-Yon, occupé actuellement par l’Asile des Aliénés. (V. rue Saint-Julien.)

Musées.

Le Musée de peinture, qui occupe, avec la Bibliothèque publique, l’étage supérieur de l’Hôtel-de-Ville, a été établi en vertu d’un arrêté du 1er septembre 1801. Il fut ouvert au public le 4 juillet 1809. Il renferme une belle collection de plus de cinq cents tableaux des écoles française, italienne, hollandaise et espagnole, dont quelques-uns ont été donnés par le gouvernement, et dont le plus grand nombre provient des églises et des maisons religieuses de la ville et du département, qui furent supprimées à l’époque révolutionnaire. Ce bel établissement, l’un des plus complets de France, possède des œuvres des plus

grands maîtres, tels que Raphaël, Annibal Carrache, et de nos peintres rouennais Jouvenet, le Poussin, Lemonnier, Sacquespée et autres. Plusieurs statues en marbre et en plâtre, placées au Musée et dans les diverses galeries de l’Hôtel-de-Ville, des bustes représentant quelques personnages illustres et des artistes célèbres, enrichissent encore ce précieux dépôt, qui fut confié dans l’origine aux soins de Jean-Baptiste Descamps, fils du fondateur de l’école de Dessin, et à ceux de C.-J.-F. Lecarpentier, auquel on doit la conservation de la plupart des tableaux du Musée, et qui y consacra gratuitement plus de dix-sept années.

C’est à notre compatriote Lemonnier, peintre du roi, que l’on doit la première distribution du Musée de Rouen, qui possède dix de ses tableaux. Deux autres productions du même artiste sont dans les salles du Tribunal de Commerce. Le 7 janvier 1819, dit l’auteur du Dictionnaire indicateur, M. Élie Lefebure, maire, fit, en présence des adjoints, du conseil municipal, et de députations des Sociétés savantes, réunis au Musée, l’inauguration d’un nouveau tableau, les Adieux d’Ulysse et de Pénélope à Ycarius, dont M. Lemonnier avait fait présent à la ville. Lors de cette cérémonie, M. le maire remit à l’artiste, à titre de récompense municipale, une somme de 3,000 fr. et une bourse de 400 jetons.

La première exposition annuelle des Beaux-Arts a eu lieu au Musée de Rouen en 1833. Ce musée a été, en 1855, l’objet d’une restauration générale, la première depuis l’époque de sa création.

— Le Musée départemental d’Antiquités, situé dans l’enclave de Sainte-Marie, entre la rue de la République et la rue Beauvoisine, a été créé en 1832 et livré au public en 1834. Établi d’abord dans deux galeries dépendant du cloître de cet ancien couvent, il a été agrandi en 1857 par l’adjonction de deux salles qui étaient consacrées à l’enseignement de la chimie avant la construction des bâtiments de l’École supérieure, et il a reçu de nombreuses améliorations.

Les fouilles qui avaient été opérées au théâtre romain de Lillebonne ont fourni les premiers éléments de cette importante collection, qu’ont accrue successivement des dons particuliers et le produit de nouvelles découvertes faites dans notre ville et sur plusieurs points du département, sous les auspices de la Commission

des Antiquités, dont la fondation remonte à 1818 et à 1821. Ce musée renferme des statues, des sarcophages, des fragments d’architecture, des vases et des médailles, des collections de poteries, des vitraux, des armes, des meubles et ustensiles, etc. La plus grande partie de ces précieux débris de tous les âges est réunie dans trois grandes galeries et de vastes salles, auxquelles ont été donnés, en 1867, les noms des archéologues distingués qui, à différentes époques, ont présidé à l’organisation de ce bel établissement : MM. A. Deville, H. Langlois, André Pottier et l’abbé Cochet. Une cour intérieure et une salle de dépôt complètent ce musée, qui est devenu encombré au point de faire songer à y ajouter une nouvelle galerie, et même de faire naître la proposition de fonder une succursale dans l’ancienne église de Saint-Laurent, sous le titre de Musée historique et archéologique.

— Le Muséum d’histoire naturelle, créé d’abord en 1827 par l’administration municipale, ne fut livré qu’en 1832 à la curiosité publique, et s’accrut assez rapidement pour nécessiter, douze ans après, l’adjonction d’une nouvelle galerie. Ce musée, qui fut encore augmenté en 1858, occupe, dans l’enclave de Sainte-Marie, une partie de l’étage supérieur de cet ancien monastère. C’est une des collections les plus remarquables de la province ; elle renferme de nombreuses coquilles et quelques mammifères d’une grande rareté.

— Un Musée municipal de céramique rouennaise, composé des spécimen de l’industrie de la faïence, a été installé également à Sainte-Marie en 1864. Il est attenant au Musée d’antiquités, dont il occupe une des galeries, appelée la galerie André-Pottier, du nom de son fondateur.

— Un Musée archéologique a été ouvert, depuis quelques années, dans l’hôtel des Sociétés savantes, rue Saint-Lô, par M. J.-M. Thaurin, leur bibliothécaire, décédé à Rouen en novembre 1870. Ce Musée local des Antiquités de Rothomagus, appelé ainsi par son fondateur, renferme des antiquités gauloises, des poteries normandes, et se compose, suivant l’indication donnée par l’Almanach de Rouen, de 12 à 15,000 pièces céramiques, numismatiques, industrielles et artistiques, trouvées toutes dans le sol du vieux Rouen, à l’histoire duquel elles se rapportent pendant plus de trois mille ans.

— Enfin, un Musée d’industrie historique et pratique a été créé

en 1861 par la Société libre d’Émulation du Commerce et de l’Industrie de la Seine-Inférieure, et a été ouvert au public en 1868. L’Association normande avait déjà, dès 1840, mis à la disposition de M. J. Girardin, inspecteur divisionnaire, une somme de 200 fr. pour commencer à former à Rouen un musée destiné à renfermer les produits industriels de notre département. Le Musée d’industrie est installé dans une des salles de l’hôtel des Sociétés savantes, rue Saint-Lô, en attendant que l’on ait trouvé un local où cette utile institution puisse recevoir les développements dont elle est susceptible.

Nous signalerons un emplacement qui nous semblerait de nature à remplir ce but. On peut remarquer le disgracieux effet que produit, au nord de la promenade de la Bourse, l’aspect des maisons de la rue des Charrettes. Le vide qui se trouve entre les Consuls et la rue Jacques-Lelieur a aussi l’inconvénient de rompre la perspective des quais. Plusieurs fois on a émis le vœu qu’une annexe fût édifiée pour agrandir de ce côté le palais du Commerce. La construction, sur l’alignement du cours Boïeldieu, d’une vaste salle surmontant des arcades ou galeries, qui, au besoin, serviraient d’abri ou de lieu de promenade, offrirait un emplacement avantageux pour l’installation du Musée industriel. On y pourrait classer, en outre, des échantillons d’industrie étrangère, exposer des collections de modèles d’articles de fabrique propres à l’exportation, et réunir enfin des instruments et autres objets intéressant l’industrie et le commerce de notre ville. Plus tard, cette annexe pourrait être complétée sur les deux rues voisines.

Napoléon (quai), voyez quai de Paris.

Napoléon III (rue et place), actuellement rue et place d’Amiens1. = Place Eau-de-Robec, boulevard Martinville. — 6e section, de la place Eau-de-Robec à la rue du Ruissel ; 3e section, de là au boulevard ; 3e canton, depuis la place Eau-de-Robec jusqu’à la rue Ambroise-Fleury ; 4e canton, de là au boulevard ; paroisses : Saint-Maclou, pour les deux côtés de la rue jusqu’à la rue Ambroise-Fleury, ensuite le côté sud jus-

qu’au prolongement de la rue Édouard-Adam ; Saint-Vivien, pour le reste de la rue jusqu’au boulevard. — Quartier S.-E.

Un arrêté du maire de Rouen, en date du 25 septembre 1870, a donné le nom de rue d’Amiens à celle qui avait été appelée précédemment rue Napoléon-III, en vertu d’un arrêté du 15 août 1853.

L’ouverture de cette voie, dont la longueur est de plus de sept cents mètres depuis la place Eau-de-Robec jusqu’au boulevard Martinville, et qui établit une ligne directe de treize cent soixante mètres à partir de la rue des Carmes jusqu’à la rue Préfontaine, a fait disparaître d’anciennes rues étroites et insalubres, telles que celles du Battoir, des Arpenteurs, des Canettes, des Trois-Cornets, du Nouveau-Monde, etc. Elle contribue, avec les rues Ambroise-Fleury et Édouard-Adam, et avec d’autres rues nouvellement élargies et alignées, à assainir une partie de ce qu’on appelait, avant 1852, les bas quartiers de la ville.

Établie d’abord jusqu’à l’ancienne maison de Bicêtre, cette rue a été prolongée, en 1866, jusqu’au boulevard Martinville, où elle arrive en face de la gare du chemin de fer du Nord, et communique avec la nouvelle route de Lyons-la-Forêt (chemin de grande communication no 42).

Une caserne d’infanterie a été installée, vers 1854, dans l’emplacement occupé précédemment par la Maison de détention. Devant l’une des portes d’entrée de cette caserne est une petite place plantée qui a supprimé totalement la tortueuse rue des Arpenteurs, et qui a reçu aussi, par l’arrêté du 25 septembre 1870, le nom de place d’Amiens.

Une rangée d’arbres a été placée en 1856 le long des murs de la caserne, et s’étend jusqu’au boulevard, en longeant les dépendances de l’Hospice-général, aujourd’hui dégagé en plus grande partie des chétives habitations qui en obstruaient les abords. Enfin, un carrefour, offrant une superficie d’environ quatorze cents mètres, est formé par l’intersection de la rue d’Amiens avec la rue Édouard-Adam et avec celle des Prés-Martinville.

Les divers travaux dont l’ouverture de cette rue a été l’objet ont amené la découverte, en 1858 et en 1860, dans les environs de la place Eau-de-Robec, de débris d’hypocauste, de tuiles à rebords, d’une hachette en silex, etc.1

À l’extrémité de la rue d’Amiens, entre la rue Édouard-Adam et le boulevard Martinville, est un terrain appelé le Pré-Tuilleau, qui a été cédé à la ville de Rouen par l’administration des hospices, et dans lequel s’opèrent des travaux de terrassement, dans la vue d’occuper des ouvriers sans travail, et de le convertir, dit-on, en une promenade ou un jardin public.

Nationale (rue). = Quai de la Bourse, rue aux Ours. — 9e section, 1er canton ; Saint-Vincent pour les numéros impairs depuis le Port jusqu’à la rue des Charrettes ; la Cathédrale, pour le reste de la rue. — Quartier S.-O.

Cette rue, qui comprend, depuis 1794, les anciennes rues de l’Estrade et de Saint-Pierre-du-Châtel a été ouverte, en avril 1791, à travers l’emplacement du couvent des Cordeliers ; elle a été continuée jusqu’à la rue aux Ours en 1830.

Nous n’avons pas de connaissance que la rue Nationale ait porté, même momentanément, le nom de rue Mirabeau, qu’on avait proposé de lui donner au moment de son ouverture.

Le vaste magasin à plusieurs étages que l’on voit dans cette rue, à droite en montant au-dessus de la rue des Charrettes, est un reste de la grande et belle église de l’ancien couvent des Cordeliers (voyez p. 150). Sa construction datait du 13e siècle.

Dans le haut de la rue Nationale, à gauche, est l’ancienne église de Saint-Pierre-du-Châtel, dont la principale entrée était dans la rue des Cordeliers. L’origine de cette église passe pour remonter à la conversion de Rollon. Son nom indique la place où fut bâti le premier château des ducs de Normandie, qui était alors à l’une des extrémités de la ville, et était baigné par les eaux de la Seine. Ce château appartint ensuite aux comtes de Tancarville. L’église, qui n’était primitivement qu’une chapelle, fut reconstruite dans le courant du quinzième siècle, et érigée en paroisse. Elle n’est plus, depuis 1791, à l’usage du culte, et sert actuellement de magasin. Sa tour carrée, qui subsiste encore dans son entier, est un des plus curieux monuments du moyen-âge que renferme notre ville ; on y remarque plusieurs statues colossales qui appartiennent à l’époque de la reconstruction de l’édifice. Une porte latérale, précédée d’un petit porche, existait en face de la rue aux Ours. Le logement qui y avait été établi a été longtemps occupé par des prostituées du plus bas étage, et fut détruit en 1860.

La fontaine que l’on voit à l’angle de la rue Nationale et de celle des Charrettes, était, avant la révolution, dans le jardin des Cordeliers, et y coulait depuis l’année 1257. On l’appelle encore la fontaine des Cordeliers.

Nationale (petite rue). = Rue Nationale, rue Jacques-Lelieur. — 9e section, 1er canton, la Cathédrale. — Quartier S.-O.

Cette petite rue, qui fut ouverte à peu près dans le même temps que la précédente, en a pris le nom.

Néel (cité de), dans le faubourg Saint-Sever. — 11e section, 6e canton, Saint-Clément.

Ce nom a été donné, par les propriétaires du terrain, à un quartier projeté dans le faubourg Saint-Sever, entre la rue Méridienne, la rue d’Elbeuf, celle de la Mare-du-Parc et la rue de Grainville, qui fait partie de la commune de Sotteville. Ce quartier, dont la rue du Vieux-Château est le centre, doit être percé de rues pour lesquelles on a déjà choisi les noms de rues de Néel, de Cauville, de Saint Henri, de Saint-Paul, de Sainte-Constance et de Sainte-Mathilde, qui sont ceux de chacun des membres de la famille de Néel.

Une proposition, soumise récemment à l’examen du conseil municipal, aurait pour but de destiner ce vaste emplacement à la création d’habitations convenables pour la classe ouvrière, au centre desquelles seraient établis le marché aux bestiaux, des bains et des lavoirs publics, etc.

Neufchâtel (route de). = Place Beauvoisine, la campagne vers le Boisguillaume. — 4e section, 5e canton, Saint-Romain. — Faubourg Beauvoisine.

Ouverte vers 1780, cette route a pris son nom de la ville de Neufchâtel, à laquelle elle conduit. On la désigne aussi sous celui de route d’Amiens. On donne le nom de barrière de Lille à la barrière de l’octroi qui forme de ce côté la limite de la ville.

Sur le bord de cette route, à droite, est la chapelle du couvent des dames d’Ernemont. (V. p. 206.) Plus loin, à gauche de la route, est le cimetière Beauvoisine. (Voyez p. 136.)

Il est question, depuis plusieurs années, d’un projet de recti-

fication de la route de Neufchâtel, pour lui donner une pente plus douce. Le nouveau tracé, faisant face à la rue Jeanne-d’Arc, passerait à gauche de la rue Ernest-Leroy, traverserait la rue Maladrerie, à la hauteur de la gare du chemin de fer, qui pourrait être agrandie de ce côté, puis la rue Malatiré, et rejoindrait l’ancienne route, près de la mairie du Boisguillaume, en suivant la pente des vallons qui dominent la ville.

Neuf-Marché (le).

C’est le nom que portait, au 15e siècle, la cour du Palais-de-Justice, qui avait fait partie de l’ancien clos aux Juifs, et dans laquelle avait été transféré le marché qui se tenait précédemment sur le parvis de Notre-Dame. Ce Neuf-Marché fut reporté en 1515 en dehors du Palais-de-Justice, sur la place appelée actuellement la place Verdrel. (Voyez ce nom.)

Dans un acte de tabellionage de 1423, il est fait mention de l’une des portes de pierre dudit Neuf-Marché, avec la vousseur joignant près d’un héritage appartenant à Pierre Richier, à l’endroit de devant l’ostel de la Poterne. Il s’agit ici de la voûte qui conduit de la cour du Palais à la rue Saint-Lô, en face de l’hôtel de la Présidence, actuellement appelé l’hôtel des Sociétés savantes. Un autre acte, du 25 juin 1527, concerne une maison bornée d’un côté la bucherie de MM. du Parlement, d’un bout la cour des Loges, d’autre bout les échopes de la ville estant dans la cour du Palais, la dite cour appelée anciennement le Neuf-Marché. (Voyez Palais-de-Justice.)

Neuve (rue).

Cette rue Neuve, qui paraissait exister dès l’année 1531 (V. rue du Chaudron), a été supprimée pour l’ouverture de la rue Napoléon-III, actuellement la rue d’Amiens. Elle communiquait de la rue de la Grande-Mesure à celle du Ruissel.

Neuve-Beauvoisine (rue). = Rue Beauvoisine, boulevard Beauvoisine. — 8e section, 2e canton, Saint-Romain. — Quartier N.-O.

Cette petite rue a pris son nom de sa situation entre la rue Beauvoisine et le boulevard.

Neuve-Massacre (rue). = Rue Thouret, rue Massacre. — 9e section, 1er canton, la Cathédrale. — Quartier S.-O.

On donnait aussi le nom de rue Projetée-Massacre à cette petite rue qui, sous la dénomination de rue Neuve, fut ouverte vers 1806 sur l’emplacement, se prolongeant jusqu’à la rue aux Juifs, de la partie de l’ancien Hôtel-de-Ville où fut fondée l’ancienne bibliothèque de l’Académie des sciences de Rouen.

On donnait aussi quelquefois la dénomination de petite rue ou passage Massacre, au passage actuel de l’ancien Hôtel-de-Ville, qui tend de la rue Neuve-Massacre à celle de la Grosse-Horloge.

Il serait à souhaiter que, pour cette rue comme pour toutes celles dont le nom est précédé de la désignation de Neuve, lesquelles, à la longue, deviennent elles-mêmes des rues fort anciennes, on trouvât d’autres dénominations à leur donner, afin d’éviter les erreurs qu’entraîne la répétition du même nom pour des rues différentes. Nous émettons le vœu que l’on donne à la rue Neuve-Massacre le nom de l’abbé Louis Legendre, né à Rouen en 1655, mort à Paris en 1733, qui occupe le premier rang parmi les bienfaiteurs de la plus ancienne des sociétés savantes de notre ville.

Neuve-Tuvache (rue). = Rue de la République, rue Malpalu. — 7e section, 3e canton, Saint-Maclou. — Quartier S.-E.

Cette petite rue, qui relie la rue de la République à la rue Tuvache devrait porter le même nom, sans autre désignation.

Neuve-des-Arsins (rue). = Place des Carmes, rue de l’Hôpital. — 7e section, 3e canton, Saint-Ouen. — Quartier S.-E.

C’est le prolongement de la rue des Arsins jusqu’à la place des Carmes. À ce nom, qui n’a aucune signification, on devrait substituer celui de rue de Saâne, qui rappellerait le souvenir du fondateur de l’hôpital du Roi. (Voyez p. 288.)

Neuve-des-Prés (rue).

Cette rue a été supprimée en 1865, par suite de l’établissement des rues d’Amiens et Édouard-Adam. — Elle avait été ouverte au

milieu du siècle dernier, sur un emplacement connu sous le nom de Jardin-au-Blanc (voyez ce nom). On l’avait appelée la rue Neuve-des-Prés, parce qu’elle joignait immédiatement la rue des Prés-Martinville, laquelle tirait elle-même son nom des prairies situées autrefois dans ce quartier, et dont il reste encore le Pré-Tuilleau, limité par les rues des Prés et d’Amiens, et par le boulevard Martinville.

Neuve-Saint-Godard (rue).

On donnait ce nom, ainsi que celui de rue Saint-Godard, à un passage conduisant de la rue Boutard à la rue Beffroy, passage confondu maintenant avec la place qui est devant l’église. (Voyez place Saint-Godard.) Cette petite rue fut appelée, en 1794, le passage des Scythes.

Neuve-Saint-Marc (rue). = Place Saint-Marc, rue de la Chèvre. — 6e section, 4e canton, Saint-Maclou. — Quartier S.-E.

Nous avons déjà la place et la rue Saint-Marc. Il serait préférable qu’une autre dénomination fût donnée à la rue Neuve-Saint-Marc, telle, par exemple, que celle de la chapelle qui existait encore au commencement du 19e siècle près du clos Saint-Marc, qu’on appelait aussi le clos du Puits ; ou bien le nom de rue du Fief-du-Tot, fief dont ce clos faisait autrefois partie, et sur les dépendances duquel la rue Neuve-Saint-Marc a été ouverte.

Neuve-Saint-Patrice (rue). = Rue Saint-Patrice, boulevard Jeanne-d’Arc. — 8e section, 2e canton, Saint-Patrice. — Quartier N.-O.

D’après un plan de 1784, ce n’était d’abord qu’une impasse qui conduisait à l’église de Saint-Patrice. Cette impasse ayant été prolongée plus tard jusqu’au boulevard, elle porta pendant longtemps le nom de passage ou de petite rue Saint-Patrice. Près de là était la tour Bigot, qui fit partie des anciennes fortifications de la ville, et dont on pourrait conserver le souvenir en donnant à la rue Neuve-Saint-Patrice le nom de rue de la Tour-Bigot.

Nous ignorons si c’est là qu’était la rue du Trou-Saint-Patrice, qui est citée par Taillepied, et qui devait se trouver dans le

voisinage de cette église paroissiale. Voici l’explication de cette dénomination, telle qu’on la trouve figurée sur un des vitraux de l’église1.

L’apôtre de l’Irlande, s’étant retiré sur une haute montagne, y passa quarante jours dans les plus grandes austérités et sans prendre aucune nourriture. Il obtint de Dieu, en récompense, la permission de voir la multitude d’ames qu’il avait retirées des ténèbres du paganisme. En présence d’un grand nombre de fidèles réunis au pied de la montagne, il frappa la terre de son bâton pastoral, et aussitôt il se fit une ouverture profonde et obscure, par laquelle les assistants entendirent des cris et des plaintes provenant de personnes qui semblaient éprouver de vives douleurs. Le lieu témoin de ce fait conserva le nom de puits ou de purgatoire, ou le nom plus trivial de Trou-Saint-Patrice.

Dans cette rue est le nouveau couvent des dames Carmélites, qui ont pris possession d’une maison fondée en 1651 pour une communauté de prêtres, indiquée dans les plans de 1655 et de 1424 sous le titre de séminaire. Les religieuses Carmélites, ainsi appelées du nom de Notre-Dame-du-Mont-Carmel, qui était patronne de leur monastère, vinrent s’établir à Rouen en 1609, d’abord dans la rue des Champs-Maillets, puis dans celle du Grand-Maulévrier, près du collége des Jésuites, et enfin, en 1622, sur la place qui porta leur nom, et où depuis a été ouverte la rue Dulong actuelle. Ce monastère avait été commencé en 1614, et leur église, terminée en 1627, avait été consacrée en 1651 sous le nom de l’Assomption-de-Notre-Dame2. Le monastère et l’église furent démolis depuis 1792. Rétablies en 1854 dans la rue Neuve-Saint-Patrice, les dames Carmélites y ont fait construire une nouvelle chapelle.

Les sœurs de la Miséricorde, dont le monastère est sur la place de la Madeleine, ont établi, depuis 1852, dans la rue Neuve-Saint-Patrice, une école primaire libre pour les filles.

Neuve-Saint-Vivien (rue). = Rue Saint-Vivien, rue Orbe. — 2e section, 4e canton, Saint-Vivien. Quartier N.-E.

Cette rue traverse l’emplacement qu’occupait, au 18e siècle,

le cimetière Saint-Vivien, dont le nom aurait dû lui être conservé. (Voyez rue Tabouret.) Elle a été ouverte en 1821.

Nid-de-Chien (rue du).

Cette rue se trouve actuellement confondue avec la rue de la Petite-Chartreuse, à laquelle elle fait suite.

Le hameau du Nid-de-Chien, nommé aussi autrefois le Fief-du-Lion, est situé dans l’ancienne paroisse de Saint-Gilles-de-Repainville, et dans le carrefour formé par les rues de la Petite-Chartreuse, Préfontaine et du Nid-de-Chien. C’est un ancien fief où les premiers ducs de Normandie laissaient ordinairement leur meute pour la reprendre quand ils allaient à la chasse. Le nom de ce hameau est indiqué dans un des actes de tabellionage du 15e siècle ; un acte de 1463 cite un immeuble en hamel de Ny-de-Quien, dans la rue de Ny-de-Quien.

Il y eut autrefois au Nid-de-Chien un hôpital qui faisait partie de l’hôtel-Dieu de la Madeleine (voyez Hôtel-Dieu). Un pont placé au bout de la rue de ce nom, sur la rivière d’Aubette, portait, au 16e siècle, la dénomination de pont du Glageolet.

Ce hameau est aujourd’hui traversé par le chemin de grande communication no 42, et par le passage du chemin de fer du Nord.

— Il y avait aussi, dans le faubourg Bouvreuil, un lieu appelé le Nid-de-Chien, comme le constate un acte de tabellionage du 23 mai 1506, concernant une maison et jardin au forbourg Bouvreul, bornée d’un bout la sente tendant du Ny-de-Quien à Saint-Mor.

Nitrière (passage de la). = Boulevard ou place du Champ-de-Mars, place Saint-Marc. — 3e section, 4e canton, Saint-Maclou. — Quartier S.-E.

Un plan de 1784 désigne sous le nom de la Salpêtrière un vaste local que traverse actuellement ce passage, et dans lequel fut établi, pendant l’époque révolutionnaire, l’atelier de salpêtre dit de la Montagne, devenu plus tard la Nitrière impériale. Cet emplacement fut mis en location en 1818.

De là le nom que porte ce passage et celui de boulevard de la Nitrière que l’on donnait quelquefois au boulevard et à la place du Champ-de-Mars.

Noces (rue des). = Route neuve du Havre, avenue du Mont-Riboudet. — 12e section, 5e canton, la Madeleine. — Faubourg Cauchoise.

On l’appelait autrefois la rue du Noc, à cause d’un lieu appelé le fossé du Noc, près du moulin de Bapeaume. Un acte de tabellionage de 1520 fait mention de la vente faite de deux pièces de pré nommées « les Noes », assises en la paroisse Saint-Gervais, tenant d’un côté aux religieux de Fécamp, et d’autre bout à la rivière de Seine. « Noe », en vieux langage, signifie gouttière, conduit pour les eaux ; il sert à désigner aussi une espèce de pré bas. Cette expression « noc, nau », est encore employée en Basse-Normandie pour indiquer un canal destiné à l’écoulement des eaux. C’est de là que la rue a dû recevoir son nom, qu’on a alongé pour en faire la rue des Noces. Telle est l’origine la plus sérieuse que nous puissions donner à la dénomination actuelle de cette rue, dénomination qui a été autrement interprétée dans une note manuscrite du spirituel auteur des Recherches sur Rouen1.

Nord (rue du). = Rampe Beauvoisine, rue Jouvenet. — 4e section, 5e canton, Saint-Romain. — Faubourg Beauvoisine.

Cette rue, percée depuis le nivellement et la plantation des boulevards, fut d’abord appelée rue Thiroux, du nom de M. Thiroux de Crosne, ancien intendant de la généralité de Rouen, auquel notre ville fut redevable de la création du quartier neuf de Cauchoise et d’une partie des boulevards. On lui donna en 1794 le nom de rue du Nord, à cause de sa position au nord de la ville.

C’est dans cette rue que demeurait le savant abbé Gossier2, qui a laissé aux sociétés savantes des dotations destinées à la fondation de prix annuels pour l’encouragement du progrès dans les sciences et les arts. Il y aurait là un motif suffisant pour déterminer l’administration municipale à donner le nom de l’abbé Gossier à la rue du Nord.

— L’impasse du Nord, dans la rue Jouvenet, forme la continuation de la rue du même nom. Enfin, le nom de sente du Nord avait été donné en 1794 à la sente Bihorel.

Notre-Dame (rue).

C’est le nom qu’a porté pendant plusieurs siècles la rue des Arpents, comme nous l’avons dit à l’article qui concerne cette rue (voyez page 10). Outre l’origine qui est attribuée à ce nom, nous rapporterons celle que donne la Relation des troubles excités à Rouen par les Calvinistes au 16e siècle, relation publiée dans la Revue rétrospective normande. Il y avait, dit le témoin oculaire auquel on doit ce récit, vers l’an 1545, au bas de cette rue, une image de la Vierge bien antique, sur le porche d’une maison, laquelle image fut abattue ; et je croy que ladite rue prenoit son nom à cause de l’image. L’écrivain ajoute que, bientôt après cette image fut rétablie en grande pompe, et qu’il y eut à cette occasion une procession générale dans la ville.

Nouveau-Monde (rue du). = Rue du Petit-Quevilly, route de Caen. — 11e section, 6e canton, Saint-Clément. — Faubourg Saint-Sever.

Une rue de ce nom existait aussi dans le quartier Martinville. C’était une de celles qui furent percées, vers le milieu du siècle dernier, sur un terrain connu sous le nom de Jardin-au-Blanc (voyez ce mot). Elle a été supprimée en 1866 pour la jonction de la rue d’Amiens avec la rue Édouard-Adam.

— Une troisième rue du Nouveau-Monde se trouvait au bas de la rue Malpalu, et près de la place des Avirons ; elle a été supprimée lors de l’établissement de la place de la République. La dénomination de cette rue semblait provenir d’une enseigne de l’Île-du-Brésil que l’on voyait dans le bas de la rue Malpalu, et sur laquelle était représentée une exploitation de bois du Brésil, à l’usage des négociants qui entretenaient des relations avec le Nouveau-Monde1.

de rue Champêtre. Elle s’arrêtait d’abord à la rue de Bellevue, et a été prolongée jusqu’à celle des Marronniers.

Nouvelle (rue). = Rue de la Mare-du-Parc, rue Méridienne. — 11e section, 6e canton, Saint-Clément. — Faubourg Saint-Sever.

Ce que nous avons dit au sujet des rues dites Neuves, s’applique aussi aux rues Nouvelles, qui sont exposées à devenir très anciennes si l’on ne se décide à leur donner d’autres dénominations. Cette mesure serait d’autant plus utile, qu’il existe deux rues Nouvelles dans deux quartiers bien différents.

Ne pourrait-on donner à chacune d’elles un de ces noms chers à nos souvenirs, et pour l’adoption duquel il n’y aurait que l’embarras du choix ? Parmi ces noms, nous proposerons ceux de Nicolas Mesnager et de l’abbé de Vertot. Le premier, né à Rouen en 1658, mort à Paris en 1714, avait représenté la France près de la cour de Londres, et signa en 1713 le traité de paix d’Utrecht1. L’abbé de Vertot (Réné-Auber d’Aubeuf), né dans le pays de Caux en 1655, mort à Paris en 1735, est l’auteur des Révolutions romaines, de celles de Portugal et de Suède, et a laissé de nombreux ouvrages justement estimés.

Octroi municipal.

On appelle Octrois les taxes mises sur les objets destinés à la consommation intérieure des villes et des communes. Le nom de cet impôt vient de ce qu’il était perçu en vertu d’une concession octroyée par le souverain aux villes, pour subvenir à des dépenses locales. On reporte au 14e siècle les concessions d’octroi2. L’existence de cet impôt à Rouen, dès les premières années du 16e siècle, est constatée par les registres du parlement : en 1503, le fermier de l’Octroi réclama une indemnité fondée sur ce que, par crainte de la peste, beaucoup d’habitants avaient quitté la ville, que les juridictions avaient suspendu le cours de la justice, et que les États du pays étaient tenus à Louviers.

Il y avait à Rouen, au 18e siècle, une chambre et un bureau

d’octroi de ville, et une chambre de l’octroi des marchands. On commença, le 23 septembre 1803, la perception d’une taxe de navigation établie sous la dénomination d’octroi de bienfaisance1. Cette taxe fut remplacée, en vertu de la loi du 28 avril 1816, par un impôt communal sur les boissons. Déjà cet impôt avait été institué précédemment, d’abord pour subvenir à la dépense de la construction projetée d’un pont sur la Seine ; il vint par la suite en aide aux plus pressants besoins de l’Hôtel-Dieu pendant les ravages de la peste, et son produit servit enfin à payer les frais de construction du palais de la première présidence. (Voyez rue Saint-Lô.)

— Les bureaux de l’administration de l’Octroi occupèrent longtemps un vaste hôtel qui était situé entre la rue des Charrettes et l’ancienne rue des Ramassés, laquelle fut supprimée pour l’élargissement du port. Lors de l’ouverture de la rue de l’Impératrice, devenue aujourd’hui la rue Jeanne-d’Arc, cet hôtel a été reconstruit. Il renferme, outre la direction de l’Octroi et celle des Contributions indirectes, les bureaux de la Régie des poids et mesures publics, qui étaient précédemment dans le bâtiment de l’ancienne Vicomté. Un Dépotoir public, qui a son entrée par la rue des Charrettes, fonctionne dans l’enceinte de la direction des poids et mesures.

Le nombre des bureaux placés à l’entrée des rues de la ville, pour la perception des droits d’octroi, est de soixante-deux.

— On avait donné le nom de rue de l’Octroi à une petite rue qui a été ouverte depuis l’établissement des magasins de l’Entrepôt du commerce pour les faire communiquer avec le port. Continuée depuis jusqu’à la rue des Charrettes, cette rue porte actuellement le nom de cour des Entrepôts.

Orange (rue de l’).

Du Souillet et le Flambeau astronomique de 1716 citent une rue de ce nom près de la rue du Pavillon, joignant le rempart qui aboutissait au bureau des Pauvres valides, et qui devint plus tard la rue Neuve-des-Prés. Taillepied l’appelle rue des Oranges. Il n’en reste aucune trace.

Orbe (rue). = Place de la Croix-de-Pierre, rues de l’Épée et Bourg-l’Abbé. — 2e section ; 2e canton, depuis la rue Bourg-l’Abbé jusqu’à la rue Poisson ; 4e canton, pour le reste de la rue ; Saint-Nicaise pour les numéros pairs ; Saint-Vivien pour les numéros impairs. — Quartier N.-E.

Cette rue est souvent mentionnée dans divers titres et dans plusieurs actes de tabellionage du 14e et du 15e siècle, sous le nom de rue d’Orberue. Un acte du 23 mars 1423 cite une maison dans la rue qui aboute à la Croix-de-Pierre, au bout de bas de la rue des Champs, le pavé de la rue d’Orberue. On la trouve inscrite rue Dorbanne ou Dorbesne, dans des actes de 1419, probablement par corruption du mot d’Orberue. Un acte antérieur à 1438 lui donne le nom de grande rue Saint-Nicaise1. Dans les plans de 1655 et de 1724, et dans plusieurs ouvrages, on l’appelle la rue Noble2, la Noble-rue. La nomenclature de Du Souillet porte la rue Orbe, dite rue Noble, depuis la Croix-de-Pierre jusqu’aux Minimes.

Nous ne connaissons rien de certain concernant l’étymologie du nom de cette rue, qui existait déjà au 13e siècle3. Comme elle décrit, en quelque sorte, une portion de cercle, sa forme pourrait bien lui avoir fait donner le nom de rue Orbe. Elle se trouve même désignée, conjointement avec la rue Bourg-l’Abbé, sous la dénomination de rue Serpente (voyez ce mot). D’un autre côté, « orbe », en vieux langage, se disait de ce qui était caché, secret, obscur, ce qui pourrait se rapporter à l’époque où cette rue était encore en dehors de la ville. D’autres personnes prétendent que les dénominations de rue Noble et de Noble-rue viennent de la position de la rue Orbe près de celle de l’Épée, qui lui sert de limite, et de ce qu’elle était habitée par la noblesse. Suivant un dicton populaire, c’était la rue Noble, parce qu’elle avait l’Épée au côté.

En 1794, on donna à la rue Orbe et à la rue Bourg-l’Abbé,

réunies, le nom de rue de la Révolution. Chacune d’elle reprit, en 1795, son ancienne dénomination.

Dans la rue Orbe était la demeure de Marie Mesnager, sœur de messire Nicolas Mesnager, qui fut ambassadeur du roi lors de la paix d’Utrecht, qu’il signa le 13 avril 17131. La publication de cette paix fut à Rouen l’occasion de fêtes somptueuses. Au sujet de ce personnage, il parut dans un journal normand du 14 avril 1759 une note dans laquelle il était dit que Nicolas le Mesnager fut le premier des députés de la Chambre de commerce de Rouen à Paris, et qu’il a éclipsé ses successeurs, qui n’ont pas eu et n’ont pas mérité sa réputation. Cet article fut déclaré supprimé par un arrêt du Parlement du 26 du même mois, attendu, y est-il dit, que si M. Le Mesnager honora le choix des membres de la chambre qui le députèrent, il ne les éclipsa pas... Nul homme n’éclipse l’autre.

On voit, presque en face de la rue des Champs, de grands bâtiments en pierre qui dépendaient du séminaire de Saint-Vivien, appelé aussi le Grand-Séminaire. Cet établissement, créé en 1658, augmenté en 1691, fut transféré en 1707 près de l’église de Saint-Nicaise, et fut réuni au Séminaire dont la fondation est due à Claude-Maur d’Aubigné, archevêque de Rouen, mort en 1719. C’est actuellement le Séminaire archiépiscopal. (Voir rue Poisson.)

Plus loin était une porte en pierre avec couronnement gothique accompagné de petites pyramides, qui servait de passage pour aller à l’ancien cimetière de la paroisse Saint-Vivien ; elle a été démolie en 1821, pour le percement de la rue Neuve-Saint-Vivien2.

— Un acte de tabellionage du 22 septembre 1554 fait mention de la vente d’une maison sise en la rue de l’Orme, au bout de la rue des Matelats. C’est sans aucun doute une défiguration du nom de la rue Orbe.

Orléans (rue d’). = Côte de Bihorel, cité Jeanne-d’Arc. — 4e section, 5e canton, Saint-Romain. — Faubourg Beauvoisine.

Ce nom a été donné par des propriétaires à une rue qui fait partie du quartier appelé la cité de Jeanne-d’Arc.

Ours (rue aux). = Rue Grand-Pont, rue de la Vicomté. — 9e section, 1er canton ; la Cathédrale, excepté les numéros impairs depuis la rue des Cordeliers jusqu’à celle de la Vicomté, lesquels sont sur Saint-Vincent. — Quartier S.-O.

Le nom de cette rue vient d’un ancien marché où l’on vendait de la volaille, et principalement des oies, et c’est pour cette raison, rapporte l’auteur de l’Histoire de la Ville de Rouen, qu’on dit vulgairement la rue aux Ouës, vieux mot gothique qui veut dire la rue aux Oyes1. On la nommait encore en 1433 rue aux Oues, et en 1574 rue aux Oysons. Un acte de 1566 fait mention d’une maison en la rue aux Oisons, avec une allée ayant issue en la rue Baratte. (V. rue du Fardeau.) Du mot « ouës » on aura fait par corruption rue aux Ours ; il en a été de même pour la rue aux Ours à Paris, que l’on désignait au 13e siècle sous le nom de vicus ubi coquuntur Anseres, rue où l’on cuit les oies.

Dans cet ancien marché, qui aurait été aussi appelé place de la Bourse (voyez page 67), eut lieu au 11e siècle, suivant Farin, sur la place où a été depuis construite l’église de Saint-Victor, un duel qui coûta la vie à l’un des combattants. (Voyez au mot Saint-Cande-le-Jeune.) L’église, édifiée par le vainqueur, reçut plus tard le nom de Saint-Cande-le-Jeune, à la suite d’un miracle rapporté par le même auteur. (Voyez page 21.)

En 1794, on réunit à la rue aux Ours celle de Saint-André ou de Saint-Andrieu-de-la-Porte-aux-Febvres, appelée aussi quelquefois rue de la Porte-aux-Fèvres. (Voyez rue Saint-André.) Une autre partie de la rue aux Ours, située entre la rue des Cordeliers et la rue Ancrière, est désignée dans un acte de 1755 sous la dénomination de rue des Maîtresses, mais elle ne porte plus actuellement qu’un seul nom, celui de rue aux Ours, depuis la rue Grand-Pont jusqu’à celle de la Vicomté.

Au point où la rue aux Ours est traversée par la rue Jeanne-d’Arc, on voit un square au milieu duquel est la tour de l’ancienne église de Saint-André. (Voyez ce nom.)

Près de la place où était située l’église de Saint-Cande-le-Jeune, était l’hôtel d’Estellan, où descendit en 1492 le duc d’Orléans, qui fit son entrée par la porte Martinville. En face de

la rue du Petit-Salut est la maison de Nicolas Langloys, sieur de Motteville, président de la Chambre des comptes, et mari de la célèbre Mme de Motteville, qui mourut en 1689. La fontaine de Saint-Cande, qui coule en face de cette maison, fut édifiée en 1709. Elle est alimentée par la source de Gaalor.

Les religieuses Emmurées logèrent pendant quelque temps dans un hôtel de la rue aux Ours, qui était situé à peu de distance de l’église de Saint-Pierre-du-Châtel, ainsi que l’indique un acte de tabellionage du 10 avril 1423, qui fait mention de l’hostel où sont de présent logées les Emmurées.

Dans la rue aux Ours sont nés, en 1785, le savant chimiste Pierre-Louis Dulong, et, le 16 décembre 1775, l’illustre compositeur français Adrien Boïeldieu. Des inscriptions commémoratives ont été placées sur les maisons qui portent les nos 46 et 61.

Painpool ou Painpoul (rue et hameau de).

On trouve ce nom cité dans plusieurs registres de tabellionage du 14e siècle, pour une rue et un hameau qui étaient situés du côté de l’église de Saint-Paul. Les mots de Painpool, de Saint-Pol et de Saint-Maclou, sembleraient indiquer une colonie de Bretons qui aurait eu sa résidence, à des époques reculées, dans le faubourg Martinville1, probablement dans la partie de ce faubourg où a été établie la rue du Chemin-Neuf.

Palais-de-Justice (le), dans la rue aux Juifs et la rue Saint-Lô.

Avant le 12e siècle, le clos aux Juifs comprenait tout le quartier qu’occupent de nos jours les rues aux Juifs, Boudin et Saint-Lô, l’emplacement du Palais-de-Justice et la place Verdrel. Le centre du clos aux Juifs, qui est désigné sous le nom du Besle dans un registre de tabellionage de 1362 à 1365, devint en 1429 le Neuf-Marché, par suite de la translation qu’on y fit, à cette époque, du marché aux Herbes qui se tenait précédemment sur le parvis de Notre-Dame, et qui, en 1515, fut transféré de nouveau dans la partie la plus occidentale du clos aux Juifs, limitée par l’église de Saint-Jean-sur-Renelle.

Une ordonnance du bailli de Rouen, du 11 mars 1493, décida qu’il serait construit, dans la portion du clos aux Juifs appelée le

Neuf-Marché, une grande salle commune pour les marchands1 qui s’assemblaient alors, même les dimanches et les jours de fêtes, jusque dans la nef de l’Église cathédrale, pour illec tournier, parler et négocier de leurs affaires, contre l’honneur de Dieu notre créateur et de sa très glorieuse et sacrée mère. Cette salle, qui devint bientôt partie intégrante du Palais-de-Justice, mérite l’attention des curieux par la hardiesse de sa charpente et de sa voûte ogivale2.

Farin rapporte qu’en vertu de l’ordonnance de 1493 la construction de la salle des Marchands fut commencée dans la même année ; mais cette assertion est contredite par l’auteur du Palais-de-Justice de Rouen (Ch. de Stabenrath), et par M. É. Gosselin, dans sa notice intitulée : le Palais-de-Justice et les Procureurs près le Parlement de Normandie, lesquels s’attachent à démontrer, et prouvent en effet, ce dernier surtout, que les travaux, longtemps ajournés, ne furent entrepris qu’en 1499, et que cette salle, devenue dès-lors la grande salle commune des gens de justice, puis appelée plus tard la salle des Procureurs ou des Pas-Perdus3, était loin d’être achevée, lorsqu’en 1507 la cour de l’Échiquier vint s’y installer, comme nous le dirons ci-après, et même lorsque le roi Louis XII vint tenir son lit de justice dans la mémorable séance du 24 octobre 1508.

M. É. Gosselin ajoute, contrairement au rapport de Farin et à l’opinion de Ch. de Stabenrath, que ce ne fut qu’à cette dernière époque que fut ordonnée et commencée la construction du Palais-de-Justice proprement dit, appelé déjà le Palais-Royal4, c’est-à-dire de la Grand’chambre et de ses accessoires.

Cette partie septentrionale du Palais-de-Justice, dont les travaux furent continués jusqu’en 1526, comprend la salle des

assises, ancienne grand’chambre du Parlement, à la suite de laquelle fut érigée, en 1543, la chambre des requêtes. La salle des assises est remarquable par son étendue et sa clarté, par la beauté de ses boiseries, par la richesse de son plafond, orné de rosaces et de pendentifs. Elle a été restaurée de 1857 à 18601. De 1838 à 1841, de belles et intelligentes restaurations avaient été entreprises à l’extérieur, et ont conservé à ce magnifique monument son élégance et sa beauté primitive.

Lors de la suppression du Parlement, dit l’auteur du Dictionnaire indicateur, M. Gouel, graveur à Rouen, demeurant dans la cour du Palais-de-Justice, ne perdit pas de vue un tableau représentant le Christ entre la Vierge et saint Jean, qui avait été donné en 1499 par Louis XII à l’Échiquier. Il prit alors la résolution de l’acheter, en cas de vente, dans l’espoir de le rendre un jour à sa destination. Il l’acheta en effet, et le conserva pendant les orages de la révolution, au risque d’être la victime de son dévouement. Lorsque le moment parut favorable à M. Gouel pour la réintégration de ce tableau dans le Palais-de-Justice, il en fit don à la Cour royale, qui le fit placer, en janvier 1816, dans la grand’chambre (la salle des assises), après y avoir fait ajouter l’inscription suivante :

Ce tableau est celui que Louis XII donna, en 1499, à l’Échiquier, lorsqu’il le rendit permanent ; c’est le seul de tous les ornements de ce palais qui ait échappé aux ravages de la révolution. Il a été conservé par les soins de M. Gouel, graveur, et par lui remis à la Cour royale, qui l’a fait placer ici comme un monument de la piété du roi à qui sa bonté mérita le surnom de Père-du-Peuple, et dont les vertus se reproduisent aujourd’hui dans la personne non moins chérie que sacrée de S. M. T. C. Louis XVIII. — Ce 15 janvier 1816.

Après la révolution de juillet 1830, ce tableau fut de nouveau déplacé, et orna pendant quelques années le cabinet du greffier en chef de la Cour. Il a été restauré depuis, et a été mis dans la

grande salle du conseil des audiences solennelles de la Cour, située dans la partie neuve du palais.

Le rez-de-chaussée de la portion du Palais-de-Justice qui est à l’ouest de la cour principale, est occupé par la Conciergerie1 ou la Maison de justice. C’est dans cette prison que fut renfermée, au milieu du 17e siècle, Madeleine Bavent, à l’occasion des prétendues possessions des religieuses de Saint-Louis de Louviers, et qu’elle écrivit son histoire2. Dans ce corps de bâtiment est la chapelle ; puis, à côté, la chambre où l’on donnait la question. Depuis 1608 jusqu’à 1614 on y fit de grands travaux. On y construisit la chambre de l’édit, une salle pour les séances des requêtes, etc. En 1609, on acheta une vide-place au lieu appelé la Poterne, appartenant aux religieux de Jumiéges, pour y édifier la chambre de la tournelle, qui, depuis, a été rebâtie à neuf, ainsi que les salles dont nous venons de parler3. La façade du côté du Marché-Neuf (actuellement la place Verdrel), pour l’établissement de laquelle il fut nécessaire, au commencement du 18e siècle, d’acquérir ou d’exproprier un assez grand nombre de maisons, comme on l’avait fait précédemment pour la salle des Marchands4, a été terminée en plus grande partie en 1761. Là existaient, entre les contreforts qui soutiennent la salle des Procureurs, des boutiques en bois donnant sur la place du Marché-Neuf, dont quelques-unes furent supprimées vers 1832, époque où l’on fit la restauration de la salle des Pas-Perdus, où l’on construisit le pavillon de la façade qui est à l’angle de la rue aux Juifs, où furent entrepris, enfin, d’autres travaux intérieurs. Les trois dernières ont disparu depuis 1851.

Il y avait aussi, en dedans de la cour, un certain nombre de boutiques qui, en 1541, furent adjugées à des prix variant entre 7 et 15 livres par an. Elles étaient occupées par des merciers, des orfèvres, des bouchers, des marchands de volailles. De là

probablement le nom de cour des Loges que l’on donnait à un emplacement qui fut réuni aux dépendances du palais1. Sur les anciens degrés qui avaient été édifiés en 1531, étaient aussi neuf boutiques ou échopes louées à des libraires, à des orfèvres et à des marchands de papier. Il y en avait enfin jusque dans l’intérieur de la salle des Pas-Perdus. On en voyait encore, au commencement du 19e siècle, le long du grand escalier2 qui, en remplacement de ces anciens degrés, fut construit en 1607 dans l’angle de l’édifice, du côté de la rue aux Juifs, et qui lui-même a été reporté, en 1831, au centre de la façade de l’ouest, ainsi que la porte d’entrée de la salle des Procureurs. Ces boutiques et baraques disparurent successivement, d’abord par suite de la translation, en 1515, sur la place actuelle du Marché-Neuf (place Verdrel), du marché qui se tenait dans la cour du palais, sous les fenêtres des salles d’audience, puis, beaucoup plus tard, lors de la démolition de l’ancien mur crénelé qui fermait cette cour sur la rue aux Juifs.

En 1700 on édifia, aux frais du Parlement3, le côté est du palais-de-Justice, pour la seconde chambre des enquêtes. On y plaça, en 1715, un plafond représentant le Triomphe de la Justice, peint de la main gauche par notre célèbre compatriote Jean Jouvenet, qui était devenu paralytique de la main droite. Le plancher de cette salle, qui servait alors de salle d’audience pour le tribunal de police correctionnelle, s’écroula, avec le fronton

de la façade, le 1er avril 1812, à onze heures du soir, et le beau tableau de Jouvenet fut totalement détruit. Cette partie du monument fut réparée peu de temps après ; mais la façade a été réédifiée et comprise, en 1843, dans les grands travaux1 qui ont mis cette aile en harmonie avec les autres parties de l’édifice, et qui ont étendu de ce côté les dépendances du Palais-de-Justice jusqu’à la rue Boudin, ce qui a permis de réunir dans un même local les différents services judiciaires.

Parmi les anciens héritages que recouvrent aujourd’hui ces nouvelles dépendances, était un emplacement appelé la cour de la Cinquantaine, parce que cette compagnie avait un lieu de réunion dans un vaste bâtiment donnant sur la rue aux Juifs2. Dans cette aile sont réunies les salles d’audience civile et correctionnelle de la Cour d’appel, les chambres du conseil, la bibliothèque, etc., auxquelles on accède par une vaste pièce portant aussi la désignation de salle des Pas-Perdus. Au rez-de-chaussée sont les greffes de la Cour, le tribunal de simple police, ainsi que les salles d’audience et les greffes des justices de paix, qui ont leur entrée particulière dans la rue aux Juifs. Une autre partie du rez-de-chaussée est occupée, depuis le mois d’août 1853, par le magasin général des pompes à incendie, qui a son entrée par la rue Boudin.

Les archives de la Cour d’appel, le dépôt des minutes des notaires et celui des registres de l’état civil, sont réunis dans diverses autres parties du palais.

Le sol de la cour centrale, qui avait été pavé vers 1610, a été revêtu, en 1856, d’une couche d’asphalte. Le pavage des rues adjacentes a été également remplacé de la même manière, pour rendre moins bruyants les abords de l’enceinte de la justice. Une grille en fer fondu, dont les dimensions sont à peu près les

mêmes que celles de la grille qui entoure l’église de Saint-Ouen, a été posée, dans la même année, le long de la rue aux Juifs, sur l’alignement des contreforts extérieurs de deux tourelles qui occupent les angles du monument. Cette grille a remplacé l’ancien mur crénelé qui fermait la cour, ainsi qu’une porte surmontée des armes de la Normandie, qui orne actuellement le vestibule d’entrée du Musée d’antiquités.

Au nombre des projets d’embellissement qui furent soumis au conseil municipal en 1870, celui de créer un vaste boulevard de 25 mètres de largeur, destiné à établir une communication entre le Palais-de-Justice et le Port, a été rejeté par suite de la retraite du principal auteur de ce projet.

— Le Palais-de-Justice, qui est actuellement le siége de la Cour d’appel et du Tribunal civil, avait été construit pour être le lieu des séances de la cour de l’Échiquier, de cette cour souveraine dont l’histoire tient une si large place dans les fastes normands, et qui n’avait eu successivement, pour se réunir, que le cloître de Saint-Gervais de Rouen, le palais de l’Archevêché, la halle aux Pelletiers dans la Vieille-Tour1, et le château de Bouvreuil, jusqu’au temps où le roi Louis XII donna l’ordre de lui édifier un palais.

Le Parlement de Normandie a eu dans M. A. Floquet2 un historien consciencieux et fécond. Aussi n’en dirons-nous que peu de mots.

Institué en 757 par le roi Pepin, d’autres disent en 906 ou en 914 par Raoul, premier duc de Normandie, l’Échiquier était dans son origine un parlement ambulatoire qui se tenait tantôt à Rouen, tantôt à Caen, et le plus souvent à Falaise. On l’appelait l’Échiquier, dit Gomboust, pour ce peut-estre que l’ordre et la séance d’un grant nombre de personnes de diverses conditions, de diverses pareures, etc.3

La cour de l’Échiquier fut fixée pour toujours à Rouen en 1302, par Philippe-le-Bel, et rendue perpétuelle en 1499 par Louis XII, qui l’installa, le 24 octobre 1508, au Palais-de-Justice, où il avait commencé à siéger l’année précédente, quoique ce palais

ne fût pas encore terminé. De là sans doute est venue la dénomination de Palais-Royal, qui est indiquée dans les plans du 16e siècle. François Ier donna, en 1515, à la cour de l’Échiquier, le titre de Parlement. En 1519 fut créée la chambre de la tournelle, nommée ainsi parce que les juges s’y succédaient tour à tour ; en 1543 fut érigée la chambre des requêtes du palais ; en 1547 eut lieu l’établissement d’une chambre des vacations. Il existait au Parlement, dès 1534, une chambre dite de la police des pauvres1, à laquelle succéda le bureau des Pauvres valides. La seconde chambre des enquêtes ne fut établie qu’en 1680.

Interdit au mois d’août 1540, le Parlement fut rétabli le 7 janvier suivant. En 1550, Henri II y tint une séance royale dans le palais de Rouen. En 1562, pendant les luttes entre les catholiques et les religionnaires, le Parlement se réfugia momentanément à Louviers, et revint à Rouen dans la même année. Charles IX y vint l’année suivante et y fut déclaré majeur. Transféré à Caen en 1589, le Parlement fut rappelé dans notre ville en 1594, où il s’efforça de détruire l’esprit de la Ligue, et n’enregistra l’édit de Nantes qu’après de grandes difficultés. En 1620, Louis XIII y tint un lit de justice. Interdit encore une fois en 1640, à la suite de la révolte des Nu-Pieds, le Parlement reçut la visite de Louis XIV en 1650, puis il fut supprimé, comme les autres cours souveraines, en 1771, remplacé le 9 janvier suivant par un conseil supérieur, et rentra en fonctions le 12 novembre 1774. Enfin, après avoir, dans de fréquentes occasions et pendant nos discordes civiles, comme dans les funestes invasions de la peste, fait preuve d’une dignité et d’un dévouement sublimes, d’une énergie et d’une puissance remarquables, le Parlement fut définitivement supprimé en 1790, et remplacé par une Cour d’appel qui subit elle-même, pendant l’époque révolutionnaire, diverses transformations2, et reçut pour la première fois, le 25 mars

1811, le titre de Cour impériale, comprenant dans son ressort les départements de la Seine-Inférieure et de l’Eure. Le titre de Cour d’appel a été rétabli en septembre 1870.

En 1811, fut institué le Tribunal de première instance de l’arrondissement communal de Rouen.

Le 11 mai 1816, se tint au Palais-de-Justice la première audience de la Cour prévôtale du département, qui avait été instituée le 10 avril.

Le Palais-de-Justice fut aussi le siége de la Table de marbre, qui fut créée au Parlement de Rouen par Louis XII, en 1508, et confirmée par un édit de Henri II, du 6 octobre 1554, pour connaître des appels des maîtres particuliers des Eaux et Forêts1. La Table de marbre jugeait aussi, en première instance, tout ce qui concernait la navigation. Cette dénomination venait d’une grande table de marbre qui occupait, à Paris, toute la largeur de la grande salle du palais, et autour de laquelle siégeaient les membres de cette juridiction. De même, à Rouen, le bureau de justice était une table de marbre derrière laquelle les juges étaient assis. On voit encore cette table, couchée de champ près de la muraille, à gauche de la porte du concierge du Tribunal civil, dans la salle des Pas-Perdus.

En 1834, le Tribunal de première instance fit la demande d’un moule en plâtre de la statue de Pierre Corneille, pour la placer dans cette salle. On sait que P. Corneille a été pendant plus de vingt-deux ans avocat du roi aux deux siéges des Eaux et Forêts et de la Table de marbre en l’Amirauté, et qu’il porta bien souvent la parole en cette même salle où l’on voit aujourd’hui sa statue, et où l’on voyait encore, avant 1866, les tombeaux de Claude Groulart et de Barbe Guiffart, sa femme. Ce personnage, si célèbre à tant de titres, et dont nous avons eu l’occasion de parler plusieurs fois2, était le fils d’un marchand de Dieppe. En prenant des armoiries, il eut le bon esprit de ne pas renier son origine, puisqu’il mit dans son blason la propre enseigne de la maison de commerce de son père. En effet, de même que cette maison portait pour enseigne des châteaux, le premier président prit pour armes trois châteaux3.

Pallier (rue du).

Une rue de ce nom est indiquée par Taillepied, comme ayant existé dans le quartier Beauvoisine. Nous n’avons aucun autre renseignement à ce sujet.

Panneret (rue du). = Place de la Pucelle, place Saint-Éloi. — 10e section, 1er canton, Saint-Vincent. — Quartier S.-O.

Il y avait, au 15e siècle, une enseigne du Panneret près de Saint-Amand et de la boucherie Saint-Ouen. Il se peut donc que le nom de cette rue soit dérivé d’une enseigne représentant un panneret ou petit panier, ou peut-être encore un penneret1 ou pavillon.

Dans des actes de tabellionage du 15e siècle, la rue actuellement appelée rue du Panneret est mentionnée ainsi : la rue tendant du marché à veaulx à l’église Saint-Éloi (11 mai 1466), ou au chymetière Saint-Éloy (29 août 1480).

M. de Belbeuf lui donne le nom de rue du Petit-Enfer, au coin de laquelle est l’hôtel du Bourgtheroulde, bâti après l’année 15202. Sur les plans de 1655 et de 1724 elle figure aussi sous le nom de rue du Petit-Enfer ; il en est de même dans un plan de 1784, où cette dernière rue est appelée rue du Panneret3. Les mêmes indications se trouvent encore sur un plan de 1817. Ce n’est que depuis cette dernière époque que le nom de rue du Panneret a été rendu à la rue qui descend de la place de la Pucelle à celle de Saint-Éloi, et que celui de rue du Petit-Enfer est donné à la petite rue qui conduit de cette dernière place à la rue du Vieux-Palais.

On a donné en 1794, aux deux rues réunies, la dénomination de rue de la Raison ; elles la conservèrent jusqu’en 1795.

Pannetiers (rue des).

Cette rue, qui a été réunie à la rue du Bac, est encore indiquée en 1808 sous son propre nom, qui provenait des pannetiers qui l’habitaient en assez grand nombre. Dans un acte du 12 novembre 1481, elle est désignée ainsi : la rue venant de la Calende

à Saint-Cande-le-Vieil. Le Flambeau astronomique de 1716 cite la rue des Pannetiers sous les voûtes de l’Hôtel-Dieu. Cette rue était traversée par deux arcades, dont une près de la place de la Calende ; et l’autre près de la rue des Fourchettes, qui avaient été construites pour la communication des salles de l’Hôtel-Dieu. Ces arcades furent démolies après la translation de l’Hôtel-Dieu de la Madeleine au Lieu-de-Santé. On en voit encore des vestiges.

— On trouve, dans des actes de tabellionage de 1477 et de 1480, la mention d’un hôtel assis en la rue de l’Épicerie, borné d’un bout la rue de la Vignette. Nous ne savons si ce dernier nom s’applique à la rue des Pannetiers ou à une ruelle actuellement fermée qui communiquait de la place du Marché-aux-Balais à la rue des Fourchettes.

Panneverre ou Pannevert (rue de la). = Les Petites-Eaux, la route de Darnétal. — 1re section, 5e canton, Saint-Hilaire. — Faubourg Saint-Hilaire.

Cette petite rue porte le nom d’un hameau du faubourg Saint-Hilaire, dont les habitants étaient paroissiens de la Madeleine, à cause de l’établissement, au Nid-de-Chien, d’un hôpital qui dépendait de l’Hôtel-Dieu. (Voyez page 313.)

On donnait aussi le nom de chemin de la Pannevert à la partie de la rue actuelle des Petites-Eaux qui est située entre la rue Saint-Gilles et celle du Cat-Rouge.

Le 11 septembre 1663 fut fondé le monastère de la Panneverre, par un sieur Deshommets de Guichainville, qui lui fit don de sa maison et de ses jardins, à la condition que sa fille, la sœur Madeleine, religieuse professe de Saint-Amand, serait la supérieure de la communauté naissante. Leur chapelle fut dédiée sous l’invocation de saint Hilaire. La sœur Madeleine Deshommets mourut en 1666. La dame Marie Crespin, qui lui succéda, transféra en 1668 la communauté dans la rue d’Elbeuf. (Voyez p. 201.) Il y a quelques années, en creusant des fondations dans l’ancienne chapelle de ce petit monastère, on a trouvé un cercueil en plomb dans lequel on présume qu’avaient été renfermés les restes de Madeleine Deshommets.

Paradis (rue du). = Rue Dame-Jeanne, rue Blanche. — 3e section, 4e canton, Saint-Vivien. — Quartier S.-E.

Cette ruelle, courte et étroite, est indiquée dans les regis-

tres du tabellionage du 15e et du 16e siècle sous le nom de rue Paradès. On lit dans un acte de 1492 : maison en la rue aux Piquechins, à prendre en ligne depuis la rue nommée Paradès. Dans d’autres actes de 1424, de 1497 et de 1506, on lit Paradis. On ne peut donc savoir si ce nom est provenu d’un propriétaire ou d’une enseigne. — M. l’abbé Cochet fait connaître que le nom de Paradis était donné, dans diverses contrées, à des cimetières antiques1.

Parc ou Pas-d’Hollande (cour du), dans la rue des Charrettes.

Cette cour, qui est citée dans les Affiches de Normandie de 1765, était située dans la rue des Charrettes, et avait une issue dans l’ancienne rue des Ramassés, derrière les murs de la ville. Elle a disparu pour l’ouverture de la rue Jeanne-d’Arc.

Parcheminiers (place des), dans la rue Ambroise-Fleury. = 3e section, 4e canton, Saint-Maclou. — Quartier S.-E.

Cette petite place, où l’on a établi, vers 1847, de chétives baraques en bois qui furent destinées sans doute à l’ouverture d’un marché, portait précédemment le nom de clos2 ou cour des Parcheminiers, nom provenant de la profession qu’on y exerçait. C’était, en effet, comme l’une des rues de la Renelle, un quartier spécial habité par des parcheminiers, dont l’industrie était considérable à Rouen au moyen-âge.

Dans un acte de tabellionage du 15 février 1502, il est parlé d’une maison bornée d’un bout l’allée du Porche, et d’autre bout le Petit-Vivier. Un autre acte, du 25 mai 1542, fait mention d’un héritage sis en la rue des Marquets, borné d’un bout ladite rue, et d’autre bout le porche des Parcheminiers.

Cette cour est indiquée, dans le plan de 1655, comme faisant partie du Jardin-du-Blanc ; dans un plan de 1784, elle est figurée au centre de l’établissement des Eaux minérales de la Marêquerie. (V. p. 185.)

— Le nom de rue des Parcheminiers est donné, dans une charte de 1202, à l’une des anciennes rues de la Renelle3.

Paris (cours de). = Quai de Paris, place Saint-Paul. — 1re section, 3e canton, Saint-Paul. — Faubourg Martinville.

La route de Paris fut ouverte à la fin du 17e siècle, sous le nom de Chemin neuf, depuis le quai de Paris actuel jusqu’à Saint-Paul ; dans un nouveau plan de Rouen elle figure sous la dénomination d’avenue de Saint-Paul. Ce n’était précédemment qu’un sentier dans une prairie basse appelé le Pré-au-Loup (voyez ce nom), et les communications avec la capitale, par Bonsecours ou par Eauplet, se faisaient alors par le faubourg Martinville. En 1692 et 1693, on pratiqua cette belle promenade au moyen de remblais considérables qui furent extraits de la montagne de Sainte-Catherine. Elle fut terminée en 1709. On employa à ces travaux beaucoup d’indigents, dont le nombre et l’état de misère avaient augmenté depuis un certain temps, par suite du prix excessif du blé et de la décadence des manufactures. Le cours de Paris fut orné, en 1729, de quatre rangées d’arbres qui ont été renouvelées depuis peu d’années. Il fut appelé le cours Dauphin, en commémoration de la naissance du fils de Louis XV. En 1794, on lui donna le nom de cours de la Liberté, et en 1795 celui de cours de Paris, à cause de sa position sur la route de la capitale, dénomination qu’il a conservée définitivement, après avoir momentanément repris celle de cours Dauphin.

Paris (quai de). = La place du Champ-de-Mars, la rue Grand-Pont. — 1re section, pour le bord de la Seine ; 3e section, depuis le boulevard Martinville jusqu’à la porte Guillaume-Lion ; 6e section, jusqu’au côté droit de la place de la République ; 7e section pour le reste du quai ; 4e canton, du boulevard à la porte Guillaume-Lion ; 3e canton pour le reste. — Paroisses : Saint-Maclou, depuis le boulevard jusqu’au côté est de la place de la République ; la Cathédrale, pour le reste du quai. — Quartier S.-E.

Ce nom avait été donné, en 1837, à la partie du port de Rouen qui est comprise entre la rue Grand-Pont et la place du Champ-de-Mars. On lui substitua, en 1841, celui de quai Napoléon, en commémoration du passage des cendres de l’empereur. Un arrêté du maire de Rouen, en date du 25 septembre 1870, a rendu au quai de Paris son nom primitif.

La dernière des anciennes masures qui garnissaient ce quai1, au coin de la rue du Bac, a été démolie en 1856, pour faire place aux maisons destinées à compléter le redressement et l’alignement général du port, commencés à l’époque de la construction du pont de pierre. Des travaux de prolongement du quai de Paris ont été entrepris de 1856 à 1859, jusqu’à la belle promenade dont nous parlons dans l’article qui précède, et à l’extrémité de laquelle, du côté de la ville, était le Jardin botanique de Rouen, qui fut transféré rue d’Elbeuf (voyez page 200) dans l’ancien parc de Trianon, et dont les terrains ont été vendus en 1843.

Paris (routes de) par Eauplet et par Bonsecours. = 1re section, 5e canton, Saint-Paul. — Faubourg Martinville.

On désigne ainsi les deux routes qui, lors de leur création, avaient reçu vulgairement les dénominations de route de Paris par en bas et par en haut.

Suivant Rondeaux de Sétry2, une première route passait, au 14e siècle, par Sotteville et Saint-Étienne-du-Rouvray. Vis-à-vis du Port-Saint-Ouen, on traversait la rivière pour prendre le chemin du Pont-de-l’Arche ; le bas des côtes de Belbeuf et de Saint-Adrien était impraticable. Au moyen-âge, la seconde route de Paris partait de la rue Martinville, appelée aussi le chemin du Nid-de-Chien ; elle se dirigeait, par la rue du Mont-Gargan et le chemin de Sainte-Marguerite, sur le plateau de Bonsecours, en longeant l’extrémité est du bois de Bagnères. C’est vers le commencement du 15e siècle qu’elle a été reportée sur le flanc droit de la côte Sainte-Catherine3.

Parmentier (ruelle au).

Cette ruelle est citée dans un acte de tabellionage du 17 décembre 1472, dans lequel on lit : l’hôtel de la Clé, d’un côté la ruelle au Parmentier, et d’un bout l’Eau-de-Robec. C’était sans doute une des petites rues qui relient la rue de l’Eau-de-Robec à la rue Saint-Vivien, qui avait pris le nom d’un propriétaire.

Pas-de-Gaud (rue du). = Rue Eau-de-Robec, rue Saint-Hilaire. — 3e section, 4e canton, Saint-Vivien. — Quartier S.-E.

Quoique le nom de cette rue soit écrit ainsi dans le Flambeau astronomique de 1716 et dans l’Histoire de Rouen publiée par Du Souillet en 1731, avec la seule différence que l’on a imprimé gaug1, et que le même nom se trouve également écrit ailleurs avec un x final, il paraît certain que l’on doit dire rue du Papegaud, car ce nom vient d’une enseigne représentant une sorte de perroquet appelée papegaud ou papegay. Il y avait, en effet, l’enseigne du Papegault, comme le constate un acte de tabellionage du 15 mai 14922.

Quelques personnes lisant ces mots : au Patte-Gaud, au-dessous de l’oiseau qui servait encore d’enseigne à une auberge située il y a peu d’années dans la rue Saint-Hilaire, au coin de la rue dont nous parlons, ont cru que l’on devait dire rue du Patte-Gaud, mais c’est une erreur ; le mot Patte-Gaud n’est autre que celui de Papegaud défiguré. À ce sujet, nous reproduirons un plaisant épisode que rapporte l’auteur des Recherches sur Rouen, en rendant compte d’une erreur qui fut commise par le peintre chargé d’inscrire le nom de cette rue. L’administration n’avait pas eu la précaution de lui indiquer les glossaires dans lesquels il aurait trouvé la signification du mot « papegaud », de sorte que, en présence de ce mot incompréhensible, le malheureux peintre resta plongé dans la plus cruelle incertitude. Cependant, son génie inventif lui suggéra, pour en sortir, un expédient fort ingénieux : ce fut d’écrire ce mot de plusieurs manières différentes, et de se fier à la Providence pour lui faire rencontrer, dans une de ses combinaisons, la véritable orthographe. Mais la Providence ne se mêla point de cette affaire ; elle abandonna l’artiste aux caprices du hasard, et son pinceau, fourvoyé par une inspiration malheureuse, a tracé à trois encoignures : rue du Pas-de-Gaud, et à la quatrième rue du Pattegaud, de sorte qu’il ne reste plus de place pour le Papegaud3.

Cependant, dit à propos de cette même dénomination l’auteur du Dictionnaire indicateur, comme la ville de Rouen était entourée de forêts avant ses premiers agrandissements, il serait possible de trouver dans le vieux langage l’étymologie du nom de Pas-de-Gaud. Les vieux mots : « gaud, gault et gaut, » signifiant forêt, et le mot « pas » désignant, dans une de ses acceptions, un passage étroit dans une vallée, on aurait pu dire Pas-de-Gaud pour indiquer un passage conduisant à une forêt. En soumettant cette conjecture à nos lecteurs, ajoute-t-il, nous sommes d’avis, néanmoins, que le nom de cette rue vient d’une enseigne, et que l’on doit par conséquent écrire rue du Papegaud.

Passage-de-la-Pompe (rue du). = Route de Caen, rue Gessard. — 11e section, 6e canton, Saint-Clément. — Faubourg Saint-Sever.

Ce passage devait son nom à l’une des premières pompes à feu qui ont été établies dans le faubourg Saint-Sever. Plus tard on donna à cette rue la désignation vulgaire de rue Malpercée, à cause de sa direction irrégulière. Cette désignation semble lui être restée, quoique l’inscription porte : Passage de la Pompe.

— On a donné aussi vulgairement le nom de passage de la Pompe à une cour dont nous avons parlé sous la dénomination de cour Avenelle, située dans la rue du Lieu-de-Santé (page 19).

Passage-Dupont (rue du). = Rue Tous-Vents, rue Saint-Julien. — 11e section, 6e canton, Saint-Sever. — Faubourg Saint-Sever.

Cette rue n’était précédemment, ainsi que son nom l’indique, qu’un passage portant le nom d’un propriétaire. On a supprimé dernièrement, sur la demande des habitants, un porche sous lequel il fallait passer pour entrer dans cette rue. — Dans un plan de 1817, elle est inscrite sous le nom de cul-de-sac de la rue Tous-Vents.

Patenôtriers (impasse des).

Cette impasse, qui était dans la rue du Ruissel, a disparu lors de l’ouverture de la rue Napoléon-III, actuellement la rue d’Amiens. Son nom provenait évidemment de la profession des ouvriers faisant des chapelets, des boutons, etc.

— Une rue Patenostre était située, suivant un acte de tabellionage du 3 mars 1421, dans la rue d’Aubevoie, près d’une ruelle des Pentheurs, nommée la ruelle Dunet.

Pavée (rue). = Rue de Grammont, rue Saint-Sever. — 11e section, 6e canton, Saint-Sever. — Faubourg du même nom.

Cette dénomination a évidemment été donnée à la rue, pour la distinguer de celles qui l’avoisinent du côté de Sotteville, et qui n’étaient point pavées ; mais elle est actuellement dépavée elle-même.

Dans cette rue était encore, en 1780, un lieu public appelé la Maison privilégiée du jeu de mail (voyez au mot Jeux de Paume). On donnait aussi ce nom de Mail à une promenade plantée d’arbres qui régnait presque parallèlement à la rue Pavée et à celle de Grammont, au sud des vastes prairies connues sous la désignation de prairies de Grammont ou des grandes Prairies.

Pavillon (rue du). = Rue des Prés, rue d’Amiens. — 3e section, 4e canton, Saint-Maclou. — Quartier S.-E.

Cette rue paraît avoir pris son nom de l’ancien pavillon du Jardin-au-Blanc, qui s’étendait, en 1600, entre la porte Martinville et le noviciat des Jésuites, et qui devint plus tard le siége de l’établissement des Eaux minérales de la Marêquerie.

On donne vulgairement à cette rue, dit l’auteur du Dictionnaire indicateur, le nom de rue des Fiefs, d’une ancienne place dite les Fiefs, à cause de ceux du Tot et de Martinville qui l’avoisinaient. Les Affiches de Normandie de 1785 citent la rue du Pavillon dans les fieffes ; dans la même rue était aussi un ténement de maisons appelé la fieffe Cavelier. Mais le Flambeau astronomique de 1716 et la nomenclature de Du Souillet placent cette rue des Fieffes entre la rue des Canettes et le noviciat des Jésuites, pour l’agrandissement duquel elle aurait été supprimée.

Derrière le pavillon de l’ancien Jardin-au-Blanc, et à peu près à l’endroit où la rue d’Amiens débouche actuellement sur le boulevard, était une porte des Prés, dont nous n’avons trouvé la mention que dans les plans de 1655 et de 1724.

— On donnait aussi le nom de rue du Pavillon à un très petit espace qui communiquait de la place de la Basse-Vieille-Tour à une rue Sainte-Geneviève existant anciennement entre cette place et le port. Ce nom provenait d’un ancien pavillon à toit aigu et surmonté d’un belvédère qui fut abattu en 18271, en même temps qu’un reste des fortifications de la ville, du côté du fleuve. C’était entre ce pavillon et la porte Guillaume-Lion qu’étaient placées les loges des marchands de cidre, qui furent transférées en 1785 au Champ-de-Foire.

— Enfin, une autre rue du Pavillon partait de la rue du Faubourg-Saint-Hilaire, en face de la rue actuelle du Tour, et rejoignait la rue de Darnétal. Ce doit être la rue des Ursulines.

Pêcheurs (rue des), en la paroisse Saint-Vivien.

Une rue de ce nom est citée dans les archives des hospices, à la date de 13262. Il en est également fait mention dans un registre du tabellionage de 1390 à 1394, fo 329. Nous ne savons à quelle rue ce nom s’applique.

Pénitents (rue des). = Rue de la Cigogne-du-Mont, rue du Mont. — 2e section, 4e canton, Saint-Vivien. — Quartier N.-E.

Cette rue a dû prendre son nom du couvent des Pénitents, qui, après s’être établis d’abord en 1609 dans un lieu appelé le jardin d’Arquenci, au faubourg Bouvreuil, vinrent quelques années plus tard fixer leur demeure près de la porte Saint-Hilaire, où ils restèrent jusqu’au moment de leur suppression. Ils avaient bâti leur église en 1612, sous le vocable de Notre-Dame-de-Lorette.

On l’appelait précédemment la rue Neuve-des-Pénitents, désignation qui semblait indiquer l’existence d’une autre rue du

même nom. En 1794, on lui donna le nom de rue du Génie, puis celui de Chambéry à l’autre rue des Pénitents, dont rien ne nous fait connaître l’emplacement, à moins que de supposer que cette dénomination s’appliquait à l’une des quatre rues Saint-Hilaire, de la Rose, du Mont ou de la Cigogne-du-Mont, qui étaient le plus rapprochées du couvent, à moins encore que ce nom n’ait été celui du court passage par lequel on arrivait de la rue Saint-Hilaire à l’entrée du monastère.

Penteurs (rue des). = Rue d’Amiens, rue des Poulies. — 3e section, 3e canton, Saint-Maclou. — Quartier S.-E.

En voyant ce modeste quartier, on est loin de se douter de l’importance de l’origine du nom qu’il porte. Au moyen-âge, on appelait penteurs ou pentheurs, et siéges de penteurs, du vieux mot « pentouer », des emplacements, clos ou jardins dans lesquels on appendait les étoffes pour les faire sécher.

La fabrication de la draperie a fait, pendant plus de six siècles, la richesse de Rouen, où elle occupait plus de six mille ouvriers1. Aussi la corporation des Drapiers était-elle la plus nombreuse et la plus puissante de la ville. Outre la sanglante émeute de la Harelle, qui éclata le 25 février 1382, à laquelle ils prirent une grande part, et où ils proclamèrent l’un des leurs roi de France, on les vit en 1630 se réunir à la Croix-de-Pierre, et de là se rendre au parlement pour réclamer en faveur de leurs droits, puis se porter sur les quais de Rouen, y brûler des ballots de marchandises étrangères, s’emparer d’un navire et jeter sa cargaison à l’eau. En 1635, la réduction du prix de la monnaie fut l’occasion de nouveaux rassemblements devant la maison du lieutenant-général du Bailliage ; sept ou huit cents ouvriers de la draperie se plaignaient de ne pouvoir travailler et de mourir de faim. De cette époque semble dater la réduction considérable, dans notre ville, de cette industrie, qui se maintint et se concentra plus tard dans des localités voisines autrefois rivales2, Darnétal, Elbeuf, Louviers, etc. Néanmoins, la fabrication des

draps à Rouen n’a cessé entièrement que vers le milieu du siècle dernier. Le bas prix de la main-d’œuvre et l’augmentation des charges locales, ont ruiné parmi nous cette branche d’industrie1.

Les drapiers avaient, dans notre ville, leur centre de réunion dans les paroisses de Saint-Vivien et de Saint-Nicaise, où ils avaient une double confrérie2. On appelait reîtres et purins les tisseurs de Saint-Nicaise, qui habitaient les hauteurs de la ville. Ils étaient chargés de faire sécher leurs chaînes étendues sur toute leur longueur. De là l’origine des lieux appelés « penteurs », qui étaient répandus dans les différents quartiers placés en dehors des murs de la ville, et dans ceux qui n’étaient pas encore garnis de maisons3.

On en trouvait dans le quartier de Saint-Gervais4, dans le camp ou champ des Barres, au quartier Beauvoisine5, dans la paroisse de Saint-Godard6, au Bourg-l’Abbé7, dans le camp ou champ du Régent, près du Maulévrier, dans les champs de Saint-

Nicaise qui entouraient l’église de ce nom1, dans les paroisses de Saint-Vivien et de Saint-Maclou2 ; il s’en trouvait enfin dans les vastes jardins du Mont et de Leblanc, qui occupèrent pendant longtemps, à peu près seuls, l’emplacement où sont aujourd’hui les quartiers de Saint-Hilaire3 et de Martinville.

Outre les indications qui précèdent, et que nous devons en grande partie aux savantes recherches de M. Ch. de Beaurepaire, les registres du tabellionage constatent aussi l’existence de nombreux siéges de penteurs dans les différents quartiers que nous venons de nommer. Nous devons nous borner à ne citer qu’un petit nombre de ces actes. Nous y trouvons, entre autres, celui du 8 juin 1477, qui mentionne dans la rue du-petit-Ruissel4 la rue par laquelle l’en va au pentheur à draps. C’est la petite rue des Poulies (voyez ce nom) qui joint la rue des Penteurs actuelle ; puis des actes de 1425 et de 1487, concernant la ruelle du Penteur-des-Aires, ainsi appelée à cause des franches aires, maisons où l’on pouvait tenir boulangerie sans être passé maître. Nous en voyons enfin dans la rue des Arpenteurs, dans celles du Fer-à-Cheval, des Marquets5, dans la rue du Figuier et dans celle des Arpents, laquelle portait anciennement elle-même le nom de rue aux Penteurs.

Quant à l’étendue de ces siéges de penteurs, elle est rarement indiquée dans les titres nombreux auxquels donnait lieu la cession de ces emplacements. Un acte sans date en signale un in vico de pentoriis, de 20 pieds de large sur 60 pieds de longueur. Un autre acte du 29 janvier 1421 concerne un jardin où il y a une portion de pentheur contenant 21 aulnes et un quart d’aulne. Dans un autre du 29 décembre 1420, il est parlé d’un jardin contenant six siéges de penteur entre deux ruelles par où l’on va aux ruelles des champs de Saint-Nicaise, et commençant à la ruelle qui part devant la rue d’Aubevoie allant vers Saint-Nicaise. En 1423, il est question d’une pièce de trente per-

ches assise aux penteurs ès fiefs de Saint-Ouen, etc. Enfin, par un acte de 1492, il est donné aux religieux Célestins un petit jardin en penteur contenant 80 pieds de long et 18 de lé, etc.

La multiplicité des actes concernant ces emplacements indique suffisamment que la fabrication de la draperie tenait à Rouen une position considérable, que constatent d’ailleurs les écrivains qui en ont parlé. Quoique rien ne prouve qu’on eût fait choix, pour ces sortes d’établissements, du voisinage des cours d’eau, on remarque qu’ils étaient assez nombreux dans les bas de la ville, qui sont sillonnés par des ruisseaux couverts dont on pouvait tirer parti pour la préparation de certaines étoffes. Il y avait aussi des fouleries sur l’Eau-de-Robec et dans le quartier de Martinville. Un acte de 1540 parle de la ferme à fouler, près de Saint-Vivien.

La rue dont nous nous occupons est la seule dont le nom rappelle l’existence des anciens siéges de penteurs. Cette dénomination, sous laquelle étaient aussi désignées autrefois, avec quelques variantes, la rue des Arpents et celle des Arpenteurs (aujourd’hui supprimée), et qui était donnée, en outre, à d’autres rues dans diverses parties de la ville, a pour ainsi dire disparu en même temps que l’industrie qui lui avait donné naissance.

L’auteur du Dictionnaire indicateur a attribué l’origine du nom de la rue des Penteurs aux pentes de coton que ses habitants préparaient pour la fabrique. Mais l’expression de penteurs à draps, que nous trouvons dans l’un des documents que nous avons cités, vient contredire cette opinion, qui pourrait être justifiée, néanmoins, en partie, par cette circonstance qu’au 15e et au 16e siècle on s’occupait de la fabrication des cotonnades à Rouen.

On trouve dans les comptes de la ville1 la mention d’un bourgeois de Rouen surnommé le Cotonneur. D’après un acte de tabellionage de 1421, un nommé Adam le Cotonneur acheta une maison dans la rue Eau-de-Robec, quartier qui a été longtemps habité par des fabricants de cotonnades et par un grand nombre de teinturiers.

Dans un mémoire publié en 1834 par M. Lelong, ancien manufacturier, concernant l’industrie cotonnière, il est dit qu’avant l’année 1430 les Génois faisaient, avec la Flandre, l’Angle-

terre et la France, un commerce de cotons en laine pour les ouates, et de cotons filés, teints ou écrus, qu’ils tiraient du Levant1. Un autre manufacturier, Gabriel Gervais, nous apprend que, vers 1534, la communauté des passementiers obtint de François Ier des lettres patentes pour employer le coton filé en tissus2.

De ce qui précède, on pourrait tirer la conséquence que les penteurs servaient également au séchage des pentes de coton filé.

Nous reconnaissons, au reste, que la filature du coton et le travail des cotonnades, qui sont devenus, à la place de la draperie, la principale branche de l’industrie rouennaise, ne se propagèrent à Rouen que vers l’an 17003. C’est de la même époque que date l’extension du commerce des cotons en laine.

Pépinières (rue des). = Rue Bocquet, rue des Limites. — 11e section, 6e canton, Saint-Clément. — Faubourg Saint-Sever.

Cette rue est ainsi appelée, en vertu d’un arrêté du 18 novembre 1833, sans doute à cause de son voisinage de pépinières.

Pépins (rue des), en la paroisse Saint-Vivien.

D’anciens actes de tabellionage donnent ce nom à une rue qui était voisine de l’Estal-aux-Chevaux (voyez p. 210). Un acte du 8 août 1538 mentionne une maison sise au lieu nommé alors la Marêquerie, le ruisseau des Baillettes passant à travers, bornée d’un côté la rue des Pepins, et d’un bout la rue Bougerue, tendant à la fontaine Saint-Ouen.

C’est peut-être l’ancienne rue des Pichins ou Picquechins, appelée depuis rue Picchine, qui fait actuellement partie de la rue Édouard-Adam.

Il se pourrait aussi que ce fût le nom d’une rue aujourd’hui détruite comme beaucoup d’autres de ce quartier, et qui aurait été habitée par les « pépins », jardiniers qui cultivent les pépinières.

Percée (rue). = Route de Darnétal, rue de Darnétal. — 1re section, 5e canton, Saint-Hilaire. — Faubourg du même nom.

Cette rue, qui fut percée il y a une cinquantaine d’années pour communiquer de la rue de Darnétal à celle du faubourg Saint-Hilaire, est restée sans autre désignation.

Percière (rue). = Place Verdrel, rue Ganterie. — 9e section, 1er canton, la Cathédrale. — Quartier S.-O.

On a dit, d’après l’opinion de Farin, que ce nom vient de ce que la rue qui le porte fut percée pour communiquer de la rue Ganterie à la place du Marché-Neuf, qui fut établi en 1515 sur la partie occidentale du clos aux Juifs.

Mais la rue Percière, appelée Perchère par Taillepied, et Perchière par Du Souillet, existait bien avant la translation du Marché-Neuf, ainsi que nous le voyons par des chartes du 13e et du 14e siècle, et dans différents actes et titres du 15e siècle1. Un acte de 1419 mentionne une maison dans la rue Perchière, bornée d’un bout la halle qui fut aux cordonniers, en la paroisse de Saint-Jean-sur-Renelle. Cette rue Perchière comprenait donc aussi, suivant cet acte, dans son parcours, l’ancienne rue des Hermites, puisque la halle aux cuirs était située dans le haut de la rue de la Renelle, où cette rue venait aboutir.

Il est présumable que la rue Percière fut, non percée, mais redressée lors de l’établissement du Marché-Neuf en 1515 ; ce qui est expliqué d’ailleurs par Farin lui-même : C’est de là, dit-il, que la rue Percière ou Percée prit son nom, qui, détournant vers Saint-Lô, se trouva percée et alignée pour descendre au milieu de ce marché.2

Il y avait dans cette rue une ruelle, supprimée depuis, qui tendait à l’eau de Renelle, et dont il est fait mention dans un acte du 18 août 1492.

On remarque, dans la rue Percière, une maison en pierre de

la date de 1581, qui est une des plus jolies de l’époque : sa façade est revêtue d’ornements de bon goût et bien conservés1.

Père-Adam (rue du). = Rue de la République, rue du Petit-Mouton (en face de la place de l’Eau-de-Robec). — 7e section, 3e canton, Saint-Ouen. — Quartier S.-E.

L’origine du nom de cette rue pourrait être provenue de celui d’un ancien abbé de Sainte-Catherine-du-Mont, qui fut élu abbé de Saint-Ouen, et qui mourut vers le milieu du 13e siècle, après s’être retiré dans une petite cabane, près du couvent de Sainte-Catherine2. Adam Bacon, surnommé le Reclus, fut visité en 1255 par Louis IX à son retour de la Terre-sainte ; il mourut le 8 octobre 1256.

Cependant, la rue du Père-Adam n’est pas nommée dans les plans de 1655 et de 1724 ; son nom figure seulement dans celui de 1784. Dans la nomenclature de Du Souillet, elle est appelée la rue Derrière-le-Moulin. Elle a dû porter autrefois le nom de rue de la Planquette. (Voyez au mot Étuves.)

On lui donna en 1794 le nom de rue de Jemmapes, et son ancienne dénomination lui fut rendue en 1795.

M. l’abbé Cochet croit avoir reconnu, dans la rue du Père Adam, un ancien mur présentant en saillie une tour carrée, comme celles que l’on voit dans les enceintes antiques, et qui aurait fait partie de la première clôture de la ville3.

Dans cette rue, au bas de la rue Saint-Nicolas, est un moulin appelé le grand Moulin-de Saint-Ouen. C’est, croyons-nous, à ce moulin que devait être livrée, le dimanche d’après la fête de saint Barthélemy, une singulière redevance des religieux de Saint-Ouen à la maison de ville, consistant en deux pains chevalier et un oison bridé, c’est-à-dire tenu au cou et aux ailes par des rubans de soie, et accompagné de deux cruches pleines de vin, deux gros poulets, deux plats de bignets, deux pièces de bœuf et autant de lard, qui devaient être remis aux fermiers de la ville4.

Perle (rue de la).

Cette rue a été supprimée vers 1858, pour l’ouverture de la rue de l’Hôtel-de-Ville.

Elle porta anciennement le nom de rue de Boudin, ainsi qu’on le voit dans les plans de 1655 et de 1724, et dans plusieurs actes de tabellionage. Ce nom devait être provenu d’un propriétaire. On lui donna celui de rue de la Perle, probablement de quelque enseigne, pour éviter la confusion de cette rue avec une autre rue Boudin, qui est située derrière le Palais-de-Justice, entre la rue aux Juifs et la rue Saint-Lô.

Pérou (rue du). = Rampe Beauvoisine, rue Jouvenet. — 4e section, 5e canton, Saint-Romain. — Faubourg Beauvoisine.

Nous n’avons aucun renseignement sur l’origine du nom de cette rue, qui a été ouverte depuis le commencement du 19e siècle.

Perroquet (rue du).

Cette petite rue, qui tirait probablement son nom d’une enseigne, est une de celles qui ont été supprimées pour l’ouverture de la rue d’Amiens (ancienne rue Napoléon-III).

Pesqueur (ruelle du).

On trouve cette rue citée ainsi dans un acte de tabellionage du 27 janvier 1423 : maison bornée d’un côté la ruelle du Pesqueur, et d’un bout la rue du Beffroy, paroisse Saint-Godard. Il se pourrait que ce fût un ancien nom du passage Saint-Godard, qui n’existe plus.

Petit-Bicêtre (cour ou impasse du).

C’est un surnom qui a été vulgairement donné à une cour située dans la rue Verte, sans que rien ne puisse en justifier l’origine. — Ce surnom avait été donné aussi à une ancienne impasse qui est devenue la petite rue du Champ-du-Pardon.

Petit-Enfer (rue du). = Place Saint-Éloi, rue du Vieux-Palais. — 10e section, 1er canton, Saint-Vincent. — Quartier S.-O.

Cette rue avait été réunie, en 1795, à celle du Panneret, après avoir reçu, en 1794, le nom de rue de la Raison. Elle a continué néanmoins d’être inscrite sur les plans sous son nom

actuel, entre la place Saint-Éloi et la rue du Vieux-Palais. Sur les anciens plans, comme sur un autre de 1817, elle est appelée rue du Panneret1, et cette dernière rue, qui règne le long de la place Saint-Éloi et aboutit à celle de la Pucelle, est désignée, dans les mêmes plans, sous le nom de rue du Petit-Enfer.

Nous ignorons quelle peut être l’origine de cette dénomination, à moins qu’on ne la trouve dans le vieux mot « enfeu », qui se disait d’une caverne pour la sépulture des morts. Or, la rue du Petit-Enfer était le chemin qui conduisait au cimetière de Saint-Éloi2. On l’aurait appelée d’abord la petite rue de l’Enfeu, dont on aurait fait plus tard la rue du Petit-Enfer, suivant l’usage qui a fait réunir, dans quelques occasions, l’adjectif petit au nom donné à la rue3.

Il y avait sur la place du Marché-aux-Veaux (actuellement la place de la Pucelle), comme l’indique un acte du 21 février 1472, un jardin appelé le jardin d’Enfer, qui aurait pu également donner son nom à la rue voisine. — « Enfer » se disait aussi de quelque maison où l’on jouait, où l’on faisait ordinairement du bruit, du tapage. C’est même encore ainsi qu’on désigne quelquefois une maison de jeu clandestine. (Voyez p. 203.)

— Dans un acte de tabellionage du 22 novembre 1465, une rue voisine de la rue aux Béguines, précédemment la rue du Vieux-Palais, est appelée rue Faverel. On lit Flaverel dans des actes de 1478 et de 1480. On trouve enfin, dans un autre acte du 30 août 1518, la mention d’une maison bornée d’un côté par la rue de Flaverel, et d’autre bout par la rue descendant au Vieux-Palais. Ces désignations doivent s’appliquer à la rue du Petit-Enfer.

Petit-Gai (île du), longeant le quai du Mont-Riboudet. — 12e section, 6e canton, la Madeleine.

En 1815, on trouve cette île désignée sous le nom de l’île aux Gués. Il est possible que son nom soit provenu d’un gué, nom donné à un endroit où l’eau est basse, et où, par conséquent,

la rivière est guéable, c’est-à-dire qu’on peut la traverser à pied ou à cheval, sans nager ou s’embourber.

Petit-Gril (rue du), voyez rue du Gril.

Cette petite rue a été supprimée vers 1865 pour le passage de la rue de l’Hôtel-de-Ville.

Un acte de tabellionage du 22 avril 1477 indique un héritage situé en la rue Dynanderie, borné d’un bout par devant la rue de Lestuef, c’est-à-dire la rue de l’Étuve, nom qui était donné à la rue du Petit-Gril, qu’on appelait aussi la rue des Étuves-du-Grédil. (Voyez p. 216.)

Petit-Moulin (rue et impasse du).

C’est le nom que portait anciennement la petite rue Saint-Denis.

Il y avait, en outre, une impasse des Petits-Moulins, dont le tracé est encore indiqué, sur un plan de 1814, comme se prolongeant depuis la rue du Petit-Moulin jusqu’au-delà de l’église de Saint-Maclou. Cette impasse a été expropriée en 1843, pour le passage de la rue de la République, et en 1857 pour l’élargissement de la rue Caquerel.

Un acte du 7 juillet 1527 fait mention d’une maison sise dans la rue des Barbiers, et bornée par derrière par la rue des Moulins.

Ces dénominations venaient des moulins à blé qui y avaient leur entrée et qui sont actuellement dans la rue de la République.

La rue des Petits-Moulins a dû porter aussi le nom de rue des Trois-Suisses, nom provenant de l’enseigne d’une auberge située près des halles1.

Petit-Mouton (rue du). = Rue du Père-Adam, rue de la République. — 7e section, 3e canton, Saint-Ouen. — Quartier S.-E.

Au 11e siècle, les murs de la ville joignaient la porte de Saint-Léonard, qui était située près de Robec, en suivant la ligne tracée par la rue de l’Aumône et la rue actuelle du Petit-Mouton,

qui ne figure que comme une continuation de la première, dans les anciens plans.

Dans cette rue étaient des Étuves (voyez p. 217) qu’on appelait les Étuves à femmes, à l’enseigne du Petit-Mouton, d’où serait provenu le nom de la rue, que nous trouvons cité pour la première fois dans les Affiches de Normandie de 1774, et qui aurait porté aussi précédemment celui de ruelle aux Étuves-aux-Femmes (acte de 1498). Un acte du 16 juin 1422 mentionne un héritage borné d’un bout l’estre de Saint-Ouen, et d’autre bout au ruissel des Étuves, ruisseau couvert qui existe encore dans la rue du Petit-Mouton. Dans un acte de 1481 il est parlé d’une maison où pendait l’enseigne de la Croix-de-Dieu (origine du nom de la rue de la Croix-Verte), bornée d’un bout par l’hôtel des Étuves-aux-Femmes.

Le Conseil municipal fut saisi, en 1855, d’une pétition sollicitant l’élargissement de la rue du Petit-Mouton ; cette demande ne fut pas accueillie.

Petit-Musc (rue du).

Cette rue a été supprimée, vers 1865, pour le passage de la rue de l’Hôtel-de-Ville. On voit encore, dans la rue Étoupée, à droite en montant vers la rue Saint-Patrice, le point où venait aboutir la rue du Petit-Musc, dont le nom est gravé sur le mur de la maison qui en fait l’encoignure.

On trouve ce nom écrit de diverses manières dans les anciens ouvrages : rue du Petit-Muche, du Muche, du Mufle, du Musc et du Petit-Musc1. C’est sous la première de ces dénominations que la rue est inscrite dans des actes de tabellionage du 15e siècle.

Il est supposable que ce nom provient du vieux mot « muce », qui signifie muche ou cachette, dont on aura fait petit-muche ou petite cachette. La même étymologie pourrait s’appliquer aussi à la rue Mamuchet (mal-muché).

C’est certainement, dit M. Ch. Richard dans une note manuscrite que nous possédons, la rue Pute-y-Musse, c’est-à-dire une rue habitée par des femmes de mauvaise vie. Ces étymologies

grossières sont très-communes et très-avérées, et l’on en connaît de nombreux exemples. Il y avait à Paris une rue du même nom que celui que nous attribuons à la rue du Petit-Musc.

— Des actes du 14e siècle font mention d’une autre rue du Petit-Muche, dans le voisinage de la rue de l’Épicerie. On lit aussi, dans un acte du 18 juin 1420, la désignation d’une maison bornée par la rue qui va de Saint-Denis à la Madeleine (la rue des Fourchettes), la rue et le carrefour de l’Épicerie, et la rue de la Gibechière, appelée Petit-Muche. Nous croyons qu’il s’agit d’une ruelle ou d’un passage qui est figuré dans un plan de 1724, et qui, partant de l’angle nord-ouest de la petite place du Marché-aux-Balais, allait rejoindre la rue des Fourchettes. C’est aujourd’hui l’allée d’une maison particulière. — Un autre acte du 16 septembre 1513 parle aussi d’une maison bornée d’un côté par la rue de la Herche1, d’un bout la rue de l’Épicerie, et d’autre bout la rue du Petit-Muche.

Petit-Pont (rue du).

Ce nom, qui fut donné en novembre 1833 à une ruelle tendant de la route de Darnétal à la rue des Petites-Eaux, provient d’un pont placé sur la rivière de Robec. Elle était inscrite sur un plan de 1817, sous la désignation de petite rulette ou ruellette. On y descend, du côté de la route de Darnétal, par plusieurs marches. — On avait donné aussi à cette ruelle le nom de rue de la Fontaine.

En janvier 1858, le Conseil municipal fut saisi d’une pétition par laquelle on demandait la suppression de cette ruelle, suppression qui a été prononcée dans la session de mars de la même année.

Petit-Porche (rue du). = Place de l’Hôtel-de-Ville, rue Bourg-l’Abbé. — 5e section, 2e canton, Saint-Ouen. — Quartier N.-E.

Cette rue est désignée par Du Souillet sous le nom de rue du Porche, et dans le Flambeau astronomique de 1716 sous celui du Porchet.

La cour de Saint-Ouen et ses dépendances s’étendaient autrefois jusqu’à la rue Bourg-l’Abbé, et il y avait, en face de l’église

actuelle du Lycée, un porche qui est figuré sur des plans de 1597, de 1655 et de 1724, et qui donnait entrée au Logis du Roi par une allée plantée d’arbres. C’est sans doute là l’origine du nom de la rue du Petit-Porche, près de laquelle cette porte était située1.

La rue du Petit-Porche a porté aussi le nom de ruelle de la Jaudine ; on lit, dans un acte de tabellionage de 1460 : la ruelle de la Jaudine2, située entre l’hôtel, tennement et jardin du lieu des Étuves de la Seine Seille et l’hôtel et tennement qui fut Guillaume de Croixmare. — Un acte de 1520 mentionne la rue allant de la rue de la Seille à la rue Pincedos.

En 1794, on donna à la rue du Petit-Porche et à celle des Murs-Saint-Ouen, réunies, le nom de rue de la Fontaine-neuve. Chacune de ces rues reprit, en 1795, son ancienne dénomination.

Petit-Pot (rue du).

Une rue de ce nom est citée dans les registres secrets du Parlement, à la date de 1526, comme avoisinant le palais : Le cardinal de Lorraine, y est-il dit, était assis près de Messieurs, du côté de la rue du Petit-Pot. — On trouve aussi la mention suivante dans un acte de tabellionage de la même année : l’hôtel où pend l’enseigne du Petit-Pot-d’estain jouxte le palais, en la paroisse de Saint-Lô.

La maison du Petit-Pot est encore indiquée dans un arrêt du 6 juin 1522, relatif aux mesures de police ordonnées pour protéger les abords du Palais-de-Justice. (V. place Verdrel.)

Petit-Prévost (rue du). = Rue des Ramassés, rue des Charrettes. — 10e section, 1er canton, Saint-Vincent. — Quartier S.-O.

Le véritable nom de cette rue est rue du Prevost, ou petite rue du Prevost. Une ancienne inscription portait rue du Preuost. Ce nom provenait d’un propriétaire. Il y avait, au 16e siècle, une famille Leprevost dans la paroisse Saint-Éloi3.

Petit-Puits (rue du).

Cette rue, qui a été supprimée en 1861 pour l’ouverture de la rue Rollon, avait dû prendre son nom d’un puits anciennement comblé, dont on a retrouvé les vestiges en 1867. Elle est inscrite sur les plans de 1655 et de 1724 sous celui du Petit-Puy. Elle avait porté au 15e siècle les noms de rue Ancelin ou Asselin. Plusieurs actes de tabellionage font mention d’héritages aboutant de la rue ainsi dénommée à la rue Écuyère. Un registre du Parlement cite une rue Ancelin qui mène de la rue Écuyère au Vieil-Marché. D’autres actes de 1476 et de 1503 la désignent sous le nom de rue Lancelin.

Cette rue était aussi appelée, vers la même époque, rue des Étuves. (Voyez p. 216.) Un acte de 1485 cite une maison bornée d’un côté la rue des Étuves du Petit-Puits anciennement nommée la rue Ancelin, et d’un bout la rue Sainte-Croix. Un autre acte du 29 juillet 1420 concerne un hôtel, en la paroisse Saint-Michel, où pend l’enseigne du Dieu-d’Amour, depuis le pavement de devant l’église Saint-Michel à une issue qui est audit hôtel, pour isser en la rue des Étuves, nommée la rue Asselin. Suivant un acte du 3 juillet 1478, cet hôtel du Dieu-d’Amour était borné d’un bout le pavement de la rue Machacre (la rue de la Grosse-Horloge), et d’autre bout la rue qui mène de Sainte-Croix à la rue Écuyère. Cet établissement considérable est souvent cité dans les registres de tabellionage comme point d’abornement. C’est ainsi qu’on lit dans un acte du 31 décembre 1476 : Un hôtel assis en la rue de Vanterie (autre nom de la rue de la Grosse-Horloge), borné par derrière le vendeur au côté devers le Dieu-d’Amour. L’acheteur aura un passage avec un huis issant en la rue Lancelin. On lit enfin dans un autre acte du 7 mars 1492 : Maison bornée d’un bout le pavé de l’allée par laquelle l’en yst de l’hostel de la Chesnaye par l’huys de derrière en la rue du Petit-Puits, et d’autre bout l’hostel Thillard, où pend l’enseigne du Dieu-d’Amour.

— On a trouvé en 1867, dans les décombres de la rue du Petit-Puits, un plomb de douane des marchandises foraines, portant la date de 1672.

Petit-Quevilly (rue du). = Rue Sablée, la campagne vers le Petit-Quevilly. — 11e section, 6e canton, Saint-Sever. — Faubourg du même nom.

Cette rue tire son nom de sa direction vers le Petit-Quevilly,

commune limitrophe. Nous ne nous occuperons de ce nom que pour reproduire l’étymologie qui lui est donnée par le savant antiquaire Auguste Le Prevost1. Les premiers princes normands, pour se procurer le plaisir de la chasse, avaient établi, dans la forêt de Rouvray, des enceintes et des palissades de pieux fichés en terre, entrelacés et chevillés ensemble ; de là seraient venus les mots « chevilla, cavilla », dont on a fait Quevilly2.

Petit-Salut (rue et impasse du). = Rue Grand-Pont, rue aux Ours. — 9e section, 1er canton, la Cathédrale. — Quartier S.-O.

À l’entrée de cette rue, près de la cour des Aydes, était autrefois, dit-on, un cabaret dont l’enseigne représentait un prêtre à l’autel, accompagné de deux acolytes, qui célébrait l’office connu sous le nom du Salut ou de l’Annonciation, c’est-à-dire la Salutation angélique. Cette enseigne aurait fait donner à la rue le nom de rue du Salut ou du Petit-Salut. Un étymologiste du dernier siècle pense que cette dénomination est provenue plutôt d’une monnaie que fit fabriquer Henri V, roi d’Angleterre, sous le règne de Charles VI, roi de France, et qu’on nomma des petits-saluts, parce qu’elle avait pour empreinte le salut que l’ange fit à la sainte Vierge, lorsqu’il lui annonça le mystère de l’Incarnation. Ces petits-saluts étaient fabriqués par un fondeur de monnaies nommé Colin Pinel, qui demeurait près de la Cathédrale3.

M. É. Gosselin donne, au sujet du nom de la rue du Petit-Salut, une autre définition qui n’est pas sans valeur, si l’on considère que ce nom ne lui fut donné qu’après 1525, comme nous le dirons ci-après. C’est au jeu de Paume appelé le Port-du-Salut que, pour la première fois en 1557, on joua la comédie devant un public assis et payant à l’entrée le droit de siffler ou d’applaudir. Ce jeu de paume était situé dans la rue qui a fini par prendre le nom d’un autre établissement plus petit, et appelé pour cela le Petit-Salut4. Nous voyons, en effet, que la rue du

Petit-Salut portait, dès le 13e siècle jusqu’au 16e, le nom de rue aux Tailleurs1, qui est indiqué dans plusieurs actes de tabellionage. On lit aussi, dans le Manuscrit des Fontaines de 1525, que, dans la rue de Courvoyserie, il y avait une ruelle qui conduisait à la rue des Tailleurs. (V. ruelle du Gravier.2) On ne trouve enfin le nom de la rue du Petit-Salut que dans un titre de 1572.

La partie de cette rue qui donne dans la rue aux Ours a porté le nom de rue Saint-Cande-le-Jeune, à cause de l’église paroissiale qui avait sa principale entrée près de la fontaine de la rue aux Ours. (Voyez rue Saint-Cande-le-Jeune.) — En face des restes de cette ancienne église, maintenant à usage de magasin, est l’impasse du Petit-Salut.

On donna en 1794, à la rue du Petit-Salut, le nom de rue de Franciade ; sa précédente dénomination lui fut rendue en 1795.

Petite-Chartreuse (rue de la). = Rue Préfontaine, route de Darnétal. — 1re section, 5e canton, Saint-Hilaire. — Faubourg Saint-Hilaire.

Cette rue et celle de la Rose, anciennement nommée rue de la Grande Chartreuse, ont pris leur nom des Chartreux, qui vinrent à Rouen en 1384. Cette dénomination vient de ce que le chef de leur ordre, saint Bruno, s’établit en 1084 avec quelques compagnons dans une retraite appelée Chartreuse, en Dauphiné. Ces Chartreux demeurèrent d’abord dans la vallée de Darnétal, sur le bord de la Robec, à peu de distance du Nid-de-Chien ; leur monastère avait reçu de son fondateur le nom de la Rose-Notre-Dame ou d’hermitage de la Rose. On voyait encore leur église en 1525. En 1418, dans le siége mémorable que vint mettre devant Rouen Henri V, roi d’Angleterre, ce prince s’in-

stalla dans le monastère que les Chartreux avaient été contraints d’abandonner. Ces religieux en reprirent possession plus tard, et ils se réunirent vers 1681 à la nouvelle Chartreuse établie au prieuré de Saint Julien, dans le faubourg Saint-Sever ; leur maison fut détruite en 1703.

Il reste de leur ancien monastère, dont les dépendances s’étendaient jusqu’à la route de Darnétal, quelques bâtiments et une portion de mur de clôture qui forme un des côtés de la rue de la Petite-Chartreuse1. On voit encore, dans une propriété particulière que ce mur entoure, à gauche de la porte d’entrée, une petite chapelle votive sous le vocable de Notre-Dame-de-la-Paix ; elle a remplacé une autre chapelle, surmontée d’un clocher, qui était appelée Notre-Dame-des-Roses, et qui avait été érigée pour satisfaire à la dévotion des femmes qui s’y rendaient en pélerinage.

On donna, en 1754 1794, à la rue de la Petite-Chartreuse, le nom de rue de Tours ; elle reprit son ancienne dénomination en 1795, mais le nom du Petit-Tour a été conservé à une rue ou chemin qui, de la rue de la Petite-Chartreuse, se dirige vers les Petites-Eaux de Robec. (V. rue du Tour.)

Petite-Chaussée (quai de la). = 11e section, 6e canton, Saint-Sever. — Faubourg Saint-Sever.

Ce nom a été donné en vertu d’un arrêté du 17 août 1837, à la partie du quai de Saint-Sever qui est située entre la rue de la Petite-Chaussée et la rue Benoît.

Là est la principale station des bateliers ou passeurs d’eau qui suppléent à l’insuffisance des ponts pour la traversée de la Seine. Ils formaient, au moyen-âge, une corporation d’où sortaient les mariniers proprement dits, qui dirigeaient les navires sur le fleuve ou sur la mer. Ils avaient une confrérie de Saint-Clément au couvent des Cordeliers2.

mence la rue Morris. On l’appelait en 1822 la Petite-Chaussée de Bonne-Nouvelle.

Petite-Côte (rue ou chemin de la), près du hameau du Nid-de-Chien.

On avait donné ce nom, en novembre 1833, à un chemin tendant de la rue du Nid-de-Chien à celle de Saint-Gilles ; la rue de la Petite-Côte a été déclassée en 1866. C’est un chemin inhabité qui conduit à la commune de Blôville-Bonsecours.

Petite-Porte (rue de la). = Le cimetière de Saint-Hilaire, la rue de Darnétal. — 1re section, 5e canton, Saint-Hilaire. — Faubourg du même nom.

Cette rue, qui commence derrière l’église de Saint-Hilaire, a pris son nom d’une porte qui fermait le cimetière de ce côté.

Petites-Eaux-de-Robec (rue des). = Rue de l’Abreuvoir, cavée de Carville, aux limites de Darnétal. — 1re section, 5e canton, Saint-Hilaire. — Faubourg du même nom.

On donnait aussi à cette rue, qui longe le canal de la rivière de Robec, le nom de rue des Jardins-sous-Robec.

— On désigne vulgairement la rue Préfontaine sous la dénomination des Petites-Eaux de Martinville.

Peupliers (rue des). = Rue des Ursulines, rue Percée. — 1re section, 5e canton, Saint-Hilaire. — Faubourg du même nom.

Cette rue tire son nom de peupliers qui y étaient plantés à l’époque de son ouverture.

Picchine (rue).

C’est le nom que portait précédemment une rue qui fait partie de la rue Édouard-Adam depuis 1866. On la trouve inscrite sur les plans de 1655 et de 1724, sous le nom de rue du Bon-Espoir.

Il est probable, dit l’auteur du Dictionnaire indicateur, que le nom de la rue Picchine, qui est située dans un quartier autrefois marécageux, vient du mot « piscine » qui signifie vivier,

réservoir d’eau, etc. Cette conjecture est d’autant plus vraisemblable, qu’un ruisseau coule continuellement dans la rue1.

Néanmoins, les diverses dénominations sous lesquelles cette rue est mentionnée dans un grand nombre d’actes de tabellionage semblent attribuer à son nom une autre origine. On lit, en effet, rue des Piquechis et Piquecheys2, Picquechins ou Piquechins3, Pinquechins4 et même Pinchets5. Ces variantes résultent évidemment des diverses manières dont le nom était prononcé. De plus, on trouve l’indication d’un nommé Thomas, dit Piquechin6, qui semble s’appliquer à la profession qu’il exerçait. On peut supposer que cette rue, dans le voisinage de laquelle étaient des tanneurs et des mégissiers, fut habitée par des gens qui faisaient le commerce de peaux de chien, d’où serait venu le mot Piquechins, dont on aurait fait Picchine.

Picot (rue). = Avenue des Chantiers, rue Pavée. — 1re section, 6e canton, Saint-Sever. — Faubourg Saint-Sever.

Cette rue, non encore classée, porte le nom d’un propriétaire.

Pie-aux-Anglais (rue de la). = Rue Saint-Sever, rue du Pré. — 11e section, 6e canton, Saint-Sever. — Faubourg du même nom.

On trouve cette rue divisée en deux parties sur un plan de 1782 ; la première, donnant dans la rue du Pré, a pris son nom d’une enseigne ; la seconde, qui aboutit à la rue Saint-Sever, doit le sien aux premiers établissements formés par des Anglais dans ce quartier, anciennement connu sous la dénomination des

Prés-aux-Anglais. (Voir les plans de 1655 et de 1724.) Les deux rues furent réunies plus tard en une seule, sous le nom de rue de la Pie-aux-Anglais.

Farin1 donne les détails d’une inondation considérable qui, le 24 février 1658, y causa d’immenses dommages : la plus grande partie des maisons d’Émendreville furent détruites par les vagues qui roulaient dans la rue de la Pie, près de l’église Saint-Sever.

Pierre-Corneille (rue). = Place du Vieux-Marché, rue de Fontenelle. — 10e section, 1er canton, la Madeleine. — Quartier S.-O.

Le nom du père de la tragédie, qui reçut de ses contemporains le titre de Grand2, a été donné à la rue de la Pie, dans laquelle il est né. Ce tardif hommage avait fait conserver pendant longtemps à cette rue le nom de rue de la Pie, dû évidemment à une enseigne ; il y avait, en 1488, un hôtel de la Pie, qui était assis en la rue Mignotte. (Voyez ce nom.)3 — Précédemment, dans un acte de 1424, il est parlé du pavé qui vient des Jacobins au Vieux-Marché, devant Saint-Sauveur.

L’hôtel où naquirent Pierre et Thomas Corneille, et qui appartenait à leur famille, est ainsi indiqué par Gomboust, en 1655 : Dans le voisinage de Saint-Sauveur, habitation divisée en deux corps de logis4, avec pignon sur rue et étages en saillie. Ces maisons furent démolies en 1855 et 1857. Le Musée d’antiquités

possède une de leurs portes, qui a été donnée par M. Lefoyer père, ancien serrurier à Rouen. Une tablette de marbre fut placée, le 25 juin 1858, sur la construction qui remplace la maison natale du grand poète tragique, avec ces mots : Ici est né, le 9 juin 1606, Pierre Corneille. Cette inscription, qui renfermait une erreur de date, a été remplacée par une autre sur laquelle on lit : Ici étaient les maisons où sont nés les deux Corneille, Pierre, le 6 juin 1606, Thomas, le 24 août 1625.

En 1853, en démolissant la façade d’une maison de cette rue, pour la reculer sur un alignement nouveau, on a trouvé un sceau en plomb appartenant au pontificat de Clément VI, qui avait été archevêque de Rouen en 1330, sous le nom de Pierre Roger.

— On rencontre, au sein de la ville de Rouen, différents souvenirs de notre poète tragique. Outre la table de marbre que nous venons de signaler, le buste et la statue de Pierre Corneille sont placés à l’Hôtel-de-Ville ; une autre statue est déposée au Palais-de-Justice, dans la salle des Pas-Perdus de l’ouest ; enfin, le terre-plein du pont de pierre est orné d’une statue en bronze de l’immortel auteur du Cid, qui a été inaugurée en 1834. (Voyez à l’article Ponts de Rouen.)

Pierre-Mallart (ruelle).

Une ruelle de ce nom est mentionnée dans un acte de tabellionage du 14 février 1481, comme étant située en la paroisse de Saint-Nicaise, près des ruelles tendant au camp du Régent. C’était, sans aucun doute, le nom d’un propriétaire.

Pigeon (rue).

Cette rue, qui était située entre la rue de la Grande-Mesure et les ponts de Robec, a été supprimée pour l’ouverture de la rue Napoléon III, aujourd’hui la rue d’Amiens. Le nom qu’elle portait devait provenir d’une enseigne du « Coulomb » qui y existait autrefois. Sur les plans de 1655 et de 1724 on la nomme rue Pinton. Dans un rapport du 23 décembre 1588, elle était appelée rue des Trois-Pigeons.

On a trouvé, en 1856, en démolissant de vieilles maisons de la rue Pigeon, de nombreux débris de l’époque romaine, qui indiquent que cette rue, l’une des plus anciennes de la ville, se trou-

vait dans la limite des enceintes romaines de l’antique Rothomagus1.

Pilavoine (impasse), dans la rue Saint-Hilaire, près de la rue Bassesse. = 2e section, 4e canton, Saint-Vivien. — Quartier N.-E.

Cette impasse, dont l’entrée était couverte d’un porche, avait reçu le nom d’un habitant de la paroisse Saint-Maclou. Ce nom figure sur les registres de la ville et sur ceux du tabellionage2. On trouve aussi, dans un acte du 14 mars 1421, une rue aux Chartrins, dite le chemin de Pilavoine.

Dans des actes de 1533 et de 1542, il est fait mention de propriétés sises en la ruelle Friguet, dite Pilavoine. L’origine de ce nom pourrait être attribuée au vieux mot « friquet » qui signifie petit-galant, freluquet. Taillepied cite au nombre des rues qui étaient dans le quartier de Saint-Hilaire une rue du Petit-Galand qu’on ne retrouve pas dans les nomenclatures plus modernes. Cette double dénomination de Friguet ou de Petit-Galand, provenant d’une enseigne, a pu être donnée pendant quelque temps à la rue Pilavoine, à laquelle on aura restitué plus tard son nom primitif.

Pissot (rue). = Route de Neufchâtel, la campagne vers le Boisguillaume. — 4e section, 5e canton, Saint-Romain. — Faubourg Bouvreuil.

C’est un ancien chemin qui conduit de la route de Neufchâtel à l’église du Boisguillaume. Nous ne connaissons pas l’origine de ce nom.

Pitry (rue). = Rue Poussin, rue des Deux-Anges. — 2e section, 2e canton, Saint-Nicaise. — Quartier N.-E.

Un acte de tabellionage de 1428 désigne cette rue sous le nom de rue de Puitrie. Dans son voisinage, on trouve la rue Tirhuit (actuellement la rue Boisguilbert) et la rue Poitron, dont les noms semblaient indiquer des rues habitées par des femmes de mauvaise vie, et qui furent ouvertes à la même époque que la rue de Puitrie, dans les champs situés hors de la ville.

D’un autre côté, dans un acte de 1461, on voit une rue Pinctorie au bout de la rue Tirevit ; dans un autre acte du 15 décembre 1465 on lit rue Pintorie ; un autre, enfin, du 18 octobre 1508, mentionne la rue de Pictorie, près de la rue Tirelinceul. Ces diverses dénominations, dont on a pu faire rue Pitry, se rapprochent aussi du nom de la rue des Penteurs que l’on donnait, dans ce quartier comme dans plusieurs autres, à des rues où se trouvaient en grand nombre, au 14e et au 15e siècle, des jardins, cours ou siéges de penteurs (voyez ce mot), et révèlent l’importance de l’industrie de la draperie, qui occupait à Rouen une notable partie de la population. Le quartier de Saint-Nicaise semblait être le centre du rayon habité par les drapiers.

Planche (cour de la) ou des Planches.

On appelait ainsi une cour qui était située dans la rue Cauchoise, et qui a été supprimée pour le prolongement de la rue de Fontenelle.

Planche-Ferrée (rue de la).

Cette rue porte actuellement le nom de rue Blanche, depuis la rue Ambroise-Fleury jusqu’à celle d’Édouard-Adam. — Son nom venait d’une planche ferrée, c’est-à-dire garnie de grosses têtes de clous et de ferrures, qui couvrait un petit ruisseau venant de Robec.

Le Flambeau astronomique de 1716 la désigne sous le nom de la Marêquerie.

Plat (carrefour du), formé par les rues Orbe, Bourg-l’Abbé, Saint-Nicaise et des Maîtresses. — Quartier N.-E.

Le nom de ce carrefour doit provenir, ainsi que celui de la fontaine voisine, d’une enseigne. Un acte de tabellionage du 8 juin 1462 fait mention d’un hôtel où pendait le Plat-d’étain, au coin du carrefour où se rassemblent les ouvriers de draperie. Au milieu de ce carrefour existait autrefois un puits public qui était alimenté par la source de Saint-Nicaise, appelée ainsi parce qu’elle prend naissance derrière le chœur de cette église. Ce puits a été plus tard remplacé par la fontaine dite du Plat, qui est au coin de la rue des Maîtresses (voyez ce nom), et qui a été établie en 1655.

Plâtre (rue du). = Quai de Paris, rue des Augustins. — 6e section, 3e canton, Saint-Maclou. — Quartier S.-E.

On appelait cette rue, au 15e siècle et antérieurement, la rue du Quai ou Kay, ou la rue du Petit-Kay1.

Un acte de tabellionage du 3 février 1466 fait mention de la rue du Petit-Kay, à présent nommée la rue du Plâtre2. Ce dernier nom est inscrit dans des actes postérieurs à celui de 1466, qui indiquent aussi une rue du Petit-Kay, nommée auparavant la rue d’Espaigne, laquelle fut plus tard appelée rue de l’Écu-de-Verre. Les noms de rue du Plâtre et de rue du Petit-Kay provenaient de la proximité du quai de la Madeleine, où l’on débarquait les pierres à plâtre. Un autre acte de tabellionage cite la vente d’une maison en la rue du Petit-Kay, paroisse de Saint-Maclou, avec le kayage le long d’icelui jusqu’à la Seine, sauf garantie pour le cas où le roy ou la ville entreprendroient, selon que monteroit le chemin le long de la muraille et closture de la ville.

Un titre de 12883, et le registre du tabellionage de 1360 à 1362, font mention d’une rue du Clos-du-Petit-Gars, en la paroisse Saint-Maclou ; ce doit être un nom défiguré de la rue du Petit-Kay.

Des actes de 1421 et de 1425 mentionnent, dans la rue du Petit-Kay, une ruelle Laurent-Duval, qui est actuellement appelée la rue du Closet-de-la-Madeleine, et une ruelle Trigorye ou Trihory, conduisant à la rue d’Espagne. On remarque, en effet, dans la rue du Plâtre, des traces de cette dernière ruelle. Il y avait aussi une impasse Damy-Hocquet.

— Plusieurs actes de tabellionage du 14e et du 15e siècle font aussi mention d’une rue du Petit Kay près de la rue de l’Estal-aux-Chevaux, autrement dite la rue aux Telliers. (Voyez page 211.)

Pleins-Champs (rue des). = Rampe Beauvoisine, rue Jouvenet. — 4e section, 5e canton, Saint-Romain. — Faubourg Beauvoisine.

Cette rue a pris son nom de sa position vers la campagne.

Elle avait porté pendant quelque temps celui de rue des Champs, qui a été changé pour la distinguer de celle qui se trouve dans le quartier de Saint-Nicaise.

Poisson (rue). = Rue Orbe, rue de la Roche. — 2e section ; 2e canton pour les numéros impairs, 4e canton pour les numéros pairs ; Saint-Nicaise — Quartier N.-E.

Cette rue, que l’on trouve inscrite aussi sous les noms de rue du Poisson ou des Poissons1, et de rue des Trois-Poissons2, a dû prendre son nom d’une enseigne.

Dans la rue Poisson est la communauté des Dames hospitalières de la congrégation de Saint-Joseph, qui fut établie en 1654, augmentée en 1664, supprimée en 1791, puis rétablie vers 1825. Leur chapelle est sous le vocable de Saint-Joseph. C’est dans la même rue qu’est le Séminaire archiépiscopal, auquel fut réuni en 1707 le séminaire de Saint-Vivien (v. rue Orbe) ; on lui réunit plus tard une autre communauté fondée en 1726, sous le titre de Séminaire de Saint-Louis. Le Séminaire archiépiscopal fut considérablement augmenté en 1803, et encore agrandi en 1861. Sa chapelle fut bâtie en 1726. Cet établissement étant devenu insuffisant, on a créé en 1819 le petit Séminaire du Mont-aux-Malades.

Des travaux, exécutés en 1865 dans la rue Poisson et dans celle de l’Aître-Saint-Nicaise, ont amené la découverte d’une grande quantité d’ossements provenant de l’ancien cimetière de cette paroisse ; ils ont été religieusement recueillis et transportés au cimetière de la Jatte. On a trouvé également des tuiles romaines et des fragments de poteries.

Poissonnerie (la).

Au 15e siecle, le marché aux poissons, qui était près de la porte Harenguerie, fut transféré sur le port, près de l’ancien pont de pierre. (Voyez p. 279) Ce lieu est désigné, dans les Beautez de la Normandie, sous le nom de la petite Harenguerie-du-Pont, où il y a boucherie et poissonnerie. Un acte de tabellionage, du 18 décembre 1421, fait mention d’un héritage tendant d’un bout au pavement de la Poissonnerie, d’autre bout

à la ruelle qui va du bout du pont au port aux Poissons, etc. Un autre acte du 16 septembre 1487 parle aussi d’une maison bornée d’un côté le lieu où l’on a de présent édifié les maisons et estaulx de la poissonnerie du bout du pont, d’autre côté le pavé du roi où souloit estre la porte aux Charrettes, et d’un bout la rue tendant à la dite poissonnerie.

On donne encore vulgairement le nom de quai aux Huîtres à la partie du quai qui avoisine la rue Grand-Pont, parce que c’est là que venaient les barques chargées d’huîtres et de moules.

La poissonnerie fut plus tard établie sur la place du Vieux-Marché, dans un corps de bâtiment que l’on voit figuré sur le plan de 1655 et sur ceux de 1724 et de 1784, sous la double désignation de boucherie pour la façade exposée au nord, et de poissonnerie pour celle du midi. Le marché aux poissons est actuellement installé sur la même place, qui a été considérablement agrandie. (Voir place du Vieux-Marché.)

— Outre la poissonnerie du bout du pont, Taillepied signale l’existence, en 1587, de la poissonnerie de Beauvoisine, de celles du Vieil-Marché, du Pont-de-Robec1, et de la poissonnerie de Martinville.

Poitron (rue). = Rue des Capucins, rue des Champs. — 2e section, 4e canton, Saint-Nicaise. — Quartier N.-E.

On trouve ce nom écrit de différentes manières : Poetron2, Poitron3, Poettron, Poetron, et enfin Poiteron. Le mot « poitron », en vieux langage, signifie vieille femme, et était souvent employé comme un terme de mépris. On voit, dans un acte de tabellionage du 5 mars 1423, la rue des Belles-Femmes désignée sous le nom de rue de Poiteron4, ce qui fait supposer une assimilation entre les femmes qui habitaient ordinairement les deux quartiers.

La rue Poitron est indiquée, dans les plans de 1655 et de 1724, sous la dénomination de rue des Capucins, à cause du couvent

qui y avait une entrée, et dont le nom est resté depuis à une rue voisine.

Un acte de 1461, et un autre de 1526, font mention de la rue Achérée, dite rue de Poiteron.

Poittevin (passage), dans la cité Landrieu. = Rue Louise, rue Moitte. — 1re section, 5e canton, Saint-Paul. — Faubourg Martinville.

Nom donné par un propriétaire à une ruelle nouvellement ouverte dans ce quartier.

Pomme-d’Or (rue). = Rue de l’Amitié, rue Orbe. — 2e section ; 2e canton pour les numéros impairs, 4e canton pour les numéros pairs ; Saint-Vivien. — Quartier N.-E.

Le nom de cette rue est mentionné dans des actes de tabellionage du 15e siècle, mais elle portait précédemment celui de rue Engrenier1. Un acte du 3 juillet 1461 cite la rue Engrenier dans laquelle était une maison où pendait l’enseigne de la Pomme-d’or. Dans d’autres actes, la rue Engrenier est indiquée comme joignant la rue de Croixmare (actuellement la rue de l’Amitié).

On trouve, dans des actes de 1529 et de 1547, la mention de la rue Touzée ou de la Pomme-d’or (voyez rue Fleuriguet).

Dans les plans de 1655 et de 1724, la rue Pomme-d’or est inscrite à la place de la rue des Maîtresses, et la rue Fleuriguet est indiquée entre la rue Saint-Vivien et la rue Orbe. Cette double interversion cesse dans les plans plus modernes.

Les Affiches de Normandie de 1776 et de 1778 font mention d’une maison située rue Pomme-d’or, à côté d’une sucrerie.

Pommiers-Mallet (rue et impasse des). — Rue Bihorel, chemin des Bœufs. — 4e section, 5e canton, Saint-Romain. — Faubourg Beauvoisine.

C’est le nom d’un propriétaire qui avait ouvert cette rue sur un terrain planté de pommiers.

Pompe (cour ou passage de la).

Ce nom a été donné vulgairement à une cour située dans la

rue du Lieu-de-Santé, et qui est connue actuellement sous celui de cour Avenelle. (Voyez aussi rue du Passage-de-la-Pompe.)

Pompes à incendie (cour des).

Ce nom était vulgairement donné à une cour située rue Saint-Lô, et qui dépendait de l’ancien hôtel de la Présidence, appelé aujourd’hui l’hôtel des Sociétés savantes. C’était là qu’était le dépôt général des pompes à incendie avant leur translation, en 1853, dans l’une des dépendances du Palais-de-Justice, dont l’entrée est par la rue Boudin.

L’organisation des secours contre l’incendie a été faite par un règlement de 16861, mais la première introduction des pompes ne date que de 1719.

Outre le magasin général, près duquel se trouve aussi le corps-de-garde de la compagnie des sapeurs-pompiers, il existe des dépôts partiels dans les différents quartiers de la ville. Un réseau télégraphique, dont les stations correspondent avec le dépôt des pompes, est établi depuis 1867 dans ces divers quartiers.

Pompes funèbres (Administration des).

La création de cette entreprise date du 10 mai 1803 ; il y avait précédemment des charriots mortuaires, qui avaient été établis le 29 janvier 1784. Le siége de l’administration des Pompes funèbres, qui dessert toutes les paroisses de la ville, est sur le quai de Paris, à l’angle du boulevard ou de la place du Champ-de-Mars.

— Il y a, en outre, dans la rue Dulong, pour le service des inhumations dans la banlieue et l’arrondissement de Rouen, une succursale de la grande administration des Pompes funèbres de France.

Ponceau ou Ponchel (carrefour du).

Ce carrefour est formé par la jonction des rues du Ruissel et de la Chèvre, dans la rue Martinville. Son nom venait d’un petit pont en bois qui était jeté sur le Ruissel, et qu’on appelait

ponceau et ponchel en vieux langage. On l’appelait aussi le Pont-Honfroy. Là fut reportée, en 1200, la porte de Robec, qui fut ensuite rebâtie à l’extrémité est de la rue Martinville (voyez ce nom). La dénomination de Pont-Honfroy, qui datait du 11e siècle, venait évidemment du nom d’un tanneur appelé Honfroy, qui y avait son établissement1.

— Un état des rentes appartenant au prieuré de Saint-Lô fait connaître qu’il y avait aussi une maison du Ponchel au coing devant Saint-Antoine. Ce nom était dû sans doute aussi à l’existence d’un petit pont sur le cours d’eau de la Renelle.

Pongneresses (rue aux).

On trouve ce nom, dont la signification nous est inconnue, dans un acte de tabellionage du 12 août 1420, pour une rue sise en la paroisse de Saint-Ouen.

Pont-à-Dame-Renaulde (rue du). = Rue Eau-de-Robec, rue Saint-Hilaire. — 3e section, 4e canton, Saint-Vivien. — Quartier S.-E.

Ce pont existait avant l’époque de la dernière enceinte2. On voit, dans un acte de 1427, la désignation du pont Dame-Regnaulde. La rue ainsi appelée est inscrite aussi, sur les anciens plans, sous la désignation de rue du Pont-à-Renaud ; elle a dû prendre son nom d’une dame qui était propriétaire du terrain sur lequel elle a été ouverte. Elle reçut en 1794 le nom de rue du Pont-Rouge, et reprit sa précédente dénomination en 1795.

En 1685, cette rue, qui tend à l’Hospice-général, fut élargie, et la ville accorda une indemnité à un propriétaire voisin, nommé Lemonnier.

Pont-Codrille (rue du). = Rue Eau-de-Robec, rue des Faulx. — 6e section, 3e canton, Saint-Maclou. — Quartier S.-E.

À propos du nom de cette petite rue, dont nous ne connaissons pas l’origine, nous citerons l’extrait d’une curieuse légende que Mlle Bosquet rapporte dans sa Normandie romanesque et merveilleuse3 : Le codrille est un petit œuf avorté que le peuple croit

avoir été pondu par un coq ; il n’y a que du blanc et point de jaune. Cet œuf renferme le germe d’un serpent, qui deviendrait monstrueux si on le laissait éclore, et qui, après s’être caché quelque temps sous les toits ou dans les fentes d’une muraille, causerait les plus grands ravages dans le pays. On dit aussi que lorsque le codrille a atteint l’âge de sept ans sans être vu de personne, il lui pousse des ailes, et que, le jour même où elles sont de force à traverser les airs, le nouveau dragon s’enfuit vers la tour de Babylone...

Pont-de-bois-d’Aubette (rue du).

Une partie de cette rue a été réunie à la rue du Figuier, lors de la création de la place Saint-Marc (voyez ce nom). Le reste forme actuellement, avec l’ancienne rue des Degrés-rompus, le prolongement de la rue Defontenay jusqu’à la même place. La rue du Pont-de-bois-d’Aubette tirait son nom d’un Pont placé sur cette rivière au bas de la rue du Figuier. Un autre pont en pierre, appelé le pont Notre-Dame dans un titre de 1515, est au bout de l’ancienne rue de la Salle, confondue maintenant avec la rue Armand-Carrel.

L’un de ces ponts était aussi appelé le pont des Notaires1, probablement à cause d’une donation qui fut faite, en 1433, aux notaires de la cour d’église, de la place et de la chapelle de Saint-Marc, à la condition de reconstruire cette chapelle le plus tôt possible.

Les notaires apostoliques avaient, dans cette chapelle, leur confrérie, qui fut érigée en 1276, et dont les statuts furent confirmés à cette même époque.

Pont-de-l’Arquet (rue du). = Rue Eau-de-Robec, rue des Faulx. — 3e section et Saint-Vivien pour les numéros pairs ; 6e section et Saint-Ouen pour les numéros impairs ; 3e canton. — Quartier S.-E.

Cette rue est désignée, dans des actes de tabellionage de 1431 et de 1489, sous le nom de Pont-de-l’Arquet, et sous celui de l’Arquet dans un titre du 13e siècle, ainsi que dans des actes du 15e2.

Un acte du 20 septembre 1428 cite le pont de l’Arquet dans la rue de l’Arquet ; on trouve, dans un autre acte de 1420, la mention de la terrière aux Foulons, près de la ruelle de l’Arquet. On appelait ainsi la maison où l’on déposait les terres à foulon ; elle fut concédée aux bourgeois par le bailli de Rouen1.

Le nom de cette rue doit provenir d’une enseigne ou de la forme du pont qui y était construit.

D’après M. A. Deville2, elle aurait porté primitivement le nom de Pont-Saint-Vivien. Nous trouvons, toutefois, ce même nom donné, par le Flambeau astronomique de 1716, à l’un des ponts placés dans le voisinage de l’église, entre le pont Achard et le pont Pottette3.

Ponts (les), sur la Seine.

Les communications entre la ville et le faubourg Saint-Sever avaient lieu, au moyen-âge, par un seul pont. Ce fut, d’abord un pont de bois, dont M. l’abbé Cochet signale l’existence vers le 9e siècle, et dont l’une des extrémités venait jusqu’à la hauteur de la rue Potart4. Ce pont fut détruit en 1030, par les bourgeois de Rouen révoltés contre Robert-le-Diable5. Il fut vraisemblablement réparé depuis, car Rondeaux de Sétry6 dit qu’il subsista jusqu’en 1160, et qu’il fut remplacé par un pont de pierre édifié aux frais de Mathilde, veuve de l’empereur d’Allemagne Henri V, fille de Henri Ier et mère de Henri II, ducs de Normandie et rois d’Angleterre7. Ce dernier pont, commencé en

1151, ne fut achevé qu’en 1167 ; il était très-élevé, à cause du reflux des eaux ; il était composé primitivement de treize arches, dont une sur le quai et par-dessous laquelle on passait. Au bout de ce pont, du côté opposé à la ville, était un petit fort appelé la Barbacane (voyez page 25), qui fut remplacé en 1419 par une forteresse nommée depuis le Petit-Château, que l’on traversait pour aller au faubourg Saint-Sever, et où l’on renferma quelquefois des prisonniers. On appelait Barbacane, dit M. Ch. Richard, un avant-mur formant la tête des travaux de défense des villes ; c’est de là que ce petit fort a pris son nom.

Une première fois, en 1204, les habitants de Rouen, assiégés par Philippe Auguste, avaient démoli une partie du pont de pierre1. De nouvelles réparations devinrent nécessaires à d’autres époques, notamment en 1296, à la suite d’une forte inondation pendant laquelle il fut rompu. Vers 1346, les comtes d’Harcourt et de Dreux, chargés de la défense de la ville contre les Anglais, firent abattre deux de ses arches2. En 1368 et en 1382, le pont de Mathilde éprouva de nouveaux dommages, et surtout après le 22 août 1502, époque où trois arches s’étaient écroulées. En 1508, deux autres arches du côté de la ville, sur l’une desquelles était assise une tour, menacèrent de tomber ; en 1515, il fallut songer à faire de nouvelles et coûteuses réparations. On décida, quatre ans après, qu’il serait édifié à l’entrée de ce pont une

porte vers la ville, pour empescher qu’on ne pust rien jeter par dessus le dit pont en la rivière1. En 1533, deux arches tombèrent en ruine, et furent remplacées par des arches en bois. En 1542, attendu l’éminent péril2, on décida que deux des plus anciennes arches seraient démolies au plus tôt. Enfin, le pont ayant été tout-à-fait rompu par les glaces en 1564, on lui substitua deux bacs sur la Seine. En 1626, après de nombreuses tentatives demeurées infructueuses, faites sur les ordres réitérés du Parlement, pour le remettre en état, ou même pour en édifier un nouveau3, les échevins décidèrent qu’il serait remplacé par un pont de bateaux4. Les gens à pied continuèrent néanmoins, jusqu’en 1630, à passer sur ce qui restait du pont de pierre, et il fut démoli de 1659 à 1661. À cette dernière époque, on laissa subsister les piles jusqu’à une certaine hauteur, pour avoir la facilité d’y établir un pont en bois ; ce qui n’eut pas lieu.

Longtemps encore après, en 1803, en 1834, en 1858, en 1869 et en 1870, la sécheresse mit à découvert les vestiges de ces piles, qu’on s’occupe de faire disparaître lorsque l’état de la Seine le

permet. Des bâtiments qui avaient été édifiés, depuis 1786, sur une des culées de cet ancien pont, en face de la rue Grand-Pont, furent abattus en 1818.

Par les lettres patentes de 16191, les échevins avaient été autorisés à démolir le château placé au bout du pont, afin de faciliter l’élargissement de la Seine, et d’assurer, y est-il dit, plus de solidité au pont projeté. Ce château ne disparut néanmoins qu’en 1778, longtemps après la création du pont de bateaux.

— Ce nouveau pont, qui fut établi en vertu de la décision de 1626, à quelques pas au dessus de l’ancien pont de pierre, fut inauguré solennellement et mis à la disposition du public en janvier 1630. Il subit, cinq ans après, de fortes avaries par la violence des glaces. Depuis, on le mit au point de perfection qui l’a fait considérer pendant longtemps comme une merveille. Posé sur dix-neuf bateaux, il haussait et baissait à proportion de la hauteur des eaux, et s’ouvrait, par le moyen de mécanismes, pour laisser un libre passage aux navires destinés à monter la rivière. Il pouvait facilement s’ouvrir pour l’écoulement des glaces ou pour faciliter les moyens d’y faire des réparations. Ce pont éprouva de notables avaries en 1669 et dans l’hiver de 1741, où plusieurs bateaux furent emportés, désastres qui se renouvelèrent en 1777 et en 1799. À la fin du 18e siècle, on supprima en plusieurs fois quatre de ces bateaux au moyen du prolongement des tabliers et d’une construction fixe à chacune de ses extrémités2. Avant la suppression de ces bateaux, on plaçait, lors des grosses eaux, des faux-ponts pour faciliter la circulation des chevaux et des voitures d’une rive à l’autre ; mais l’accès était devenu plus difficile lorsque la rivière était haute, ainsi que dans les basses eaux. Le pont de bateaux fut entretenu encore pendant quelques années au moyen d’un péage établi en 1831, mais, deux ans après, la circulation ayant été reconnue dangereuse, on

interdit d’abord le passage des voitures, puis celui des chevaux. Le pont se rompit le 10 septembre 1836, et fut ensuite démoli ; déjà les dépenses considérables qu’occasionnait son entretien avaient déterminé le gouvernement à en faire construire un autre en pierre.

— L’établissement de ce nouveau pont de pierre ayant été décrété en 1810 par Napoléon Ier, on en commença les travaux en 1812, et, le 3 septembre de l’année suivante, l’impératrice Marie-Louise en posa la première pierre. Les travaux, suspendus pendant plusieurs années, furent repris en 1822, et le pont fut livré à la circulation en 1829. La dépense totale s’éleva à 8 ou 10 millions, dont le dixième fut supporté par la ville de Rouen. Une statue de Pierre Corneille, œuvre du sculpteur David, élevée aux frais de nombreux souscripteurs, décore le terre-plein de ce pont1, qui, après avoir reçu successivement les noms de pont d’Angoulême et de pont d’Orléans, prit celui de pont de Pierre-Corneille, le 2 mars 1848. Cette statue a été inaugurée le 19 octobre 1834, en présence du roi Louis-Philippe et de sa famille. Elle est placée au milieu d’un square qui a été entouré, en 1864, d’une grille en fonte, pour séparer le terre-plein de la voie publique.

L’emplacement qui avait été choisi pour l’établissement du nouveau pont de pierre, et la forme qui lui fut donnée afin de le faire reposer sur l’extrémité de l’île de la Croix, furent l’objet de critiques assez nombreuses et quelquefois injustes. Il paraîtrait regrettable que ce pont n’eût pas été placé plus au centre de la ville, mais sa construction se rattachait à un plan général de redressement et de nivellement des quais, et à l’ouverture d’une large voie destinée à établir une communication entre les deux contrées que traverse la Seine, et à doter la ville des grandes artères dont elle était privée. Bientôt on reconnut l’insuffisance de ce dernier pont pour les besoins d’une circulation toujours croissante2, et l’on résolut d’en faire un second. Cette nouvelle ques-

tion donna lieu également à de longs débats, notamment sur le choix de la place qu’il devait occuper.

Un vaste projet avait été présenté en 1819 par M. l’ingénieur Lamandé1. Ce projet consistait à faire du port de Rouen un immense bassin pour les navires marchands, lequel aurait été fermé à l’est par le pont de l’île de la Croix, et à l’ouest par un autre pont placé en face du boulevard Cauchoise. Un canal de navigation, qu’on eût ouvert dans le faubourg Saint-Sever, parallèlement au lit de la Seine, devait donner aux navires une entrée dans le port, en face de l’ancienne rue de l’Estrade. Ce projet n’ayant pas été accepté, on proposa de reporter le second pont en face de la rue Herbière. Combattue par des considérations alors d’une grande puissance, et reposant sur l’importance numérique de notre navigation maritime, considérations qui n’auraient plus aujourd’hui, peut-être, la même valeur, cette nouvelle proposition fut écartée, et l’on décida, le 21 janvier 1831, qu’un pont en fil de fer serait établi en face de la rue Grand-Pont, à peu près à la même place qu’avait occupée le pont de bateaux, avec un pont-levis du côté du faubourg Saint-Sever, de manière à offrir un passage aux bâtiments mâtés. Ce pont-levis fut reporté, lors de la mise à exécution du projet, dans une arche centrale, pour les navires destinés à monter la rivière. Approuvée par une ordonnance royale du 8 juin 1834, la construction du pont suspendu fut immédiatement commencée, et ce pont fut livré au public le 1er septembre 1836.

— Mais ce pont suspendu est loin de remplir le but qu’on s’était proposé : il ne donne passage qu’aux piétons et aux voitures légères ; quelle que puisse être sa solidité, il ne sert qu’à une circulation restreinte. Ce qu’il faut à la ville de Rouen, dont le trafic industriel et commercial augmente tous les jours, c’est un ensemble de communication approprié à l’établissement de nos voies ferrées déjà créées ou à créer encore, au vaste réseau de circulation commencé par l’ouverture de la rue Jeanne-d’Arc entre les points opposés de notre province et du pays tout entier ; un pont approprié, enfin, aux besoins actuels du mouvement commercial, à ceux de la navigation aujourd’hui protégée par l’amélioration de la Seine maritime, et que protégera bientôt encore le perfectionnement de nos quais ; à l’importante création des Docks-

Entrepôts (voyez Douanes)1. Déjà le conseil d’arrondissement avait émis le vœu que le pont suspendu fût converti en un pont de fer forgé carrossable, lorsque, en 1862, une pétition, signée par un grand nombre d’habitants, sollicita la construction d’un troisième pont au bas de la rue Jeanne-d’Arc, récemment ouverte alors sous le nom de rue de l’Impératrice, le percement d’une rue à la suite, pour communiquer avec la route de Caen par la rue du Pré, et la rectification, au nord de la ville, de la route de Neufchâtel et de Saint-Omer. De nouveaux débats s’élevèrent à ce sujet depuis 1865 ; une enquête eut lieu en 1868 sur des avants-projets dressés par l’administration des ponts-et-chaussées. Deux systèmes sont restés en présence dans cette question de premier ordre pour l’avenir de notre ville. L’un, et c’est celui qui jusqu’à présent a dominé dans les délibérations du Corps municipal et de la Chambre de commerce, à une faible majorité il est vrai, se fondant sur ce qui avait existé autrefois et sur ce qui ne peut revenir, ne tolère pas qu’on porte la moindre atteinte à l’unité du port de Rouen ; exagérant peut-être les inconvénients et les difficultés d’exécution d’un pont fixe, non plus en face du boulevard Cauchoise, ni au bas de la rue Herbière, ce système repousse toute idée de placer le nouveau pont ailleurs qu’au bas de la rue Grand-Pont, c’est-à-dire au centre d’un réseau étranglé du côté de la ville comme du côté du faubourg Saint-Sever, qu’il deviendrait indispensable un jour de reconstruire entièrement. L’autre système, adoptant la marche progressive du temps, voulant concilier les intérêts industriels avec les intérêts maritimes, s’inspirant de l’exemple qu’offrent les ports de mer, s’inspirant surtout de l’état actuel de notre navigation, incline pour l’établissement d’un pont central, dont l’effet serait d’établir, en amont, un bassin de déchargement pour les navires d’un fort tonnage, et en aval un pont accessible à la moyenne et à la petite navigation ; dont le résultat serait aussi de relier à la ville le faubourg Saint-Sever et les communes environnantes par une large voie déjà projetée depuis longtemps2, à laquelle nous donnons

d’avance le nom de rue d’Émendreville, et dont rien ne gênerait l’extension et le débouché dans toute la partie gauche du fleuve. Il permettrait enfin de conserver, pendant longtemps encore, à la petite circulation, ce pont suspendu dont on conjure intempestivement la perte.

C’est entre ces deux systèmes qu’il s’agit de faire un choix. Espérons que les leçons du passé profiteront à l’avenir ; mais ne semble-t-il pas déjà regrettable que des dissidences fâcheuses aient, jusqu’à présent, contribué à faire ajourner l’adoption d’un progrès dont tout le monde comprend la nécessité ?1

— Nous ne mentionnerons que pour mémoire le pont du chemin de fer de Paris à la mer, qui traverse la Seine en s’appuyant sur l’île Brouilly. Ce pont, qui était en bois, fut incendié en partie en 1848, et a été remplacé par un pont en fer.

Porche (rue du), ou du Porc.

On trouve, dans un acte de tabellionage du 5 août 1466, l’indication d’une ruelle du Porche, dans la paroisse Saint-Maclou. C’est la rue du Porche-des-Célestins. (Voyez p. 104.)

Un autre acte du 26 juillet 1428 mentionne aussi une ruelle du Porc ou au Porc, dans la paroisse Saint-Nicaise, sans doute par corruption du nom de la rue du Porche, actuellement l’aître Saint-Nicaise.

Les deux dénominations sont également employées pour les rues du Roi-Priant et des Vergetiers. (Voyez ces rues.)

Porche-Fourré (rue). = Rue des Arpents, rue des Maillots-Sarrasin. — 6e section, 3e canton, Saint-Maclou. — Quartier S.-E.

Il existait au 15e siècle, sous les noms de rue Foureuse (voyez p. 244) et de rue Porchequin ou Porchekayn, deux ruelles parallèles qui furent plus tard appelées rue Sarrasin et rue des Trois-Maillots, et qui ont été supprimées en 1812 pour former la rue des Maillots-Sarrasin (voyez ce nom). On pourrait admettre que le nom de la rue Porche-Fourré serait provenu de la réunion des dénominations primitives de ces deux anciennes rues, ce que nous n’affirmerons pas pourtant, car on trouve, dans différents

actes de tabellionage, les anciens noms de Poret-Fourré1 et du Porche-Fourré2, presque en même temps que ceux des rues Foureuse et Porchequin.

Des actes de 1491 et de 1492 font mention de maisons au parmy desquelles il y a un porche par où l’on passe, appelé le Porchekayn, bornées d’un côté par une petite rue qui mène de la rue Malpalu à la Seine, et d’un bout par la rue Malpalu, derrière les Augustins. Un autre acte, du 2 mai 1494, parle d’une ruelle qui mène à la rivière de Seine au long du Porchecayn. Cette ruelle était la rue du Porche-Fourré, qui tendait de la rue Malpalu à la porte Guillaume-Lion, avant le redressement des quais. Elle a été supprimée en partie en 1807, et il n’en reste qu’un bout qui va de la rue des Maillots-Sarrasin au bas de celle des Arpents.

Dans un autre acte de la même époque, il est question d’une maison appelée le Porche-Fourré, qui était située en la rue du Sornet (réunie depuis à la rue de la Grosse-Bouteille), bornée d’un bout par derrière la ruelle issant à la rue Notre-Dame, et d’autre bout par devant le pavé de la rue du Sornet.

Il semble résulter de là que, bien avant le 15e siècle, l’emplacement situé entre la rue des Arpents et la rue Malpalu, dans lequel furent ouvertes par la suite plusieurs rues (les rues Mamuchet, Sarrasin, des Trois-Maillots, du Plâtre, etc.), était un vaste enclos appelé le Closet-de-la-Madeleine, et servant de cimetière à l’ancien Hôtel-Dieu, lequel enclos était fermé au nord-est par le Porche-Fourré, et au sud-ouest par le Porchekayn ou Porchequin, qui subsistèrent longtemps encore après que cet emplacement eut été percé de rues et bâti.

Quant à l’étymologie de ces deux noms, peut-être pourrait-on l’attribuer à ces circonstances que le premier de ces porches était fermé ou fourré, ou même qu’il se trouvait ordinairement dans les conditions qui ont fait donner à l’une des petites rues voisines les noms significatifs de rue Foureuse ou du Merdret ; et, quant à l’autre porche, que le passage en était gardé par des chiens, ce qui lui aurait fait donner le nom de Porchequin (Porche-au-Chien).

Nous hasardons ces conjectures, en faisant remarquer qu’au

temps dont nous parlons, la dénomination des rues était livrée le plus fréquemment à la tradition et au caprice populaire, qui les empruntait, soit aux monuments voisins, soit aux enseignes, soit au nom des personnes qui les habitaient, soit enfin quelquefois aux particularités les plus simples et les moins sérieuses, dont on pourrait trouver des exemples dans les noms de quelques rues encore existantes.

Porche-Saint-Godard (rue ou passage du). = Rue Boutard, rue Bouvreuil. — 8e section, 2e canton, Saint-Godard. — Quartier N.-O.

C’est le nom d’une petite rue qui est fermée aux deux extrémités par une allée étroite sous une maison particulière. On l’appelait, en 1818, le passage Saint-Godard, et précédemment le clos Saint-Godard. — On lui donna en 1794 le nom de rue des Hommes-Libres, singulier choix pour une rue fermée alors par ses deux bouts. Elle reprit son ancienne dénomination en 1795.

Port (le), ou les Quais de Rouen, depuis le cours de Paris jusqu’à l’avenue du Mont-Riboudet.

Du côté de la ville, le port de Rouen se composait, au 17e et au 18e siècle, de deux quais principaux, appelés le quai de Paris, à l’est de la rue Grand-Pont, et le quai du Havre ou de la Romaine, à l’ouest de la même rue.

Il y a actuellement quatre quais : le quai de Paris, appelé précédemment le quai Napoléon ; le quai de la Bourse, depuis la rue Grand-Pont jusqu’à celle de la Vicomté ; le quai du Havre, depuis cette dernière rue jusqu’au boulevard Cauchoise, et le quai du Mont-Riboudet, qui a été établi vers 1836 jusqu’à l’avenue de la Madeleine, aux dépens d’une portion de l’ancienne avenue du Mont-Riboudet.

À différentes époques, entre le 14e et le 17e siècle, le quai de Paris et le quai du Havre ou de la Romaine avaient des subdivisions dont les dénominations varièrent suivant l’usage auquel ils étaient affectés. Entre la porte Guillaume-Lion et l’ancienne porte du Bac, qui étaient à peu près la limite du quai de Paris en 1617, il y avait le quai du Port-Saint Ouen1, où s’arrêtaient

les batelets venant de ce lieu ; le quai au Plâtre, appelé aussi le Petit-Quai1, à cause de son peu de largeur, car il ne s’y trouvait, ainsi que le long du quai suivant, qu’un chemin étroit qui fut élargi et pavé en 1638 ; le quai d’Elbeuf, en face de l’ancienne porte de ce nom, sous la Basse-Vieille-Tour2, et où débarquait le bateau ou la voiture d’Elbeuf. Ce quai, dressé en 1607, était proche de l’endroit où se jette dans la Seine la rivière de Robec, dont le canal fut voûté en 1616, et le quai d’Elbeuf piloté, taluté et pavé en vertu d’une déclaration de l’Hôtel-de-Ville du 13 mai 1542, qui avait ordonné que les quais près la porte du pont de Seine seraient pavés. Venaient ensuite le port Morand3, entre le porte Dorée et celle du Bac, lequel fut élargi conformément à une délibération de 1407 et à une autre délibération de 1596, qui prescrivit la démolition d’un mur proche de ce port, pour accroître l’entrée de la porte nouvellement édifiée pour l’arrivée

du roi ; puis, au-dessous de la porte Grand-Pont, le quai de Luxembourg, nommé auparavant le quai aux Tuiles1 et aux Boutiques, et qui fut dressé en 1708.

Le quai du Havre était ainsi subdivisé : le quai aux Huîtres, où fut transférée, au 15e siècle, la petite Harenguerie (voyez aux mots Harenguerie, Poissonnerie) ; le quai de Caen, à côté de la porte de la Petite-Boucherie, mentionné dans les Affiches de Normandie de 1770 ; le quai des Navires2, appelé aussi le Grand-Quai, dont les talus furent faits en 1608, et qui reçut également les noms de quai de la Bourse (dont fait partie le cours Boïeldieu), et de quai de la Romaine3. À la suite, on trouvait le quai au Foin et le quai de la Bouille, auprès de la cale Saint-Éloi. Ce dernier quai occupait la place réservée aux bateaux qui, en vertu de lettres patentes de 15974, furent établis pour faire le service entre Rouen et la Bouille, lieu où se tenaient encore, au 17e siècle, trois foires annuelles. Ce service fut rendu plus régulier à diverses époques, notamment en 1645, et fut continué, en 1831, par des bateaux à vapeur5. Il y avait aussi le quai aux Pierres, appelé la Meulerie (voyez quai aux Meules), qui fut reporté plus tard sous l’avenue du Mont-Riboudet, près d’un autre quai appelé le quai au Cidre, pour faire place au prolongement du quai affecté aux navires sous le nom de quai d’Harcourt, après lequel, ainsi que l’indique le procès-verbal de 1763, venait le quai Feydeau (V. p. 224) ; enfin, après le boulevard Cauchoise

était le quai de la Bataille, près du Lieu-de-Santé, sur la grande route du Mont-Riboudet1.

On donna, en 1793, au quai de Paris, la dénomination de quai Bordier (voyez p. 59), et le quai du Havre reçut celle de quai Jourdain. Ils reprirent en 1795 leurs anciens noms. En 1806, la partie du quai du Havre qui est située entre la rue Grand-Pont et l’ancienne promenade de la Bourse, porta le nom de quai Napoléon jusqu’en 1814, époque où le port resta divisé, comme précédemment, sous les dénominations de quai de Paris2 et de quai du Havre, après l’adoption d’un plan général d’alignement projeté dès 1806, qui fut approuvé par une ordonnance royale du 8 octobre 1815, et fut modifié par une autre ordonnance du 20 août 1824.

D’importants travaux, dont la nécessité avait été reconnue depuis plusieurs siècles, ont été entrepris à partir de 1841, pour l’amélioration de ces quais ; de nouveaux plans tendent à compléter cette amélioration dans un prochain délai, et à satisfaire aux besoins du mouvement général de la navigation.

Du côté de Saint-Sever on trouve, en venant de l’est à l’ouest, le quai d’Elbeuf, appelé aussi le quai du Grand-Cours, et vulgairement désigné sous le nom de quai de la Gare, à la suite de l’établissement du chemin de fer ; le quai d’Elbeuf s’étend depuis le Grand-Cours jusqu’au pont de Pierre-Corneille et à la rue Lafayette. Sur ce quai était autrefois une salle de réunions appelée le grand salon de Terpsichore, dont l’emplacement est actuellement occupé par un des magasins de la gare ; près de là est actuellement le petit théâtre des Variétés3. Viennent ensuite le quai de Saint-Sever, appelé aussi, pour une partie, le quai des Casernes (autrefois le clos des Galées), puis le quai aux Meules et celui de la Petite-Chaussée, où sont édifiés les Docks-Entrepôts, et enfin les quais de la Grande-Chaussée et des Curandiers (voyez ces divers noms). Ces quais ont été considérablement améliorés depuis 1843.

— Au moyen-âge, les quais de Rouen constituaient des propriétés privées, dont la possession se transmettait1, et dont les droits et revenus étaient donnés à bail ; aussi, le port était-il beaucoup moins large qu’il l’est actuellement ; sur plusieurs points, les talus ne laissaient que d’étroits passages entre la rivière et les murs de la ville. L’auteur du Mémoire sur le Commerce maritime de Rouen2 dit qu’en 1224 la ville ne possédait que l’emplacement occupé par la Douane, jusqu’à la rue de la Tuile. En 1266, saint Louis ayant fieffé aux Rouennais le marché de la Vieille-Tour et la halle aux toiles, ainsi que les bâtiments, quais et places qui en dépendaient, la ville devint propriétaire des quais jusqu’au port des bateaux de Saint-Ouen, au bas de la rue Malpalu ; en 1283, elle acquit encore de Philippe-le-Hardi l’ancien clos aux Galées, compris entre les rues du Vieux-Palais et de Fontenelle. Une partie des quais était encore, au 15e siècle, composée de propriétés particulières qui s’étendaient jusqu’au canal de la Seine. Nous en trouvons des preuves dans les registres du tabellionage. Ainsi, Jean Braques, chevalier, vend à la Chartreuse de Rouen 70 livres de rente annuelle sur deux maisons avec les kays3. Jean Hellart, bourgeois de Rouen, baille à ferme au garde de la porte du quai Saint-Éloi le kay, droit et revenu du kayage qui fut à feu Rogier Mustel, à cause de son hostel, avec une petite maison près la Meullerie4 (le quai aux Pierres). Un acte du 4 mai 1487 porte vente d’une maison et d’un jardin devant les murs de la ville, avec la droiture du quai qui s’étend jusqu’au canal de Seine, de la largeur d’icelle maison bornée... d’un bout la rue de la Vieille-Harenguerie, d’autre bout le canal de Seine.

Mais, à la longue et par des acquisitions successives, l’administration locale se mit en mesure d’apporter au port des agrandissements considérables. À la date de 1660, on mit la dernière

main au port de Rouen, après plus de soixante années de travaux1.

De graves débats s’étant élevés entre la vicomté de l’Eau et la ville, au sujet de leurs droits respectifs sur la jouissance et la police des quais, il fut dressé, en juillet 1763, un procès-verbal2 de l’état des quais à cette époque. Ce procès-verbal constatait, comme nous l’avons dit, leur état d’encombrement par des dépôts de pierres, de bois, de décombres de toutes sortes, par la tenue d’une foire pour laquelle on avait établi, sous le Vieux-Palais et jusqu’à la porte de la Vicomté, des berceaux de marchands forains pour le cidre et les autres marchandises3. La partie du quai réservée pour la décharge des navires était garnie de berceaux pour les marchands, de bureaux et autres petites loges en bois qui ne laissaient, pour le service des navires, qu’un espace de quatre toises et deux pieds. Il en était de même pour les autres parties du port, dont la largeur était réduite de sept à huit toises sur quelques points, où se trouvaient aussi de grands escaliers descendant à la rivière4. À la porte Grand-Pont, le quai s’élargissait tout-à-coup, et était couvert de tuiles, briques, etc., qui y séjournaient jusqu’à ce que ces matériaux fussent vendus ; venaient ensuite les places des marchands de cidre privilégiés, lesquelles étaient fermées de grillages en fer, etc. C’était, en outre, sur ces quais que venaient s’établir les baladins, les opérateurs et joueurs de farces.

C’est sous l’administration de M. de Brou, intendant de la Généralité de Rouen, mort en 1762, que l’on chercha à porter remède à ces graves inconvénients, et que furent commencés les travaux d’amélioration du port, dont nous ne pouvons donner qu’un rapide aperçu, et qui en ont fait successivement un des plus beaux ornements de la ville.

Le quai fut d’abord prolongé devant la porte Saint-Éloi jusque devant la citadelle du Vieux-Palais. En 1780, il n’y avait encore qu’un passage très-étroit entre la rivière et les maisons ados-

sées au théâtre des Arts ; cette partie de la rivière fut comblée, et les terres soutenues par des talus. Vers 1785, les loges des marchands de cidre qui existaient entre la porte du Bac et celle de Guillaume-Lion furent démolies1. Le 12 novembre 1806, on posa la première pierre d’une galerie qui fut commencée en face du pont de bateaux, conformément à des plans de redressement de la façade du port, mais ces travaux furent interrompus après la construction des quatre premières colonnes, qui furent démolies en 1829. Un arrêté du préfet, du 1er mars 1808, prescrivit la démolition des loges de baladins et des baraques non affectées au service de la navigation. On établit en 1809 le mur de quai entre le pont de bateaux et les vestiges de l’ancien pont de pierre. En 1812 furent entrepris les travaux de construction du nouveau pont de pierre, ce qui donna lieu à d’importants terrassements pour exhausser et élargir les quais. Depuis 1806 jusqu’en 1815, on démolit plusieurs portes de la ville et l’on ouvrit diverses rues qui n’avaient pas d’issues directes sur le port. En 1813, on vendit deux portions des anciens murs de la ville, entre la rue du Plâtre et les abords de la halle. En 1814 et en 1815, on acheva de combler et de taluter une partie du quai, entre les arches de l’ancien pont de pierre et le pont de bateaux ; on opéra le curage du port afin d’obtenir la profondeur d’eau nécessaire pour que les navires pussent se tenir à flot. En 1816, on établit des murs de quai ; on démolit la porte du Bac et une partie des anciennes maisons qui étaient le long du port. Au moyen de ces démolitions et de celle des murs des remparts, se trouvèrent supprimées les rues Sainte-Geneviève et de la Croix-Saint-Leufroy, ainsi qu’une partie de la rue du Porche-Fourré. À partir de cette même époque, la mise à exécution des nouveaux plans d’alignement et de redressement du port, autorisés par une ordonnance royale du 8 octobre 18152, eut pour effet la suppression de plusieurs autres rues, telles que celles du Chien-jaune, des Trois-Pucelles,

de la Lanterne, des Ramassés, Tirhuit, etc. ; l’établissement des trottoirs1 et le nivellement des quais ; l’ouverture de la place de la République et de celle des Arts ; la création du cours Boïeldieu ; le déplacement de la promenade de la Bourse ; la construction du nouvel hôtel des Douanes et de nombreux édifices particuliers, en remplacement des vieilles masures qui avaient été élevées elles-mêmes sur les anciens murs des fortifications. En 1840, fut édifiée, en même temps que le corps-de-garde du Pont-suspendu, la maison offerte par la ville de Rouen à Louis Brune, le sauveteur rouennais, qui mourut accidentellement trois ans plus tard. En 1841, s’ouvrirent de grands travaux d’achèvement des quais, depuis la porte Guillaume-Lion jusqu’à l’extrémité du Pré-au-Loup2, et de ceux qui se prolongent jusqu’à l’avenue du Mont-Riboudet.

En même temps que s’opérait cette transformation de la façade du port, les quais devenaient l’objet, surtout depuis 1855, de notables améliorations dans le but de faciliter et d’accélérer les opérations maritimes et le transport des marchandises. Des appareils de toute force pour le déchargement des navires et pour les transbordements ont été installés ; les points de débarquement ont été multipliés ; de puissantes grues ont été élevées3. L’application d’un nouveau système de grues à vapeur mobiles et flottantes, la construction de vastes hangars d’emmagasinage, l’établissement de rails posés sur chaque côté du fleuve, pour mettre le port en communication directe avec les chemins de fer, attestent le progrès des moyens d’activer les opérations et de diminuer les frais généraux. Bientôt, grâce à la sollicitude de nos administrateurs, se produiront d’autres travaux d’amélioration sur les points qui laissent encore à désirer dans l’intérêt de la sûreté de la navigation ; bientôt enfin se résoudra cette question, non suffisamment étudiée peut être, de l’établissement d’un nouveau pont fixe, dont l’utilité est incontestable, mais sur l’emplacement duquel on n’a pu se mettre d’accord.

Porte-aux-Rats (rue). = Rue des Bons-Enfants, rue de l’Hôtel-de-Ville. — 8e section, 2e canton, Saint-Patrice. — Quartier N.-O.

Cette rue était connue précédemment sous le nom de petite rue des Champs-Maillets. On y lisait même encore, en 1820, cette ancienne inscription : rue Porte-aux-Rats, ou petite rue des Champs-Maillets. Quelques personnes pensent que son origine est la même que celle de la rue des Champs-Maillets (voyez page 117), et que le nom actuel provenait d’une espèce de guichet où il ne pouvait passer qu’une seule personne à la fois, sorte de porte à laquelle on donna vulgairement le nom de porte aux Rats. D’autres pensent qu’on désignait ainsi la porte placée au haut de la rue, à cause de la grande quantité de rats qui venaient des fossés de la ville, lorsque la porte d’Arras fut étoupée en 1527. (V. rue Étoupée.) C’était autrefois la porte d’Arras, dit M. Ch. Richard ; la corruption vient de ce qu’on avait mis sur cette porte, avec les armes de Rouen, les armes d’Arras, qui se composent de trois rats. Ce nom d’Arras, défiguré par la prononciation, aura donné naissance à celui de Porte-aux-Rats. Une rue des Rats, à Paris, portait aussi, au 13e siècle, le nom d’Arras (rue as Rats).

Au reste, il se pourrait que l’origine de cette dénomination fût due simplement à une enseigne, car on trouve, dans un acte de tabellionage du 18 mars 1427, la mention d’une maison en laquelle pendait l’enseigne des Rats, tenant d’un bout aux murs de la ville. Un autre acte, du 1er octobre 1478, cite l’hôtel des Rats, borné par la rue et porte Étoupée, etc.

Il est fait mention, dans des actes de 1488, 1491 et 1494, d’un hôtel nommé le Porche-Maudyne, qui était borné d’un côté par une ruelle estant entre et le jardin de l’hostel des Bons-Enfants, d’autre côté les religieux de la Madeleine, d’un bout l’allée le long des murs de la ville1, d’autre bout la rue tendant aux Rats2. Ce porche Maudyne devait probablement son nom

à un bourgeois nommé Philippe Maudine, qui vivait au 14e siècle. Il se trouve encore cité dans des actes du 7 juillet 1509 et du 25 février 1521. Le premier concerne un corps de maison appelé l’Hermitage1, assis en la rue tendant de Sainte-Marie-la-Petite au porche Maudyne ; le second mentionne un hôtel de l’Arbalestre, situé en la même rue (qui n’est autre que la rue Porte-aux-Rats), borné d’un bout la rue de devant ladite église (la rue des Bons-Enfants).

Dans la partie de la rue Porte-aux-Rats qui a été supprimée pour le passage de la rue de l’Hôtel-de-Ville, se trouvait un hôtel qui renfermait un salon magnifique orné de peintures de la main de Sacquépée. Cet hôtel était fermé sur la rue par une grande porte à deux vantaux, ornée de riches sculptures du temps de Louis XIV, et de décorations dans le style de l’époque, et sur laquelle on voyait, dans des médaillons, deux têtes d’empereurs romains2.

Porte-d’Elbeuf (rue de la).

C’était le nom d’une petite rue aujourd’hui supprimée, qui communiquait de la Basse-Vieille-Tour au port. La porte d’Elbeuf, qui a été démolie en 1809, était également connue sous le nom de porte de la Halle-au-Blé, parce que les blés qui venaient d’Elbeuf pour la halle de Rouen entraient par là.

Porte-Dorée (rue). = Quai de Paris, place de la Basse-Vieille-Tour. — 7e section, 3e canton, la Cathédrale. — Quartier S.-E.

On lit cette inscription au coin d’un passage très-court qui conduit de la Basse-Vieille-Tour au port, près de la rue des Tapissiers. Là était la porte de la Basse-Vieille-Tour, qui fut démolie en 1809, en même temps que la porte d’Elbeuf, et dont les restes ont été enlevés en 1827, lors du redressement du port.

On avait donné à Gisors, au 12e siècle, le nom de Porte-Dorée à l’une des portes de la ville, que Philippe-Auguste, après avoir échappé à un danger de périr, fit dorer depuis le haut jusqu’en bas, ainsi qu’une image de la Vierge qui la surmontait. Notre rue Porte-Dorée doit peut-être son nom à une enseigne représentant celle de Gisors. Il y avait à Rouen, dans la rue Écuyère, en 1728, une maison dite de la Porte-Dorée, où pendait pour enseigne un Noyer d’or1.

Porte-du-Châtel (rue de la).

Une rue de ce nom est citée dans un acte de tabellionage du 29 septembre 1422, pour une acquisition que firent les religieux de Saint-Lô, dans la paroisse de Saint-Godard.

Porte-Guillaume-Lion (rue de la).

Un acte de tabellionage du 18 mai 1600 fait mention d’un jardin borné par la rue Porche-Fourré, et d’un bout par celle de la Porte-Guillaume-Lion. Ce doit être un ancien nom de la rue du Lion, qui fut réunie, en 1795, à celle des Espagnols.

Portes de la Ville.

Dans les premiers siècles de notre ère, la ville de Rouen, qui était environnée de forêts et de marais, n’avait que deux portes : celle de Robec, appelée aussi la porte Orientale, au bas de la rue Saint-Romain, et la porte Massacre, appelée la porte Occidentale, dans la rue actuelle de la Grosse-Horloge. Agrandie au commencement du 5e siècle, notre ville comptait de plus, au temps des premiers ducs, au nord, la porte de Sainte-Appoline ou de Beauvoisine, dans la rue des Carmes2, à la hauteur du carrefour formé par les rues de l’Aumône, et au midi, la porte du Pont-de-Seine, dans la rue Grand-Pont3, à la hauteur de celle du Petit-Salut. Il y eut aussi, au nord-ouest, la Poterne4, à l’extrémité du fossé aux Gantiers et de la rue de l’Aumône ; au nord-est la porte Saint-Léonard, à l’extrémité opposée de la même rue de l’Aumône, dans les anciennes dépendances de l’abbaye de

Saint-Amand ; enfin, au sud-ouest, la porte aux Fêvres ou de Saint-Clément, près du château de Rollon ou de l’église de Saint-Pierre-du-Châtel, dans la rue aux Ours, à l’angle de celle des Vergetiers : on l’appelait aussi la porte du Quai1.

À la suite de nouveaux agrandissements, la porte de Robec se trouva reportée au Pont-Honfroy, dans la rue Martinville ; la porte Massacre, à la hauteur de l’église de Saint-Pierre-le-Portier, dans la rue Cauchoise ; la porte Beauvoisine fut reculée près de la Rougemare, au carrefour du Coq. La porte Saint-Léonard se trouva remplacée par la fausse porte de Saint-Ouen, dans la rue des Faulx. De même, à l’ancienne Poterne succéda, par la suite, la porte d’Arras, au haut de la rue Étoupée, et à la porte aux Fêvres celle du Pré-de-la-Bataille, laquelle fut murée en 1419, pour la construction du Vieux-Palais.

Dans la seconde moitié du 13e siècle, la ville fut renfermée dans une nouvelle enceinte de fortifications qui existaient encore au 18e siècle. On eut, pour communiquer avec le dehors, du côté des terres, les portes principales de Cauchoise, de Bouvreuil, de Beauvoisine, de Saint-Hilaire et de Martinville. Plus tard furent édifiées une porte des Prés, qui était située entre ces deux dernières, et la fausse porte des Champs et de Saint-Romain, près du Val-de-la-Jatte, laquelle fut fermée en 1453. Du côté du port, il y avait treize autres portes, au nombre desquelles était la porte Grand-Pont, qui avait été établie au bout du pont de pierre édifié par l’impératrice Mathilde, et qui fut reconstruite plus tard sous la dénomination de la porte Neuve.

Nous avons consacré, à chacune des portes de la ville donnant issue vers les faubourgs, un article spécial. Nous allons dire quelques mots de celles qui ouvraient sur le port, et qui, à l’exception de la porte Guillaume-Lion, ont été démolies dans les premières années du 19e siècle.

La porte Guillaume-Lion, la seule qui subsiste encore, fut faite en 1454, et reconstruite au milieu du 18e siècle. (Voyez p. 272.)

La porte Jean-Lecœur ou Jehan-Lequeu fermait la rue Malpalu. Après avoir porté le nom de porte du Quai-de-la-Madeleine (en 1407), à cause des propriétés que possédait près de là ce prieuré, et celui de porte du Bout-de-la-rue-Malpalu (1405), ou

du Quai-de-Malpalu (1408), elle reçut plus tard, ainsi que la précédente, suivant quelques écrivains, le nom de l’entrepreneur ou du maître maçon qui l’avait bâtie. C’était plutôt, comme le croit M. Ch. Richard1, celui d’un riche bourgeois qui, au 15e siècle, avait dans la ville des héritages considérables. Dans un acte de tabellionage de 1468, on trouve une vente faite, par les enfants de M. Jean Lequeu, d’un immeuble près de la porte du même nom. On donne aussi à cette porte, dans une gravure du 16e siècle, la dénomination de porte Saint-Maclou. La porte Jean-Lecœur reçut, en 1704 et en 1738, des réparations importantes, et a été démolie en 1812.

La porte de la Halle-au-Blé, ou d’Elbeuf, était au bas d’une petite rue de ce nom. Elle fut supprimée en 1809.

Celle de la Vieille-Tour, appelée aussi la porte du Vent-d’aval, qui fut également démolie en 1809, était à l’entrée de la rue de la Porte-Dorée, nom que prit aussi la porte, qu’on appela encore, en 1776, la porte de la Poissonnerie.

La porte appelée d’abord la porte de l’Épée ou de Saint-Cande, reçut en 1564 le nom de porte du Bac, à cause de deux bacs qui furent établis pour traverser la Seine après la ruine du vieux pont de pierre. Construite au milieu du 15e siècle, elle fut réédifiée en 1615, puis démolie en 1816.

La porte de Paris, à l’ouverture de la rue de la Tuile, était connue aussi sous les noms de porte A-lès-la-Tuile, ou aux Boutiques. Un acte du 9 juin 1491 cite la porte faite de nouvel sur les quais de Rouen, nommée la porte des Bouticles. — Elle prenait son nom de sa position sur la partie du port où l’on débarquait les marchandises des bateaux de Paris2. (Voyez aussi rue des Boutiques et rue de la Tuile.)

La porte Grand-Pont, appelée aussi, en 1724, la porte Neuve, fut démolie en septembre 1810. Elle avait été ouverte en 1659, sous le nom de porte de la Paix3.

La porte de la Petite-Boucherie était aussi appelée la porte de la Poissonnerie4, à cause du marché au poisson qui fut établi, à

la fin du 15e siècle, au bout du pont. On l’appelait précédemment la porte aux Carretiers ou Charretiers, d’où la rue des Charrettes a pris son nom. Elle avait été reconstruite vers 1742.

La porte du Crucifix1, au bas de la rue des Iroquois (actuellement la rue Jacques-Lelieur), fut réédifiée en 1580, et a été démolie en 1803. À côté de cette porte, il avait existé une tour bâtie en 1447, et nommée la tour Caillot.

La porte des Consuls ou de la Bourse, appelée aussi précédemment la porte des Cordeliers, puis porte de l’Estrade ou de l’Extrade2, vieux mot qui signifie commerce extérieur, fut détruite en 1791.

La porte Harenguerie fut construite pour la deuxième fois en 1725, et a été démolie depuis 1819.

La porte de la Vicomté, édifiée en 1405, refaite en 1725, fut démolie en 1827. On l’appelait aussi la porte du Quai-de-la-Vicomté3.

La porte Saint-Éloi, construite pour la dernière fois en 1685, disparut en 1814 pour le nouvel alignement des quais.

Les portes de la ville étaient desservies par onze portiers, qui avaient l’ordre de les ouvrir, depuis le 1er avril jusqu’au 1er octobre, entre trois et quatre heures du matin, et de ne les fermer qui ne soit dix heures de vespres ; du 1er octobre, vers cinq heures du matin, huit heures de vespres, sous peine de prison.4 Une ordonnance de l’Hôtel-de-Ville, du 18 juin 1765, enjoignit au portier de la porte du Bac de laisser les guichets ouverts jusqu’à onze heures du soir, sonnées à l’horloge de Saint-Martin-du-Pont.

Potart (rue). = Rue du Bac, rue Grand-Pont. — 7e section, 3e canton, la Cathédrale. — Quartier S.-E.

D’après une charte du 11e siècle, il paraît que la tête de

l’ancien pont de pierre arrivait à la hauteur de cette rue1. D’autres chartes de la même époque, citées par le Savant et regrettable auteur de l’Histoire de la Faïence à Rouen, André Pottier, décédé en 1867, prouvent qu’il y avait près de la Seine un lieu appelé « Poteria », lequel lieu est devenu par corruption, au 13e siècle, la rue Potard, où étaient établis les « figuli »2, c’est-à-dire les potiers. A. Pottier fait remarquer, en outre, que Louis Poterat, sieur de Saint-Étienne, est l’inventeur de la porcelaine française, la première qui ait été fabriquée en Europe. Nous ne pouvons que signaler, à ce sujet, l’étrange analogie qui existe entre le nom de cet inventeur et celui de la rue Potart3.

La rue Potart est mentionnée dans plusieurs chartes qui sont aux archives départementales4 ; il est question, dans des actes de tabellionage de 1362 à 1373, d’un jardin appelé le clos Potart. Enfin, la rue Potart ou de Potard est citée dans d’autres actes du 14e et du 15e siècle (1361, 1419, 1422, 1426). Un acte du 12 juillet 1480 parle d’un héritage en la rue de Potart, borné d’un côté la Pelotte, d’autre côté la Trinité (probablement des enseignes), d’un bout la rue de la Madeleine.

En 1794, la rue Potart reçut le nom de rue Molière.

Poterne (rue de la). = Rue Saint-Lô, rue des Fossés-Louis-VIII. — 9e section, 1er canton, la Cathédrale. — Quartier S.-O.

Cette rue fut dressée et bâtie en 16085. Son nom vient, suivant quelques auteurs, d’une ancienne poterne ou fausse porte de la ville, qui était située à l’endroit où fut construite, en 1218, par les religieux de Jumiéges, la chapelle de Saint-Philbert. La poterne fut fermée en 1666.

Un écrivain moderne a prétendu que la dénomination de la rue

de la Poterne est provenue d’un personnage de ce nom, et qu’il n’y eut jamais là de porte, ni vraie, ni fausse, ni grande, ni petite1. Cette double assertion aurait besoin d’être prouvée. En ce qui concerne la première, un acte de tabellionage du 6 février 1419 fait mention, il est vrai, de rentes dues aux religieux de Saint-Lô, à cause de la sépulture, en leur monastère, de messire Jehan de la Poterne, laquelle rente était hypothéquée sur certains héritages assis en ladite paroisse, nommés les héritages de la Poterne ; mais l’on trouve, dans une charte de 1319, la mention, au manoir de la Posterne, d’un clos à senestre (à gauche), si comme l’en entre en leur dit manoir, lequel clos est devers la rue Perchière. Il resterait donc à décider si les héritages dits de la Poterne ont reçu le nom de leur possesseur, ou si celui-ci n’aurait pas plutôt, comme c’est assez l’habitude dans des temps plus modernes, pris le nom de sa propriété. Quant à l’existence d’une ancienne fausse porte de la Poterne, elle est signalée par différents auteurs dont nous ne contesterons pas la véracité.

La chapelle de Saint-Philbert, ou Filbert, nom du fondateur de l’abbaye de Jumiéges, qui a été supprimée en 1791, avait été construite en 1218 sur l’emplacement d’une tour appelée, au 11e siècle, la tour d’Alvarède, qui dépendait des anciennes fortifications. On croit reconnaître encore, dans la cave d’une maison de la rue de la Poterne, qui, avant la révolution de 1789, portait encore le nom d’hôtel de Jumiéges, des vestiges de la tour d’Alvarède, laquelle, en 674, aurait servi de prison à saint Philbert. L’auteur des Lettres sur Rouen pense que c’est là qu’aurait été renfermée, au 6e siècle, la reine Brunehaut, par l’ordre de Chilpéric. — On voyait encore, en 1840, des traces de la chapelle de Saint-Philbert dans deux maisons qui ont été démolies. II y avait dans cette chapelle un tableau représentant la délivrance de ce saint par saint Ouen.

L’hôtel de Jumiéges, appelé autrefois le manoir de la Chapelle-de-Saint-Philbert ou de la Tour-d’Alvarède, était un hospice de l’abbaye de Jumiéges, à laquelle appartenait tout le terrain qui s’étendait depuis cette tour jusque vis-à-vis le Marché-Neuf, et qui formait alors une grande place vide2, emplacement sur lequel

fut bâti plus tard l’hôtel de la Présidence. La rue de la Poterne appartenait donc aux religieux de Jumiéges, qui avaient bâti leur hôtel auprès de la chapelle de Saint-Philbert, ainsi qu’on le voit figuré dans le plan de 1655 et dans celui de 1724.

En 1640, les habitants de cette rue furent exemptés de loger des soldats, lors de la visite du chancelier Séguier, parce qu’ils n’avaient pas pris de part à la révolte des Nu-Pieds1.

Pottette (rue). = Rue Eau-de-Robec, rue Saint-Vivien. — 3e section, 3e canton, Saint-Vivien. — Quartier S.-E.

Nous n’avons aucun renseignement sur l’origine de ce nom, qui peut provenir d’un propriétaire. — On trouve cette rue inscrite rue Potet, dans les Affiches de Normandie de 1762, et rue Potette en 1764.

Pouchet (rue). = Rue Ernest-Leroy, rue Saint-Maur. — 4e section, 5e canton, Saint-Romain. — Faubourg Bouvreuil.

C’est l’ancienne rue Porcherie, qui a reçu en 1867 son nom actuel en mémoire d’un industriel distingué2. Louis-Ézéchiel Pouchet importa le premier en France les machines à filer le coton. Lauréat à l’exposition de 1802, inventeur d’une romaine pour peser les paquets de cotons filés, L.-É. Pouchet est mort à Rouen en 1807. — Le nom que cette rue portait précédemment a pu venir des vieux mots « porchière, porguerie ou porkerie », qui se rapportaient à ce qui concernait la garde ou la conduite des pourceaux. — On appelle « porcherie » une étable à porcs ; ce qui peut faire attribuer aussi le nom de la rue au voisinage d’une porcherie dépendant de quelque grand établissement.

C’est dans la rue Pouchet qu’est la source de Gaalor, dont nous avons parlé à l’article des Fontaines (p. 232).

Poulies (rue et impasse des). = Rue du Ruissel, rue des Penteurs. — 3e section, 3e canton, Saint-Maclou. — Quartier S.-E.

Ce nom est cité dans divers actes de tabellionage du 16e siècle. Un acte de 1524 mentionne une maison en la rue des Poulies,

ayant une allée issant en la rue des Penteurs. Dans un autre acte de 1527, il est parlé d’une maison bornée d’un bout par la ruelle des Penteurs ou des Poulies. Un acte antérieur, en date du 24 septembre 1421, cite une autre ruelle des Poulies, près de la rue Thomas-Lecomte (actuellement la rue Coignebert), en la paroisse Saint-Nicaise.

« Poulies » est un vieux mot qui signifie un lieu oui l’on étend les draps pour les faire sécher ou pour les travailler1. Nul doute que la rue des Poulies n’ait la même origine que celle des Penteurs (voyez ce mot), et que cette dénomination ne soit due aux poulies à l’aide desquelles on raidissait les cordes des étentes.

Il y a à Paris une rue des Poulies, dont le nom était mentionné dès le 13e siècle. L’auteur du Dictionnaire des Rues de Paris2 attribue cette dénomination à un ancien jeu des poulies que l’on jouait dans une maison de cette rue. Une autre étymologie est donnée, d’après l’Illustration, par l’auteur anonyme d’une lettre insérée dans le Journal de Rouen du 4 août 1853, au nom de la rue des Poulies, que l’on veut faire dériver de « polia », poulie, dont on aurait fait « écurie à mettre des chevaux. » Nous croyons pouvoir nous en tenir à la première interprétation que nous avons donnée.

Poullèterie (carrefour de la).

La Chronique de P. Cochon, p. 329, fait mention d’un carrefour de ce nom, sans préciser sa situation.

Poussin (rue). = Rue de la Roche, boulevard Beauvoisine. — 2e section, 2e canton, Saint-Nicaise. — Quartier N.-E.

On avait donné ce nom, en 1831, à une rue nouvellement percée dans l’ancienne enclave de Sainte-Marie, qui est située entre la rue Beauvoisine et la rue de la République. Mais, depuis cette époque, des grilles ont été placées pour enclore et transformer en un jardin cet emplacement, où sont réunis le Musée d’antiquités et plusieurs Écoles spéciales. Le nom du célèbre peintre normand Nicolas Poussin, né aux Andelys en 1594, mort

à Rome en 1665, a été donné, en août 1867, à l’ancienne rue Tirelinceul. On appelait ainsi une rue qui est inscrite, dans un plan de 1655, sous le nom de la rue de la Loge et sous celui de la Cage-Saint-Nicaise dans le plan de 1724. (V. rue de la Cage1). Divers actes de tabellionage la désignaient sous les dénominations de rue Tirelincheul (1421, 1423 et 1463), de Tortlinceul (1461), et de Tirelinceul (1498)2.

Dans la rue Poussin est le monastère des Sœurs hospitalières, surnommé la Petite-Madeleine, qui a été fondé vers 1844.

Pré (rue du). = L’église Saint-Sever, la place Bonne-Nouvelle. — 11e section, 6e canton, Saint-Sever. — Faubourg Saint-Sever.

Ce nom semble provenir des prairies sur lesquelles cette rue a été établie, ou d’une prairie voisine dite le Pré de-la-Guerre, dans laquelle on croit que le duc Richard battit Théobald, comte de Blois ; ce serait peut-être aussi en souvenir de cet événement que le prieuré de Mathilde aurait été parfois désigné sous le nom de Sainte-Marie-de-la-Victoire3.

On avait donné le nom de rue du Pré-de-Bonne-Nouvelle à la portion de la rue du Pré qui longe la caserne de Bonne-Nouvelle, et dans laquelle a été pratiquée une entrée, où l’on plaça une grille en fer en juillet 1818. Les deux rues n’en forment actuellement qu’une seule.

La rue du Pré avait été aussi désignée, au commencement du 18e siècle, sous la dénomination de rue de la Verrerie, à cause d’un établissement de ce genre qui y avait été fondé4.

On trouve cette rue indiquée dans un acte de tabellionage de 1315, sous le nom de la Voie-du-Pis (le chemin du Puits.) Dans un acte de 1407, il est fait mention d’une rue du Puits-du-Pré. Ces désignations étaient dues sans doute à l’existence d’un puits dans ce quartier.

Pré-au-Loup, dans le faubourg Martinville.

On appelait ainsi le territoire qui se trouve entre le faubourg Martinville et la Seine, et qui est actuellement occupé par le Champ-de-Mars, le cours de Paris et les chantiers à bois de Saint-Paul. Cette dernière partie est encore désignée sous les noms de chantier et de quai du Pré-aux-Loups1.

On a prétendu que ce nom se rapportait au temps où la ville était entourée de forêts, et que c’était ce quartier, au pied de la côte Sainte-Catherine, que les loups fréquentaient le plus communément. Cette opinion est formellement contredite par M. Ch. Richard, qui attribue l’origine du nom de Pré-au-Loup à celui d’un bourgeois appelé Leloup, auquel ce fond fut fieffé à la fin du 16e siècle, et que nous trouvons aussi possesseur d’une portion de l’île de la Croix. M. Richard fait remarquer, à ce sujet, que l’usage de décliner les noms propres était déjà en vigueur à cette époque, et qu’en même temps qu’on disait le pré au Loup pour désigner le fief de ce propriétaire, on appelait sa femme la Louve2.

Pré-aux-Bœufs (rue du). = Rue Lafayette, les prairies de Grammont. — 11e section, 6e canton, Saint-Sever. — Faubourg Saint-Sever.

Ce nom est donné, par le propriétaire, à une rue ouverte récemment dans un quartier projeté sous la dénomination de cité Saint-Yves.

Il y avait, dans le voisinage de la rue Saint-Sever, une cour dite du Pré-aux-Bœufs, par laquelle on entrait dans les prairies de Grammont. Ces prairies ont été traversées, depuis la construction du pont de Pierre-Corneille, par la rue Lafayette et par plusieurs autres rues.

Pré-de-la-Bataille (rue du). = Avenue du Mont-Riboudet, rue du Chouquet. — 12e section, 5e canton, la Madeleine. — Faubourg Cauchoise.

Cette rue, qui, sur un plan de 1817, était inscrite sous le

nom de rue du Champ-de-Foire (nom donné depuis à une autre rue), et qui, en 1827, était connue sous celui de rue Martial, a reçu sa dénomination actuelle en vertu d’un arrêté municipal du 27 septembre 1833.

Le pré de la Bataille était une vaste plaine où fut établi, sous l’administration de M. de Crosne1, le quartier neuf de Cauchoise, et qui était ainsi appelée à cause d’une bataille livrée en 920 par Guillaume-Longue-Épée, dans laquelle ce prince défit l’armée de Rioulf, comte du Cotentin2.

Au bas de la rue des Jacobins (actuellement la rue de Fontenelle), il existait au 13e siècle, jusqu’à l’époque de la construction du Vieux-Palais, une porte appelée la porte du Pré3, dite du Pré-de-la-Bataille4. On voit, dans un acte de tabellionage du 11 juillet 1424, l’indication d’une pièce en pré et terre nommée le Pré-de-la-Bataille, où souloit y avoir autrefois maisons et édifices.

Le Pré-de-la-Bataille était dépendant du prieuré de Saint-Gervais5. Le quai actuel du Mout-Riboudet avait porté aussi le nom de quai de la Bataille.

Préfecture (la).

L’ancienne intendance de la Généralité de Rouen6, qui avait été installée dans le couvent des Jacobins, fut remplacée en 1790 par l’Administration départementale, à laquelle a succédé, en 1800, la préfecture de la Seine-Inférieure.

L’hôtel de la Préfecture occupe, dans la rue de Fontenelle, un vaste emplacement qui est limité par la rue de Racine, par le boulevard Cauchoise et par les maisons de la rue de Crosne. Des

travaux importants ont été commencés en 1854 pour l’agrandissement des dépendances de la Préfecture, pour la nouvelle distribution des bureaux de cette administration, et pour la centralisation des services qui s’y rattachent.

Une sous-préfecture avait été créée à Rouen en 1811 ; elle fut supprimée en 1816.

Préfontaine (rue). = Rue du Faubourg-Martinville, rue de la Petite-Chartreuse. — 1re section, 5e canton, Saint-Paul. — Faubourg Martinville.

On lit, sur un plan de 1784, rue de la Prétentaine ; c’est sans doute par corruption du nom de la rue Préfontaine, que l’on croit provenir de sa position au milieu de prairies dans lesquelles naissent ou passent quelques sources, et qu’on désigne sous les dénominations de clos ou de prés Fontaine.

Dans cette rue est la fontaine Jacob1, qui coule dans une propriété particulière, presque en face d’un ancien moulin à tan, et qui va se perdre dans l’Aubette. Cette fontaine, dans le voisinage de laquelle Guillaume-le-Conquérant avait fondé, en 1050, l’hôpital de Jéricho (voyez p. 292), avait donné son nom à une juridiction de haute justice exercée par les religieux de Saint-Julien, jusqu’à leur suppression arrivée à l’époque de la révolution ; elle dépendait d’un fief appelé le fief de l’Aumônerie, qui avait été créé en 1075 en faveur de l’abbaye de Sainte-Trinité-du-Mont2, par un seigneur de la cour du Conquérant. Ce fief fut transmis, en 1594, avec les revenus de l’abbaye, aux Chartreux de Gaillon, qui s’établirent en 1600 au prieuré de Saint-Julien. Les Capucins formèrent, en 1580, leur premier établissement sur l’emplacement de l’ancien hôpital de Jéricho, et le transférèrent ensuite dans la rue à laquelle est resté leur nom.

La rue Préfontaine, que longe la rivière d’Aubette, est également connue sous la désignation des Petites-Eaux de Martinville. On lui donna, en 1794, le nom de rue des Droits-de-l’Homme, et elle reprit en 1795 sa précédente dénomination.

Préfontaine (petite rue). = Rue Préfontaine, rue du Mont-Gargan. — 1re section, 5e canton, Saint-Paul. — Faubourg Martinville.

Cette rue tire son nom de sa position auprès de la rue Préfontaine, dans laquelle elle aboutit.

Prés-Martinville (rue des). = Rue Martinville, rue Édouard-Adam. — 3e section, 4e canton, Saint-Maclou pour les numéros impairs, Saint-Vivien pour les numéros pairs. — Quartier S.-E.

Cette rue a pris son nom des prairies qui l’avoisinaient. Elle est indiquée, dans le Flambeau astronomique de 1716, sous la désignation du rempart qui conduit au bureau des Valides. Elle suivait, en effet, les anciens remparts, figurés sur un plan de 1784 sous le nom du rempart de Martinville, lequel s’arrête aujourd’hui à la rue du même nom. Il ne subsiste plus, de la rue des Prés, que la portion située entre la rue d’Amiens et la rue Martinville, et qui était connue dans les derniers temps sous le nom de rue Neuve-des-Prés.

On trouve, dans les plans de 1655 et de 1724, l’indication d’une porte des Prés qui conduisait en dehors du rempart, vers le point où la rue d’Amiens aboutit au boulevard Martinville.

Prés-Mont-Riboudet (rue ou chemin des). = Avenue du Mont-Riboudet, la Seine. — 12e section, 5e canton, la Madeleine. — Faubourg Cauchoise.

Ce chemin a pris son nom de sa position au milieu des prairies situées entre l’avenue du Mont-Riboudet et le fleuve.

La tradition indique ce chemin comme étant la voie par laquelle on transportait autrefois, au bord de la Seine, les écorces à tan provenant du bois de l’Archevêque, situé sur les hauteurs de Déville. Le fossé qui borde cette voie jusqu’à la rivière est encore appelé « l’Écorce. »

Prêtres (cour des), dans la rue Martinville. — 6e section, 3e canton, Saint-Maclou. — Quartier S.-E.

C’est le nom que l’on donne à un passage ou à une cour qui est située dans la rue Martinville, et qui a une issue dans l’aître Saint-Maclou. La cour des Prêtres est indiquée, dans les Affiches

de Normandie de 1777, sous le nom de rue du Bas-Estame, désignation due à l’industrie du badestamier (fabricant de bas au métier), qui s’exerçait dans cet endroit.

Prêtresses (rue des).

Cette rue, qui tendait de la rue Saint-Romain à celle des Cinq-Cerfs, réunie à la rue Saint-Nicolas, a été supprimée en 1836 pour le passage de la rue de la République. Elle était également connue sous les noms de rue des Savetiers1 ou de la Savatterie, ou encore de carrefour des Cordonniers, dénomination provenant d’un genre d’industrie qui semblait particulier à cette rue, où il y avait beaucoup de cordonniers et de marchands de chaussures.

Le nom de la rue des Prêtresses venait, dit l’auteur du Dictionnaire indicateur, d’après D. Toussaint Duplessis, d’une ancienne communauté de chanoinesses pourvues de prébendes, qui étaient chargées de l’entretien des ornements et des linges des églises. Elles étaient nommées les trente prébendes de Saint-Romain, comme l’indique l’auteur d’une lettre2 publiée dans les Affiches de Normandie. Elles vivaient en commun près de la Cathédrale, et faisaient leurs exercices de piété dans une chapelle de Saint-Romain qui n’existe plus, mais dont elles ont retenu le nom, aussi bien que la rue où elle était située derrière les murs de l’Archevêché. C’est encore d’elles, ajoute l’auteur de cette lettre, qu’une autre rue voisine, qui porte aujourd’hui le nom de rue des Savetiers, avait pris celui de rue des Prêtresses.

L’auteur des Recherches sur Rouen attribue ce nom de la rue des Prêtresses à une autre origine : On appelait Prêtresses, dit M. Ch. Richard, les femmes qui vivaient en concubinage avec les prêtres3, et ce nom était un terme de mépris. — D’un autre côté, le Flambeau astronomique de 1714 s’exprime ainsi : Prêtresse ou diacresse estoient nommées celles qui estoient delaissées de leurs maris promeus aux ordres sacrez, par un consentement réciproque de garder chasteté ; que si leurs maris se

faisoient prêtres, on les appeloit prêtresses ; et s’ils se faisoient diacres, diacresses.

La rue des Prêtresses était connue dès le 13e siècle1 ; elle est également citée dans plusieurs actes de tabellionage de 1397 et de 1465, et dans les comptes de 1448, tandis qu’elle n’est mentionnée qu’en 1539 sous le nom de rue des Savetiers. Inscrite sous cette dernière dénomination, dans les plans de 1655 et de 1724, elle ne reprend le nom de rue des Prêtresses que dans celui de 1784.

On lui donna en 1794 le nom de rue d’Arlon, et son nom précédent lui fut rendu en 1795.

Prison (rue de la). = Place du Vieux-Marché, rue des Bons-Enfants. ― 10e section, 1er canton, Saint-Patrice. ― Quartier S.-O.

Il y avait, dans cette rue, une prison pour la juridiction que l’abbesse de Bondeville faisait exercer par un bailli, dans son hôtel situé entre la rue de la Prison et celle de Sainte-Croix-des-Pelletiers. L’emplacement que cette prison occupait avait appartenu à la ville, qui, en 1448, payait à Jacques Filleul une rente pour certains héritaiges où furent les Vieilles-Prisons assises en la paroisse Sainte-Croix.2 Un acte de tabellionage de 1395 fait mention de la rue de la Vieille-Prison. On trouve aussi, dans un autre acte de 1404, l’indication du pavement de la Vieille-Prison.

La rue de la Prison paraît avoir porté aussi, au 13e siècle, le nom de rue de Sainte-Marie-la-Petite3, à cause de l’église paroissiale qui était située dans la rue des Bons-Enfants, entre cette rue et celle des Béguines, église dont on voit encore les murs. (V. p. 58.) On trouve aussi, dans un acte du 5 mars 1540,

l’indication de la rue de la Heuze, autrement appelée la rue de Sainte-Marie-la-Petite, sur ladite paroisse. La rue de la Prison reçut, en 1794, le nom de rue du Canton, et reprit en 1795 sa dénomination actuelle.

Il y avait des étuves dans la rue de la Prison ; elles étaient connues sous le nom des Étuves du Lion-d’argent. (Voyez p. 216.)

Prisons de Rouen.

Nous donnons, dans le cours de cet ouvrage, à l’occasion des rues où elles étaient situées, des notes succinctes sur les anciennes prisons de Rouen ; celles qui existent actuellement dans notre ville sont :

Les Maisons d’arrêt et de correction, ancienne Maison de Bicêtre, réunies dans un même établissement, qui est situé rue de la Motte (voir ce nom), près de la place Bonne-Nouvelle. Cet établissement renferme les prévenus, les condamnés à un an et au-dessous, les détenus pour dettes, les militaires prévenus et condamnés.

La Maison-de-justice, appelée précédemment la Conciergerie, située dans l’enceinte du Palais-de-Justice, et qui reçoit les accusés traduits aux assises, ainsi que les condamnés jusqu’au moment où ils sont envoyés à leur destination.

Ces prisons sont régies par la même administration.

Il y a aussi la Prison municipale, sur la place de l’Hôtel-de-Ville ; elle a remplacé l’ancien Violon, qui déshonorait le cloître de l’abbaye de Saint-Ouen, et elle sert de prison ou de cachot pour le corps-de-garde de la police municipale.

Privées-de-Robec (rue des).

On lit, dans un acte du tabellionage du 1er octobre 1492 : Maison en la rue Damyecte, bornée d’un côté la rue des Privées-de-Robec,... d’un bout par derrière l’Eau-de-Robec, et les petites privées estant sur la dicte rivière, d’autre bout la rue Damyecte.1. ― C’est là probablement le nom et la destination

d’une ruelle qui, d’après la nomenclature de Du Souillet, tendait de la rue Damiette à celle des Cinq-Cerfs, et qui s’est trouvée enclavée dans une propriété particulière. Cette petite rue, qui est figurée sur d’anciens plans, en face de l’impasse des Hauts-Mariages, dut également porter le nom de rue de la Barre, dans laquelle, suivant un acte de 1550, était une maison bornée d’un côté les Cloaques, autrement dits les Chambres de la ville sur l’Eau-de-Robec, paroisse Saint-Maclou.

Projetée (rue). = Rue Saint-Julien, rue des Limites. ― 11e section, 6e canton, Saint-Clément. ― Faubourg Saint-Sever.

C’est le nom provisoire, sans doute, d’une route ouverte en 1847. Nous proposons de lui donner, à cause de sa proximité de la rue Saint-Julien, le nom de Jean-Baptiste De la Salle, le vénérable fondateur des Écoles chrétiennes de Saint-Yon.

― Une autre rue Projetée est indiquée comme tendant de la rue des Pommiers-Mallet à la rue Tannery, dans le faubourg Beauvoisine. Elle attend aussi une dénomination.

Prunier (impasse), sur la route de Darnétal. ― 1re section, 5e canton, Saint-Hilaire. ― Faubourg Saint-Hilaire.

Cette impasse, déjà ancienne, a reçu le nom d’un propriétaire.

Pucelle d’Orléans (place de la), limitée par les rues Saint-Georges, Herbière, du Panneret, et par la place du Vieux-Marché. ― 10e section, 1er canton, Saint-Vincent. ― Quartier S.-O.

Avant 1794, cette place était connue sous le nom de Marché-aux-Veaux, à cause de la vente des veaux qu’on y faisait dès le 13e siècle. Ce marché fut transféré à la place de la Rougemare,

depuis que le marché aux chevaux a été reporté de là au Boulingrin. On donna en 1794, à la place du Marché-aux-Veaux, le nom de place de la Régénération, et en 1795 celui de la Pucelle-d’Orléans, parce que ce serait sur cette place que Jeanne d’Arc fut brûlée le 30 mai 1431.

La mémoire de la Pucelle fut réhabilitée le 7 juillet 1456, et l’on planta, à la gloire de cette héroïne, sur la place du Marché-aux-Veaux, une croix qui fut remplacée plus tard par une fontaine triangulaire, représentant Jeanne armée, aux pieds de Charles VII. Ce monument, qui avait été commencé en 1510, et achevé vers 15301, menaçant ruine en 1754, fut remplacé l’année suivante, à quelques pas plus en avant dans la place, par la fontaine qui existe actuellement, d’après les plans de Descamps2. La statue, due au ciseau de Paul Slotdz, est debout, la main appuyée sur le pommeau de son épée. Cette fontaine était ornée d’inscriptions et d’armoiries3 qui ont été mutilées en 1792. On dut sa conservation à la présence d’esprit de M. Defontenay, alors maire de Rouen. Lorsqu’on voulut l’abattre, M. Defontenay représenta au peuple que la statue de Jeanne d’Arc devait être conservée, parce que cette héroïne était du tiers-état.

La fontaine de la place de la Pucelle a été complètement restaurée en 1861. Les inscriptions ont été rétablies sur les trois faces de ce petit monument. Elles ont été reproduites par André Pottier, dans la Revue de la Normandie de janvier 1862.

Plusieurs écrivains prétendent que Jeanne d’Arc fut brûlée sur la place du Vieux-Marché et non sur celle du Marché-aux-Veaux ; mais cette dernière place, celle du Vieux-Marché, et tout le quartier de l’ancienne paroisse de Saint-Sauveur, ne

faisaient, jusqu’au 15e siècle, qu’une même place située hors de la ville. Elles ne furent divisées, comme elles le sont actuellement, par de nombreuses constructions, que depuis que la Pucelle fut sacrifiée à la superstition et à la haine des Anglais. Une partie de cette vaste place du Marché resta affectée à la vente des veaux, d’où elle avait tiré son nom1, et l’on donna celui du Vieux-Marché au reste de cette place, pour la distinguer du Marché-Neuf établi récemment dans le clos aux Juifs. Telle est la version qui paraît avoir donné naissance aux opinions diverses relatives à la partie du marché qui fut le théâtre du supplice de la martyre de Domrémy. Nous laisserons donc de résoudre ailleurs une discussion qui n’entre pas dans le plan de cet ouvrage. Nous mentionnerons seulement que la place du Marché-aux-Veaux fut témoin de plusieurs exécutions, telles que celles du curé de Condé-sur-Noireau Condé-sur-Sarthe et d’un autre personnage convaincu d’hérésie2.

Suivant l’opinion de M. A. Le Prévost, basée sur une charte de Philippe-le-Bel, le Marché-aux-Veaux existait sous cette dénomination dès 1309, car il résulte de cette charte que Jeanne de Tancarville demeurait à cette époque in vico dicto vulgariter forum Vitulorum, c’est-à-dire dans la place appelée vulgairement le Marché-aux-Veaux ; ce qui n’implique nullement que cette place fût alors distincte de la place du Marché. Le 23 octobre de cette même année fut dressé, dans la maison de la dame de Tancarville, l’acte de mariage entre Guillaume, le dernier des Tancarville, et Isabelle, fille d’Enguerrand de Marigny, quoiqu’ils n’eussent pas dépassé l’âge de sept ans3.

Au 15e siècle, le Marché-aux-Veaux paraissait s’étendre jusque vers l’église de Saint-Sauveur, si l’on en juge par un certain nombre d’actes concernant des maisons où pendaient les enseignes des Balences, du Chaudron, de la Couronne, de l’Épée, du Dauphin, du Mouton-d’or, du Petit-Paon, etc., dont la situation

est indiquée, dans ces divers actes, comme étant sur le Marché-aux-Veaux1. Des actes de 1421 à 1442 constatent l’existence d’une venelle aboutissant du Vieux-Marché au Marché-aux-Veaux, à la maison où pendait l’enseigne du Dauphin. D’un autre côté, suivant un acte du 25 mars 1408, le presbytère de Saint-Michel paraissait être situé entre le Marché-aux-Veaux et l’eau de Seine. Dans un autre acte de 1472, il est fait mention du jardin d’Enfer, situé sur la place du Marché-aux-Veaux, près de Jehan Marcel, où les frères de la Charité-Dieu représentèrent, en 1454, le mystère de Sainte-Catherine ; Jehan Marcel avait prêté sa maison aux échevins. C’est sans doute ce jardin d’Enfer qui donna son nom à la rue du Petit-Enfer, qu’on appelait en 1466 la rue tendant du Marchié-à-Veaux à l’église Saint-Éloi, rue qui prit plus tard le nom de rue du Panneret, par un échange de cette dénomination avec celle de la rue du Petit-Enfer actuelle2. D’après un acte de 1500, une maison à l’enseigne du Veau était sur la place, en un coin devant la chapelle de Saint-Georges.

On remarque, à l’angle sud-ouest de la place de la Pucelle, un ancien hôtel qui fut, dit-on, suivant les savantes recherches de M. Aug. Le Prévost, commencé vers la fin du 15e siècle ou vers les premières années du 16e3, par Guillaume Leroux, deuxième du nom, seigneur du Bourgtheroulde et l’un des aïeux des familles d’Acquigny et d’Esneval. Cet hôtel fut continué par l’un de ses fils. Les bâtiments de l’intérieur de la cour et d’autres dépendances auraient été ajoutés à cet édifice sous le règne de François Ier. On lit, dans un acte du 1er juin 1521, que Claude Leroux, sieur du Bourgtheroulde, acheta un hôtel, deux cours, avec puits, cellier et jardin, bornés d’un bout par la place du Marché-aux-Veaux. Dans un intéressant mémoire4 de M. de Belbeuf, publié dans les Notices et Extraits des Manuscrits de la Bibliothèque du Roi, on lit de curieux détails sur cet hôtel, dont M. de Belbeuf place la construction5 après l’année 1520, époque

où l’on achevait celle de la porte Cauchoise. L’ensemble de cet hôtel, est-il dit dans ce mémoire, donne à lui seul les alignements d’alentour. Par devant, celui de toute la partie basse du Marché-aux-Veaux ; par derrière, celui de la rue du Petit-Enfer et d’une partie de la place Saint-Éloi1 ; et, par le côté du Vieux-Marché, l’alignement de la rue Saint-Sauveur, dont la plupart des maisons sont adossées à l’emplacement de ce palais... La rue Cauchoise, dans laquelle on entrait par la porte du même nom, était dirigée sur le Vieux-Marché, place dans laquelle donnait une des façades de cet hôtel, que je soupçonne avoir été bâti par François Ier. Or (ajoute M. de Belbeuf), le fronton et les sculptures qui furent ajoutés sur la porte Cauchoise en 1535, sont absolument les mêmes que ceux représentés sur l’édifice bâti au Vieux-Marché à cette époque. On y voit les mêmes caractères ; les lettres et les figures y sont exactement pareils. On trouve, en effet, dans un acte du 13 août 1547, la preuve des agrandissements successifs que reçut cet hôtel magnifique ; par cet acte, Claude Leroux du Bourgtheroulde achète plusieurs corps de bâtiments et tènements assis ès paroisses de Saint-Sauveur et de Saint-Éloi, où pend pour enseigne le Lion-d’or, borné d’un bout la rue et pavé de devant l’église de Saint-Sauveur, d’autre bout la rue et pavé de Saint-Éloi ; d’un côté ledit seigneur du Bourgtheroulde à cause de sa maison du Signot et de sa grande maison assise en la paroisse Saint-Éloi, et d’autre côté la maison et tènement du Chapeau-rouge. Par un autre acte, du 23 juin 1556, le même personnage achète les maisons où pendaient pour enseignes le Bœuf-couronné, le Dauphin, la Couronne, etc., le tout borné par le pavé du Roi et par la grande maison du Bourgtheroulde.

Cet hôtel a été l’objet de descriptions détaillées dans l’intéressant ouvrage de M. E. de la Quérière sur les Maisons de Rouen2, lesquelles sont accompagnées de gravures dues au talent merveilleux de E.-H. Langlois, l’un des artistes les plus érudits et les plus consciencieux du 19e siècle.

Plusieurs personnages marquants sont descendus à diverses époques dans l’hôtel du Bourgtheroulde. Là fut logé l’ambassa-

deur du roi d’Angleterre, envoyé vers Henri IV, qui avait fait son entrée à Rouen le 16 octobre 1596. Deux mois après, le 13 décembre, le cardinal de Florence, de la maison de Médicis, alla droit, à son arrivée, à son logis préparé en la maison d’un nommé De Sénamy, marchand, demeurant au Marché-aux-Veaulx. En février 1650, lors du voyage que fit Louis XIV à Rouen, Mademoiselle, fille de Gaston d’Orléans, devenue depuis la duchesse de Montpensier, descendit en la maison de M. Leroux d’Infreville, et y logea.

― Il a été établi en 1811 jusqu’en avril 1814, un tribunal appelé le tribunal des Douanes, qui tenait ses séances à l’hôtel du Bourgtheroulde. Cet hôtel est aujourd’hui le siége du Comptoir d’escompte de Rouen, société en commandite par actions, qui a été fondée en 1836.

Pucelle (rue de la). = rue Saint-Julien, route de Caen. ― 11e section, 6e canton, Saint-Clément. ― Faubourg Saint-Sever.

Un titre de 1480 fait mention de la sente ès Pucelles, dans la paroisse Saint-Sever1. C’est probablement la rue de la Pucelle, qu’on devrait appeler rue des Pucelles, car il est évident que le nom donné au hameau dont elle fait partie vient de l’ancienne léproserie de Saint-Julien-du-Parc2, fondée en 1183 par Henri II, roi d’Angleterre et duc de Normandie, pour y mettre des filles lépreuses. Ces filles devaient être de race noble, et elles étaient obligées de se faire religieuses. On donna à cet emplacement le nom de Salle-des-Puelles (des Pucelles), du latin « Aula puellarum. » ― La rue de la Pucelle portait en 1794 le nom de champ de la Pucelle.

Puits (rue du). = Rue du Merisier, rue des Jardins. ― 1re section, 5e canton, Saint-Hilaire. ― Faubourg Saint-Hilaire.

Cette rue a pris son nom d’un ancien puits qui y était placé.

Puits-d’Or (cour du), dans la rue Martinville. ― 6e section, 3e canton, Saint-Maclou. ― Quartier S.-E.

Cette impasse, qui est située entre la rue du Figuier et la

rue Saint-Marc, presque en face de la rue de la Foulerie, a pris vraisemblablement son nom d’une enseigne.

Puits-Gringore (rue du).

Une rue de ce nom est citée dans des actes de tabellionage de 1422 et de 1481, comme étant située dans la paroisse Saint-Nicaise, près de la rue Comte.

Il y avait, dans le carrefour formé par les rues Orbe et Bourg-l’Abbé, ainsi que par les rues Coignebert et des Maîtresses, un puits qui fut probablement supprimé vers 1655, époque où l’on établit la fontaine du Plat, au coin de la rue des Maîtresses. Ce puits s’appelait le puits Gringore ou Gaingore, et la rue Comte n’était autre que la rue Coignebert, qui a porté également le nom de Thomas-Lecomte. (Voyez p. 142.)

Purée (rue).

Un titre de 1467 indique une rue ainsi nommée, tendant aux pentheurs de Saint-Maclou.

Quais. ― Rue des Quais, rue du Quai-au-Cidre, rue du Quai-de-la-Madeleine.

On ne fait communément aucune distinction à l’égard de ce qu’on appelle le port ou les quais de Rouen. Le port est le lieu où les bâtiments abordent pour charger ou décharger des marchandises ; les quais sont, en général, les levées établies entre la rivière et les maisons pour la commodité du chemin ou de la circulation. Nous invitons donc nos lecteurs à se reporter à notre article concernant le pont et les quais de Rouen. ― On donnait, dans les comptes de la ville du 15e siècle, les noms de rue des Quais et de rue du Quai-au-Cidre à une petite rue située près de la Basse-Vieille-Tour. ― D’autres actes de la même époque désignent sous celui de rue du Quai-de-la-Madeleine un emplacement qui était situé au bas de la rue Malpalu, et qui a été occupé par la place de la République.

étaient autrefois dans ce quartier1 avant d’avoir été transférés sur le port, en 1656, entre la porte Guillaume-Lion et celle du Bac, où ils restèrent jusqu’en 1785. À cette dernière époque, ils furent établis dans les loges du Champ-de-foire aux boissons, qui venaient d’être construites pour les recevoir. (Voyez p. 107.)

― Taillepied cite (en 1587) le quay du Chelier, où l’on réunissoit en temps de guerre les eaux des rivières de Robec et d’Aubette, qu’on faisoit couler le long des murs de la ville.

Quatre-Vents (rue des). = Place de la Cathédrale, rue Saint-Romain. ― 7e section, 3e canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-E.

Le nom de cette rue, qui semble tiré vulgairement de son exposition à tous les vents, a dû provenir d’une enseigne2. Elle était appelée anciennement rue de l’Albane, à cause du collége de ce nom fondé en 1245 par le cardinal d’Albe, sur l’emplacement de l’ancien cloître des Chanoines, et dont l’entrée était par la rue Saint-Romain. La cour dite de l’Albane, qui est située au nord de la Cathédrale, a sa porte d’entrée sur la rue des Quatre-Vents, au pied de la tour Saint-Romain. On lit dans divers actes de tabellionage : Albane, Albenne, Erbane ; Taillepied et d’autres auteurs indiquent une rue Herbanne, Herbenne et Herbonne ; mais ce sont des noms défigurés de la rue de l’Albane. ― On passait, au 15e siècle, par la cour du collége de l’Albane pour arriver aux prisons du chapitre, lesquelles étaient désignées sous la dénomination des prisons d’Albane3. Celle de la Chambre des comptes fut établie, vers la fin du 16e siècle, dans l’angle formé par la jonction de la rue des Quatre-Vents avec celle de Saint-Romain. Elle est figurée sur les plans de 1655 et de 1724, mais elle n’existe plus depuis longtemps. ― La fontaine du Collége-d’Albane, qui est dans la cour de ce nom, commença à couler le 26 septembre 1659.

La rue des Quatre-Vents était aussi connue au 15e siècle sous les noms de rue de la Féronnerie et de rue aux Férons4, à cause

de la profession qui s’y exerçait et du voisinage de la halle dite des Féronniers. (V. rue Saint-Romain.) Un acte du 10 septembre 1423 fait mention d’une maison yssant par derrière en la rue aux Férons, et par devant au pavé devant l’estre de la grande église de Notre-Dame. Un autre acte de 1460 porte rue d’Albenne, nommée la Féronnerie.

Les boulangers vendaient leur pain, dès le 12e siècle, près de l’aître de Notre-Dame. On trouve, dans un acte de tabellionage du 15e siècle, la mention d’un hôtel au pied de la tour Saint-Romain, auquel pendait l’enseigne des Boulettes.

Depuis 1857, on a démoli les maisons du côté droit de la rue des Quatre-Vents dans le but d’isoler tout-à-fait la Cathédrale de ce côté, comme du côté de la rue du Change. L’établissement d’un jardin public serait d’un bon effet autour de ce magnifique monument.

Quesney (rue), dans la rue Bihorel. = 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Beauvoisine.

Cette rue, ouverte récemment, et qui est en dehors des limites de la ville, a pris évidemment le nom d’un propriétaire.

Quevilly (rue de).

Cette rue, qui part de la route de Caen à la limite de la ville, dépend presque totalement de la commune dont elle porte le nom. (Voyez rue du Petit-Quevilly.)

Raboteuse (rue et impasse). = Route de Darnétal, la campagne vers le hameau du Trou-d’Enfer. ― 1re section, 5e canton, Saint-Hilaire. ― Faubourg de ce nom.

Cette rue, située hors de la ville pour la plus grande partie, a pris son nom de son sol caillouteux et raboteux. ― Elle est inscrite, sur un plan de 1814, sous celui de rue Rabotée.

Rachinel (rue).

Une rue de ce nom est citée dans un acte de tabellionage du 23 novembre 1421, comme faisant partie d’une rue de la Foulerie. ― Rachinel était le nom d’un bourgeois qui, en 1422, prit à fief l’hôtel du Dieu-d’amour. (Voyez p. 270.)

Racine (rue de). = Rue du Vieux-Palais, boulevard Cauchoise. ― 10e section, 1er canton, la Madeleine. ― Quartier S.-O.

Avant 1794, on l’appelait la rue Neuve-des-Jacobins. Cette rue est désignée sur des plans de 1655 et de 1724, sous le nom de rue Neuve, seulement ; on y ajouta plus tard des Jacobins pour la distinguer de l’ancienne rue Neuve qui était dans le quartier traversé actuellement par la rue d’Amiens. On trouve aussi, dans les anciennes nomenclatures, une rue Neuve ou de Recouvrance, qui ne peut être que la rue de Racine. Farin cite la fontaine qui fut établie en 1520, au bout de la rue Neuve nommée la rue de Recouvrance. Cette fontaine existe encore ; elle est alimentée par la source d’Yonville. Elle marque la place qu’occupait la petite église des Jacobins. (Voyez rue de Fontenelle.)

La rue de Racine, qui se terminait d’abord à la rue de Fontenelle, a été prolongée jusqu’au boulevard Cauchoise. À droite de la nouvelle partie de la rue sont les bâtiments construits en 1856 pour le dépôt des archives départementales et de celles d’une grande partie de l’ancienne province de Normandie. À la suite est une grille d’entrée pour la Préfecture.

La rue Neuve-des-Jacobins a reçu en 1794 le nom de rue de la Fondation, puis, probablement par une espèce de jeux de mots dont les administrateurs de cette époque donnèrent plus d’un exemple, elle fut en 1795 appelée rue de Racine.

Ramassés (rue des). = Quai du Havre, près de la Douane, passage ou cour Jean-David. ― 10e section, 1er canton, Saint-Vincent. ― Quartier S.-O.

Cette rue, dont il ne reste que la portion indiquée ci-dessus, régnait, avant la démolition des portes Harenguerie et de la Vicomté, derrière l’ancienne promenade de la Bourse, qui depuis a été reportée au-dessous des Consuls, et se prolongeait, par l’adjonction en 1795 d’une rue Tirhuit qui lui faisait suite, jusqu’au point où elle aboutit actuellement.

La portion qui subsiste encore est indiquée dans un plan de 1784 sous ce nom de rue Tirhuit, et a porté précédemment celui de rue du Petit-Denier1. La nomenclature donnée par Du Souillet

fait connaître que la rue Saint-Éloi se prolongeait, depuis la porte du même nom par dedens et le long des murs jusqu’à la porte de la Vicomté, où elle venait rejoindre la rue des Ramassés.

Nous n’avons pas de renseignements précis sur l’origine du nom de cette rue. On disait autrefois « ramassée » pour ramée, qui signifiait un gord ou une pêcherie. La position de la rue des Ramassés au bord de la rivière, après la réunion de l’île de Saint-Éloi à la terre ferme, pourrait lui avoir fait donner ce nom, comme étant habitée par des pêcheurs. Cette dénomination pourrait aussi dériver du voisinage de l’ancienne Poissonnerie, dont il est question à la rue Harenguerie. (V. p. 279.)

Ramiers (cour des), dans la place Saint-Éloi.

On prétend, dit l’auteur du Dictionnaire indicateur, que ce nom (qui a quelque rapport avec celui de la rue des Ramassés), viendrait des rameurs ou des bateliers qui demeuraient au bord de la Seine, avant la réunion de l’île Saint-Éloi à la terre ferme.

Rampe (rue de la). = Rampe Saint-Hilaire, rue Jouvenet. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain pour les numéros pairs, Saint-Hilaire pour les numéros impairs. ― Faubourg Beauvoisine.

Cette rue a pris son nom de sa position près des rampes qui sont le long et au-dessus du boulevard de Beauvoisine à Saint-Hilaire. Ces rampes ont été formées des déblais et des excavations qui furent faites dans les terres, au 15e siècle, pour remplir les fossés de la ville et pour niveler les boulevards avant de les planter.

On appelait rampe des Capucins la partie de cette rue qui avoisinait l’emplacement occupé par ces religieux, et rampe de la Jatte la partie supérieure de la même rue qui joint le val de ce nom. On n’a conservé que la dénomination de rue de la Rampe pour la rue entière.

Il y avait, près de la rue de la Rampe, une corderie qui avait donné son nom à une rue voisine.

― Une petite rue, parallèle à celle de la Montée, qui part de la place du Boulingrin et aboutit à celle de la Rampe, a reçu en 1833 le nom de petite rue de la Rampe. On la trouve désignée, vingt ans plus tard, sous celui de rue de la Petite-Rampe.

Raquette (rue de la). = Place de la République, place de la Basse-Vieille-Tour. ― 7e section, 3e canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-E.

Ce nom vient évidemment d’une enseigne. La raquette était un instrument en usage pour jouer à la paume. ― Dans un acte de tabellionage de 1491, on trouve cette rue désignée ainsi : le chemin de la Basse-Vié-Tour près et devant les Privées des femmes des chambres du Roy, sur la rivière de Robec. (Voir p. 503.)

Ravisés (rue des). = Rue Martinville, rue d’Amiens. ― 6e section, 3e canton, Saint-Maclou. ― Quartier. S.-E.

Nous n’avons pas de renseignements sur l’origine du nom actuel de cette rue, qui est écrit rue des Rats-visez dans les anciens plans de 1655 et de 1724. Toutefois, s’il nous est permis de hasarder quelque conjecture sur ce nom de Rats-visez, nous pourrions supposer qu’il est provenu d’une enseigne faite dans le même esprit que celle du Rat-porteur, qui avait existé dans la rue Cauchoise. Des jeux de mots de ce genre n’étaient pas sans exemple : On voyait souvent, dit M. E. de la Quérière1 des enseignes où se mêlait le ridicule, ou composées de mauvais rébus, etc.

La rue des Ravisés, qui est inscrite sous le nom de rue des Rivières dans un plan de 1784, a aussi porté au 13e et au 14e siècle les noms de rue de Rouvray, de Rouveray et des Étuves-de-Rouvray, dont il est fait mention dans les registres de tabellionage de cette époque2. Un acte de 1474 parle d’une maison assise sur le Petit-Ruissel, bornée d’un bout par la rue de Rouveray. Un autre acte du 3 juillet 1493 mentionne un héritage faisant le coin de la rue de Rouvray, qui tend de la rue du Sac (actuellement la rue du Chaudron) en la boucherie de Saint-Maclou, bornée d’un côté la rue de Rouvray, d’un bout la rue du Sac tendant sur le Petit-Ruissel.

Dans cette rue étaient les étuves de Rouvray, appelées aussi les étuves de Saint-Maclou, et dont il est question dans un acte

de 1333. Elles devaient être situées entre la rue de Rouvray, la rue du Ruissel et celle du Chaudron. Dans un acte de 1493 on trouve la vente d’une maison où pend l’enseigne de Saint-Julien, appliquée à usage d’étuves nommées les Étuves du Rouvray, avec la chaudière d’arein pour chauffer l’eau desdites étuves, ainsi qu’elle est appliquée audit usage, bornée d’un bout l’allée tendant de la rue du Rouvray au Petit-Ruissel (probablement la ruelle des Marettes ou de la Marette), et d’autre bout la rue du Rouvray.

La rue des Ravisés, qui était d’abord limitée par la rue du Chaudron, a été prolongée jusqu’à celle d’Amiens aux dépens d’une petite rue appelée précédemment ruelle de l’Arbalestre.

Le Flambeau astronomique de 1716 cite une autre rue de Rouvray, qui était située à gauche du rempart conduisant de la rue Martinville au Bureau des pauvres valides.

Il est probable que le nom de Rouvray provient d’une famille qui existait au 13e siècle, et dont un membre, Jean Rouvray, fut donné pour ôtage en 1204, dans la composition de la ville de Rouen rendue à Philippe-Auguste.

Réel (rue du).

Une rue de ce nom, dans la paroisse Saint-Vivien, est citée dans des actes de tabellionage de 1478 et 1479. Nous n’avons aucun autre renseignement à ce sujet.

Rempart-Beauvoisine (rue du).

Cette rue, qui tendait du boulevard de ce nom à la rue du Grand-Maulévrier, a été supprimée pour le prolongement de la rue de la République jusqu’à la place Beauvoisine.

Rempart-Bouvreuil (rue du). = Place Bouvreuil, rue d’Écosse. ― 8e section, 2e canton, Saint-Godard. ― Quartier N.-E.

Le nom de cette rue vient de sa position près d’un ancien mur de la ville, dont on a fait disparaître les restes en 1809, dans la rue d’Écosse. (Voir p. 191.)

En 1601, des mesures de police défendirent aux boulangers de

conserver des étables qui étaient placées en dehors et le long des remparts de la ville, et dans lesquelles ils mettaient des pourceaux pour utiliser les issues du blé.

Rempart-Martinville (rue du). = Place Martinville, rue des Espagnols. ― 3e section, 4e canton, Saint-Maclou. ― Quartier S.-E.

Cette rue s’étendait autrefois le long des remparts de Martinville, dont elle a pris le nom. ― Un acte de tabellionage du 14 mai 1526, fait mention de la vente d’un jardin et salette assis au long des murs d’entre la porte Martinville et la porte Guillaume-Lion, bornés d’un bout le cours d’Aubette et d’autre bout le chemin au long desdits murs ; en ce non compris la moitié d’une latrine existant sur ledit cours d’eau.

Renard (rue et impasse du). = Place Cauchoise, avenue du Mont-Riboudet. 12e section, 5e canton, Saint-Gervais. ― Faubourg Cauchoise.

Cette rue, dont le nom doit provenir d’une enseigne, est aussi désignée vulgairement sous celui de pavé de Déville, parce qu’elle conduit de la place Cauchoise à la route de Déville. Un chartrier de l’abbaye de Fécamp lui donne le nom de rue de Lomer1. Elle est appelée le Chemin royal de haut, dans un acte de tabellionage2 qui fait mention d’un héritage borné d’un côté la ruelle par où l’on va à la fontaine Saint-Filleul, d’un bout le chemin appelé le Fontenil (la rue de Bas) et d’autre bout le chemin royal de haut. Dans le Ms. de 1525, et beaucoup auparavant dans les plans de Rondeaux de Sétry, on donnait le nom de chemin d’Yonville à la sente qu’a remplacée la rue du Renard, qui est encore inscrite sous celui de rue d’Yonville dans les plans de 1655 et de 1724. On lit néanmoins rue du Regnard dans un acte du 13 octobre 15293, et rue du Renard dans un autre titre de 1660.

On voit, dans la rue du Renard, au coin de la rue des For-

gettes, un établissement qui dépend des hospices de Rouen et qui a été appelé l’asile Dumanoir, du nom de l’homme de bien qui en a fait la donation en faveur des convalescents et des vieillards indigents.

On a trouvé dans cette rue, en 1827 et en 1828, sur un squelette romain du bas-empire, une quantité de petites monnaies de cuivre qui paraissaient avoir rempli la bouche du cadavre. On y a découvert aussi des cercueils en plomb appartenant au 4e siècle1.

Le Journal de Rouen, en 1868, a rappelé que Voltaire habita pendant quelque temps la rue du Renard près de l’un des deux endroits où elle est traversée par le chemin de fer de Paris à la mer, et a proposé de donner à cette rue le nom de l’immortel écrivain, nom qui déjà a été porté momentanément, à une autre époque, par la rue de l’hôpital et par la place de l’Hôtel-de-Ville.

― L’impasse du Renard est à l’entrée de la rue de ce nom, en face de la place Cauchoise.

Renelle (rue de la).

Renelle-des-Maroquiniers (rue de la).

La première de ces deux rues, qui étaient situées entre le quartier de Bouvreuil et la place du Marché-Neuf (actuellement la place Verdrel), et qui ont été supprimées en 1861 pour l’ouverture de la rue Jeanne-d’Arc et pour l’établissement du square de Solférino, a porté aussi les noms de rue des Tanneurs2 et de rue de la Renelle-aux-Tanneurs3, à cause du grand nombre de tanneries qui s’y trouvaient autrefois réunies. La rue de la Renelle-des-Maroquiniers, qui était séparée de la précédente par celle des Bons-Enfants, tirait aussi sa dénomination du genre d’industrie qu’on y exerçait4. On l’appelait aussi la rue des Maroquiniers.

Taillepied fait mention d’une rue de Dessus-la-Renelle, dont il est aussi parlé dans un acte de tabellionage du 28 avril 1489, où on lit : Maison bornée d’un bout par le pavement de la rue Percière et d’autre bout la rue de Dessus-la-Renelle. Un autre acte du 24 juin 1478 fait aussi mention d’une maison bornée d’un bout la rue aux Senéquaulx et d’autre bout la rue de Dessus-la-Renelle. La même rue est également citée dans d’autres titres du 13e siècle1, et cette dénomination paraît devoir s’appliquer, non-seulement aux deux rues de la Renelle, mais encore à celle de l’Escauderie, qui leur faisait suite. (Voyez p. 207.)

Le ruisseau de la Renelle, appelé en 1421 et antérieurement l’eaue de la Renelle, prend naissance à la source des fontaines de Gaalor, aux environs de l’ancien Château et de la rue Bouvreuil, confond aujourd’hui ses eaux avec l’étang de Solférino et va se perdre à la Seine en passant par dessous le côté est de la rue Jeanne-d’Arc, la place Verdrel, les rues du Tambour et des Cordeliers. L’origine de son nom dériverait, d’après quelques auteurs, du mot latin « marrona » ou de son diminutif « maronella », d’où serait venu le nom français Renelle ou Reneau. Ce mot « reneau », en vieux langage, signifie ruisseau. D’autres font venir Renelle du latin « ranella », à cause du grand nombre de grenouilles « ranæ » qu’on y voyait à l’époque où le quartier que ce cours d’eau arrosait était encore en nature de prairies. D’autres enfin l’appelaient le Roignon, sans donner l’étymologie de ce mot.

Les tanneurs, dont la communauté était établie dès l’année 10302, avaient bâti d’immenses ateliers sur le cours d’eau de la Renelle qui leur avait été assigné par Henri II, roi d’Angleterre et duc de Normandie, et dans la jouissance duquel Charles VI3 les confirma en 1323. Ils avaient été exemptés de tous droits de places par des lettres patentes de 1319, de Philippe V, roi de France. Cette exemption dura jusqu’en 1358. La Renelle resta affectée pendant longtemps à l’usage des tanneurs et des mégissiers, malgré la mauvaise odeur qu’elle répandait dans l’intérieur

de la ville1. Ce cours d’eau fut l’objet, à plusieurs reprises, de mesures propres à faire disparaître une partie des inconvénients qu’il présentait pour la salubrité publique. Ce fut, suivant la chronique de P. Cochon, le bailly Jehan Davy qui fit refourmer la Renelle. Une délibération de l’hôtel-de-ville du 21 mai 1519 portait que jour et nuit la Renelle devroit passer par dessoubs terre pour éviter les puanteurs de la dicte Renelle. Une autre délibération du 30 novembre 1537, pour faire vider les tanneurs de dessus la Renelle, leur défendit de faire leur estat et mestier aux maisons où ils demeuroient, les contraignant à dresser leurs tanneries, plains et fosses sur Aubette, la Marêquerie et aultres lieux à ce propres. En 1560, sur les plaintes des voisins, le Parlement essaya de déplacer les ateliers des tanneurs pour les transporter sur la rivière de Robec2, mais ceux-ci réclamèrent auprès de François II, en exposant les dépenses qu’ils avaient faites pour maçonner et paver la Renelle et pour construire sur ses rives les bâtiments nécessaires, et ce roi fit droit à leurs réclamations. Mais déjà, dès le commencement du 15e siècle, les mégissiers-gantiers, qui exerçaient aussi leur métier sur la Renelle, avaient été obligés par ordonnance de s’établir sur la rivière d’Aubette, près du clos Saint-Marc, à un endroit qui avait pris le nom de rue des Mégissiers3 ; au siècle suivant, les tanneurs furent forcés à leur tour, malgré le succès de leurs réclamations auprès de François II, de quitter la Renelle et de transférer leurs ateliers dans les environs de la Marêquerie, et, par un arrêt du 17 août 1580, le Parlement or-

donna de faire reboucher et replancher le cahot de la Renelle à la hauteur du pavé de la rue, aux dépens des propriétaires des maisons voisines, pour que l’eau ait son cours par la rue Sénécaux et la rue Percière ; défendant, en outre, à toutes personnes de faire leurs excréments en la Renelle, ni d’empêcher le cours de l’eau, enjoignant enfin de faire des cloaques, etc.1

Mais des débats s’élevèrent bientôt entre les mégissiers et les tanneurs, à cause du trouble apporté aux premiers par l’industrie de ceux-ci, qui faisaient couler les vidanges de leurs plains au vivier de Martainville (qui n’existe plus) et de là dans la rivière d’Aubette, ce qui empêchait les mégissiers d’y déposer leurs cuirs. Un jugement du Bailliage de Rouen, du 9 juin 1597, ordonna que les tanneurs ne pourroient vider et nétoyer leurs plains, faire couler en rue, ni laver leur ploc, que deux jours par semaine, etc.

Cependant, à la longue, les tanneurs purent reprendre possession du ruisseau de la Renelle, dont l’entretien fut mis à leur charge par un arrêt de 1637, et ils obtinrent en 1640 des lettres patentes qui les maintenaient dans leur droit d’y exercer leur profession. En 1719, parut un réglement du Bailliage pour le curage de la Renelle. Enfin ces industriels s’y trouvaient encore en assez grand nombre au moment de la suppression des rues qui en portaient le nom.

Le commerce des cuirs, qui était encore considérable à Rouen au 16e siècle, s’affaiblit peu à peu par suite des émigrations qu’occasionnèrent les droits onéreux dont ils furent frappés. Ces impôts donnèrent lieu à une émeute qui éclata en 1634 à l’église de Saint-Martin-sur-Renelle, où le peuple assiégea les commis royaux et les archers qui les accompagnaient. Il fallut l’intervention des compagnies des Arbalétriers et des Arquebusiers, et il y eut des deux côtés des morts et des blessés2.

Dans le haut de la rue de la Renelle était un carrefour qu’on appelait au 15e siècle le carrefour Rainier, et qui était aussi désigné sous le nom de carrefour des Trois-Images3. Près de là était la halle aux Cuirs, sur l’emplacement de laquelle est actuellement une partie du square Solférino. Cette halle était

encore importante au siècle dernier. Les tanneurs prétendaient qu’ils en étaient possesseurs dès le règne de Philippe V1. Il en est fait mention dans une charte du 13e siècle2. Mais on trouve, dans des chartes de la même époque et dans un acte de tabellionage de 1421, la mention d’une halle aux Mégissiers ou aux Cordonniers située sur la paroisse Saint-Jean3 ; il est supposable néanmoins que c’est la même que la halle aux Cuirs dont nous venons de parler.

L’église paroissiale de Saint-Martin-sur-Renelle, ainsi nommée à cause de sa situation, était à l’extrémité de la rue de la Renelle-des-Maroquiniers près de celle des Bons-Enfants (voyez p. 58) ; son entrée était par la rue Sénécaux qui n’existe plus. Supprimée en 1791, cette église, qui a longtemps servi de magasin, a été démolie lors de la suppression des rues où elle était située.

― On appelait, au 16e siècle, « l’admyral de la Renelle » celui qui était chargé du nétoyage de ce cours d’eau4.

République (place de la). = Quai de Paris, rue de la République. ― 6e section et Saint-Maclou pour les numéros pairs ; 7e section et la Cathédrale pour les numéros impairs ; 3e canton. ― Quartier S.-E.

Cette place, établie en vertu d’un plan d’alignement du port adopté en 1824, à la suite de la construction du pont de Pierre-Corneille, occupe l’emplacement des anciennes rues de l’Écu-de-Verre et d’autres petites rues qui étaient adjacentes. On la nomma d’abord place Royale, ensuite place de la République, puis place Impériale. Enfin le nom de place de la République lui a été rendu le 25 septembre 1870.

la place de l’Hôtel-de-Ville ; 5e section et 2e canton pour le reste de la rue. ― Paroisses : Saint-Maclou pour le côté droit jusqu’à la rue du Père-Adam ; la Cathédrale, côté gauche jusqu’à la rue de la Chaîne ; Saint-Ouen, pour le reste. ― Quartiers S.-E. et N.-E.

Décrétée en 1810, en même temps que la construction du pont de pierre, sous la désignation de rue Impériale, cette rue, dont la longueur est de douze cent cinquante mètres environ, et qui traverse la ville du sud au nord, ne fut commencée que peu d’années avant 1830, avec le nom de rue Royale, puis continuée à diverses époques, notamment vers 1833 et depuis 1842. On lui donna ceux de rue de la République le 2 mars 1848, et de rue Impériale le 7 avril 1852. Son nom actuel lui a été rendu le 25 septembre 1870.

La rue de la République prend naissance à la place du même nom, et passe au pied de la rue Malpalu, en découvrant à gauche la principale ouverture de la Halle aux grains, au fond d’une petite place qui a pris le nom de place de la Halle-au-Blé, et à droite les restes de l’église des Augustins. L’ouverture de cette rue a fait disparaître l’ancienne tuerie des bouchers et la rue de la Tuerie, qui se prolongeait entre la rivière de Robec et la halle aux grains jusqu’à la rue des Halles1 ; elle a supprimé aussi, vers 1843, la rue des Barbiers, qui régnait sous les murs de l’Archevêché, à l’endroit où fut placée, en 1865, la grille qui isole ce palais de la voie publique ; la rue des Prêtresses ou des Savetiers, qui venait à la suite, ainsi que les dépendances de la célèbre abbaye de Saint-Amand, dont il reste encore des vestiges à gauche de la rue dont nous nous occupons2. Cette dernière rue passe ensuite au milieu de la place de l’Hôtel-de-Ville, au pied de la statue de Napoléon Ier, coupe la rue Bourg-l’Abbé, à l’endroit où fut autrefois une des portes de l’abbaye de Saint-Ouen, et arrive à la place Beauvoisine, en laissant à droite la place Sainte-Marie, récemment nivelée et plantée, et un embranchement sur le boulevard

de Beauvoisine à Saint-Hilaire, auquel a été donné le nom de rue Neuve-Sainte-Marie.

Dans la partie supérieure de la rue de la République, entre la place de l’Hôtel-de-Ville et le boulevard, se trouvent, à gauche, le nouvel hôtel de la Gendarmerie bâti en 1857, et faisant face à la porte d’entrée du Lycée, devant laquelle a été ménagée une petite place plantée d’arbres1 ; l’hôtel de la Caisse d’épargne, construit en 1861, à l’angle de la rue Dulong ; puis l’emplacement connu avant 1826 sous le nom d’enclave Sainte-Marie, parce que c’est là que vinrent habiter, après avoir primitivement demeuré dans la rue des Minimes, les religieuses de la Visitation de Sainte-Marie, arrivées à Rouen en 1630, et dont l’établissement fut fermé en 1791. Là se trouvent actuellement réunis, dans le principal bâtiment de l’ancien monastère, le Musée d’antiquités fondé en 1831 (voyez Musées) et considérablement agrandi en 1857 par l’adjonction de plusieurs salles et galeries du rez-de-chaussée ; les Galeries d’histoire naturelle créées en 1832 ; la Collection céramique installée en 1864 ; enfin l’École de Dessin et de Peinture, qui, depuis 1827, occupe les étages supérieurs du Musée d’antiquités. On y a encore établi les trois amphithéâtres de l’École préparatoire à l’enseignement supérieur des Sciences et des Lettres, qui a été créée en vertu d’un décret du 25 mars 1855.

Ce vaste emplacement, qui était traversé d’abord par une rue à laquelle on avait donné en 1831 le nom de rue Poussin, a été, depuis cette époque, converti en jardin et fermé de grilles sur la rue de la République et la rue Beauvoisine. Le nom du de Poussin fut alors donné à l’ancienne rue Tirelinceul, prolongée jusqu’au boulevard de Beauvoisine à Saint-Hilaire.

À droite de la rue de la République, on voit l’amphithéâtre de l’École de Physique, à peu de distance du Lycée, et les murs de clôture du monastère des dames de la Visitation de Sainte-Marie, qui ont établi un pensionnat dans l’ancien couvent des Gravelines. (Voyez rue de Joyeuse.)

À diverses époques, surtout depuis 1846, on a fait, dans la rue de la République, de précieuses découvertes de débris et de monnaies romaines ; dans les terrains de l’ancienne abbaye de

Saint-Amand, qui, elle-même, avait été construite sur des édifices gallo-romains ; on y recueillit en 1858 une grande quantité d’ossements provenant évidemment du charnier de cette ancienne abbaye. Dans l’ancienne rue des Prêtresses, on avait découvert en 1846 une très belle construction gallo-romaine avec son hypocauste. De 1856 à 1861, on a rencontré, à la hauteur du quartier Saint-Louis1, en creusant les fondations des hôtels de la Gendarmerie et de la Caisse d’épargne, des vases gaulois qui étaient sortis d’un cimetière paraissant remonter, dit M. l’abbé Cochet, aux anciens Vélocasses ; on y a découvert aussi un squelette humain renfermé dans un coffre de bois ; enfin, on a mis au jour, sur différents points, un grand nombre de médailles, de poteries, des tuiles et des fondations, dont on trouve le détail dans l’important ouvrage de ce savant antiquaire2.

Ricardière (rue). = rue du Fardeau, rue aux Ours. ― 9e section, 1er canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-O.

Cette rue, mentionnée dans des actes de tabellionage de 1424 et de 1460, doit tenir son nom d’un propriétaire. Dans quelques actes elle est appelée Cardier ou Cardière. Taillepied la désigne sous le nom de rue Cardiez.

Richebourg (rue). = Place Saint-Sever, rue Montméry. ― 11e section, 5e canton, Saint-Sever. ― Faubourg du même nom.

Cette rue, qui tirait son nom d’un ancien manoir connu dès la fin du 12e siècle, faisait partie de l’ancien clos des Galées (voyez ce nom). Elle a été élargie à quinze mètres, en vertu du décret du 9 juillet 1857, qui a déclaré d’utilité publique la création des docks-entrepôts de la Douane.

Roche (rue de la). = Rue de la Cage, rue Coignebert. ― 2e section et Saint-Nicaise, excepté les maisons nos 26 et 28 qui font partie de la 5e section et de la paroisse Saint-Ouen ; 2e canton. ― Quartier N.-E.

La forme de cette rue, qui est plus élevée au milieu que par

ses extrémités, donne lieu de croire qu’elle fut ouverte dans le voisinage d’une roche qui n’aura pas permis de la niveler, et que c’est de là qu’elle aura tiré son nom. Une rue voisine, la rue Caron, portait anciennement, pour le même motif, le nom de rue du Caillou. ― Des actes de tabellionage de 1405 et de 1463 font mention d’un hôtel de la Roche.

Dans des actes de tabellionage du 15e siècle, la rue de la Roche est citée sous les divers noms de rue du Pré-de-la-Roche1, de rue du Noblet ou de la Roche-Noblet. Des actes de 1483 et de 1504 font mention d’une rue du Pont-Noblet ; enfin, un autre acte du 20 juin 1556 cite la rue de la Roche, dite rue Noblet. Sur des plans de 1724, on la trouve inscrite sous la dénomination de rue Porte-au-Blé ou de la Roche ; porte-au-blé est évidemment une erreur de désignation de la rue du Pont-Noblet, qui, dès 1482, paraissait faire partie de la rue de la Roche, et qui lui a été réunie définitivement en 1795.

On peut supposer, dit l’auteur du Dictionnaire indicateur, que, dans ce quartier autrefois planté d’arbres et garni de roches, il y ait eu jadis quelque ravine ou excavation que l’on traversait à l’aide d’un pont établi sur le terrain d’un propriétaire nommé Noblet.

Rocrois (rue des). = Rue de la Comédie, rue Jacques-Lelieur. ― 9e section, 1er canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-O.

L’origine du nom de cette rue, qu’on trouve écrit sous les désignations de Roquois, Requois et Recouets, dans les Aff. de Normandie de 1762 et 1773, nous est inconnue, à moins que l’on n’admette que c’est la reproduction tronquée du nom des Iroquois que portait la rue voisine. Dans ses Principaux édifices de la ville de Rouen, publiés en 1845 d’après le Livre des Fontaines, M. de Jolimont, en parlant de la porte du Crucifix, dit, en effet, que cette porte était située à l’entrée de la rue Neuve-des-Iroquois.

Roi (rue du). = Rue Crevier, rue Saint-Gervais. ― 12e section, 5e canton, Saint-Gervais. ― Faubourg Cauchoise.

Cette rue a pu prendre, comme la plupart des autres rues du même quartier, le nom d’un propriétaire. On lui donna en 1794

celui de rue Libre, sous lequel elle est encore indiquée dans un plan de 1814. Il n’est pas certain, au reste, dit l’auteur du Dictionnaire indicateur, que la rue ait toujours porté le nom de rue du Roi, avant d’avoir été appelée rue Libre. Quelques personnes ont cru que son véritable nom était rue du Rouet, comme celui de la rue du Tour-du-Rouet, à cause de la position de ces deux rues au milieu d’établissements de fabrique où l’on filait précédemment au rouet.

Roi-Priant (rue du). = Rue des Espagnols, rue de la Grosse-Bouteille. ― 6e section, 3e canton, Saint-Maclou. Quartier S.-E.

La rue du Roi-priant, et non du Roi-Priam, comme on l’a écrit quelquefois par erreur1, a tiré son nom d’une enseigne représentant le roi David en prières. On lui donna en 1794 le nom de rue du Républicain, sous lequel elle est encore inscrite sur un plan de 1814. Un plan de 1655 l’indique sous la dénomination de rue du Porc, peut-être du Porche, à cause du voisinage de la rue du Porche-Fourré. (Voyez ce nom.)

Rollon (rue). = Rue Jeanne-d’Arc, place du Vieux-Marché. ― 10e section, 1er canton, la Cathédrale jusqu’à la rue Écuyère, Saint-Patrice pour le reste de la rue. ― Quartier S.-O.

Cette rue, qui forme le prolongement de la rue aux Juifs vers le Vieux-Marché, a été établie sur l’emplacement des rues Saint-Antoine, petite rue Saint-Jean et du Petit-Puits. Elle a été ouverte en même temps que celle de l’Impératrice, devenue la rue Jeanne-d’Arc, et a reçu, le 31 décembre 1860, le nom du premier duc de Normandie.

Une statue de Rollon a été érigée, en 1865, dans le jardin de l’Hôtel-de-Ville ; elle est l’œuvre de M. Arsène Letellier, pensionnaire de la ville.

Romaine (quai de la).

Ce nom était donné communément à la partie du port de Rouen où était édifiée l’ancienne Douane, entre la rue Harenguerie et celle de la Vicomté. Il existait autrefois une juridiction appelée la Romaine, qui prenait connaissance des différends tou-

chant les droits d’entrée et de sortie des marchandises. Cette juridiction a été remplacée par la Douane. (Voyez p. 175.) ― Un tribunal des Douanes avait été établi en 1811 ; il fut supprimé en 1814.

Romulus (impasse), dans la rue Saint-Hilaire. ― 3e section, 4e canton, Saint-Maclou. ― Quartier S.-E.

Nous ignorons l’origine de ce nom.

Ronde (rue de). = Rue Mollien, rue Dame-Jeanne. ― 3e section, 4e canton, Saint-Vivien. ― Quartier S.-E.

Le nom de cette rue provient d’un chemin qui fut pratiqué autour de l’ancienne maison de détention de Bicêtre, aux dépens d’une petite rue dite du Noviciat, afin de faciliter les moyens de faire des rondes et des patrouilles pour la surveillance de cet établissement.

Rose (rue de la). = Rue Saint-Hilaire, rue du Mont. ― 4e section, 5e canton, Saint-Vivien ― Quartier N.-E.

Cette rue est désignée dans le Flambeau astronomique de 1716, et dans l’Histoire de Rouen (édition de 1731), sous le nom de rue et porche des Chartreux ; celui de rue des Chartreux lui est donné sur le plan de 1655. Le nom de rue de la Rose, que l’on trouve dans un acte de 1703, et dont M. E. de la Quérière a attribué l’origine à une enseigne, vient du monastère des Chartreux de Notre-Dame de la Rose, qui fut fondé à Rouen en 1384. Il est probable que tout ou partie de l’emplacement occupé par la rue de la Rose dépendait des propriétés que Guillaume de Lestrange, alors archevêque de Rouen, céda par sa lettre de fondation à ces religieux. (Voyez rue de la Petite-Chartreuse.)

On trouve, dans les registres de tabellionage du 14e et du 15e siècle1, la mention d’une rue aux Noyers ou des Nouiers ; un acte du 27 juillet 1489 concerne la vente d’un héritage borné d’un côté par les religieuses de Sainte-Claire2 et d’autre côté par la rue aux Noyers, en la paroisse de Saint-Vivien. Un autre acte du 26 août 1466 parle aussi de la rue des Noyers, près de la porte

Saint-Hilaire. Il est probable que c’est un ancien nom de la rue de la Rose.

On donna, en 1794, à la rue de la Grande-Chartreuse, qui ne peut être que la rue de la Rose, le nom de rue de Saumur. Elle reprit sa dénomination actuelle en 1795.

Dans le haut de la rue de la Rose était, en 1571, un cimetière à l’usage des protestants.

La rue de la Rose, dit l’auteur du Dictionnaire indicateur, forme équerre avec la rue du Mont. Ce quartier n’ayant d’issues que par les rues Saint-Hilaire et des Capucins, assez éloignées l’une de l’autre, il serait à désirer que l’on ouvrît la rue de la Rose ou la rue du Mont sur le boulevard. Cette nouvelle issue serait d’une grande utilité pour tout le quartier. Une réclamation faite dans ce sens a été présentée au conseil municipal en 1857, mais elle n’eut pas de succès, vu l’état des finances de la ville.

Rosier (rue du). = Rue de la Grande-Mesure, place de l’Eau-de-Robec. ― 6e section, 3e canton, Saint-Maclou. ― Quartier S.-E.

L’inscription gravée sur la pierre, qu’on lit au coin de cette rue, porte rue Rozier. ― Ce nom provient d’une enseigne qui y était autrefois1.

Rouen (rue de). = Rue d’Ernemont, la campagne vers le Boisguillaume. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Beauvoisine.

Ce nom a été donné à une rue ouverte récemment dans un quartier appelé la cité Jeanne-d’Arc, créé en 1860.

murs, se trouva renfermé dans l’intérieur de la ville lorsque la porte Beauvoisine fut reculée, vers le milieu du 13e siècle, jusqu’au haut de la rue de ce nom. Il fut ainsi nommé à la suite d’un combat qui y fut livré en 949, et dans lequel le duc Richard-sans-Peur fit un tel carnage, que le champ fut inondé de sang. C’est de là que la place de la Rougemare a pris son nom.

Le marché aux chevaux avait été établi sur cette place en 1450 ; il fut transféré au Boulingrin vers la fin du 18e siècle, et la place de la Rougemare resta affectée à la tenue d’un marché pour la vente des veaux de boucherie1 et des menus objets de consommation.

Le bout de rue qui joint la place à la rue Beauvoisine était appelé rue de la Rougemare. Il paraît avoir porté aussi anciennement le nom de rue du Coq, à cause d’une enseigne qui était près du carrefour du même nom. Une déclaration de Saint-Ouen, du 16e siècle, cite la rue de la Rougemare, droit au coin de l’ostel du Coq, qui est en la rue d’Aubevoie.

L’ancienne communauté des religieuses bénédictines de Saint-Louis, qui avaient demeuré d’abord en 1631 dans la rue des Béguines, fut transférée en 1676 sur la place de la Rougemare, où ces religieuses firent construire une église qui fut dédiée en 1683 sous le nom de Saint-Louis, en mémoire de leur ancien fondateur. Les Bénédictines furent supprimées en 1792, comme les autres communautés religieuses. Leur maison, connue sous le titre de prieuré royal de Saint-Louis, a été occupée depuis par la gendarmerie, qui a actuellement son siége principal dans la rue de la République, en face du Lycée. Une partie de cet emplacement renferme en outre une École d’enseignement mutuel qui a été inaugurée le 5 avril 1819 et un Gymnase hygiénique pour les deux sexes, qui était précédemment dans l’ancienne église des Jacobins. On y a installé, depuis le 24 août 1858, une salle consacrée à la vente, à la criée, du gibier et de la volaille, dont le marché, qui se tenait précédemment sur la place Saint-Éloi, a été transféré sur celle de la Rougemare.

― Les registres secrets du Parlement, de 1726 à 1729, donnent les détails d’un assassinat qui fut commis à la Rougemare sur un nommé Lavoisey, et où se trouvèrent compromis un conseiller au Bailliage, le père et la mère de la victime, ainsi que leur servante

et le greffier criminel. Le conseiller fut rompu et brûlé sur la place de la Rougemare le 19 juillet 1727 ; la mère fut pendue et brûlée ; Lavoisey père et la servante furent renvoyés sans condamner ni absoudre ; un commissaire et un autre fonctionnaire furent interdits de leurs fonctions, et d’autres condamnés à l’amende.

Sur cette même place eut lieu, le 12 janvier 1793, une réunion publique dans laquelle on signa une pétition pour demander à la Convention qu’il fût fait un appel au peuple français, à l’occasion du procès du roi.

La place de la Rougemare reçut en 1794 le nom de place de la Révolution ; elle reprit son ancienne dénomination en 1795.

Roulettes (rue des)

Cette petite rue, qui était située près de la rue Montméry, derrière la partie du quai de Saint-Sever appelée le quai aux Meules, a été supprimée pour l’établissement des docks-entrepôts.

Roulland (rue). = Rue du Renard, place Saint-Gervais. ― 12e section, 5e canton, Saint-Gervais. ― Faubourg Cauchoise.

Ouverte en vertu d’une ordonnance du 15 août 1832, en prolongement de l’impasse Saint-Gervais sur la rue du Renard, cette rue, à laquelle on avait donné en 1833 le nom de rue Dutronché, reçut l’année suivante celui du propriétaire des terrains sur lesquels elle a été établie.

M. E. de la Quérière1 a signalé les découvertes qui furent faites de 1833 à 1837 dans cette rue, en creusant des fondations, de plusieurs tombeaux gallo-romains et de sarcophages antiques dont l’un est en marbre rouge. Ces objets sont actuellement déposés au Musée des antiquités de Rouen2.

Royale (place).

Le Flambeau astronomique de 1712 a cité une place de ce nom, sans indiquer sa situation. ― (V. aussi place de la République.)

Ruissel (rue du). = Rue Martinville, rue Eau-de-Robec. ― 3e section pour les nos pairs, 6e section pour les nos impairs, 3e canton, Saint-Maclou. ― Quartier S.-E.

On donnait à cette rue, au 14e et au 15e siècle, le nom de rue du Petit-Ruissel1. Un acte de 1494 fait mention d’une maison et manoir en la rue du Petit-Ruissel, bornée d’un bout par la rue de la Foulerie. On la trouve désignée, dans un acte de tabellionage du 31 juillet 1435, sous la dénomination de rue du Ruissel-commun, et sous celle de rue du Ruisseau dans les Affiches de Normandie de 1764. Le plan de 1655 indique une vide place nommée le Ruissel, qui peut avoir été occupée par les étuves du Rouvray.

Le nom de cette rue vient du Ruissel, ou cours d’eau ainsi nommé, qui passe dans un canal couvert le long de cette rue et qui est alimenté par la rivière de Robec.

― Il y a dans la rue du Ruissel une cour Godet (voyez ce nom) et une autre appelée la cour du Page, ainsi désignée dans les Affiches de Normandie de 1763.

― Un acte de tabellionage du 9 juillet 1422 parle d’une maison bornée par la rue aux Pinquechins (ancienne rue Picchine) et d’autre bout le Ruissel. C’est probablement le ruisseau qui traverse la rue du Bas (actuellement la rue Mollien.)

Sablée (rue). = Rue aux Anglais, route de Caen. ― 11e section, 6e canton, Saint-Sever. ― Faubourg du même nom.

Cette dénomination vient des terrains sablonneux sur lesquels la rue a été ouverte.

Sacre (rue du). = Rue de l’Hôtel-de-Ville, rue Saint-Patrice. ― 8e section, 2e canton, Saint-Godard pour les numéros pairs, Saint-Patrice pour les numéros impairs. ― Quartier N.-O.

Cette rue a pris son nom d’une enseigne, ce qui est constaté par un acte de tabellionage du 19 avril 1496, indiquant une maison où pendait l’enseigne du Sacre, devant l’hôtel du Coulomb2. La même maison était, ainsi qu’une autre dont il est

parlé dans un second acte de la même époque, bornée par le pavé du roi, avec droit à une allée issant à Saint-Patrice. La rue du Sacre est elle-même désignée sous le nom de rue du Coulomb, dans un acte de 1547, dénomination provenant probablement d’un héritage appelé le Coulombier, qui était situé en la rue aux Truyes, actuellement supprimée, et dont il est aussi question dans un acte du 17 septembre 1488. Enfin, un autre acte du 19 juillet 1538 mentionne la vente de plusieurs corps de maisons se tenant, sises en la paroisse de Saint-Patrice ès rues du Coullon et aux Truyes, nommés l’hostel des Croisettes, où pend pour enseigne le Moulinet ; ce qui semble indiquer que la rue du Moulinet (appelée quelquefois aussi rue de la Truie1), et celle du Sacre, ne faisaient alors qu’une seule rue.

En 1794, on donna le nom de rue de Jean-Bart à la rue du Moulinet jusqu’à celle des Maillots, c’est-à-dire avec la réunion de la rue du Sacre. L’une et l’autre reprirent en 1795 leur précédente dénomination.

Saint-Amand (place et rue). = Rue de la Chaîne, rue Saint-Nicolas. ― 7e section, 3e canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-E.

Ce nom provient de l’antique abbaye de Saint-Amand, dont il ne reste plus que quelques vestiges2. On avait donné celui de rue Neuve-Saint-Amand à une autre rue qui fut ouverte au commencement du 19e siècle, sur une partie de l’emplacement du vaste monastère ; mais cette rue a disparu par suite de l’ouverture de la rue de la République. La rue Saint-Amand fut appelée en 1794 rue de Dampierre (nom d’un général), puis ensuite rue de Gênes.

Avant d’avoir été occupée par des religieuses, l’abbaye de Saint-Amand paraît avoir été un couvent de moines fondé par Clovis II, sur les conseils de saint Amand, évêque d’Utrecht, puis détruit par les Normands. Ce couvent aurait été, suivant une vieille tradition, édifié là où aurait existé précédemment un temple de Vénus. Sous le titre de prieuré de Saint-Léonard, il dépendait, dit-on, de l’abbaye de Saint-Ouen, dès le 8e siècle.

D’autres historiens rapportent, au contraire, que le duc Rollon en donna le terrain à cette abbaye, qui le céda à Goscelin-le-Vicomte, et que celui-ci, de concert avec Emmeline, sa femme, rebâtit ce monastère en 1030, pour être à l’avenir un couvent de filles1.

L’église de l’abbaye, dédiée en 1078, fut incendiée et réédifiée à plusieurs époques. L’église paroissiale était également très ancienne. Elle était d’abord comprise dans l’église abbatiale, dont une partie fut cédée aux habitants, en 1100, pour servir de paroisse ; on y réunit, en 16352, la chapelle de Saint-Léonard, qui avait donné son nom à l’une des portes de la ville, près du pont de Robec. (V. p. 163.) Cette chapelle fut reconstruite et agrandie, et elle remplaça ensuite l’église paroissiale jusqu’à l’époque de sa suppression.

Le monastère de Saint-Amand fut pillé en 1562 par les calvinistes, qui en brûlèrent les reliques et dispersèrent les religieuses, lesquelles en reprirent possession peu de temps après. En 1569, la tour de l’une des églises, qui faisait l’un des plus beaux ornements de la ville, fut renversée et écrasa sous ses ruines une grande partie de l’édifice. Ces désastres furent réparés en 1630 par Anne de Souvré, qui fit rebâtir les principaux bâtiments ; mais, achevés en 16943, ils furent réduits en cendres le 7 décembre 1709.

De cet antique monastère, qui, dès son origine, avait reçu des héritières des plus illustres familles de la Normandie, qui posséda de nombreux bénéfices et jouit même de priviléges miraculeux, dont les abbesses avaient la prérogative de passer un anneau d’or au doigt des prélats venant prendre possession du siége métropolitain de Rouen, de cette célèbre abbaye qui, ravagée au 16e siècle, était redevenue plus riche et plus puissante jusque dans

les derniers siècles de son existence, il ne reste aujourd’hui que quelques vestiges rassemblés dans le passage Saint-Amand, et dont une grande partie fut enlevée il y a une quarantaine d’années. Quelques-uns de ces derniers vestiges, les boiseries de la chambre de Guillemette d’Assy, l’une des abbesses, et une petite tourelle en pierre, ont été vendus en 1853 à un architecte rouennais.

De 1853 à 1856, les dépendances de l’abbaye ont fait place aux constructions édifiées dans la rue de la République. On y a découvert de nombreuses ruines romaines, parmi lesquelles ont été recueillis des fragments de marbre, de poteries, des médailles et des pièces de monnaie remontant aux premiers siècles de l’ère chrétienne. On y a trouvé aussi plusieurs sarcophages en pierre renfermant des ossements. L’un de ces cercueils contenait une crosse en cuivre doré, qui indiquait la présence des restes d’une abbesse de Saint-Amand1. Déjà, en 1860, lors de la démolition des caveaux de l’église, on découvrit le cadavre d’Anne de Souvré, morte cent cinquante ans auparavant. Ce corps était dans un état de conservation tel, que l’on cria au miracle ; mais il fut outrageusement dépouillé avant d’être rendu à la terre2.

Dans la rue Saint-Amand est une succursale de la maison des sœurs de Saint-Aubin, qui dirigent, sur la route de Darnétal, un atelier-refuge pour les jeunes filles et des écoles gratuites dans plusieurs quartiers de la ville.

Le passage de Saint-Amand conduit de la rue de ce nom à la rue de la République, où il arrive en traversant une propriété particulière construite sur les ruines de l’ancienne abbaye. La cour de ce passage renferme encore quelques restes fort intéressants de ce monastère. Ils ont été décrits par M. E. de la Quérière, dans son ouvrage sur les maisons de Rouen.

Saint-André (rue). = Rue Saint-Gervais, rue Saint-Maur. ― 12e section, 5e canton, Saint-Gervais. ― Faubourg Cauchoise.

Cette rue était précédemment désignée sous les noms de rue Saint-André-hors-la-ville ou de Saint-André-porte-Cauchoise, pour la distinguer de celle qui a été réunie à la rue aux Ours. Elle a reçu en 1864 sa dénomination actuelle. Son nom provient de

l’ancienne église de Saint-André, qu’on avait assez mal à propos appelée l’église de Saint-André-hors-Cauchoise, puisque la place qu’elle occupait était réellement dans le faubourg de ce nom avant que la porte n’eût été reculée jusqu’au haut de la rue Cauchoise. Farin dit néanmoins (t. II, p. 307) que l’église primitive dut être dans l’enclos de la ville, suivant une charte de 1207. Elle fut rebâtie en 1472 sur un terrain qu’on acheta hors de la porte Cauchoise ; elle avait son entrée principale sur la place. Elle fut supprimée en 1791, et vendue le 25 mai 1793. Ses restes ont disparu en 1854.

Il avait été fondé, au milieu du 17e siècle, un monastère des filles du Sang-précieux de l’ordre de Saint-Dominique ; ce monastère dépendait de la paroisse de Saint-André. (Voyez rue Crevier.)

La rue Saint-André reçut, en 1794, le nom de rue de Caton-d’Utique ; son ancien nom lui fut rendu en 1795.

En mars 1854 on a trouvé, dans des fouilles opérées à l’encoignure des rues Saint-Gervais et Saint-André, pour asseoir les fondements d’une maison en construction, une grande quantité d’ossements enfouis dans l’ancien cimetière de Saint-André. On y avait découvert également, en 1825, un squelette ayant entre les tibias une pile de vingt-sept pièces de cuivre agglomérées, à la marque de Constantinopolis1.

Saint-André ou Saint-Andrieu (rue).

Cette rue, qui fut réunie en 1794 à la rue aux Ours2, avait pris son nom de l’église appelée précédemment Saint-André-aux-Fèvres ou Saint-Andrieu-de-la-Porte-aux-Fèvres. Un acte de tabellionage du 24 mai 1474 cite un hôtel, cour, jardin et estable, d’un côté tout au long la rue anciennement nommée la rue aux Belles-Femmes, d’un bout par devant la rue de la Porte-aux-Fèvres. Dans un autre acte, du 1er octobre 1477, il est fait mention de l’hôtel Saint-Andrieu, en la rue Saint-Andrieu-de-la-Porte-aux-Fèvres, borné d’un bout par derrière l’hôtel de Graville-ès-Bellengues.

On l’appelait aussi précédemment la rue aux Febvres1, du mot latin « fabri, » à cause des forgerons et autres ouvriers en fer qui demeuraient autrefois dans ce quartier. M. l’abbé Ouin Lacroix dit que ce nom provenait de ce que les serruriers habitaient primitivement près de l’église, où ils avaient leur confrérie sous le patronage de saint Éloi.

L’église de Saint-André, dont il est fait mention dès le 13e siècle2, fut réédifiée plusieurs fois, notamment vers 1490, et dédiée en 1526, comme le constate une inscription qu’a mise à découvert la démolition de cette église en juin 1861. C’était une des plus jolies de la ville. Sa tour, qui a été classée au nombre des monuments historiques, fut commencée en 1541 et achevée en 1546. Elle était surmontée d’une jolie flèche en pierre, de figure octogone, qui s’élevait au-dessus de la lanterne à la hauteur de quarante pieds, et qui fut renversée par un ouragan en 1683. Le portail ne fut achevé qu’en 1557. Cette église fut tellement endommagée, comme beaucoup d’autres, par l’ouragan dont nous venons de parler, que l’on fut obligé de célébrer l’office paroissial dans la collégiale de Saint-Georges. La voûte et une partie de la tour furent réparées en 1698. En 1791, la paroisse de Saint-André fut supprimée, et l’on établit dans cette église une fonderie de plomb de chasse.

L’église Saint-André possédait de nombreuses reliques ; elles furent pillées en 1562 par les calvinistes, qui brûlèrent celles qu’ils n’emportèrent pas.

Il ne reste aujourd’hui de cet édifice que la tour, qui a été réparée en 1867 ; elle est renfermée dans un square établi à l’angle des rues aux Ours et Jeanne-d’Arc, et qui a été planté en 1870. L’administration municipale a eu l’ingénieuse idée de rétablir, en 1868, dans le square Saint-André, une curieuse devanture en bois, sculptée dans le style de la renaissance et appelée la façade aux médaillons, que l’on voyait dans la rue de la Grosse-Horloge avant l’ouverture de la rue Jeanne-d’Arc. Une autre façade, appelée la maison en terre cuite, qui était aussi dans la rue de la

Grosse-Horloge, et dont la démolition fut rendue nécessaire pour le passage de la nouvelle rue, trouvera probablement place également dans le square Saint-André, la ville s’en étant réservé la propriété.

Au temps de la première enceinte de Rouen, il existait près de l’endroit où fut édifiée l’église Saint-André, entre cette église et le château de Rollon, une porte appelée la porte Saint-Clément ou aux Febvres. Près de cette porte était, en 1227, le vieux mur de la ville. Quelques auteurs lui ont donné aussi le nom de porte du Châtel, parce qu’elle dépendit plus tard du château construit par Raoul.

Il y avait, au 14e siècle, dans la rue Saint-André-aux-Fèvres, un grand hôtel nommé le collége des chanoines du Sépulcre.

Saint-Antoine (rue).

Cette rue a été supprimée en 1862 pour l’établissement de la rue de l’Impératrice (aujourd’hui la rue Jeanne-d’Arc) et des rues adjacentes. Son nom vient des religieux de l’ancienne commanderie1 ou du prieuré de Saint-Antoine qui, en 1397, vinrent prendre possession d’un ancien hôpital fondé en 1323 sous le titre d’hôpital de Saint-Jean-sur-Renelle, lequel fut accordé aux frères de la Charité de Notre-Dame, appelés les Billettes ; ce nom, qui provenait, dit-on, d’une enseigne, a été donné à la rue elle-même dans des actes de tabellionage du 15e siècle. Les frères Billettes avaient bâti, sous le vocable de la Sainte-Vierge, une petite église en remplacement de laquelle les religieux de Saint-Antoine en construisirent une autre, vers l’an 1500, qu’ils dédièrent à saint Thomas le martyr. Cette église fut remplacée en 1745 par une autre édifiée dans un goût moderne et dont le portail faisait face au Neuf-Marché. Le prieuré fut supprimé vers 1780, époque où l’on mit en vente la bibliothèque des ci-devant chanoines réguliers de Saint-Antoine. Leur église, qui avait été surmontée d’une flèche aiguë, fut convertie pendant quelques années à usage de magasins.

Parmi les reliques que possédaient ces religieux, se trouvait un bras de saint Antoine en argent2, que l’on apporta en 1527 du prieuré au Palais-de-justice : les membres du Parlement jurèrent

sur cette relique de ne point révéler les secrets de la chambre du conseil1.

Farin rapporte qu’à la fin du 16e siècle un des religieux avait un pourceau qui courait par la ville, et qu’on appelait le pourceau de Saint-Antoine. En 1558, une sentence du bailli défendit au commandeur de nourrir des pourceaux dans l’intérieur de la ville.

La rue Saint-Antoine a été désignée aussi sous le nom de rue du Diable, par allusion sans doute à la tentation du saint patron. C’était probablement la même que la rue de Tous-les-Diables dont parle Taillepied dans les Antiquitez de Rouen. On trouve aussi la même rue indiquée dans la nomenclature de Du Souillet et dans celle du Flambeau astronomique de 1716, sous le nom de rue Vaquais ou Vaquias. En 1794, elle reçut successivement ceux de rue de Carmagnole et de rue des Montagnards.

La fabrique de l’église de Saint-Jean avait fait construire, au 17e siècle, contre leur église et le long de la rue Saint-Antoine, douze boutiques qui existaient encore au commencement du 19e siècle ; elles rapportaient un assez bon produit, au détriment de la perspective du monument.

Saint-Cande-le-Jeune (rue).

C’est un ancien nom de la partie de la rue du Petit-Salut qui aboutit à la rue aux Ours. Il vient de l’ancienne église paroissiale de Saint-Cande, qui avait son entrée dans cette dernière rue, près de l’endroit où l’on voit une fontaine. La fondation de cette église remonte au temps de Guillaume-le-Conquérant ; elle porta d’abord le nom de Saint-Victor ; c’était une chapelle qui fut bâtie au milieu du 11e siècle, comme un monument de la victoire remportée en 1047, par Thomas de Lépiné, sieur du Neubourg, dans un duel contre Jacques Duplessis qui avait accusé la femme de Jean de Tancarville, sœur de Lépiné, d’avoir fait brèche à son honneur2. L’église qui succéda à cette chapelle, et dont la construction paraît avoir été faite au 15e siècle, prit le nom de Saint-Cande-le-Jeune, en 1588, époque à laquelle les chanoines de Saint-Cande-le-Vieux lui donnèrent une partie des reliques du saint. Nous avons rapporté, à l’article de la rue du Bac (p. 21),

les circonstances qui donnèrent lieu à ce changement de désignation.

En 1476, les paroissiens voulant agrandir leur église et y faire construire la tour qui subsiste encore, avaient obtenu du curé la cession de son presbytère, en échange d’un terrain dans la rue aux Ours.

L’église de Saint-Cande-le-Jeune a été fermée en mai 1791, puis vendue l’année suivante, avec la maison presbytérale. Elle fut dès lors convertie en un magasin dont l’entrée est par la rue du Petit-Salut. La flèche en bois, revêtue de plomb, dont la tour était surmontée, a été démolie en 1792 et remplacée par un belvédère. Le portail et quelques-unes des parties de l’édifice ont été détruits en 1824.

Saint-Clément (rue). = Rue des Brouettes, rue Saint-Julien. ― 11e section, 6e canton, Saint-Clément. ― Faubourg Saint-Sever.

Une nouvelle succursale a été fondée en 1869 dans le faubourg Saint-Sever1, sous le vocable de Saint-Clément, qui était le nom d’une ancienne paroisse de la ville, devenue plus tard l’église des Cordeliers. En attendant l’achèvement de la nouvelle église, dont les travaux ont été adjugés en juillet 1870 et dont la première pierre a été posée le 23 novembre suivant, les cérémonies du culte se font dans la chapelle de Saint-Yon, rue Saint-Julien. Une rue, portant aussi le nom de rue Saint-Clément, vient d’être ouverte, en vertu d’un décret de 1868, sur le prolongement de la rue Méridienne jusqu’à celle de Saint-Julien, en traversant l’ancien cimetière de Saint-Sever, où seront édifiées, outre l’église, des maisons d’école. La nouvelle rue a été livrée à la circulation en mai 1870.

Saint-Denis (rue). = Rue de l’Épicerie, rue de la République. ― 7e section, 3e canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-E.

Cette rue a pris son nom de l’église paroissiale de Saint-Denis, qui a été supprimée en 1791 et vendue l’année suivante. Cette église, qui était très ancienne et l’une des plus remarquables de la ville, avait été brûlée ou dévastée deux fois, en 1203 et

1210. Tombée depuis en ruines, elle fut rétablie en 1508, et de grandes réparations y furent encore faites un siècle après, au moyen d’impôts prélevés sur les habitants de la paroisse. Le chœur, qui était d’une construction hardie, était surmonté d’un petit clocher. L’entrée de cette église était à droite de la rue, au lieu où l’on ouvrit un passage communiquant de la rue Saint-Denis à celle des Halles. On voit encore le nom du passage Saint-Denis inscrit au coin d’une porte cochère appartenant à une maison particulière, et l’on y remarque, du côté de la rue des halles, des vestiges de l’ancienne église.

La rue Saint-Denis est également fort ancienne ; citée dans une charte de 12341, elle est aussi mentionnée dans divers actes de tabellionage du 15e siècle. Un acte de 1427 concerne un héritage situé dans la rue Saint-Denis, borné d’un bout derrière la halle aux Bralliers2, d’autre bout la rue de l’Épicerie.

Au bout de cette rue, joignant la rue de la République, est la petite rue Saint-Denis, appelée anciennement le Mont-Saint-Denis3. Les Affiches de Normandie de 1762 citent le Mont-Saint-Denis, la rue des Petits-Moulins, près de la halle au blé. Un acte de tabellionage du 30 juin 1423 fait mention de la rue du Moutier-Saint-Denis, en la paroisse de ce nom.

En 1613, en creusant les fondations de quelques piliers de l’église de Saint-Denis, on trouva des ossements et des côtes d’homme qui paraissaient avoir appartenu à quelque géant.

On a donné, en 1794, le nom de rue de Dunkerque à la rue Saint Denis à laquelle fut réunie celle du Mont-Saint-Denis, et qui a été prolongée en 1843 jusqu’à la rue Royale (aujourd’hui rue de la République).

Saint-Éloi (rue). = Quai du Havre, place Saint-Éloi. ― 10e section, 1er canton, Saint-Vincent. ― Quartier S.-O.

La rue Saint-Éloi est citée sous ce nom dans un cartulaire du 13e siècle4.

Mais elle a porté, en tout ou partie, aux 15e et 16e siècles, le nom de rue de la Monnaie. Un titre de 14361 fait mention de la rue de la Monnaie, paroisse Saint-Éloi, près des Filles-Dieu ; un acte de tabellionage, du 16 mai 1509, parle d’un grand terrain borné d’un bout la rue du Vieux-Palais, d’autre bout la rue de la Monnaie. Dans un autre acte du 7 juillet 1414, elle est désignée sous celui de la rue Pendante, pour la partie qui avoisine la Seine. Elle a reçu en 1794 le nom de rue de l’Unité, et a repris en 1795 sa dénomination actuelle.

L’église Saint-Éloi, dont la rue porte le nom, n’était d’abord, au 11e siècle, qu’une chapelle bâtie dans une île assez éloignée des murs de la ville, et qui fut jointe à la terre ferme à l’aide de terres rapportées, qui firent donner à ce quartier le nom des Terres-neuves. Elle devint alors paroissiale. Cette église, qui est assez vaste, doit avoir été édifiée et agrandie plusieurs fois ; sa structure n’offre rien de remarquable, mais elle passe pour une des mieux éclairées de la ville. Les taillandiers et les maréchaux y avaient leur confrérie. En 1562, l’église Saint-Éloi fut dévastée par les calvinistes. On la mit en 1791 au nombre des treize paroisses conservées à Rouen ; elle fut fermée peu de temps après. On y établit d’abord, pendant la révolution, un magasin de fourrage, puis, en 1793, une fabrique de plomb de chasse, et elle devint en 1803 le temple des protestants, qui, à la suite du décret de l’Assemblée constituante proclamant la liberté des cultes, s’étaient installés successivement, depuis 1791, dans l’église du couvent des Mathurins, puis dans celles de Saint-Lô et de Saint-Vigor, et même dans la chapelle de l’archevêché. Le temple des protestants a été restauré en 1860. Quelques-unes de ses verrières, dont une partie fut transportée au Musée des antiquités, ont été en 1869 l’objet d’importantes réparations.

Il existe, suivant Farin, au milieu du chœur de l’ancienne église de Saint-Éloi, un puits au bas duquel est une voûte en forme de caveau. Ce puits est alimenté par une source qui ne tarit jamais. On y tirait de l’eau au moyen d’une chaîne en fer ; de là est venu ce proverbe commun à Rouen : froid comme la corde du puits de Saint-Éloi.

Une charte de 1227, qui est aux Archives départementales, fait mention de l’existence, dans la rue Saint-Éloi, de l’hôtel des

Templiers ; c’est sans doute le lieu qui est figuré, sur le plan de 1655, sous le titre d’hôtel ou d’hôpital de Sainte-Vaubourg, lequel dépendait d’une ancienne commanderie dont on voit encore les restes à Dieppedalle, au bord de la Seine. Au-dessus de l’hôtel de Sainte-Vaubourg était la vieille Romaine, qui avait porté précédemment le nom de l’hôtel de Grammont, maison de refuge des religieux de ce prieuré ; puis venait la cour de la Monnaie, où était établie la monnaie de Rouen, dont la fonderie était considérée comme une des plus belles du royaume. (V. p. 285.) La Vieille-Romaine, ainsi appelée du nom de l’instrument qui servait à peser les marchandises assujéties aux droits de douane, fut démolie en 1723, époque où elle fut transférée sur le port, entre la rue Harenguerie et celle de la Vicomté, d’où est venue la dénomination de quai de la Romaine donnée à cette partie du port.

À gauche de la rue Saint-Éloi, en face des anciens bâtiments de la Vieille-Romaine, était le Grenier-à-sel, qui existait en 1391, et dans lequel se tenait la juridiction des Gabelles1. Les fermiers des gabelles y mettaient le sel qu’ils faisaient venir des salines, ce qui a fait donner, par Du Souillet, le nom de rue du Grenier-à-sel à la portion de la rue Saint-Éloi qui tend de la rue des Charrettes à l’église.

Dans le haut de cette rue, à droite vers la place, étaient les bureaux de la Banque de Rouen, établie précédemment dans la rue des Iroquois et devenue succursale de la Banque de France. Ces bureaux ont été transférés dans la rue de l’Hôtel-de-Ville.

La porte Saint-Éloi a été démolie en 1814. Pendant le siége de Rouen par Henri IV, le duc de Villars, qui défendait la ville, fit construire sur le quai, devant cette porte et devant celle de Guillaume-Lion, des forts considérables dans lesquels il plaça des troupes pour repousser les assiégeants.

On a trouvé, dans une fouille de la rue Saint-Éloi, une petite tête de femme en marbre blanc, qui a été déposée au Musée d’antiquités.

Saint-Éloi (place). = La rue Saint-Éloi, les rues du Panneret et du Petit-Enfer. ― 10e section, 1er canton, Saint-Vincent. ― Quartier S.-O.

Cette place est établie sur l’ancien cimetière de Saint-Éloi,

dont il est fait mention dans un acte de tabellionage de 14231. Elle fut, pendant quelque temps, affectée à la tenue du marché à la volaille, ce qui lui faisait donner quelquefois cette désignation. Les boutiques étaient adossées à l’église, et l’on a eu le bon goût de les faire disparaître en 1857. Le marché à la volaille, qui avait eu lieu aussi en 1794 sur la place de la Pucelle, se tient actuellement sur celle de la Rougemare et sur la place Verdrel.

En 1793 on donna à la place Saint-Éloi le nom de place de l’Unité, à l’occasion de la plantation que l’on fit, au centre de cette place, d’un arbre de la liberté.

― Sur la place Saint-Éloi, entre la rue du Panneret et celle du Petit-Enfer, sont deux cours connues sous les dénominations de cour Marseille et de cour des Ramiers. (Voyez ce dernier nom.) La cour Marseille, qui peut devoir ce nom à la nature des marchandises que ses vastes magasins recevaient habituellement, paraît avoir fait partie des dépendances de l’hôtel du Bourgtheroulde, derrière lequel elle est située.

Saint-Étienne-des-Tonneliers (rue). = Rue Grand-Pont, rue Jacques-Lelieur. ― 9e section, 1er canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-O.

On donna, en 1794, à cette rue, le nom de rue de la Réunion, et en 1795 celui des Tonneliers. Elle reprit plus tard sa dénomination actuelle.

Ce nom des Tonneliers lui avait été donné déjà dès le 15e siècle2. Un acte de tabellionage du 5 mars 1422 la désigne ainsi : la rue qui mène de la rue Saint-Martin (rue Grand-Pont) au moutier de Saint-Étienne de la rue aux Tonneliers. Un autre acte, de 1488, mentionne une maison bornée, d’un bout par la rue des Tonneliers tendant à l’église Saint-Étienne, d’autre bout la rue de Barbastre (la rue du Fardeau). Dans d’autres actes, du 22 novembre 1520 et du 13 octobre 1542, on trouve cette autre dénomination : la rue Saint-Étienne-des-Tonneliers, à présent nommée la rue aux Damoiselles.3

On voit dans cette rue, à l’angle de celle des Iroquois, récemment appelée rue Jacques-Lelieur, les murs de l’antique église de Saint-Étienne-des-Tonneliers, qui était paroisse en 1063, comme le constate une charte de cette époque. Elle avait appartenu à l’abbaye de Saint-Ouen, et portait primitivement le nom de Saint-Léger, saint dont elle possédait les reliques. Sa dénomination de Saint-Étienne-des-Tonneliers, destinée à la distinguer de Saint-Étienne-la-grande-Église, lui vient de la rue ainsi nommée à cause du grand nombre de tonneliers qui l’habitaient et qui y avaient établi leur confrérie. Sa dernière construction date de la fin du 15e siècle ; son portail fut construit en 1530 ; elle fut dédiée en 1537. Cette église, qui a cessé en 1783 d’être affectée au service du culte, existe encore, comme nous l’avons dit plus haut, mais mutilée, démembrée, divisée par des murs et convertie en magasin. Elle possédait de beaux vitraux qui ont disparu, et des fonts baptismaux qui ont été donnés à l’église de Saint-Romain. Le clocher fut détruit dans les premières années du 19e siècle.

On a trouvé dans cette rue, en 1822, à quatre mètres de profondeur, une construction romaine avec un hypocauste garni d’un conduit en ciment, des briques, des dalles, etc. On y recueillit, de plus, de cinquante à soixante pièces de monnaie romaine1.

Le territoire de la rue Saint-Étienne avait fait partie de l’une des îles de la Seine, qui, sous nos premiers ducs, furent réunies à la terre ferme.

Saint-Eustache (rue). = Rue du Rempart-Martinville, rue Martinville. ― 3e section, 4e canton, Saint-Maclou. ― Quartier S.-E.

Cette rue, qui ne figure pas sur le plan de 1784, semble n’avoir été ouverte que vers la fin du 18e siècle, pour prolonger jusqu’à la rue Martinville l’ancienne cour Cotel ou Courtel2, qu’elle remplace actuellement. Il est probable que son nom vient d’une enseigne à l’image de saint Eustache. Celui de cour Cotel venait d’un propriétaire.

La rue Saint-Eustache a reçu, en 1794, ainsi que la cour Co-

tel, le nom de rue et de cour des Sans-Culottes, qui leur fut retiré en 1795.

Saint-Filleul (rue et place). = Avenue du Mont-Riboudet, rue du Renard. ― 12e section, 5e canton, la Madeleine. ― Faubourg Cauchoise.

On remarque dans cette rue, qui tient son nom d’une source importante dont nous avons parlé à l’article des Fontaines publiques (V. p. 233), une maison appelée le château de la Motte, espèce de gentilhommière du 16e ou du 17e siècle, qui est entourée de douves remplies d’eau ; il y avait pont-levis, chapelle et colombier, qui a donné son nom à une rue voisine. (V. p. 143.)

Dans le haut de la rue, à l’intersection de celles de Bas et du Colombier, est la petite place de Saint-Filleul.

Saint-Georges (rue). = Rue de la Vicomté, place de la Pucelle. ― 10e section, 1er canton, Saint-Vincent. ― Quartier S.-O.

Cette rue a pris son nom d’un ancien hôtel de l’abbé de Saint-Georges-de-Bocherville, qui y était situé. On la trouve désignée en 1784 sous le nom de rue de la Femme-Blanche, provenant sans doute d’une enseigne ; elle reçut en 1794 celui de petite rue de la Régénération, et reprit en 1795 sa dénomination antérieure de rue de la Femme-Blanche. On rétablit en 1817 l’inscription de la rue Saint-Georges.

Dans cette rue était l’ancienne église collégiale du Saint-Sépulcre, dont on voit encore les murs, et dont la fondation est due à la piété d’un gentilhomme anglais qui, étant malade, avait fait le vœu de l’édifier s’il revenait à la vie. Farin rapporte, à ce sujet, qu’un prêtre de la paroisse de Saint-Michel, qui était allé lui porter le saint viatique, s’étant laissé choir, une hostie s’échappa du ciboire qu’il portait et tomba sur la place où la chapelle a été

bâtie. Il ne resta d’autre vestige de ce fait qu’une petite pierre carrée placée dans l’ancien sanctuaire et autour de laquelle était écrit en lettres gothiques du 12e siècle : Ici adira le prestre le cors de N.-Seignor. Au centre de cette pierre était un gros point qui marquait la place où était tombée l’hostie.

L’époque de la fondation de la chapelle du Saint-Sépulcre est restée ignorée, mais il est constant qu’elle existait avant 1354, puisque, alors, étant tombée en vétusté, elle fut réédifiée comme elle est maintenant1.

On a donné, vers le commencement du 17e siècle, à l’église du Saint-Sépulcre, le nom de Saint-Georges, à cause de l’image de ce saint, représenté à cheval et de grandeur naturelle, que les arbalétriers, appelés les frères de la Cinquantaine, y avaient placée en 1444.

Cette église fut, au moyen-âge, le siége de la confrérie de Saint-Éloi, patron des monnayeurs de Rouen, qui avaient leur hôtel rue Herbière, en un lieu qu’on appelait encore au 15e siècle rue de la Monnaie, puis cour de la Monnaie en 1731. Nicolas du Val-Richer, prévôt des monnayeurs, fut inhumé dans cette église en 1462. L’église du Saint-Sépulcre, ou de Saint-Georges, a été supprimée en 1791, puis vendue. C’est actuellement un magasin de voitures de louage.

On remarque, dans la rue Saint-Georges, sur la façade d’une maison qui a porté le nom de Château-Friant, un balcon en fer qui renferme dans son centre les armoiries du métier de serrurerie, avec cette inscription Le Friand, serrurier, a construit ce bâtiment en 17452.

― Une autre rue Saint-Georges a été récemment ouverte dans l’île de la Croix. Nous pensons qu’il y aurait lieu, afin d’éviter la confusion des deux rues, et en même temps de consacrer le souvenir de la monnaie de Rouen, de donner à la rue Saint-Georges de la ville le nom de rue du Val-Richer.

― Les registres des Archives municipales3 font mention d’un clos Saint-Georges estant ès marests de Martinville, dedens les murs.

Saint-Gervais (cavée). = Place Saint-Gervais, la campagne. ― 12e section, 5e canton, Saint-Gervais. ― Faubourg Cauchoise.

Dans les plans modernes, ce nom est donné au chemin vulgairement appelé la route du Mont-aux-Malades. ― Un acte du 14 octobre 1360 fait mention d’une propriété bornée d’un bout par le chemin as malades d’Yonville et d’autre bout par la voie des Quatre-Voulues1.

On lui donna le nom de Mont-Libre en 1793.

Un raidillon conduisant au Mont-aux-Malades, situé à gauche de la route appelée la cavée de Saint-Gervais, et dépendant de la commune du Mont-Saint-Aignan, porte actuellement le nom de petite côte de Saint-Gervais.

Saint-Gervais (place). = Les rues et la cavée Saint-Gervais, les rues Roulland et Chasselièvre. ― 12e section, 5e canton, Saint-Gervais. ― Faubourg Cauchoise.

Cette place, qui a pris son nom de l’église de Saint-Gervais2, joignait immédiatement l’ancien cimetière de cette paroisse, sur lequel ont été bâties des maisons, et où l’on a ouvert une rue qui forme le prolongement de la rue Chasselièvre. Elle reçut en 1794 le nom de place Maubeuge, et reprit en 1795 sa précédente dénomination.

C’est sur cette place que se tient tous les ans, le 20 juin, la foire aux bestiaux dite de Saint-Gervais, qui fut érigée en 1020 en faveur des religieux de Fécamp, seigneurs du lieu3. En 1433, il fut ordonné au bailli de Rouen, à cause des guerres, de fournir à ces religieux une place dans la ville pour y tenir cette foire et y recevoir leurs droits ; le bailli les autorisa, en 1441, à la tenir dans le marché de la Vieille-Tour.

Saint-Gervais (rue). = Place Cauchoise, place Saint-Gervais. ― 1re section, 5e canton, Saint-Gervais. ― Faubourg Cauchoise.

De même que la place, cette rue a pris son nom de l’église

de Saint-Gervais. Elle reçut aussi, en 1794, le nom de rue de Maubeuge.

Saint-Gervais (grande rue). = Place Saint-Gervais, rue des Forgettes. ― 1re section, 5e canton, Saint-Gervais. ― Faubourg Cauchoise.

Cette rue est confondue, dans un plan de 1814, avec la place Saint-Gervais ; elle figure, sur celui de 1817, sous le nom de rue du Maurefuge. Nous ne connaissons pas l’origine de ce nom, mais, d’après l’interprétation que les étymologistes lui donnent, il n’est pas étonnant qu’on ne l’ait pas conservé1. Mais on comprend moins facilement qu’on n’ait pas cherché à le remplacer par une autre désignation que celle de grande rue Saint-Gervais. Il eût été facile de trouver, dans l’histoire de l’église elle-même, les moyens d’éviter la répétition du même nom pour cinq voies différentes, et les dénominations de rue Saint-Mellon2, de rue Saint-Avitien et de rue du Prieuré, ne paraîtraient pas déplacées auprès du nom de Saint-Gervais.

Dans des actes de tabellionage de 1421 et de 1427, il est fait mention d’une sente qui menait de la grande rue Saint-Gervais aux penteurs droit à la rue Saint-Mor. Ces citations constatent qu’il y avait eu, dans ce quartier, des penteurs (voyez ce mot), et, de plus, qu’il y avait une communication ouverte avec la rue Saint-Maur, probablement par la rue Fessardière, appelée alors la Haute et la Basse-Fessardière. Il paraît regrettable que cette communication n’ait pas été conservée.

Pendant la révolution de 1789, la place Saint-Gervais avait reçu le nom de place Maubeuge. Serait-ce par contraction que ce mot serait devenu Maurefuge dans le plan de 1817 ?

Saint-Gervais (petite rue). = Grande rue Saint-Gervais, l’église et le cimetière. ― 12e section, 5e canton, Saint-Gervais. ― Faubourg Cauchoise.

L’ancienne église de Saint-Gervais, qui vient d’être rempla-

cée par un nouvel édifice construit sur le même emplacement, était d’une haute antiquité. Farin l’a appelée le cimetière de nos premiers archevêques et des premiers chrétiens de la ville. Richard II, duc de Normandie, y érigea une abbaye dont il fit donation à l’abbé de Fécamp en 1020. Démolie dans le courant du 14e et du 15e siècle dans l’intérêt de la défense de la ville1, l’église du prieuré fut rétablie, et fut encore dévastée par les calvinistes en 1562, puis en 1591, époque où Henri IV vint mettre le siége devant Rouen. Réparée trois ans après, cette église subit encore bien des désastres par la violence des vents, qui plus d’une fois détruisirent son clocher. Elle devint par la suite église paroissiale. Conservée en 1791 comme église succursale, elle fut fermée deux ans après. Rendue en 1806, sous le même titre, au culte catholique, après avoir servi de lieu de dépôt d’artillerie, elle est devenue de nouveau paroissiale en 1846.

Cette paroisse avait toujours été pauvre, et avait donné lieu à ce dicton populaire : désargenté comme le crucifix de Saint-Gervais.

La réédification de la nouvelle église dans le même style que la première, qui était devenue insuffisante, a été poussée en 1868 avec une grande activité. Commencés en mai, les travaux intérieurs ont été terminés dans les derniers mois de la même année. L’on s’est occupé, en 1869, de la reconstruction du portail principal et d’une tour surmontée d’un clocher en pierre.

Il y a, sous le chœur de l’église de Saint-Gervais, une crypte ou caveau dont l’origine remonte, selon la tradition, à plus de quinze cents ans. C’est le plus ancien monument chrétien de la Normandie2. Les historiens rapportent que le corps de saint Mellon y fut inhumé en 311, et qu’il y resta jusqu’en 880, époque où on le transporta à Pontoise, dans la crainte que les Normands, qui ravageaient le pays, ne le brûlassent. On dit que c’est en ce lieu que ce saint archevêque et son successeur célébrèrent les premières cérémonies de leur culte, et que là s’assemblaient secrètement, comme en un lieu écarté de la ville, ceux qui se convertirent les premiers au christianisme3. On montre, à gauche en

entrant dans le caveau, la place où l’on assure que fut inhumé saint Mellon ; le tombeau qui est en face, à droite du même caveau, est celui de saint Avitien, deuxième évêque de Rouen, mort en 325. Plusieurs autres archevêques y ont été, dit-on, également enterrés. Les deux tombeaux, en forme d’une espèce d’arcade, furent murés dans le temps où les religionnaires profanaient les églises, et ces murs de clôture furent retirés en 1723.

On lit dans l’Histoire de Rouen que les abbés de Fécamp, investis de l’église de Saint-Gervais au 11e siècle, y fondèrent un lieu de retraite pour eux, et l’on ajoute que nos ducs normands y avaient aussi établi un lieu de plaisance : L’an 1060 ou environ, Guillaume-le-Conquérant, duc de Normandie et roi d’Angleterre, étant malade dans son palais à Rouen, se fit porter à Saint-Gervais, afin que le bon air le rétablît. Le temps, dit encore l’historien, ne nous en a laissé que l’église, qui a été plusieurs fois réédifiée sur ses ruines. L’an 1659, lorsqu’on fit un mur pour clore le cimetière du côté du septentrion, on trouva sous terre des fondements, des voûtes et des caves entières, qui étaient encore des restes de ces anciens édifices1.

Quoi qu’il en soit, on assure, dit l’auteur du Dictionnaire indicateur, que l’existence d’une maison de plaisance pour les ducs de Normandie, près de l’église de Saint-Gervais, n’est pas certaine, et que les fondements trouvés en 1659 étaient ceux de l’ancien monastère qui avait été bâti par l’un des abbés de Fécamp en 1020, et dans lequel vint mourir en 1087 le duc Guillaume. Néanmoins, en mentionnant l’existence de ce palais, l’auteur des Lettres sur Rouen pense que la rue du Tour-du-Rouet pourrait bien avoir été percée sur le terrain qui l’occupait, et que le nom qu’elle porte serait une corruption de celui de la Tour-du-Roi. (V. ce nom.)

Une inscription, gravée sur une plaque de marbre blanc, a été mise en 1846, par les soins de l’Académie des Sciences de Rouen, sur la façade de la travée de l’église de Saint-Gervais qui longe le cimetière. Elle porte ce qui suit : Ici était le prieuré de Saint-Gervais où mourut Guillaume-le-Conquérant le ix septembre mlxxxvii. ― Acad. Roth. posuit anno 1846. Cette inscription, enlevée provisoirement en avril 1869, a été replacée après l’achèvement du nouveau portail.

Dans un terrain voisin de l’église, du côté du nord, remis à usage de cimetière en 1781, on a trouvé des tombeaux très anciens ; ils étaient sous forme d’auges et fermés d’un couvert aplati. On en voyait encore vers 1820, sous le mur de ce cimetière, près de la route du Mont-aux-Malades.

Le cimetière Saint-Gervais, dit M. l’abbé Cochet1, est aussi vieux que Rouen lui-même ; près de là descendait, par la côte du Mont-aux-Malades, toute bordée de sépultures, la voie romaine de Lillebonne à Rouen, qui pénétrait dans la cité par la rue Cauchoise et la traversait par la rue de la Grosse-Horloge et le parvis de la Cathédrale. On découvrit, en 1837, en construisant l’aile septentrionale de l’église actuellement remplacée par une construction nouvelle, des fondations paraissant se rattacher à des édifices antiques autant qu’à l’ancien prieuré. En 1846, on reconnut des murs qu’on attribua à l’église primitive. Des découvertes du même genre, constatant l’importance des sépultures antiques que renfermait le quartier Saint-Gervais, avaient été faites dès l’année 1660.

Les religieux de Fécamp avaient, dans leur manoir de Saint-Gervais, une juridiction de haute, moyenne et basse justice, avec geole ou prison et fourches patibulaires. La geole était située en dernier lieu au haut de la rue Saint-Gervais près de la place ; le gibet était sur le versant du Mont-aux-Malades. On voit encore, dans la rue du Renard, près de celle de la Croix-d’Yonville, l’emplacement d’une maison appelée « la justice. » Là étaient probablement le prétoire et les prisons de la juridiction de Saint-Gervais qui avaient existé antérieurement dans le fond du val, au pied d’un mont appelé le Camp-du-roi, sur le territoire des Fourneaux, dénominations qui rappellent sans doute l’époque des siéges que Rouen a soutenus. La juridiction de Saint-Gervais relevait du Parlement comme celle de l’archevêché, et les sénéchaux devaient y comparaître à des jours déterminés.

― Il y a, à l’entrée de la petite rue Saint-Gervais, à gauche en montant, une cour ou impasse connue vulgairement sous le nom d’impasse Saint-Gervais, et qui a été quelquefois appelée la cour Ransonnette, du nom d’un propriétaire.

Saint-Gilles (rue). = La route de Darnétal, le hameau du Nid-de-Chien. ― 1re section, 5e canton, Saint-Paul. ― Faubourg Saint-Hilaire.

Cette rue, qu’on appelait rue Saint-Gilles-de-Repainville, porte le nom d’une ancienne église succursale qui était au hameau de Repainville et dont le corps existait encore en 1807. Elle fut réunie à la paroisse de Saint-Hilaire. On donna en 1794, à la rue Saint-Gilles, le nom de rue du Port-de-la-Montagne, et son ancienne dénomination lui fut rendue en 1795.

Le nom du hameau de Repainville provient, suivant Toussaint Duplessis, du latin « rupæ-villa », parce qu’il est situé près des rivières de Robec et d’Aubette.

Saint-Godard (place), dans la rue Beffroy. = 8e section, 2e canton, Saint-Godard. ― Quartier N.-O.

Cette petite place, où est édifiée l’église de Saint-Godard, occupe l’emplacement de l’ancien clos ou cimetière de cette paroisse, qui fut agrandi au milieu du 14e siècle, et celui d’un ancien passage appelé en 1818 le passage Saint-Godard et qui reçut en 1794 le nom de passage des Scythes. Elle est limitée par les rues de l’École, Beffroy, Boutard et du Coquet.

L’église de Saint-Godard a son entrée principale par la rue Boutard, et une porte latérale sur la place. On croit que cette église, qui était primitivement hors de la ville, avait servi originairement de temple aux anciens druides1. Convertie dès le 5e siècle à l’usage du culte catholique par nos premiers évêques, elle prit d’abord le nom de Sainte-Marie ou de Notre-Dame, ce qui a fait supposer à quelques historiens qu’ils en avaient fait leur première cathédrale.

Le Dictionnaire indicateur, de P. Periaux, contient à ce sujet des observations que nous nous faisons un devoir de reproduire en plus grande partie.

Taillepied, dans ses Antiquitez de Rouen, fait remonter la fondation de l’église de Saint-Godard au temps de S. Mellon. Suivant lui, l’église de Saint-Lô, consacrée, dédiée et appelée par ce saint évêque l’église de la Trinité, est la plus ancienne de Rouen ;

la seconde fut Saint-Clément qu’il fit bâtir dans une île1, la troisième l’église Saint-Godard, que ledit saint Mellon consacra et dédia sous le nom de Notre-Dame, et en fit pour lors l’église archiépiscopale, où il mit chanoines qui y succédèrent jusques à tant que la grande église de Notre-Dame fût édifiée.

On lit dans la Normandie chrétienne (p. 144) que le corps de saint Romain, mort à Rouen le 23 octobre 6462, fut porté à l’ancienne église Notre-Dame, qui avait déjà changé son nom en celui de Saint-Godard, d’autant que l’église dont il (saint Romain) avait jeté les premiers fondements, était encore de médiocre sculpture.

Cependant on assure, dans le même ouvrage (page 145), à la suite des preuves accumulées en faveur de l’ancienneté de l’église de Saint-Godard, que la Cathédrale de Rouen est le même temple qui fut construit par saint Mellon. Cette assertion ne détruit pas l’opinion des historiens qui prétendent que l’église de Saint-Godard a servi de Cathédrale sous plusieurs des premiers archevêques de Rouen, notamment sous l’épiscopat de saint Godard et de saint Romain, puisque ces deux prélats y furent inhumés, et que leurs corps y restèrent, savoir : celui de saint Godard jusqu’en 861, époque de sa translation à Soissons, en l’église abbatiale de Saint-Médard, et celui de saint Romain jusqu’en 1079, qu’il fut transféré dans la Cathédrale, laquelle, lors de sa mort, n’était pas encore assez avancée pour que le corps de son fondateur pût y être déposé.

Il est possible qu’à la place où (suivant l’auteur de la Normandie chrétienne) saint Romain jeta les premiers fondements d’une église cathédrale, il en ait existé une autre fondée par saint Mellon et saint Victrice3, mais il n’en est pas moins vrai-

semblable que l’église de Saint-Godard, quoiqu’elle fût hors de l’enceinte de la ville, aura servi de cathédrale pendant la construction ou reconstruction commencée sous saint Romain.

Du Souillet et Lebrun, continuateurs de Farin, ne sont pas de cet avis. Il n’est pas probable, suivant eux, que le clergé de la Cathédrale se soit retiré dans l’église de Saint-Godard, pour faire l’office divin, pendant que l’on bâtissait la nouvelle métropole. La raison qu’ils en donnent, c’est que, si le clergé eût été assez nombreux pour qu’il fallût une église étendue pour y célébrer l’office divin, l’église de Saint-Herbland, qui était, disent-ils, dans le cœur de la ville, proche de la Cathédrale, aurait été choisie de préférence. Mais l’église de Saint-Herbland n’existait pas alors : elle n’a pu être fondée qu’après la mort de son saint patron fixée à l’an 718, et peut-être même après la translation de son corps à Paris en 839. Il est donc permis d’adopter l’opinion de l’auteur d’un Abrégé de l’Histoire de Rouen, imprimé en 1759, qui dit, en parlant de l’église de Saint-Godard : Les archevêques et tout le clergé de la Cathédrale s’y retirèrent autrefois pour y faire le service divin pendant plus de cinquante ans, lorsque leur première église fut entièrement détruite pour jeter les fondements d’une plus grande.

Dévoré par un incendie en 1248, l’église de Saint-Godard fut rebâtie et reçut à plusieurs époques divers accroissements. C’était la paroisse du château de Bouvreuil. Son architecture appartient au 15e siècle, mais sa tour fut établie en 1613, au moyen de sommes qu’il fut permis aux paroissiens de prélever pour cette réédification et pour remettre les cloches en état.

Dans un caveau, sous le milieu du chœur, est le tombeau de saint Godard (que plusieurs historiens appellent saint Gildard), qui mourut en 513 et y fut inhumé en 525 suivant les uns, ou suivant d’autres en 5331. C’est après cette époque que l’église prit le nom de ce saint prélat2. On plaça dans la même crypte le tombeau de saint Romain. Ce tombeau fut ouvert près de quatre cents ans après, par ordre de Robert Ier, archevêque de Rouen, et le corps du saint, qui avait été trouvé en parfait état de conservation, fut transféré solennellement, en 1079, à la Cathédrale3.

À l’occasion de cette translation, l’archevêque Guillaume Bonne-Âme institua la procession du corps saint. Cette procession sortait de la Cathédrale le dimanche des Rameaux à deux heures après minuit, pour aller à Saint-Godard ; l’heure du départ fut reportée à six heures du matin en 1580. Le tombeau de saint Romain, composé d’une seule pierre de jaspe, a été plus tard déposé dans l’église qui lui est dédiée. (V. p. 112.) La crypte de Saint-Godard est ouverte à certaines époques de l’année, et on y célèbre la messe le jour de la fête de saint Romain.

L’église de Saint-Godard a été ravagée par les calvinistes en 1562. Les chroniques du temps font mention d’un dragon en feu que l’on vit le 30 septembre, pendant l’espace d’une demi-heure, lorsque le ministre des prétendus réformés qui s’étaient rendus maîtres de la ville y débitait leurs fausses doctrines1.

Cette église a été comprise en 1791 au nombre des églises paroissiales conservées à Rouen, et fermée en 1802, puis dépouillée d’une partie de ses richesses et de ses vitraux. Il fut question, à cette époque, d’y établir la Maison de fers, nom sous lequel on désignait la prison des condamnés aux fers2. En 1806, elle a été restaurée et rendue au culte catholique comme succursale de Saint-Patrice ; elle a repris son rang d’église paroissiale en 1829.

Les couleurs de ses anciens vitraux, dont quelques-uns lui furent rendus lors de sa réouverture, étaient si vives et si éclatantes, qu’on disait autrefois, en parlant d’un vin coloré : il est de la couleur des vitres de Saint-Godard. De très belles verrières, données par la ville, ont été placées dans cet édifice pour remplacer celles qui avaient été enlevées pendant la révolution, et qui avaient été transportées à la Chambre-aux-clercs de Saint-Ouen, où la plupart se trouvèrent brisées. On remarque, entre autres verrières de cette église (dont quelques-unes ont reçu d’importantes réparations entreprises en 1855), celle dite des Patriarches3, qui a été restaurée en 1862. L’église est, depuis 1869, l’objet d’une restauration générale.

Les peintures murales qui décorent l’intérieur de l’abside polygonale de cette église ont été faites en 1857 par M. Lehenaff, aux frais d’un M. Lecarbonnier, habitant de la paroisse. L’orgue actuel, établi à la place du précédent qui avait été ruiné par les calvinistes, est l’ouvrage d’un écossais.

― En face de l’église de Saint-Godard est un hôtel qui était appelé anciennement l’hôtel de Saint-Romain. On voyait encore, vers la fin du dernier siècle, suivant Rondeaux de Sétry, à un pignon de cette maison, les armes de la famille du saint personnage, semblables à celles qui subsistaient aussi, à la même époque, dans le Vexin.

Saint-Herbland (passage). = Rue des Carmes, rue de la Grosse-Horloge. ― 9e section, 1er canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-O.

Ce passage a été construit, comme nous l’avons dit à l’article concernant la rue de la Grosse-Horloge (p. 265), sur l’emplacement de l’ancienne église de Saint-Herbland.

Saint-Hilaire (boulevard). = Place Saint-Hilaire, rue des Capucins. ― 2e section pour les nos impairs, 4e section pour les nos pairs ; 5e canton, Saint-Hilaire. ― Faubourg Saint-Hilaire.

Sur ce boulevard, qu’on appelait en 1784 le boulevard des Capucins, a été ouvert en 1852 l’hôpital Lamauve pour les protestants. Cet établissement, qui peut recevoir quatorze malades ou infirmes, porte le nom de son fondateur, Louis-César Lamauve, mort en 1821, et qui en 1815 avait été investi des fonctions de chirurgien en chef de l’Hospice-général. Une inscription, placée dans la cour de l’hôpital Lamauve, rappelle le nom de cet homme charitable, et celui de Madame Frey du Fossé qui a également contribué à la création de cet utile établissement.

Saint-Hilaire (place). = Route de Darnétal, boulevards Martinville et de Saint-Hilaire. ― 1re section pour les nos pairs, 2e section pour les nos impairs du côté nord, 3e section pour ceux du côté sud ; 5e canton, Saint-Hilaire. ― Faubourg Saint-Hilaire.

Sur cette place était la porte Saint-Hilaire ; édifiée lors

du dernier agrandissement de Rouen, elle avait été mal faite et eut beaucoup à souffrir pendant le siége de Rouen par les catholiques en 1562. Elle fut reconstruite en 1570, et fut accompagnée d’une longue voûte destinée à soutenir le rempart. Cette porte fut témoin de faits remarquables : le roi de Navarre, père de Henri IV, y reçut, en 1562, la blessure qui causa sa mort ; près de là, à la même époque, fut enterré vivant le capitaine François de Civile, qui fut miraculeusement sauvé ensuite par le dévouement de son domestique. (Voyez page 148.) Ce fut par cette porte que, pendant le siége de 1591, Villars fit ses brillantes sorties. Enfin, plusieurs personnages illustres firent par là leur entrée à Rouen au 16e et au 17e siècle1.

En 1706, les jésuites firent élever un grand crucifix près de la porte Saint-Hilaire, laquelle fut démolie en 1773. Elle était protégée par plusieurs tours, qui furent abattues au commencement du 19e siècle. On en voit encore des vestiges dans les jardins de l’Hospice-général. (V. page 144.)

Saint-Hilaire (rampe). = Place du Boulingrin, rue des Sapins. ― 4e section, 5e canton, Saint-Hilaire. ― Faubourg Saint-Hilaire.

Cette rampe, à laquelle on donnait en 1811 le nom de haut-boulevard de Saint-Hilaire, a pris sa dénomination actuelle de sa position au-dessus de ce boulevard.

Saint-Hilaire (rue). = Place Saint-Hilaire, place de la Croix-de-Pierre. ― 2e section pour les nos pairs, 3e section pour les nos impairs ; 4e canton, Saint-Vivien.

Le nom de cette rue est provenu de l’église de Saint-Hilaire, qui est située dans l’ancienne rue du faubourg du même nom, appelée aujourd’hui la route de Darnétal.

La rue Saint-Hilaire était encore peu connue sous sa dénomination actuelle au 15e et au 16e siècle, et même postérieurement. Un acte de tabellionage du 27 janvier 1423 la désigne ainsi : La rue qui mène de la Croix-de-pierre à la porte Saint-Hilaire.

Taillepied l’appelle la grande rue qui va jusqu’à la Croix-de-pierre. T. Duplessis la cite sous le nom de rue de la Croix-de-pierre1. Plusieurs actes de tabellionage lui donnent néanmoins le nom de rue et de grande rue Saint-Hilaire. D’autres titres de 1421, 1428 et 1479 l’indiquent comme ayant été appelée anciennement rue du Pavement2. Dans un autre acte, du 1er juillet 1525, elle est appelée la grande rue Saint-Vivien : Maison et jardin au lieu nommé le clos Pilavoine, b. d’un bout les murs de Saint-Clair, et d’autre bout la rue servant aux fieffes et louages du clos Pilavoine, pour aller et venir en la grande rue de Saint-Vivien. De même, on donnait quelquefois à la rue Saint-Vivien le nom de rue Saint-Hilaire, ainsi qu’on le voit dans les Affiches de Normandie du 30 septembre 1763, indiquant une maison sise en ladite rue, au coin de la rue Gerbe-d’orge, faisant face à l’église de Saint-Vivien.

Il y avait, dans la rue Saint-Hilaire, trois communautés religieuses : les Pénitents, les dames de Sainte-Claire et les dames du Refuge ; elles furent supprimées vers 1791.

Les Pénitents avaient eu leur maison à Sainte-Barbe près de Rouen, dès 1472. ils vinrent à Rouen en 1609, où ils s’établirent, d’abord au faubourg Bouvreuil dans une maison appelée le jardin d’Arquenci, et en 1612 dans la rue Saint-Hilaire. Leur église, construite trois ans après sous le vocable de Notre-Dame-de-Lorette, fut mise en 1791, sous le nom de Saint-François, au nombre des églises paroissiales conservées à Rouen. Elle fut fermée en 1793, puis vendue et démolie après avoir été mise pendant quelque temps à usage de maison de sûreté, qu’on appelait François3. Près de l’ancienne maison des Pénitents est un réservoir des fontaines qu’alimente la source de Darnétal. On remarquait dans leur jardin un rocher de coquillages exécuté avec beaucoup d’art. Ce local a été occupé pendant quelques années par les dames du Bon-Pasteur, et est depuis 1865 la propriété de la communauté des Saints-Anges, établissement des Enfants-délaissés, qui avait été fondé en 1836 (par l’abbé Carpentier, mort en 1844) dans une maison de l’ancienne rue des Marquets,

maison que cette communauté a quittée lors de l’ouverture de la rue d’Amiens. Ces dames se proposent de construire une chapelle dans leur nouveau local.

Les dames de l’abbaye de Sainte-Claire vinrent à Rouen en 1485, dans une maison que Jean d’Estouteville, seigneur de Torsy, avait édifiée dans la rue Saint-Hilaire. Leur fondateur mourut en 1494, et fut inhumé dans leur chapelle, bâtie en 1481. On voit encore une partie du portail de ce couvent au coin de l’impasse de Sainte-Claire, qu’il fut question en 1829 de prolonger jusqu’à la rue de la Cigogne-du-Mont. Une partie de cet emplacement est occupée par les écoles chrétiennes des paroisses de Saint-Vivien et de Saint-Hilaire. Il reste encore des vestiges de la chapelle. La fontaine qui coule à l’entrée de cette ancienne abbaye a été établie en 1513.

Les dames de Sainte-Claire n’avaient pas vu sans regret les Pénitents s’établir dans leur voisinage. En 1633, elles obtinrent un arrêt qui obligea ces derniers à fermer des jours pratiqués dans leur clocher, et par lesquels ils regardaient chez les religieuses.

Les filles Pénitentes, ou religieuses de Notre-Dame-du-Refuge, vinrent à Rouen en 1641, où elles ne restèrent d’abord que quelques années ; rétablies en 1657, elles furent supprimées en 1791, et il n’existe aucune trace de leur établissement.

On voit, dans la rue Saint-Hilaire, près de la Croix-de-pierre, la façade de l’hôpital de Sainte-Élisabeth, dont nous avons parlé à l’article de la rue des Capucins. Cet établissement, bâti en 1708, devint pendant la révolution un lieu de détention pour les ecclésiastiques qui avaient déposé leurs lettres de prêtrise ; il est actuellement occupé par des écoles d’enseignement mutuel entretenues par la ville, et connues sous le nom d’écoles de Saint-François.

On trouva près de là, en 1823 et à diverses autres époques, au milieu de sépultures, des vases et des monnaies antiques1. En août 1857, on découvrit, dans un terrain de ce quartier, une vingtaine de boulets de canon en grès2. Il avait été construit, dans cette rue, un arsenal qui fut pillé et démoli en 1639, pendant la révolte des Nu-pieds. Un sarcophage en plomb a été récemment

trouvé dans l’emplacement qui fut occupé par les religieuses de Sainte-Claire.

Entre la rue du Pas-de-Gaud (ou rue Papegaud) et celle du Pont-à-Renaud, en face de la rue Bassesse, était autrefois le cimetière des Huguenots1. Ce lieu de sépulture, qui, pendant les guerres de religion, fut plusieurs fois abandonné et retiré aux religionnaires, figure encore sur les plans de 1655 et de 1724.

On a donné en 1794 à la rue, au boulevard et au faubourg Saint-Hilaire, les noms de rue, de boulevard et de quartier de la Convention.

La rue Saint-Hilaire et les rues Saint-Vivien, des Faulx, de l’Hôpital, Ganterie et des Bons-Enfants, traversent la ville de l’est à l’ouest.

Saint-Hilaire (rue du Faubourg), appelée aussi le pavé de Saint-Hilaire. ― V. route de Darnétal, page 170.

Le faubourg Saint-Hilaire comprend les côtes du Franc-Aleu et de Beaurepaire, ainsi qu’une partie de la côte des Sapins, les hameaux de Repainville et du Nid-de-Chien, puis les quartiers de la Pannevert et de la Petite-Chartreuse. Il est arrosé par les rivières de Robec et d’Aubette, qui se divisent en plusieurs bras et y font mouvoir divers moulins à blé, ainsi qu’un grand nombre d’usines.

― Dans un registre de tabellionage du 14e siècle, il est fait mention d’une rue de la Croix-à-l’Alouette dans la paroisse Saint-Hilaire ; c’était, dit-on, le nom d’une croix qui marquait la limite entre Darnétal et Rouen.

Saint-Jacques (rue). = Place Henri-quatre, boulevard Cauchoise. ― 10e section, 1er canton, la Madeleine. ― Quartier S.-O.

Cette rue a pris son nom d’une ancienne chapelle de Saint-Jacques-le-Majeur, qui fut cédée, vers 1256, pour leur servir d’église, aux religieux Dominicains, connus depuis sous le nom de Jacobins. (V. rue de Fontenelle.)

On donna en 1794, à la rue Saint-Jacques, le nom de rue de la Justice ; elle reprit en 1795 sa dénomination actuelle.

Sur un plan de 1817, la portion de cette rue qui communique

de la place Henri-quatre à la rue de Fontenelle est inscrite, probablement par erreur, sous la dénomination de rue du Département, nom qui fut donné en 1794 à la rue de Fontenelle.

― Dans des actes de tabellionage de 1478 et de 1481, il est parlé d’une rue Saint-Jacques, dans la paroisse de Saint-Pierre-le-Portier ; c’est l’un des anciens noms de la rue qui porte aujourd’hui celui de Pierre Corneille. (V. rue Mignotte.) Il existait aussi une chapelle de Saint-Jacques, fondée à Saint-Martin-du-Pont (acte de 1420). Enfin, un autre acte de 1467 concerne une maison assise en la rue près de Saint-Jacques1, en la paroisse de Saint-Martin-sur-Renelle. Ce doit être la rue Pierre-de-Saint-Jacques, qui fut depuis appelée rue des Maillots. (V. ce nom.)

Saint-Jean (grande rue).

Le nom de cette rue2, qui a été supprimée en 1862 pour l’ouverture de la rue de l’Impératrice, actuellement la rue Jeanne-d’Arc, venait de l’ancienne église paroissiale qui, n’étant d’abord qu’une chapelle, porta celui de Saint-Jean-des-Prés, parce qu’elle était environnée de prairies, ensuite celui de Saint-Jean-sur-Renelle, à cause de la proximité de ce cours d’eau, qu’on appelait aussi le ruisseau de Gaalor3.

L’église de Saint-Jean existait avant 1100 ; c’était primitivement la chapelle de la commanderie de Saint-Antoine ; elle fut rebâtie vers la fin du 15e siècle et devint une des plus considérables et des plus riches de la ville ; elle avait sa principale entrée sur la rue du même nom, et une autre sur la rue Saint-Antoine. Son cimetière fut entouré de murs en 1570. La tour de cet édifice, commencée en 1617, ne fut point achevée. En 1486, on avait érigé en cette église un puy en l’honneur de l’Immaculée Conception de la Vierge, appelé aussi la Fête aux Normands. (V. l’article des Sociétés savantes.)

L’église Saint-Jean fut saccagée par les calvinistes en 1562. Elle fut mise, en 1791, au nombre des treize églises paroissiales conservées à Rouen, supprimée en 1793 et vendue trois ans après à un marchand nommé Quesney-Moullin. Elle fut démolie en

1816, après quelques tentatives infructueuses pour la rendre au culte catholique. Ses vitraux peints avaient été enlevés en 1802 et transportés en Angleterre, avec d’autres verrières provenant de plusieurs autres églises.

Sur l’emplacement de cette ancienne église, et avec une partie de ses matériaux, fut édifié un passage qui servit pendant un certain nombre d’années de lieu de dépôt des produits des fabriques de rouennerie, dont le commerce était en quelque sorte concentré dans la rue Saint-Jean, jusqu’au moment où le passage fut abandonné en grande partie pour un autre établissement du même genre qui fut ouvert dans la rue de Fontenelle et dans l’ancienne église des Jacobins. Ces dépôts furent ensuite transférés de nouveau au boulevard Cauchoise, qui est devenu à son tour le centre du commerce considérable des rouenneries. Il avait été établi une synagogue dans le passage Saint-Jean. Ce passage et les rues adjacentes ont été entièrement supprimés en 1862, lors de l’ouverture des rues qui composent le quartier neuf traversé par la rue Jeanne-d’Arc. En même temps ont disparu les derniers vestiges de l’église de Saint-Jean.

Le cimetière de cette église était très restreint. Pour remédier aux inconvénients qui résultaient de l’usage d’inhumer dans l’intérieur des églises, usage qui fut formellement interdit en 1780, les trésoriers de la fabrique avaient tenté d’acquérir l’ancienne hôtellerie de la Pomme-de-Pin ; mais, n’ayant pu y réussir, ils établirent ce cimetière au lieu appelé le petit Aître-Saint-Jean, placé près de la rue de ce nom, au sud de l’église, qui devint plus tard un passage tendant à la rue du Tambour, lequel reçut, en 1794, le nom de passage du Tambour. À la même époque, la grande rue Saint-Jean fut appelée rue du District, et elle reprit l’année suivante sa précédente dénomination.

On a trouvé, sous l’église de Saint-Jean, et dans le cimetière de cette ancienne paroisse, de nombreuses monnaies de bronze. On y a recueilli, parmi divers objets, une belle boucle d’oreille en or imitant un poisson, et que M. l’abbé Cochet croit être du 4e ou du 5e siècle1. Dans l’enceinte de l’ancien hôtel de la Pomme-de-Pin, où le savant archéologue reconnut en 1865 un hypocauste romain, on trouva aussi des monnaies du 15e et du 16e

siècle, ainsi qu’un collier d’or ; ces objets sont actuellement déposés au Musée d’antiquités.

Saint-Jean (petite rue).

On appelait ainsi une petite rue, actuellement supprimée, qui, avec celles de Saint-Antoine et du Petit-Puits, servait de communication entre le Marché-Neuf et le Vieux-Marché. Elle est citée dans des actes de tabellionage de 1474 et de 1478 sous cette désignation : une petite ruelle tendant de la rue Escuyère à la rue Saint-Jehan.

Elle reçut en 1794 le nom de rue de la Section, et reprit sa dénomination précédente en 1795.

Saint-Julien (rue).= Rue du Pré, place des Chartreux. ― 11e section, 6e canton, Saint-Clément. ― Faubourg Saint-Sever.

Le prieuré de Saint-Julien, auquel cette rue doit son nom, était originairement une léproserie qui fut fondée en 1183 en faveur des filles nobles et des femmes lépreuses, et qui fut appelée la Salle-aux-Pucelles, dénomination qui a fait donner à une rue voisine celle de rue de la Pucelle. (V. ce nom.) Ce prieuré était également connu sous les noms de Saint-Julien-du-Parc, à cause du parc de Rouvray où il était situé, de Salle-du-Roi, parce qu’il avait été fondé par Henri II, duc de Normandie et roi d’Angleterre, et enfin de Saint-Julien-des-Bruyères, à cause des bruyères qui avaient envahi les défrichements faits dans son voisinage1. Cet emplacement portait aussi dans les premiers siècles le nom des Communes de Saint-Julien, à cause de l’usage où étaient les habitants de couper leur bois de chauffage dans la forêt de Rouvray, usage dont l’exercice illimité avait fini par faire disparaître les arbres, que remplacèrent plus tard des bruyères incultes.

Donné par échange, en juillet 1600, aux religieux de l’abbaye de Sainte-Catherine-du-Mont, dont Henri IV venait de détruire le monastère, le prieuré de Saint-Julien fut ensuite concédé, en 1667, aux Chartreux de Gaillon, lesquels avaient obtenu les revenus de l’ancienne abbaye et vinrent s’établir, en la même année, dans ce prieuré. On leur fit, peu de temps après, un nouvel enclos plus vaste et qui s’étendait jusque sur les paroisses du Petit-Quevilly et du Petit-Couronne. En 1682, les Chartreux de Notre-

Dame-de-la-Rose se réunirent à ceux de Saint-Julien ; ils avaient demeuré précédemment dans le hameau du Nid-de-Chien, dépendant du faubourg de Saint-Hilaire. (V. rue de la Petite-Chartreuse.) Le monastère des Chartreux a été supprimé en 1791, et l’ancien prieuré de Saint-Julien fut mis à l’encan et vendu deux ans après ; son emplacement a été occupé depuis par un établissement philantropique connu sous le titre de Colonie agricole du Petit-Quevilly. Il est actuellement divisé en propriétés particulières et percé de rues. (V. p. 124.)

La rue Saint-Julien reçut en 1794 le nom de rue de Thionville, et reprit en 1795 sa dénomination actuelle.

Dans cette rue est située la maison dite de Saint-Yon, où vinrent s’établir les frères des Écoles chrétiennes, qui avaient été appelés à Rouen, en 1705, pour diriger gratuitement les écoles de la ville. Cet emplacement avait fait partie d’un fief de Hauteville, et avait été successivement appelé le clos des Cochons et l’enclos des Maisons-cornues. Il reçut, au commencement du 17e siècle, son nom d’un maître de la Chambre des comptes de Normandie, Eustache de Saint-Yon, et devint, dans les premières années du siècle suivant, la propriété d’Anne de Souvré, veuve du ministre Louvois1.

En 1718, les frères des Écoles chrétiennes firent l’acquisition de l’enclos de Saint-Yon, où ils fondèrent un noviciat et une maison de retraite destinés à leur logement et à y retirer du libertinage les jeunes gens de famille qu’on leur confiait. Ils y construisirent eux-mêmes, et sans le secours d’aucun architecte, une église dont les premières pierres furent posées en 1728 et qui fut dédiée en 1734. Ils y transportèrent les restes de leur fondateur, J.-B. de la Salle, qui mourut à Saint-Yon en 1719, et qui avait été enterré dans l’église de Saint-Sever2.

La maison de Saint-Yon fut également employée à renfermer des individus arrêtés sur des lettres de cachet et des aliénés, en même temps qu’une déclaration du roi, du 14 décembre 1757, tendait à restreindre la faculté d’y retenir des fils de famille3.

Cet établissement fut fermé en juillet 1791, par suite du refus des frères des Écoles chrétiennes de prêter serment1. Il servit alors de prison à ceux des habitants qui étaient considérés comme suspects et qui ne durent leur salut qu’à la chute de Robespierre. Cette maison, dite de Sûreté générale, reçut plus de détenus que l’autorité royale n’en avait renfermé pendant le cours d’un demi-siècle2. On l’employa plus tard à divers autres usages, comme arsenal, dépôt de prisonniers de guerre, casernes, etc. En 1810 on y renferma des prisonniers de guerre espagnols. En 1812 on y ouvrit un Dépôt de mendicité pour le département3. Ce dépôt fut, en 1814, converti en un hôpital militaire, puis rétabli peu après, mais pour peu de temps, car on y installa de nouveau, en juin 1815, un hôpital militaire. Le Dépôt de mendicité fut définitivement remis en activité le 1er août de la même année. En 1819, sa population était de 368 individus, qu’on employait à tisser, à bouter des cardes, à filer du coton au jenny-mull. Ce dépôt fut supprimé en 1820. L’emplacement de Saint-Yon est actuellement occupé par l’Asile des aliénés, qui y a été fondé en 1825. (Voir page 14.) Mais cet hôpital étant devenu insuffisant, il sera transféré à Quatre-Mares, hameau dépendant de la commune de Sotteville, et la maison de Saint-Yon est probablement destinée à une nouvelle transformation, peut-être à la fondation d’un hôpital pour la rive gauche de la Seine, au sujet duquel une enquête a eu lieu en 1853.

Nous avons dit que les frères de Saint-Yon avaient édifié leur église, dont la façade est sur la rue Saint-Julien, et qui devint plus tard la chapelle du Dépôt de mendicité, puis celle de l’Asile des aliénés : en 1848, on reconnut la nécessité de ne plus admettre les étrangers aux offices de Saint-Yon ; cette mesure, qui fut prise dans l’intérêt des malades, devint préjudiciable aux habitants de ce quartier, qui y trouvaient une espèce de succursale de l’église de Saint-Sever. Cette succursale avait été établie en effet en 1802, puis supprimée en 1806. La chapelle de Saint-Yon vient d’être affectée une seconde fois, à titre provisoire, au service d’une nouvelle succursale qui a été érigée en 1868 sous le

vocable de Saint-Clément, et pour laquelle on construit une église. (Voyez rue Saint-Clément.)

Le cimetière de Saint-Sever, qui était en face de la maison de Saint-Yon, a été supprimé et remplacé, dans la rue d’Elbeuf, à l’angle de la rue de Trianon, par un nouveau cimetière qui fut inauguré le 1er juillet 1856 ; cet emplacement est actuellement traversé par la rue Saint-Clément.

Un champ de manœuvre pour la cavalerie de la garnison a été organisé en 1857 aux bruyères Saint-Julien, qui sont situées à l’extrémité de la rue de ce nom, près d’un Polygone1. C’est là qu’est établi l’hippodrome pour les courses de chevaux, dont l’organisation définitive date de 18602.

À l’époque révolutionnaire, ce vaste terrain fut le théâtre du pacte fédératif qui y eut lieu le 29 juin 1790. Les Affiches de Normandie font connaître que, le 2 mai précédent, on y avait passé la première revue de la garde nationale de Rouen, suivant le désir de l’article 16 du règlement du 16 décembre 1789. Déjà une montre, ou revue de six mille hommes sous les armes, y avait eu lieu en présence de François Ier, le 29 avril 1535.

Le 16 ventôse an II, à l’occasion de travaux de défrichement de cet emplacement, pour l’exécution desquels les habitants de Rouen furent commandés, on célébra une fête rurale qui réunit, sur le terrain situé entre la rue d’Elbeuf et la forêt de Lessart, terrain auquel fut donné le nom de champ de l’Égalité, une foule de travailleurs armés de bêches et de pioches ; en peu de jours, cette plaine immense, qui s’étendait depuis la Mare-du-Parc jusqu’au hameau de Quatre-Mares, fut mise en état de recevoir une plantation de pommes de terre, dont la culture commençait à se propager. Ce travail de défrichement a été complété en 18573.

L’avenue d’arbres qui termine la rue Saint-Julien sur le territoire du Petit-Quevilly, porte le nom d’avenue de Saint Julien. On donnait aussi la dénomination de grande avenue de Saint-Julien à un boulevard qui est appelé aujourd’hui l’avenue Girardin.

Saint-Laurent (rue). = Entre l’église de ce nom, au haut de la rue de l’Écureuil, et la rue Bouvreuil. ― 8e section, 2e canton, Saint-Godard. ― Quartier N.-E.

Tout le côté sud de cette rue a été supprimé pour l’établissement, parallèlement à la rue de l’Hôtel-de-Ville, d’une promenade plantée d’arbres entre le jardin de Solférino et l’église de Saint-Laurent, dont nous avons parlé à la page 194.

Le Ms. des Fontaines de 1525 la désigne ainsi : la rue qui va à Saint-Laurent de dessur la Renelle. Elle est inscrite, dans les plans de 1655 et de 1724, sous le nom qu’elle porte actuellement, nom qui était donné antérieurement à la rue de l’Écureuil, réunie à la rue Boutard.

Dans la rue Saint-Laurent était l’hôtel de Lampérière, médecin du roi, maison dont on voit la façade au fond d’une cour, à gauche de la rue de l’Hôtel-de-Ville, entre celles de l’École et de l’Écureuil.

Aux alentours de l’église de Saint-Laurent, dans les rues de ce nom, dans celles de l’École et du Coquet, on a reconnu à diverses époques des constructions antiques, des débris romains de toute nature, des monnaies, des poteries, etc.1

La rue Saint-Laurent fut appelée en 1794 rue de la Moselle ; elle reprit sa précédente dénomination en 1795.

Saint-Laurent (petite rue).

On avait donné en 1794, à cette rue, le nom de rue des Canonniers, puis celui de rue d’Avesnes. Elle a été supprimée pour l’ouverture de la rue de l’Hôtel-de-Ville.

La petite rue Saint-Laurent était mentionnée dans un acte de tabellionage de 1477 sous la désignation d’une petite ruelle par où l’on va de la rue Beauvoisine à l’église Saint-Laurent. On trouve, dans un autre acte de 1479, cette indication : Une maison bornée, d’un côté, par une allée allant du pavement de la rue de derrière l’église de Saint-Laurent au pavé de la rue Beauvoisine. Enfin, dans un acte du 2 décembre 1506, on l’appelle l’allée ou passage qui mène de l’hôtel des Trois-Étoiles aux aîtres de Saint-Laurent et de Saint-Godard.

Saint-Léger (chemin de).

Ainsi que l’indique son nom, ce chemin, qui a été déclassé en 1866, conduit à Saint-Léger, commune voisine de Rouen.

Saint-Lô (rue). = Rue des Carmes, place Verdrel. ― 9e section, 1er canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-O.

Cette rue a reçu, en 1794, le nom de rue de la Municipalité, par suite de la translation qui fut faite, le 8 janvier 1791, des bureaux de l’ancien Hôtel-de-Ville dans l’hôtel du premier président du Parlement, où ils restèrent jusqu’à leur installation à Saint-Ouen, en mai 1800. Elle est encore inscrite, sur un plan de 1817, sous le nom de rue de la Municipalité ou de Saint-Lô.

Sa dénomination actuelle vient de l’ancien prieuré de Saint-Lô, dont l’église était une des quatre plus anciennes de la ville. Farin la nommait la première paroisse de Rouen. Elle a été considérée par quelques auteurs comme ayant été, dans son origine, un temple de Roth, qui séduisoit les hommes, dit Farin, et les alléchoit par des voluptez infâmes et sacriléges. Ces historiens rapportent que l’idole fut renversée par saint Mellon, qui fut le premier archevêque de Rouen en 260, et que le temple fut dédié par lui sous le vocable de Saint-Sauveur ou de la Trinité.

En 914, par suite de la concession qui fut faite aux évêques de Coutances par Raoul, 1er duc de Normandie, l’évêque Théodoric y établit son siége et y apporta les reliques de saint Lô, dont le nom fut donné à l’église, qui fut regardée comme cathédrale, puis il prit le titre d’évêque de Coutances et de Saint-Lô. Pendant longtemps on donna depuis, au clocher de cette église, le nom de tour de Coutances. Le siége épiscopal de Coutances fut rétabli en 1056, mais les évêques regardèrent pendant longtemps comme leur propriété l’église de Saint-Lô, qui fut érigée en prieuré en 1144.

L’église paroissiale et collégiale de Saint-Lô était primitivement la même que celle du prieuré. À la suite de quelques débats intervenus en 1309 entre les religieux et les paroissiens, elle en fut séparée par une clôture en 1344. T. Duplessis rapporte, à ce sujet, que la partie supérieure demeura aux religieux, avec une entrée par un passage appelé plus tard la rue Neuve-Saint-Lô, actuellement la rue de Socrate, et que le reste fut abandonné pour le service paroissial, avec une entrée vis-à-vis de la rue

Boudin. Dans le plan de Gomboust, Saint-Lô paroisse est placée, au contraire, dans la rue de Socrate actuelle, et l’église du prieuré est en face de la rue Boudin. De son côté, M. E. de la Quérière, d’après le Ms. des Fontaines, dit que les deux églises, contiguës de l’est à l’ouest, n’étaient séparées que par un gros mur mitoyen1.

Cette dernière indication, conforme à celle de Gomboust, nous paraît être la plus vraisemblable, et l’on doit voir, dans la porte d’entrée actuelle de l’École normale, un reste du portail latéral du prieuré.

En 1316, la foudre tomba sur le monastère de Saint-Lô et renversa les voûtes du chœur, ainsi que la tour dite de Coutances. Cette tour fut reconstruite en 1362. En 1440, l’église tomba en ruines et fut réparée quelques années après ; l’église priorale, qui avait été également réparée, fut dédiée en 1455.

Il résulte d’un acte de tabellionage du 26 décembre 1479 que les religieux et les paroissiens de Saint-Lô possédaient une grant maison de pierre en façon de tour quarrée séante au bout de l’église paroissiale, contenant quatre étages de bas en haut et les uns sur les autres. Les paroissiens, soutenant que cette tour avait été réservée pour agrandir leur église quand il y aurait lieu, accrurent l’aile droite de cette église du côté du cimetière ; en 1483, ils l’augmentèrent encore du côté du cloître, sur l’ancien emplacement de la tour de Coutances, et l’église paroissiale fut dédiée de nouveau en 1533.

En 1663, les religieux de Saint-Lô, voulant étendre les limites de leur établissement, demandèrent à acheter ou fieffer, du bureau de l’Hôpital du roi, quelques maisons sises en la rue de l’Aumône, actuellement la rue des Fossés-Louis-VIII ; en 1663 et en 1666, il y eut des contrats de fieffe, et les religieux portèrent jusqu’aux dites maisons les bâtiments qu’ils firent construire2. Le manuscrit des Fontaines donne une vue de la porte Saint-Lô3,

en la rue de l’Omosne, ce qui indique qu’il y avait déjà une sortie de ce côté.

Les deux églises furent détruites, puis réédifiées et agrandies à diverses époques. Elles furent supprimées en 1791. L’église paroissiale fut accordée, deux ans après, au culte réformé, qui n’en jouit que pendant peu de temps. En 1798, il s’écroula une partie de ce double édifice par suite d’excavations qui y avaient été faites trois années auparavant pour établir une fabrique de salpêtre. Suivant M. E. de la Quérière, la cause en serait due plutôt aux évaporations qui finirent par attaquer la grande voûte. L’on voit encore, à l’entrée de la rue de Socrate, une portion des murs de l’église paroissiale.

Après avoir servi de prison pendant vingt-cinq à trente ans1, les bâtiments claustraux de Saint-Lô ont reçu en 1828 un emploi plus en rapport avec leur destination primitive ; ils sont devenus le siége de l’École normale des Instituteurs primaires, qui a été instituée par une ordonnance du 26 novembre 1823.

En 1841 ou 1842, en creusant pour établir les fondations d’une maison adossée aux murs de l’ancienne église de Saint-Lô, on trouva une quantité assez considérable d’ossements. On découvrit, en 1844, de fortes murailles vers l’angle formé par les rues Saint-Lô et Boudin ; elles semblaient avoir appartenu à un édifice important. En 1857, en démolissant une partie de la muraille de l’ancienne église paroissiale, au côté droit de la grande porte qui ouvre sur la rue Saint-Lô, on rencontra les restes d’un tombeau remontant au 14e siècle, époque de la construction de cet édifice. Un sarcophage en pierre, paraissant avoir appartenu au 12e ou au 13e siècle, fut encore découvert en 1858. L’ancienne abbaye de Saint-Lô est, au reste, ainsi que les rues environnantes et notamment la rue des Carmes, un centre archéologique qui renferme de nombreux et importants débris de l’époque romaine, comme l’attestent les découvertes qui y ont été faites à différentes époques, et sur lesquelles M. l’abbé Cochet a donné d’intéressants détails2. Déjà, de 1818 à 1833, on avait reconnu, dans l’enclave de Saint Lô, des restes du mur de la première enceinte de la ville.

La fontaine qui, depuis 1859, est placée en face de la rue Boudin, était précédemment adossée à une maison formant l’encoignure de la rue de Socrate. Elle commença à prendre cours le 2 septembre 1200, mais sa première origine remonte presqu’au berceau de la ville ; elle est entretenue par la source de Gaalor. Quelques historiens prétendent que c’était cette fontaine qu’on appelait « Fons meretricum » ; elle porta, en effet, pendant plusieurs siècles, la dénomination de fontaine des Femmes impudiques, sans doute parce qu’elle aurait été longtemps à l’usage des prêtresses de Vénus1.

De 1843 à 1845, la rue Saint-Lô a été prolongée en ligne directe jusqu’à la rue des Carmes. Avant cette époque, on donnait le nom de petite rue Saint-Lô à la portion qui, depuis la rue Boudin, venait aboutir à celle des Carmes par un coude auquel cette dénomination a été conservée en vertu d’un arrêté municipal du 22 octobre 1845.

Tout le côté gauche de la rue Saint-Lô, à partir de la rue Boudin, est occupé par le Palais-de-Justice et par les dépendances qui y furent ajoutées à diverses époques, notamment en 1844. (V. Palais-de-Justice.)

À droite de la rue, en face de l’une des voûtes qui conduisent dans la cour du Palais, est l’hôtel de l’ancienne première présidence du Parlement, dont on jeta les fondements en 17172, et dans lequel la Cour d’appel avait son greffe et une partie de ses salles d’audience, avant l’achèvement du Palais-de-Justice. On communiquait de l’un de ces édifices à l’autre au moyen d’une galerie ou arcade qui traversait la rue Saint-Lô à la hauteur du premier étage, et qui a été démolie vers 1855. Les bureaux de la mairie y avaient été installés en janvier 1791 avant d’être transférés à l’Hôtel-de-Ville actuel. On y établit successivement le bureau des Poids et mesures3, ceux de la Caisse d’épargne, qui y restèrent jusqu’à leur translation dans la rue de la République. On y tient les séances du conseil des Prud’hommes, qui, de l’Hôtel-de-Ville où il était précédemment établi, a été transféré

le 31 mars 1854 à l’ancien hôtel de la Présidence. Le rez-de-chaussée, en face de la porte principale, est affecté depuis le 16 avril 1855 aux audiences de la Police correctionnelle, dont l’ancienne salle sert depuis la même époque aux séances du Conseil de guerre, qui était précédemment à l’Hôtel-de-Ville. Le reste de l’hôtel est occupé pour les réunions des Sociétés savantes, qui y ont été officiellement installées en avril 1857 et qui y possèdent leurs bibliothèques et leurs archives. Une des salles du rez-de-chaussée renferme le Musée industriel, qui a été fondé par la Société libre d’émulation du Commerce et de l’Industrie de Rouen.

Le portail de cet hôtel a été démonté avec soin en 1854 et reconstruit, ainsi que les murs y attenant, pour l’élargissement de la voie publique à cet endroit.

Entre ce même hôtel et la rue de Socrate existait autrefois l’hôtel de Vallemont, qui avait une entrée dans cette dernière rue en face du portail de l’église de Saint-Lô, et qui fut incendié en 15641. Suivant M. E. de la Quérière, l’entrée de l’hôtel de Vallemont, qui était limité à l’ouest par l’ancien hôtel de Jumiéges sur l’emplacement duquel fut construit plus tard celui de la Présidence, était par une grande porte cintrée, à moulures gothiques, que l’on voit à gauche de la rue de Socrate et par laquelle on arrive au jardin de la Cour d’appel et à des bâtiments qui servaient, il y a peu d’années encore, de magasin général des pompes à incendie et de corps de garde des pompiers, avant leur translation dans une des nouvelles dépendances du Palais-de-Justice.

Dans la rue Saint-Lô était aussi un hôtel qui appartenait à la famille Lallemant ; c’est là, dit-on, que fut introduite l’imprimerie à Rouen, et que Martin Morin aurait imprimé en 1483 le Coustumier du Pays et Duchie de Normandie ou les Chroniques de Normandie, en 14872.

L’auteur des Lettres sur Rouen rapporte qu’il existait autrefois, dans la même rue, un peu au-dessus de la rue Boudin, une vieille chapelle qu’on croit avoir servi originairement de synagogue et qui aurait plus tard fait partie d’une propriété particulière.

Il y eut enfin, dans les limites de l’église de Saint-Lô, un couvent fondé par des religieuses Augustines venues d’Angleterre. On l’appelait le monastère de Saint-Sauveur et des Saintes-Marie-et-Brigitte de Sion ; il fut installé en 1580 dans une maison où demeura depuis un conseiller au Parlement nommé Salet. Cette communauté, qui avait embrassé le parti de la Ligue, fut supprimée sous le règne de Henri IV.

Saint-Lô (petite rue). = Rue des Carmes, rue Saint-Lô. ― 9e section, 1er canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-O.

On appelle ainsi, comme nous l’avons dit dans l’article qui précède, la portion de la rue Saint-Lô qui est comprise entre l’angle saillant formé par cette rue et par la rue des Carmes1.

Dans cette rue est la porte d’entrée de la partie de l’ancien prieuré de Saint-Lô qui dépendait précédemment de l’hôtel de Beaubec2, bâti en 1127 par Hugues de Gournay, et qui semble avoir été réuni plus tard à ce prieuré.

Pendant la révolution il y fut établi une maison d’arrêt, et on y installa provisoirement la gendarmerie. On trouve encore, dans un plan de 1814, l’indication de la place qu’occupaient les prisons de Saint-Lô, avant leur translation à la maison de détention de Bicêtre et à la conciergerie du Palais.

On voit, sur une maison faisant partie du côté nord de la petite rue Saint-Lô et formant l’angle de celle des Carmes, des ornements ou fleurons qui rappellent ceux qu’on remarquait sur la façade de cet édifice du côté de cette dernière rue, pour l’élargissement de laquelle elle a été démolie en 1848 et les ornements enlevés. Ils ont été déposés en partie au Musée des antiquités.

Saint-Maclou (aître ou passage de). = Rue Martinville, rue du Chaudron. ― 6e section, 3e canton, Saint-Maclou. ― Quartier S.-E.

L’ancien cimetière de Saint-Maclou, qui est entouré de galeries couvertes, a son entrée principale par la rue Martinville. Fondé vers l’an 14001, il a été agrandi en plusieurs fois aux dépens des habitations voisines, notamment en 1432 et en 1526. À cette dernière date furent construites trois des galeries ; la quatrième, où était un autel dédié sous le vocable de saint Michel, fut faite en 1640. En 1659, le bureau des pauvres valides y institua une école publique pour les garçons. Les galeries furent dévorées par un incendie en 1758 et réédifiées depuis. En 1762, on y créa des classes de travail pour les enfants pauvres. Des ateliers de filature qui avaient été établis par le curé de Saint-Maclou, et qui occupaient ordinairement un grand nombre d’indigents, furent détruits pendant les désordres de 1789.

Ce monument presque unique des cimetières du moyen-âge a été restauré en 1859 et en 1860. Il est actuellement occupé par les Dames de la communauté d’Ernemont, et affecté à la tenue d’écoles gratuites pour la paroisse de Saint-Maclou. Il est question de dégager tout un côté de ce curieux monument, au moyen du prolongement de la rue des Arpents jusqu’à la rue d’Amiens.

La Croix qui est au milieu de la cour fut inaugurée le 15 octobre 1818, aux frais d’une cotisation volontaire de quelques habitants de la paroisse, pour remplacer une autre croix qui avait été détruite en 1792.

L’aître Saint-Maclou et les emblèmes funéraires dont il est décoré ont fourni au savant artiste E.-H. Langlois l’occasion de donner une description des statuettes qui ornaient les galeries du cloître. La notice portant pour titre : Rouen au 16e siècle et la Danse des Morts du cimetière Saint-Maclou, que publia en 1832 la Société libre d’Émulation, a été, depuis la mort de notre célèbre antiquaire décédé à Rouen le 29 septembre 1837, refondue dans le bel ouvrage intitulé Essai historique, philosophique et pittoresque sur les Danses des Morts, etc.2

Saint-Marc (rue). = Place Saint-Marc, rue Martinville. ― 3e section, 4e canton, Saint-Maclou. ― Quartier S.-E.

Cette rue tire son nom des anciens clos Saint-Marc, dont l’emplacement est actuellement occupé par une place et un marché. (Voyez ci-après.) ― Cette rue a reçu, en 1794, le nom de rue des Volontaires, qu’elle ne conserva que jusqu’en 1795.

Une maison portant les nos 29 et 31 donne entrée à une cour appelée la cour des Trois-Toupies. Le linteau de la porte de cette maison représente en forme de blason trois toupies avec la date de 1628. C’était l’enseigne de la maison. On trouve aussi dans cette rue la cour Godin, la cour de la Ressource. Une ancienne cour, ou passage, appelée la vallée de Josaphat, a été supprimée lors de l’établissement de la place Saint-Marc.

Saint-Marc (place). = Les rues de Fontenay, de la Nitrière, Armand-Carrel, de la Grosse-Bouteille, Toupas, Saint-Marc et du Figuier. ― 3e section, 4e canton, Saint-Maclou. ― Quartier S.-E.

Cette place, de la création de laquelle la ville s’est occupée dès 1810, et dont les plans furent approuvés par ordonnance du 12 novembre 1832, a été établie sur l’emplacement du grand et du petit clos Saint-Marc1, qui avaient pris leur nom d’une antique chapelle ou s’installèrent les Cordeliers en 1228 avant d’être transférés en 1255 en l’église de Saint-Clément. (Voyez page 150.) Farin rapporte qu’en 1047 un chevalier nommé Grimoult Duplessis, ayant été pris par Guillaume-le-Conquérant, fut conduit à Rouen et renfermé dans une étroite prison où il fut étranglé. Il fut inhumé dans la chapelle Saint-Marc, ayant encore les fers aux pieds. La chapelle Saint-Marc, qui était proche de la rivière d’Aubette2 et qui avait été incendiée antérieurement à 1342, fut réédifiée en 1435 sur ses anciennes ruines, aux dépens de la confrérie des notaires apostoliques qui avait été organisée au 13e siècle sous le titre de Notre-Dame ou de Saint-Marc ; elle fut donnée

au grand Séminaire en 1693, fut supprimée en 1791, puis démolie en 1835.

Les clos Saint-Marc faisaient anciennement partie du fief des seigneurs du Tot, qui avaient le droit d’y faire tenir un marché. L’un de ces clos est désigné, dans un plan de 1655, sous le nom de Clos-du-Puys. Dans les derniers siècles ce quartier était devenu des plus misérables ; il a été déblayé et transformé en une place plantée d’arbres et garnie de fontaines, où un marché a été établi en 1837. On y a construit en 1846 des hallettes qui sont occupées par des marchands. La place a été mise en communication avec les quais par l’ouverture d’une rue appelée actuellement la rue Armand-Carrel. (Voyez page 9.) Il existe un projet d’ouvrir jusqu’à la rue Martinville la place et le marché Saint-Marc, et de prolonger même la rue Armand-Carrel jusqu’à la rencontre de la rue d’Amiens.

Le clos Saint-Marc reçut en 1794 le nom de clos des Volontaires.

Saint-Mathieu (rue). = Rue des Pépinières, rue Projetée. ― 11e section, 6e canton, Saint-Clément. ― Faubourg Saint-Sever.

Ouverte en 1847 sous le nom de rue Lhuillier, provenant sans doute d’un propriétaire, cette rue a reçu depuis un nom qui rappelle le souvenir historique du manoir de Saint-Mathieu, où s’établirent au 13e siècle les religieuses Emmurées.

Saint-Maur (rue et impasse). = Rampe Bouvreuil, la campagne vers le Mont-Saint-Aignan. ― 4e section et Saint-Romain pour les nos pairs, 12e section et Saint-Gervais pour les nos impairs ; 5e canton. ― Faubourg Bouvreuil.

Cette rue a pris son nom de l’ancien « hamel de Saint-Mor, » dont il est parlé dans plusieurs actes de tabellionage de 1427, et dont faisait partie un lieu appelé le Mont-aux-Juifs1, et le champ ou clos aux Juifs, lequel fut acquis en 1462 par les religieuses de l’Hôtel-Dieu pour y établir un cimetière2. Ce cime-

tière sert encore à l’inhumation des personnes décédées à l’Hôtel-Dieu, malgré les réclamations réitérées des habitants de ce quartier, où l’on a édifié un grand nombre de maisons depuis le commencement du 19e siècle.

La rue Saint-Maur a porté aussi le nom de rue Saint Nicolas, comme l’indique un titre portant rue Saint-Nicolas-de-Beauvoir, le long du mont aux Juifs, paroisse de Saint-Patrice1. Un acte du 1er avril 1467 mentionne la vente d’une maison, jardin et arbres, en la rue Saint-Mor, piéça nommée rue Saint-Nicolas, b. d. c. la rue tendant de la rue Saint-Mor à la porte de Bouvreuil, d’autre côté le clos aux Juifs, etc. Un autre acte de 1476 cite la rue Saint-Mor anciennement nommée la rue Saint-Nicolas-de-Beauvais. Cette dénomination de Saint-Nicolas provenait d’une ancienne chapelle dite de Saint-Nicolas-de-Beauregard, ou de Beauvoir, dont il est fait mention dans une bulle du pape Urbain III ; elle était située à l’entrée du cimetière du côté de l’orient, et fut démolie pendant les guerres civiles du 15e siècle, puis remplacée par une plus petite qui n’existe plus et qui servit de lieu de sépulture des religieux et religieuses morts de la peste. C’est aussi de cette ancienne chapelle, dédiée en 12242, qu’est provenu le nom actuel du cimetière et du hameau où il est situé.

Une seconde chapelle, appelée la chapelle de Saint-Étienne ou de Limésy, fondée en 1288, était placée au milieu du cimetière et fut également détruite à la même époque que la précédente. Une troisième chapelle, dite des Trépassés et des Saints-Morts, fut construite en 1472. Elle fut fondée, dit Farin3, à l’honneur de la résurrection de Notre-Seigneur, de saint Lazare et de sainte Marthe, quoique le simple peuple la nomme communément la chapelle de Saint-Maur, ou plutôt de Saint-Mor, peut-être à cause du grand nombre de morts qui y sont inhumés. C’est, en effet, sous ce nom de Saint-Mor que figure ce quartier dans les divers actes de tabellionage du 15e siècle que nous avons cités. La chapelle des Trépassés existait encore en 1820, et l’on ne voit plus que quelques vestiges des murs extérieurs. Elle possédait des

vitres d’une grande beauté qui ont été placées depuis dans l’église de Saint-Romain.

Pendant les désastreux ravages des épidémies qui désolèrent notre ville au 16e et au 17e siècle, le cimetière de Saint-Maur fut désigné par le Parlement pour l’inhumation des pestiférés, ce qui fit donner à ce cimetière le nom sous lequel il est désigné dans un plan de 1655, et qu’il conserva jusque vers le milieu du 18e siècle. On voit encore, dans le cimetière de Saint-Maur, au pied de la croix, la place où furent inhumés dix-neuf pères capucins qui périrent victimes de la contagion dans les années 1622 à 1624, et dont les noms sont gravés sur la pierre monumentale qui les recouvre. Là était aussi, à cette même époque, le charnier dit de Saint-Maur, où furent déposés les corps des individus morts de la peste au Lieu-de-Santé. Ces corps restaient découverts faute de terre ; il fallut que la cour du Parlement donnât des ordres pour en faire apporter par les marqueurs et les charretiers de la santé.

On a donné, en 1794, à la rue Saint-Maur le nom de rue de Granville ; elle reprit l’année suivante sa dénomination actuelle.

Dans cette rue était une vaste propriété appelée le clos de Campulley ; elle fut vendue vers 1836, après le décès des propriétaires, et plusieurs rues y ont été ouvertes.

Saint-Maur (petite rue). = Rue Saint-Maur, rue Crevier. ― 12e section, 5e canton, Saint-Gervais. ― Faubourg Bouvreuil.

Ce n’était, avant 1819, qu’une simple ruelle à laquelle on avait donné, au moment de son ouverture, les noms de rue Neuve-Saint-Maur ou du Clos-de-la-Carte ; cette dernière dénomination provenait de la propriété sur laquelle elle fut percée. On l’appela ensuite la petite rue Saint-Maur, nom qu’elle a conservé quoiqu’elle ait acquis une certaine importance. Il semble regrettable que cette rue n’ait pas été choisie pour perpétuer le souvenir de l’historien de la ville de Rouen, de préférence à la rue voisine qui porte actuellement le nom de rue Farin. (Voyez page 219).

Saint-Michel (rue). = Rue de Vaucouleurs, dans la cité de Jeanne-d’Arc, la campagne vers le Boisguillaume. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Beauvoisine.

Ce nom a été donné, par un propriétaire, à une rue nouvellement ouverte dans la cité de Jeanne-d’Arc.

Saint-Nicaise (rue). = Rue Orbe, rue de la Roche. ― 2e section, 2e canton, Saint-Nicaise. ― Quartier N.-E.

Cette rue, dont il est fait mention dès le 13e siècle1, a pris son nom de l’église de Saint-Nicaise, qui n’était primitivement qu’une chapelle située bien loin hors de la ville2. Fondée vers le milieu du 7e siècle par saint Ouen, qui y mit les reliques du pieux évêque, elle devint église paroissiale en 1388.

Cette église possède quelques vitraux remarquables. L’orgue fut placé en 1634. Sa tour fut renversée par un ouragan le 16 mars 1518. La nef, qui est plus ancienne que le chœur, ne répond pas à la beauté de cette partie de l’édifice, que l’on dit avoir été construite vers la fin du 15e siècle. S’élevant au-dessus de la vieille nef, ce chœur montre, par ses pierres d’attente, que l’argent a manqué pour continuer l’œuvre commencée ; ce qui donna naissance à un dicton populaire à l’adresse des gens ayant plus de vanité que d’argent : Ils sont comme les paroissiens de Saint-Nicaise ; ils ont le cœur plus haut que la bourse3. Dans sa spirituelle anecdote normande, intitulée la Boise de Saint-Nicaise, M. A. Floquet rapporte autrement ce dicton, dont le fond a toujours la même signification. Un bel esprit de Saint Godard avait dit, en apercevant le comble de l’église de Saint-Nicaise bâtie à mi-côte : Les habitants de Saint-Nicaise ont le cœur haut et la fortune basse ; ceux-ci ripostèrent en disant qu’aux enfants de Saint-Godard l’esprit ne venait qu’à trente ans, faisant allusion à la richesse des habitants de cette paroisse, qui les dispensait de travailler pour gagner de quoi vivre, comme étaient obligés de le faire les paroissiens de Saint-Nicaise.

Cette église fut mise en 1791 au nombre des treize paroisses qui furent conservées à Rouen ; fermée et dépouillée en 1802, puis rétablie en 1806 sous le titre de succursale, elle est redevenue paroissiale en 1829.

En 1856, en creusant la terre pour asseoir les fondations d’une construction dans les dépendances de l’église de Saint-Nicaise, on a recueilli plusieurs vases en poterie et en verre, ainsi que d’autres menus objets de l’époque romaine4.

On donna, en 1794, à la rue Saint-Nicaise le nom de rue de la Patrie ; elle reprit son ancienne dénomination en 1795, époque où on lui réunit une rue Coulon dont les plans de 1655 et de 1724 ne font pas mention, et qui elle-même avait reçu le nom de rue de Grenelle. Cette rue Coulon, citée par Taillepied, était connue aussi, avant le 15e siècle, sous le nom de rue de la Maine ou du Mayne1, ainsi que le fait connaître un acte de tabellionage du 12 août 1464, portant que les paroissiens de Saint-Nicaise prirent à fief des religieux de Saint-Ouen, un hôtel, maison, puits et édifices devant le grand portail de Saint-Nicaise, bornés d’un bout la rue de la Mayne, à présent nommée la rue du Coulomb2, devant le moustier de Saint-Nicaise, et une allée par où l’on va en la rue de Coignebert, jadis nommée la rue Thomas-Lecomte. Un acte de 1463 constate l’existence d’une corporation de drapiers qui étaient en grand nombre dans ce quartier. Il concerne un petit jardin, auquel naguère y avoit un pescher, au coin du carrefour où s’assemblent les drapiers, borné d’un côté la rue de la Maine.

Le quartier de Saint-Nicaise a été, en effet, avec celui de Saint-Vivien (voyez cette rue), au 14e et au 15e siècle, le centre de la fabrication des étoffes de laine. On désignait sous la dénomination des purins de Saint-Nicaise les ouvriers employés à cette industrie. Ce surnom est encore donné à Lisieux, aux ouvriers attachés à la fabrique des frocs et s’occupant particulièrement du lavage des laines. Le mot « purer » est employé comme synonyme de dégoutter.

Le nom de rue Coulon ou de Coulomb tirait son origine d’un coulon, oiseau, qui était encore figuré en plomb, il y a peu d’années, sur la lucarne d’une des maisons de cette rue. On appelait coulomb, au 16e siècle, un oiseau qu’on laissait s’envoler dans les églises, le jour de la Pentecôte, pour figurer la descente du saint Esprit sur les apôtres. Cette coutume subsistait encore à la fin du 17e siècle3. Le voisinage de l’église de Saint-Nicaise semblerait

donc indiquer, dans la figure de cet oiseau, la représentation emblématique qu’on aurait voulu faire du saint Esprit sous la forme d’une colombe. La même étymologie pourrait être donnée à l’ancien nom de la rue du Sacre, qui est voisine de l’église Saint-Patrice.

Saint-Nicolas (rue). = Rue du Père-Adam, rue des Carmes. ― 7e section, 3e canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-E.

Le nom de cette rue vient de l’église qui était située sur une petite place, vis-à-vis de la rue de la Croix-de-Fer. Cette église existait dès 1120. On l’appelait Saint-Nicolas d’Albane, à cause de sa proximité du collége de ce nom, et Saint-Nicolas-le-Peintre ou le Painteur, par allusion à la beauté de ses vitres. Elle fut brûlée ou détruite plusieurs fois ; reconstruite en dernier lieu en 1503 et dédiée en 1535, l’église Saint-Nicolas n’était plus à l’usage du culte depuis 1791, et a été démolie en 1840. (Voyez place Saint-Nicolas.

La rue Saint-Nicolas est citée dans plusieurs actes de tabellionage du 15e siècle ; elle est mentionnée dans une charte de 12541.

Dans cette rue étaient, le collége du Pape ou des Clémentins2, qui fut fondé en 1349, par Pierre Roger, archevêque de Rouen, devenu pape sous le nom de Clément VI, et que dota Guillaume d’Estouteville ; et le collége de Darnétal3, qui était le plus ancien des quatre colléges institués pour loger le bas-clergé de la Cathédrale ; il fut établi dans le commencement du 13e siècle ; ses revenus furent augmentés par Guillaume de Flavacourt.

La rue Saint-Nicolas, à laquelle fut réunie en 1795 celle des Cinq-cerfs, vient aboutir à la rue de la République ou plutôt à la rue du Père-Adam par une espèce d’impasse qui communiquait, au moyen d’une ruelle, avec la rue Damiette (voyez ce nom), comme on le voit dans les plans de 1784 et des années antérieures.

Il y a, dans cette rue, un établissement nommé la maison des

Bonnes-Œuvres, et qui possède une chapelle. Il réunit diverses associations charitables, connues sous le nom de Société de Saint-Vincent-de-Paul, établie depuis 1830 et ayant pour but la distribution de secours à domicile et la vente à prix réduits des objets de consommation ; le cercle de Saint-François-de-Sales, créé en 1860, pour les jeunes gens, avec bibliothèque et lieux de réunions et de conférences ; la société de Saint François-Régis pour le mariage des pauvres ; une société de secours mutuels sous le patronage de saint Joseph, fondée en 1853 en faveur des ouvriers, etc.

On donna en 1794, à la rue Saint-Nicolas, le nom de rue des Démocrates ; son ancien nom lui a été rendu en 1795.

Saint-Nicolas (place et passage), dans la rue du même nom. ― 7e section, 3e canton. ― Quartier S.-E.

Les matériaux de l’ancienne église dont nous parlons dans l’article qui précède, ont servi à la construction d’un hôtel qui porte le même nom. Au fond de cette petite place étaient établis, il y a un certain nombre d’années, les bureaux de l’administration des postes.

Un passage attenant à l’hôtel Saint-Nicolas, et qu’on appelait en 1829 le passage Rémy, du nom de son propriétaire, conduit à la rue de la Chaîne, où il arrive après avoir traversé une propriété particulière. On voit, dans une maison de ce passage, des vestiges de l’ancienne église de Saint-Nicolas et de sa sacristie.

Saint-Patrice (rue). = Rue Jeanne-d’Arc, rue de Lémery. ― 8e section, 2e canton, Saint-Patrice. ― Quartier N.-O.

Cette rue est indiquée dans divers actes de tabellionage sous le nom de rue des Balences, qu’elle tenait probablement d’une enseigne1. Un acte de 1423 mentionne une maison sise en la rue des Balances près la rue des Camps (Champs-Maillets), sur la paroisse Saint-Patrice. Un autre acte de 1428 cite un héritage tenant d’un bout à la rue aux Truyes et d’autre bout à la rue des Balenches. Plus tard, on la voit indiquée sous le nom de rue de la Hoterie. Des actes de 1460 et de 1463 font mention d’une rue de ce nom située en la paroisse Saint-Patrice, près des murs de la ville. Il est question, dans ce

dernier acte, d’une maison bornée par lesdits murs et par ceux de la Hoterie, dénomination qui semble être provenue d’une hôtellerie appelée le Porche-Maudyne, dont nous avons parlé à l’article de la rue Porte-aux-Rats. Ce n’est qu’en 1477 qu’on trouve un hôtel assis en la rue Saint-Patrice, borné d’un bout la haulte rue Saint-Patrice. On désignait probablement ainsi l’impasse qui conduisait à l’église, et qui depuis a été ouverte jusqu’au boulevard. Un autre acte du 31 mai 1503 indique une maison bornée d’un côté la porte et la rue Étoupée, d’un bout par devant la rue Saint-Patrice, d’autre bout par derrière le chemin des murs. Enfin, la portion de cette rue qui avoisinait l’ancienne prison du Bailliage est appelée dans un acte du 15e siècle rue de la Galère.

La rue Saint-Patrice reçut en 1794 le nom de rue des Parisiens, et reprit l’année suivante sa dénomination actuelle.

L’église de Saint-Patrice en remplaça une autre qui avait été brûlée entièrement en 12381, et fut rebâtie au 13e siècle beaucoup plus petite qu’elle n’est à présent ; puis elle fut réédifiée en 1535, et augmentée, en 1648, de la chapelle dite de la Passion et de tout le côté qui donne sur la rue jusqu’au bas de la nef. Son clocher paraît appartenir au 17e siècle. Son orgue fut réparé et reçu en 1790. Cette église possède de magnifiques vitraux du 16e siècle2. Mise en 1791 au nombre des treize églises paroissiales, et fermée en 1793, elle fut rendue en 1802 au culte catholique, après avoir été momentanément occupée par la secte des théophilantropes qui y célébrèrent leur culte. L’église Saint-Patrice est encore une des églises paroissiales de la ville.

Une confrérie de la Passion de N.-S. fut instituée en l’église de Saint-Patrice en 1374. Cette confrérie érigea en 1543 un puy à l’instar de celui de l’Immaculée Conception (v. Sociétés savantes), où l’on invitait les poètes à écrire sur le sujet de la Passion. Cette église était aussi le siége de plusieurs anciennes confréries industrielles, couteliers, aiguilliers, etc. Il y avait sur cette paroisse, en 1651, une communauté de prêtres, dont la maison était bâtie sur un fond qui lui appartenait. Elle portait le nom de communauté de Saint-Patrice et jouissait de plusieurs priviléges accordés par le roi. Elle est inscrite sur les plans de

1655 et de 1724 sous le titre de séminaire de Saint-Patrice. C’est actuellement la maison des dames Carmélites. (V. rue Neuve-Saint-Patrice.)

En face de la rue Étoupée est une maison appartenant à la fin du 16e siècle, qui occupe l’emplacement de l’ancienne porte d’Arras, fermée en 1527 ; elle est indiquée par un écrivain contemporain sous ce titre : Maison bouchant la rue Étoupée. Les pères de la compagnie de Jésus vinrent s’y établir en 1846, après s’être installés cinq années auparavant dans la rue Poisson. Sous cette maison est un vaste souterrain rempli d’eau, qui se dirige du côté de la rue Saint-Maur, en passant sous le boulevard.

On a recueilli dans le voisinage de l’église des poteries et des tuiles romaines, des monnaies, etc.1

Saint-Paul (place). = Cours et route de Paris, rue du Chemin-Neuf. ― 1re section, 5e canton, Saint-Paul. ― Faubourg Martainville.

Cette place, située près de l’ancienne église de Saint-Paul, en a tiré son nom. La vieille église, qui subsiste encore en partie derrière le nouvel édifice qui l’a remplacée, est un des monuments les plus antiques de Rouen. Elle est mentionnée dans une charte normande des premières années du 11e siècle. Quelques auteurs ont prétendu que c’était autrefois un temple des faux Dieux : Il y avait, dit Rondeaux de Sétry, un temple d’Adonis en cet endroit, dont la situation est charmante2. D’autres historiens disent que ce temple était consacré à Mars, et que c’est là l’origine du nom du faubourg Martinville (Martis-villa)3. Toutefois, la construction de la partie principale de ce monument, celle que l’on a conservée, ne remonte pas au-delà du 10e siècle, et ce qui subsiste encore est un des plus curieux spécimen de l’époque normande. La nef ayant été abattue lors de la construction du nouvel édifice, il n’est resté que la triple abside du chœur de l’ancien, qui sert de sacristie à l’église actuelle. Son mobilier a été mis en vente en 1830.

L’ancienne église de Saint-Paul avait été agrandie en 1618.

Dans un voyage que fit Louis XV à Rouen en 1749, ce prince s’y arrêta pour entendre la messe. Elle fut conservée comme église succursale en 1791, puis fermée peu de temps après. On la rendit au culte catholique sous le même titre de succursale. En 1827, on a construit une église nouvelle en avant de l’ancienne qui était devenue insuffisante. Cette nouvelle église, d’un style simple, a été inaugurée en 1829.

Sur le fief de Saint-Paul, dans l’emplacement où a été formé depuis un établissement d’eaux minérales, qui était encore fréquenté à la fin du 18e siècle, et qui fut ensuite occupé par une filature, il y avait jadis un prieuré de religieuses dépendant de l’abbaye de Montivilliers. Ce prieuré, fondé vers 1266, fut supprimé en 1660. Les nonnes assistaient à l’office de la paroisse dans un petit chœur grillé. L’abbesse de Montivilliers avait à Saint-Paul une juridiction de haute, moyenne et basse justice, qui, même après la suppression du prieuré, était encore, avant la révolution du dernier siècle, exercée en son nom par un bailli, dans un prétoire situé près de l’église. (V. rue du Val-d’Eauplet.)

Le cimetière de Saint-Paul a été supprimé en 1784 et a été transformé depuis en une esplanade qui, avant l’établissement du Grand-Cours, était le lieu de promenade des gens du monde ; on y a établi un square dont l’ouverture a eu lieu en 1867. Il y a été préalablement institué, par les soins de M. Jules Le Picard, qui en est le fondateur, une école de filles dirigée par des sœurs de Saint-Vincent-de Paul. Cette école, inaugurée le 20 juillet 1862, se compose de deux classes pour les enfants, d’un ouvroir pour les jeunes filles. On y a réuni, en 1866, un dispensaire pour des consultations gratuites, pour la distribution de soupes, et pour la visite des pauvres à domicile. Une chapelle y a été édifiée en 1868.

Saint-Pierre (rue).

Il a existé à Rouen plusieurs rues de ce nom. L’une d’elles, la rue Saint-Pierre-le-Portier, fait actuellement partie de la rue de Fontenelle. Une autre, appelée Saint-Pierre-du-Châtel, qui tend de la rue Nationale à la rue aux Ours, en suivant la partie latérale droite de l’ancienne église du premier palais des ducs de Normandie, a été réunie à la rue Nationale. Une autre rue Saint-Pierre, dont nous ne connaissons pas la situation, aurait existé,

suivant Taillepied, dans le quartier de Martinville. ― Observons toutefois, comme nous l’avons déjà dit, que la nomenclature donnée par cet écrivain n’est pas toujours exacte, et qu’elle indique souvent la situation dans un quartier des rues qui appartiennent à un autre.

Saint-Romain (route de).

On appelle ainsi communément une route ouverte depuis 1845 pour adoucir la pente du Mont-Riboudet, à gauche de l’avenue de ce nom, à la hauteur de la rue Binet.

Saint-Romain (rue). = Rue de la République, rue des Quatre-Vents. ― 7e section, 3e canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-E.

Cette rue a porté anciennement les noms de rue des Féronniers, provenant du voisinage de la halle des Féronniers, une des branches de l’industrie du fer, et de rue de l’Archevêché, ainsi que l’indiquent les plans de 1655 et de 1724, parce que ce palais avait primitivement son entrée par cette rue. Mais, depuis longtemps, elle est connue sous celui de rue Saint-Romain, du nom de l’un des anciens archevêques de Rouen, auquel on attribue l’agrandissement ou la reconstruction de la Cathédrale et la fondation de la tour nord du portail de cette église. D. Toussaint Duplessis dit que la rue Saint-Romain a pris son nom d’une ancienne chapelle qui ne subsistait plus à l’époque où il écrivait1 (v. rue des Prêtresses) ; d’autres rapportent son origine à une enseigne. Un acte de tabellionage de 1498 indique en effet : l’hostel de l’Écu-de-France et l’hostel où pend l’enseigne de Saint-Romain, au côté devers la rue d’Albenne (la rue des Quatre-Vents) et la rue de la Féronnerie. Il existait encore, en 1764, dans cette rue, une enseigne à l’image de Saint-Romain.

Outre celui des Féronniers, plusieurs actes de tabellionage du 15e siècle donnent à la rue Saint-Romain les noms de rue de la Féronnerie ou de la Féronnière, et de rue aux Férons, lesquels ont, au reste, la même signification. On lit dans un acte du 10 septembre 1423 : Maison yssant par derrière en la rue aux

Férons, et par devant au pavé devant l’estre de la grande église de Notre-Dame, et d’un côté ladite grande église. Un autre acte de 1466 mentionne un hôtel assis en la rue de la Féronnerie, d’un côté l’hôtel Saint-Romain, d’autre côté l’hôtel de la Croix-de-Fer, en ladite rue de la Féronnerie.

Quelques personnes pensent néanmoins que la rue de la Féronnerie et celle des Féronniers étaient deux rues distinctes communiquant l’une dans l’autre, et qui seraient aujourd’hui la rue de la Croix-de-Fer et celle de Saint-Romain. Quoi qu’il en soit, la dénomination de cette dernière rue était encore incertaine en 1503, car un acte du 7 septembre de cette même année lui donne les désignations suivantes : La rue qui mène de la cour de l’Église à Saint-Maclou, puis ladite rue qui descend du portail aux Libratiers à l’église de Saint-Maclou.

La cour de l’Église, c’est-à-dire la cour ecclésiastique métropolitaine et primatiale de Rouen, avait été instituée le 5 octobre 1355 sous l’archiépiscopat de M. de la Forest1. Le palais de l’Archevêché, dont le portail est dans la rue des Bonnetiers, n’était d’abord qu’une maison fort simple qui avait son entrée par la rue Saint-Romain, près du portail des Libraires. Le mur de l’ancienne maison de l’Officialité en est encore un reste. Ce palais fut considérablement augmenté en 1079 par Guillaume-Bonne-ame2.

Les archevêques de Rouen avaient leur droit de justice dite les hauts-jours. Cette haute justice relevait du Parlement, où les sénéchaux devaient comparaître à des jours déterminés.

Dans la rue Saint-Romain était encore, en 1788, le greffe de la juridiction supérieure des hauts-jours de l’Archevêché, titre qui lui avait été imposé par un arrêt du Parlement du 2 juillet 1515. C’était le siége du procureur des officialités métropolitaine et diocésaine de Rouen. Près de là était la prison de la cour d’Église ou de l’Officialité, dont la juridiction fut transférée dans la chapelle dite des Ordres. On voit encore les murs de cette prison, qui sont en même temps un reste de l’ancien archevêché, auprès de la porte aux Boursiers qui précède le portail des Libraires. Outre la fosse qui faisait partie de cette prison, il y en avait une autre sous la tour de Saint-Romain3.

Le portail latéral nord de la Cathédrale de Rouen, appelé le portail des Libraires, est précédé d’une cour, dans laquelle on entre par un avant-portail qui fut construit en 1481. On l’appelait précédemment le portail aux Boursiers. Cette dernière dénomination vient des marchands de bourses qui étaient établis dans le passage ou près de cette porte. On appelait bourses, du grec bursa, des espèces de petits sacs en cuir que l’on portait attachés à la ceinture par des courroies. La cour des Libraires était entourée de boutiques, qui étaient occupées par des marchands ou faiseurs de livres. Il semblait exister, au 15e et au 16e siècle, quelque différence entre la profession de libraire et celle des libraliers ou libratiers, mots par lesquels on désignait ceux qui se livraient à la confection des livres non encore imprimés. Un acte de cette époque fait mention d’un libraire qui demeurait dans la cour des Libratiers.

À droite de la cour des Libraires est un grand bâtiment qui comprenait, au rez-de-chaussée, le cloître des chanoines et la salle capitulaire ; au-dessus était la bibliothèque du chapitre. Les archives du district de Rouen y furent déposées en 1790.

La fontaine qui est située près de la cour des Libraires avait été établie en 1500 au-dessus de l’emplacement qu’elle occupe actuellement. Elle fut reconstruite en 1743, et l’on y plaça une inscription qui a été mutilée en 1792.

Outre le collége de l’Albane qui était dans la rue de ce nom (la rue des Quatre-Vents), il y avait, dans la rue Saint-Romain, presque en face du portail des Libraires, le collége du Saint-Esprit ou de Flavacourt, qui fut fondé en 1305 par l’archevêque de ce nom, pour loger les musiciens de la Cathédrale, sur un emplacement connu aussi sous le nom d’hôtel des Chapelets. Ces deux colléges, avec ceux de Darnétal et du Pape, composaient les quatre établissements destinés à loger les membres du bas-clergé de la métropole.

On voit encore, en face de la fontaine, une maison en bois de style gothique, à deux étages faisant saillie l’un sur l’autre et sur le rez-de-chaussée, avec figures de saints. À l’angle de la rue de la Croix-de-Fer était une autre maison dont la façade a été démolie en 1837 et était ornée de sculptures qui ont été transportées au Musée d’antiquités1.

Au bas de la rue Saint-Romain était, au 11e siècle, le carrefour des Cordonniers, dont la rue des Savetiers, qui n’existe plus, avait tiré son nom. Il y avait eu là une porte de la ville, nommée la porte de l’Orient1. Nous pensons, a dit à ce sujet Aug. Leprevost, l’un de nos plus savants archéologues, que l’enceinte rectangulaire de la ville n’était alors percée que de quatre portes, dans la direction des quatre points cardinaux. Cette porte était aussi désignée sous les noms de porte de Robec ou de Malpalu ; elle fut plus tard reculée au pont Honfroy, et devint ensuite la porte Martinville.

Dans la Seine-Inférieure historique et archéologique, M. l’abbé Cochet fait remarquer qu’aucune rue, aucun quartier de la ville, ne porte le nom de la Cité, qui est si commun dans les anciennes villes de la Gaule et de la Grande-Bretagne. Cette dénomination pourrait être donnée à la rue Saint-Romain, qui paraît avoir été le premier centre de Rouen avant ses premiers agrandissements. Ce changement de nom ferait cesser les erreurs que commettent les personnes étrangères qui, se fondant sur l’usage assez général de donner à de certaines rues les noms des églises placées dans leur voisinage, sont exposées à aller chercher la rue Saint-Romain dans le quartier du Champ-des-Oiseaux.

En 1825, nous apprend aussi M. l’abbé Cochet, on trouva dans l’enclave de l’Archevêché, en creusant le puits d’un paratonnerre, des tuiles et des briques romaines, ainsi qu’un petit bronze du Bas-Empire.

Des réparations ont été faites en 1858 au portail des Libraires et aux murs extérieurs du palais archiépiscopal, du côté de la rue Saint-Romain, au bas de laquelle est la porte d’entrée des bureaux de l’Archevêché, lesquels étaient précédemment dans la rue des Bonnetiers. À l’encoignure de ce palais était, au 16e siècle, une madone, auprès de laquelle scintillait une lanterne ; cette madone fut détruite par les calvinistes en 15622.

En 1794, on avait donné à la rue Saint-Romain le nom de rue du Citoyen, qu’elle porta jusqu’en 1795.

Saint-Sever (rue). = Place Saint-Sever, rue du Pré. ― 11e section, 6e canton, Saint-Sever. ― Faubourg du même nom.

La rue Saint-Sever occupe l’emplacement désigné, dans un

plan de 1724, sous le nom de la Chaussée, et que, suivant une chronique de P. Cochon, l’on commença à paver pour la première fois en 1406. Le faubourg du même nom, qui est considérable et par son étendue et par sa population, est situé sur la rive gauche de la Seine, entre les communes de Sotteville et du Petit-Quevilly. Son église paroissiale n’était d’abord qu’une petite chapelle au faubourg d’Émendreville1. Tel était le nom que portait ce faubourg dès le 11e siècle2, et qui lui fut longtemps conservé. Quelques historiens attribuent l’origine de ce nom à une famille d’Ermentreville qui vivait au 13e siècle3. D’autres la rapportent à une dame ou à une sainte appelée Ermantrude, dont on aurait fait Ermentrudis-villa, puis Émendreville. Parmi les étymologies que divers écrivains prêtent encore à ce nom, l’auteur des Lettres sur Rouen adopte l’opinion qui le ferait dériver de « minor-villa, » moindre ville, petite ville, d’où serait venu Mendreville, et par corruption Émendreville. Nous ne faisons que rapporter cette dernière interprétation, plus ingénieuse peut être que juste.

L’église reçut, en 990, le nom de saint Sever, lorsque les reliques du saint évêque d’Avranches y eurent été transportées pour les garantir d’une troupe de brigands qui ravageaient le pays. Farin rapporte que, pendant la translation du corps de ce saint, partout où il fut déposé pour y passer la nuit, on trouva le lendemain une telle résistance, qu’il fallut faire le vœu de bâtir autant d’églises à son nom, pour que ce corps pût être enlevé4. L’église Saint-Sever est devenue par la suite le centre d’une grande paroisse. Dédiée en 1538, elle eut à souffrir de plusieurs siéges, et fut entièrement rebâtie en 1601. Sa tour fut élevée en 1617, pour remplacer une autre tour plus ancienne qui tombait

en ruines. Mise en 1791 au nombre des treize églises paroissiales conservées, elle fut fermée peu de temps après et employée à divers usages. Elle fut restaurée et rendue en 1802 à l’usage du culte catholique, sous le même titre d’église paroissiale, et reçut en 1849 une nouvelle restauration.

En 1856, cette église menaçant ruine et étant devenue insuffisante pour la population du faubourg, on décida de la remplacer par une autre église qui a été édifiée au sud de l’ancienne, sur des terrains acquis par la ville. Cette construction, dont la première pierre a été posée le 13 avril 1857, a été achevée en 1860. L’ancienne église a été démolie la même année. En face du nouveau monument, a été ménagée une petite place dans laquelle on a élevé, en 1861, un corps-de-garde et un bâtiment pour le dépôt de pompes à incendie.

L’abbé Lefebvre, curé de Saint-Sever, décédé en juin 1864, avait fait beaucoup de sacrifices dans l’intérêt de son église, et avait projeté de bâtir une chapelle supplémentaire dans la rue Saint-Julien. Une récente décision, en dotant ce faubourg d’une succursale, réalise le vœu de cet homme de bien et satisfait aux besoins d’une population toujours croissante ; la nouvelle église de Saint-Clément est en construction dans l’emplacement de l’ancien cimetière.

En 1832, un puits artésien fut foré proche de l’ancienne église de Saint-Sever, et l’on trouva l’eau jaillissante à moins de soixante-dix mètres sous terre. Depuis cette époque, l’établissement de plusieurs autres puits du même genre a été tenté sans succès dans le faubourg, où l’on voulait suppléer à l’absence de fontaines alimentées par des sources ordinaires. On obtint néanmoins, en 1834, dans une propriété de la rue du Pré, par un puits de la profondeur de trente mètres environ, une eau pure et abondante qui rendit ce puits très avantageux pour les habitants du quartier où il est situé. Un autre puits artésien a été créé en 1836 dans l’intérieur des Abattoirs publics. En 1865, ont été entrepris des travaux de canalisation qui ont eu pour résultat de doter le faubourg Saint-Sever de plusieurs fontaines entretenues par la source de Darnétal.

On compte, dans le faubourg Saint-Sever, sept hameaux connus sous les noms de la Motte, de Bonne-Nouvelle, de Claquedent, des Juifs, de la Pucelle, des Brouettes et de Grammont

(voyez ces divers noms). Il y avait plusieurs communautés religieuses : nous renvoyons aux articles de Bonne-Nouvelle, des Emmurées, de Grammont et de Saint-Julien, ce que nous avons à dire à leur sujet.

À l’entrée de la rue Saint-Sever, à l’ouest, était l’ancienne chapelle de Saint-Yves, un des plus antiques oratoires de la ville, et qui servit d’abord d’église aux Carmes, depuis 1260 jusqu’en 1336, avant leur translation dans la rue de ce nom, alors appelée la rue du Grand-Pont. Cette chapelle était encore, en 1791, dans les limites de la paroisse de Saint-Martin-du-Pont, et lui servait de succursale.

Le 8 août 1623, sur les réclamations des habitants du clos des Galères, le Parlement fit défense d’inhumer les pestiférés dans cette chapelle, attendu qu’elle se trouvait sur le grand chemin et au bout du pont, et qu’elle était entourée de maisons habitées. Le nom de la chapelle Saint-Yves a été donné à une rue nouvellement ouverte dans le voisinage du pont de Pierre-Corneille.

Dès l’an 1596, Henri IV avait conçu le projet de renfermer dans la ville tout le faubourg de Saint-Sever et d’en faire une ville basse. Après examen, ce projet fut abandonné parce qu’on reconnut que ce faubourg étant trop exposé aux inondations de la Seine, il y aurait impossibilité d’en exhausser le terrain, d’y faire des caves et d’y conduire des fontaines. On a vu plus haut que ce dernier obstacle a été surmonté.

Néanmoins, des lettres patentes en date de 1605 prescrivirent des mesures pour l’accroissement et la construction de ce faubourg.

Il y avait, dans le faubourg de Saint-Sever, une promenade appelée le Mail, qui fut plantée en 1602. Elle tirait son nom d’un jeu qu’on y avait établi. Cette promenade n’existe plus depuis la fin du siècle dernier. L’emplacement qu’elle occupait, indiqué dans les plans anciens, n’est plus figuré que par une rangée d’arbres parallèle à la rue Pavée et à la rue de Grammont, à l’extrémité sud-ouest des vastes prairies où l’on a commencé à établir la cité Saint-Yves. (Voyez ce nom.)

À l’extrémité à l’est du faubourg Saint-Sever est l’emplacement connu sous le nom de Grammont, qui descend jusqu’à la Seine, et au nord duquel est l’avenue du Grand-Cours dont les abords sont aujourd’hui occupés par les dépendances de la gare des chemins de fer de l’Ouest, rive gauche.

Le quartier de Saint-Sever est devenu célèbre par la faïence que l’on y fabriquait depuis 1673, que le sieur Poterat, homme habile dans son art, y établit sa manufacture1. Des lettres patentes délivrées par Louis XIV à cet industriel, lui permirent d’y faire toutes sortes de vaisselles, pots et vases de porcelaine semblable à celle de la Chine et de faïence violette peinte de blanc et de bleu et d’autres couleurs, à la forme de celle de Hollande, etc. Il y avait encore, au commencement du 19e siècle, une fabrique considérable de faïence dans la rue Saint-Sever près de l’église. Des découvertes, faites à plusieurs époques depuis 1839, de dépôts et de débris de pipes à fumer en terre cuite, attestent qu’on y en fabriquait au 16e et au 17e siècle2.

M. l’abbé Cochet3 fait mention d’une voie romaine qui, après avoir suivi la rue Grand-Pont, arrivait au quai, où l’on passait la Seine, se dirigeait sur Paris en longeant le faubourg de Saint-Sever et en passant par Quatremares, Saint-Étienne, etc. Un autre chemin se dirigeait vers la Basse-Normandie, passait près de l’église de Saint-Sever, par le Grand-Couronne et Moulineaux. Des débris de tuiles, de vases, de carbonisation antique, de nombreux objets se rapportant à notre industrie locale, des traces d’habitations gallo-romaines, des médailles, etc., ont été recueillis en 1854 et en 1856 dans la rue Saint-Sever, en face du marché actuel des Emmurées et dans le voisinage de la nouvelle église ; on y a trouvé aussi des poteries que l’on considère comme contemporaines de Guillaume-le-Conquérant4.

En 1794, on donna le nom de quartier de l’Égalité à tout le faubourg, y compris le Grand-Cours, le pont, les chaussées, etc. En 1795, leur ancienne dénomination leur fut rendue.

Saint-Sever (place). = Le quai Saint-Sever, le Pont suspendu, les rues Dutronché, Saint-Sever et Richebourg. ― 11e section, 6e canton, Saint-Sever. ― Faubourg du même nom.

Cette place est située à l’entrée de la rue Saint-Sever, en face du Pont suspendu. Elle est plantée d’arbres et édifiée de

petites hallettes d’un aspect peu agréable. On y transféra en 1809 le marché à la paille, qui se tenait précédemment près de la porte du Bac.

Sur cette place est la principale entrée de la caserne de Saint-Sever. Ce vaste bâtiment, destiné d’abord, sous le nom de grenier à sel, à servir de dépôt pour une quantité de sel suffisant à la consommation de plusieurs années, fut commencé en 1713, interrompu ensuite, et terminé en 1729. On changea sa destination, et on l’employa au logement des militaires. On y fit en 1774 des augmentations. Le lieu où les casernes ont été construites était connu précédemment sous le nom de clos des Galées ou de parc des Galères, à cause d’un ancien chantier de construction pour les navires. (Voyez au mot Galées.)

Une plaque de marbre blanc, placée dans le mur du pavillon du génie qui dépend de la caserne Saint-Sever, consacre le souvenir d’un débordement considérable de la Seine en 1740, par suite duquel le Faubourg Saint-Sever et une partie de la ville de Rouen furent inondés.

L’ancienne place de la Barbacane (voyez p. 24) faisait partie de la place de Saint-Sever ; en 1794 on leur donna le nom de place de l’Égalité.

Saint-Sever (quai). = Place Lafayette, quai aux Meules. ― 11e section, 6e canton, Saint-Sever. ― Faubourg du même nom.

C’est la partie des quais de la rive gauche qui, ainsi que le porte un arrêté du 17 août 1837, s’étend depuis le pont de Pierre-Corneille jusqu’à la rue Montméry, et qui comprend l’ancien quai des Casernes. Viennent à la suite le quai aux Meules et celui de la Petite-Chaussée, où ont été construits les docks-entrepôts. (V. Douanes.)

Saint-Thomas (rue). = Rue de l’industrie, la Seine (au nord). ― 1re section, 6e canton, Saint-Paul. ― Île de la Croix.

Ce nom, ainsi que ceux des rues nouvellement ouvertes dans l’île de la Croix, a été choisi par le propriétaire des terrains que la rue traverse.

Saint-Vincent (rue). = Rue Jeanne-d’Arc, rue de la Vicomté. ― 9e section, 1er canton, Saint-Vincent. ― Quartier S.-O.

Cette rue a tiré son nom de l’église paroissiale de Saint-

Vincent, dont la principale entrée est dans la rue de la Vicomté, laquelle a porté elle-même anciennement le nom de rue Saint-Vincent. Alors la rue dont nous nous occupons s’appelait la petite rue Saint-Vincent.

L’église est de fondation très ancienne. On la nommait autrefois Saint-Vincent-sur-Rive, à cause de sa position hors de la ville sur les bords de la Seine, dont les eaux baignaient pour ainsi dire ses murs. Elle avait le droit de percevoir une certaine quantité de sel1 sur les bateaux qui montaient chargés de cette marchandise2. Les anciens étalons des mesures à sel étaient conservés dans une petite tourelle qui était au bas de l’édifice. Cet usage subsista jusqu’en 1649 ; les mesures furent volées dans le cours du 18e siècle, et la petite tourelle fut rasée au commencement de l’époque révolutionnaire3.

L’église de Saint-Vincent est une des plus grandes et des plus belles de la ville, quoique la nef ne réponde pas à la beauté du chœur4. Cette nef paraît avoir été construite dans le cours du 15e siècle, et le chœur au commencement du 16e, époque où les bas-côtés furent en partie entrepris5. Cette église fut dévastée par les calvinistes en 1562. La tour du clocher fut commencée en 1669 ; on devait y élever une pyramide en bois couverte en plomb, mais ce projet ne fut pas exécuté. De nouvelles constructions ont été ajoutées à la nef vers 1730. Les vitraux de cette église sont estimés ; ils ont été décrits par M. E. de la Quérière6 ; ils sont depuis quelques années, ainsi qu’une partie de l’église elle-même, l’objet de réparations importantes. Un nouvel orgue a été placé en 1859.

L’église de Saint-Vincent fut mise, en 1791, au nombre des églises paroissiales qui furent alors conservées. On y plaça l’hor-

loge de Saint-Martin-du-Pont, lors de la suppression de cette dernière église. Fermée, comme les autres paroisses, quelque temps après, elle fut rendue en 1802 au culte catholique avec le titre de succursale, après avoir été convertie en magasin. Elle a repris son rang d’église paroissiale en 1829.

Depuis l’ouverture de la rue Jeanne-d’Arc, sous le nom de rue de l’Impératrice, cet édifice, qui se trouvait masqué au nord par des maisons particulières, est actuellement tout-à-fait isolé par suite de l’ouverture d’une rue nouvelle nommée la rue Fleurus-Duvivier. La façade du midi se voit en perspective du quai de la Bourse, la rue Harenguerie ayant été prolongée jusqu’à la rue Saint-Vincent. Le portail a été restauré de 1855 à 1857, et le cimetière, qui était précédemment entouré de murs, a été abaissé au niveau du sol des rues qui l’avoisinent.

À l’angle sud-est de l’église de Saint-Vincent, vers la rue Jeanne-d’Arc, était un petit bâtiment à usage de sacristie, composé d’un rez-de-chaussée surmonté d’un étage. Ce bâtiment a été démoli en 1867. La construction d’une nouvelle sacristie et l’établissement d’une grille en fer sur la rue Jeanne-d’Arc, ont été adjugés en 1870.

En 1842, M. A. Deville a trouvé, dans cette église, une pierre tumulaire qui avait été placée provisoirement dans celle de Saint-André, pour couvrir les restes de Godfroy du Réaume et de sa femme, morts dans le 14e siècle. Godfroy du Réaume avait été maire de Rouen en 1369. Cette pierre a été incrustée en 1844 dans l’un des murs de la chapelle des fonts baptismaux. On a recueilli, dans la rue Saint-Vincent, près de l’église, un fragment de poterie avec nom de fabricant, un bronze de Maximin, un fond de barillet, etc1.

À l’encoignure des rues Saint-Vincent et de la Vicomté, était une ancienne maison connue sous le nom de l’Agnus Dei2, provenant d’une enseigne. Cette maison fut rebâtie en 1542.

Il se trouvait derrière le chevet de l’église, à l’est, une impasse ou ruelle qui a été supprimée lors de l’établissement de la rue Jeanne-d’Arc. Elle était indiquée dans les derniers temps sous le nom de petite rue ou d’impasse Saint-Vincent. Dans un acte

du 14 janvier 1519, elle est appelée la ruelle du Tocsin, probablement parce que là demeurait la personne chargée de sonner la cloche.

On a donné en 1794, à la rue Saint-Vincent, le nom de rue des Piques ; elle a repris en 1795 sa dénomination actuelle.

Saint-Vivien (rue). = Place de la Croix-de-Pierre, rues de l’Épée et des Faulx. ― 2e section pour les nos pairs ; 3e section pour les nos impairs ; 2e canton, nos pairs depuis la rue Fleuriguet jusqu’à celle de l’Épée ; 3e canton, nos impairs depuis la rue Gerbe-d’orge jusqu’à celle des Faulx ; 4e canton, depuis la Croix-de-Pierre jusqu’à la rue Gerbe-d’orge ; Saint-Vivien. ― Quartiers N.-E. et S.-E.

Cette rue a pris son nom de l’église paroissiale de Saint-Vivien, qui n’était en 1209 qu’une chapelle située hors de la ville, dans les prés et les marais, et qui fut agrandie au 16e siècle. L’église Saint-Vivien, assez vaste et formée de trois grandes nefs, était autrefois très basse et très obscure ; elle ne recevait aucun jour d’en haut. Sa voûte en bois a été exhaussée en 1636. Un jubé en pierre, qui fermait le chœur, fut démoli en 1761. Conservée comme église paroissiale en 1791, et fermée peu de temps après, elle fut rendue au culte catholique en 1802, et est redevenue paroissiale en 1829. Cette église, dont les voûtes en briques ont été commencées en mai 1855, a été restaurée en 1860, et son clocher fut réparé l’année suivante.

La rue Saint-Vivien était quelquefois désignée sous la dénomination de grande rue Saint-Vivien, ainsi qu’on le voit dans un acte de tabellionage du 13 octobre 1463, concernant la vente faite, par Colin Pivain, aux maîtres ouvriers de la draperie, d’une maison où l’on faict de présent l’hostel de la Draperie, en la grande rue Saint-Vivien. Ce quartier était, en effet, avec celui de Saint-Nicaise, le centre qu’habitaient les tisseurs de laine et les ouvriers employés à la fabrication du drap. (Voyez au mot Penteurs.)

Dans le plan de 1655, les rues Saint-Vivien et des Faulx sont réunies sous la première de ces dénominations. Nous les trouvons inscrites sous le nom de rue de la Fausse-Porte-de-Saint-Ouen dans un acte du 21 juin 1551. En 1794, on donna le nom de rue de Brutus à la rue partant de la Croix-de-Pierre jusqu’à

la Boucherie-Saint-Ouen ; on rétablit en 1795 les noms de rue Saint-Vivien et de rue des Faulx.

La fontaine de Saint-Vivien a commencé à couler en 1528.

Dans la rue Saint-Vivien, à droite de celle des Matelats, était le Séminaire archiépiscopal qui fut établi en 16571, sous la direction des Eudistes, pour l’instruction des jeunes aspirants au sacerdoce. De grands bâtiments y furent ajoutés en 1691 et les années suivantes, ainsi qu’une chapelle qui était sous le vocable de la sainte Vierge. Ce séminaire fut supprimé en 1790 et réuni au petit séminaire qui avait été institué en 1707 dans la rue Poisson. Ses vastes et beaux bâtiments servirent de maison de réclusion pour les prêtres insermentés pendant l’époque révolutionnaire. Ils furent affectés depuis à un établissement industriel2.

Près de l’église, et vers la rue Accard, était l’hôpital de Saint-Vivien, qui fut fondé en 1350 par Jean Lefebvre, maire de Rouen3, et qui s’enrichit de diverses donations, entre autres d’une vide place sur l’Eau-de-Robec, qui servit longtemps de préau pour étendre le linge des pauvres, jusqu’à ce que les trésoriers de Saint-Vivien y eussent fait construire des maisons. Un acte de tabellionage de 1428 cite la vente, faite par un nommé Guillaume Ango, de la maison, la caudière et vasseaulx de la seule de l’hospital, nommée la Baronie, assis sur l’Eau-de-Robec, bornés d’un côté l’allée de l’hôpital, d’un bout audit hôpital, et d’autre bout à l’Eau-de-Robec. Cette allée de l’hôpital se nommait l’allée Tabouret, comme le constate un acte du 9 janvier 1462.

Saint-Vivien (petite rue). = Rue de la Harpe, rue Gerbe-d’orge. ― 3e section, 4e canton, Saint-Vivien. ― Quartier S.-E.

Cette rue tire son nom de sa proximité avec la rue et l’église de Saint-Vivien.

Elle reçut en 1794 le nom de rue de la Concorde, et reprit en 1795 sa précédente dénomination.

Saint-Yves (cité).

On a donné ce nom à un quartier dont une famille Joly a demandé le classement en 1858. En novembre 1861, Mme de Banneville, propriétaire des vastes prairies où ce quartier a été ouvert, a offert à la ville de lui faire l’abandon d’un terrain de 25,000 mètres de superficie, pour la création d’un marché aux bestiaux dans le Pré-aux-Bœufs.

Sainte-Adélaïde (rue). = La Seine (du midi au nord). ― 1re section, 6e canton, Saint-Paul. ― Île de la Croix.

Nom donné par un propriétaire à une rue ouverte nouvellement dans l’île de la Croix.

Sainte-Catherine (rue). = Avenue de Jeanne-d’Arc, rue de Domrémy. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Beauvoisine.

Ce nom a été donné en 1860, à l’une des rues ouvertes, à cette époque, dans le nouveau quartier appelé la cité de Jeanne-d’Arc.

― Il existait, entre la rue Malpalu et l’ancienne rue du Petit-Moulin, une rue Sainte-Catherine qui a disparu vers 1855, pour l’ouverture de la rue de la République. Elle tirait son nom d’un moulin appelé le moulin de la Planque ou des Planches, dans le voisinage duquel elle était située, et qui avait été donné en 1274, par Thomas Gades de Renicourt, aux religieux du mont de Sainte-Catherine. C’est près de là que devait être la maison connue sous la dénomination de l’hôtel Sainte-Catherine, où se retirèrent un certain nombre de religieux de l’abbaye de ce nom, après son annexion aux chartreux de Gaillon. (V. rue des Crottes.) ― Elle avait reçu en 1794 le nom de rue du Sergent.

On donnait aussi quelquefois le nom de Sainte-Catherine à la porte dite du Pont-Honfroy, qui a existé au carrefour du Poncel ou du Ponceau, dans la rue Martinville, parce qu’elle conduisait à l’abbaye sur la montagne de ce nom, ou parce qu’elle confinait à des biens lui appartenant.

Sainte-Catherine (côte ou montagne de).

Il y avait anciennement sur cette côte, qui a été désignée aussi sous les noms de mont de Thuringe et de montagne de Jéricho, trois monuments dont il reste à peine quelques vestiges :

1o La chapelle du prieuré de Saint-Michel fut fondée en 709 et fut démolie vers la fin du 16e siècle. Ses ruines ont entièrement disparu vers 1812. Cette chapelle avait aussi donné son nom à la montagne. On plaçait ordinairement sur des lieux élevés les chapelles en l’honneur de saint Michel. (V. Mont-Gargan.) Le duc Richard fait mention de celle-ci dans une charte de 996.

2o L’abbaye de Sainte-Trinité-du-Mont fut fondée en 1030, par Goscelin d’Arques, et richement dotée par Robert-le-Magnifique ; la chapelle primitive, abattue en 1107, avait été remplacée par une église plus considérable, qui fut détruite en 1597 et entièrement démolie en 1630. Une partie de ses matériaux fut employée à élever une chapelle de Sainte-Catherine, près de l’ancienne église de Bonsecours. Cette abbaye avait haute, moyenne et basse justice, à cause du fief de la fontaine Jacob, nommé aussi l’Aumônerie. (V. rue des Marquets.) Les revenus de l’abbaye de Sainte-Trinité-du-Mont furent donnés, en 1594, aux chartreux de Gaillon.

Des historiens rapportent que, postérieurement à sa fondation, un religieux bénédictin nommé Siméon, ayant apporté dans le monastère des reliques de sainte Catherine, ces reliques opérèrent des miracles, par suite desquels fut donné à l’abbaye et à la montagne le nom de la vierge d’Alexandrie.

3o Un fort avait été bâti, à une époque qui ne saurait être précisée1, sur les ruines d’un château dont s’était emparé, en 1418, Henri V, roi d’Angleterre, et qui portait le nom de Thuringe. Dans la direction du nord-ouest de l’église de Bonsecours, dit M. l’abbé Cochet, on voit, sur le bord de la colline qui regarde Rouen, un terrassement auquel ce nom de Thuringe a été donné. C’est le reste d’un camp, l’un des plus remarquables de ceux qui existent dans notre département. Suivant les chroniques fabuleuses de la Normandie, le château de Thuringe aurait été occupé, dès le 8e siècle, par Robert-le-Diable, fils du duc Aubert2.

Un acte de tabellionage du 24 avril 1489 mentionne aussi la côte de Tourynde, au hamel d’Eauplet.

Les calvinistes s’étant emparés, en 1562, du fort de Sainte-Ca-

therine qui était contigu à l’abbaye de Sainte-Trinité-du-Mont, augmentèrent ses fortifications et construisirent près de la chapelle de Saint-Michel un nouveau fort auquel ils donnèrent le nom de fort de Montgommery ou de Saint-Michel1. Reprise quelques mois après par les troupes de Charles IX, la forteresse fut démolie en 1564, puis réparée par le maréchal de Villars, qui repoussa les assauts livrés par Henri IV en 1591. Mais le fort de Sainte-Catherine, ainsi que les restes de l’abbaye, furent entièrement détruits en 1597 par l’ordre de ce roi et sur la demande des habitants de Rouen. La ville employa, en 1616, les pauvres valides aux travaux de déblaiement des terrains qu’ils occupaient.

On montait à Sainte-Catherine par des degrés de pierre qui furent construits en 1312 par Enguerrand de Marigny, ministre de Philippe-le-Bel, et réparés en 1466 par J. Boursier, seigneur d’Esterney. On en voit encore les vestiges dans la petite rue du Haut-Mariage.

Une délibération municipale de 1494 a révélé l’existence d’une maladrerie au-dessus de la montagne de Sainte-Catherine2. M. Ch. Richard croit, en effet, qu’il y eut, pendant plusieurs siècles, au moyen-âge, un hôpital pour les lépreux sur la route tendant de la côte Sainte-Catherine à Boos. Le Ms. des Fontaines donne une vue de l’hôpital de Sainte-Catherine.

En 1520, le roi François Ier avait formé le projet de renfermer cette montagne dans la ville ; les habitants s’assemblèrent pour en délibérer, mais il fut reconnu que la mise à exécution de ce projet présentait des difficultés telles, qu’il fallut y renoncer3.

En 1552, le cardinal de Bourbon fit ériger solennellement, sur le mont Sainte-Catherine, une croix de pierre en remplacement d’une croix de bois qui avait été sciée par le pied, onze ans au-

paravant, par les calvinistes. Plus de 50,000 personnes assistèrent à cette cérémonie.

Tout porte à croire que l’ancienne croix était la même qui était placée auprès des degrés de pierre de la rue du Haut-Mariage1, sur le bord de l’ancien chemin de Paris, lequel, ainsi que l’indique une délibération du conseil de la ville, partait de la croix de Sainte-Catherine au pied du mont, à aller vers les Chartreux et Ny-de-quien. Ce chemin, par lequel on ne va mais et est tourné ailleurs, porte la même délibération, avait été remplacé par une nouvelle route se dirigeant par la chaussée de Saint-Paul, et fut dépavé en 1408. Peu d’années après, il n’était plus connu que sous la désignation de la route qui va des degrés de Sainte-Catherine au Nid-de-chien2.

Il existe sous cette montagne deux souterrains qu’un riche marchand de Rouen, propriétaire d’une maison voisine, nommé Legendre, avait fait creuser vers 1680, pour avoir de l’eau afin d’alimenter les jets d’eau de son jardin. Cette montagne est aujourd’hui traversée par un des tunnels du chemin de fer de Paris à la mer.

Sainte-Claire (impasse de), dans la rue Saint-Hilaire. ― 2e section, 4e canton, Saint-Vivien. ― Quartier N.-E.

Cette impasse conduisait à l’ancien couvent de Sainte-Claire. On y voit encore les restes de l’église et du monastère. La fontaine qui est à l’entrée de l’impasse commença à couler le 5 novembre 1513. (Voyez rue Saint-Hilaire.)

Sainte-Croix-des-Pelletiers (rue). = Place du Vieux-Marché, rue des Bons-Enfants. ― 10e section, 1er canton, Saint-Patrice. ― Quartier S.-O.

Cette rue tire son nom de l’ancienne église paroissiale de Sainte-Croix, dite des Pelletiers à cause des marchands de fourrures et de pelleterie qui demeuraient dans son voisinage et qui y avaient leur confrérie. Dans un acte du 4 août 1421, cette rue

était désignée par ces mots : Une ruelle qui descend à Sainte-Croix1.

L’église de Sainte-Croix, qui avait son entrée dans cette rue près de la fontaine, a été supprimée en 1791. On croit que c’était, dans l’origine, une chapelle hors de la ville, sous le vocable de Notre-Dame. Elle fut agrandie vers la fin du 15e siècle, et érigée en paroisse ; elle fut dédiée en 1533 par l’évêque d’Hippone, et augmentée à la fin du 16e siècle. Elle avait été pillée par les calvinistes en 1562. Elle se voit encore avec sa simplicité extérieure et son petit clocher. La fontaine qui est adossée à l’église a été construite en 1634 ; elle est alimentée par la source de Gaalor.

La rue Sainte-Croix est mentionnée sous ce nom dans plusieurs actes de tabellionage du 15e siècle. En 1794, elle reçut celui de rue des Patriotes, puis en 1795 celui de rue des Pelletiers. Elle reprit depuis sa dénomination actuelle.

Dans cette rue était l’ancien bureau général des Aides, où vint s’établir la communauté des dames de la Compassion, sœurs garde-malades et servantes des pauvres. L’emplacement qu’elles occupaient ayant été exproprié pour l’ouverture de la rue Guillaume-le-Conquérant, cette communauté a transféré son établissement dans la rue d’Écosse.

En face de l’église était l’hôtel ou la maison de refuge du monastère de Bondeville. Il est inscrit dans le plan de 1655 sous le nom de maison de M. Graindor (alors 4e échevin). Cet hôtel devait s’étendre jusqu’à la rue de la Prison, où l’auteur des Lettres sur Rouen dit qu’était le prétoire du bailli de l’abbesse de Bondeville, pour l’exercice du droit de haute-justice qu’elle avait sur plusieurs maisons et villages de sa dépendance. (Voyez rue de la Prison.)

Sainte-Geneviève (rue).

Cette petite rue, qui était située près de la porte du Bac, a été supprimée en 1824, pour le redressement et l’élargissement des quais. On donnait aussi, au lieu où elle était située, le nom de port Morand. L’origine du nom de la rue Sainte-Geneviève est inconnue ; il aurait pu provenir de quelque enseigne. Elle reçut,

en 1794, le nom de rue du Panthéon ; son ancienne dénomination lui fut rendue en 1795.

Sainte-Geneviève (impasse de), dans la rue du Mont-Gargan. ― 1re section, 5e canton, Saint-Paul. ― Faubourg Martinville.

Nous n’avons aucun renseignement sur l’origine de ce nom.

Sainte-Geneviève-du-Mont (rue). = Rue Bassesse, rue des Capucins. ― 2e section, 4e canton, Saint-Vivien. ― Quartier N.-E.

Ce nom peut provenir de quelque enseigne à l’image de Sainte-Geneviève. La désignation du Mont vient du nom de l’ancien fief sur les dépendances duquel la rue est située.

Elle reçut en 1794 le nom de rue du Mont-Libre, qu’elle porta jusqu’en 1795.

Dans cette rue, au coin de celle des Capucins, est l’entrée du second monastère des dames de la Visitation de Sainte-Marie, qui, après la suppression des communautés religieuses en 1791, en furent dépossédées pendant plusieurs années. Cet emplacement ayant été vendu, fut mis à usage de filature. Autorisées à se réunir de nouveau, par un décret du 6 mai 1806, les dames de la Visitation demeurèrent successivement dans la rue de la Cigogne-du-Mont et la rue Saint-Patrice jusqu’en 1812, et reprirent à cette époque possession de leur ancien local, qu’elles rachetèrent en 1818. La chapelle de cette communauté, dont la façade est sur la rue des Capucins, a été construite en 1824 et dédiée en 1826.

Sainte-Marguerite (rue). = Avenue de Jeanne-d’Arc, rue de Domrémy. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. Faubourg Beauvoisine.

Ce nom a été donné par un propriétaire à une rue nouvellement ouverte dans la cité Jeanne-d’Arc.

― C’est aussi le nom d’un chemin qui fait suite à la rue du Mont-Gargan, avec laquelle il était confondu en 1824, et qui traverse les terrains situés au pied de la côte de Sainte-Catherine. Il conduisait à l’ancienne maladrerie de Sainte Marguerite, près de Darnétal. C’est probablement là l’origine de son nom, qui est

employé, dit-on, dans des titres anciens. Ce chemin, appelé aussi vulgairement le chemin de Quarante-sous, a été déclassé en 1866 comme n’étant d’aucune utilité.

Sainte-Marie (place), au haut de la rue de la République. = 5e section, 2e canton, Saint-Ouen. ― Quartier N.-E.

Ce nom a été donné, en avril 1852, à une petite place établie depuis plusieurs années au point où la rue de la République oblique pour aboutir à la place Beauvoisine. L’emplacement qu’elle occupe faisait autrefois partie des dépendances de l’ancien couvent des dames de Sainte-Marie. (V. rue Beauvoisine et rue de la République.)

Là se trouvait précédemment une petite rue appelée rue Sainte-Marie-des-Remparts, et dépendant du rempart de Beauvoisine.

Comme nous l’avons dit dans notre article concernant les fontaines publiques (page 231), l’administration municipale de Rouen a adopté le vaste projet, conçu dès 1858, d’une large distribution, dans toutes les parties de la ville, des eaux alimentaires provenant de la captation et de l’adduction d’une partie du produit des sources de Robec, ainsi que des eaux dérivées des plateaux environnants. Cette importante amélioration a été déclarée d’utilité publique par un décret du 10 août 1868, et la mise à exécution des travaux de canalisation, sur une longueur de plus de 50,000 mètres, a été adjugée en 1870. C’est sur la place Sainte-Marie que sera établi un immense réservoir destiné à contenir, concurremment avec un autre réservoir situé au Val-de-la-Jatte, les eaux susceptibles d’être livrées à la consommation. Le 21 juillet 1870 a été posée la première pierre de ce réservoir, près duquel sera élevée une fontaine monumentale placée dans la perspective de la rue de la République.

Sainte-Marie (rue et impasse). = Place Sainte-Marie, boulevard Beauvoisine. ― 5e section, 2e canton, Saint-Ouen. ― Quartier N.-E.

Cette rue, ouverte vers 1852, depuis l’établissement de la place du même nom, borne les jardins du premier monastère des dames de la Visitation de Sainte-Marie, ancien couvent des Gravelines, dont l’entrée est par la rue de Joyeuse.

À l’extrémité de cette nouvelle rue, près du boulevard, est une impasse élevée derrière les anciens murs du rempart et longeant

les jardins du couvent de Sainte-Marie. Cette impasse est inscrite, dans un plan de 1814, sous le nom de cul-de-sac de Roquemont, qui était celui d’un propriétaire, et elle fut appelée en 1818 l’impasse des Gravelines, à cause de l’ancienne communauté de ce nom, puis ensuite l’impasse Sainte-Marie.

Salamandre (rue de la). = Place du Marché-aux-Balais, rue du Bac. ― 7e section, 3e canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-E.

Le nom de cette rue, qui est gravé sur la pierre, vient d’une enseigne ; une salamandre sculptée se voit à l’encoignure d’une maison de la place du Marché-aux-Balais, portant la date de 1602. On l’appelait aussi rue Mauconseil1, d’après une ancienne inscription que l’on voit encore. On trouve ce nom cité dans un acte de tabellionage de 1365 et dans des registres du 15e siècle. Nous lisons, dans un acte du 9 novembre 1419, la mention d’une rue de Manerisel (probablement Mauconseil), où se trouvoit un hôtel de la Herche, jouxte les Trois Sauciers.

La rue de la Salamandre est représentée sans dénomination dans les plans de 1655 et de 1724 ; elle est inscrite dans le Flambeau astronomique de 1716 ; mais elle a dû porter aussi antérieurement le nom de rue de l’École, comme l’indique un acte de tabellionage du 1er août 1551. (V. p. 188.)

Salle (rue de la).

On appelait ainsi une petite rue qui avoisinait la rivière d’Aubette et qui a disparu pour l’ouverture de la rue Armand-Carrel. Elle est citée dans un acte de tabellionage de 1498. Il existait des salles communes ou privées, nommées aussi chambres aisées, qui suppléaient à l’absence de cloaques dans les maisons et qui avaient leur dérivatif dans la rivière d’Aubette ; il est probable que c’est de là qu’est provenu le nom de la Salle donné à cette ruelle.

Un acte du 2 juin 1463 fait mention de la rue de devant les chambres d’Aubette, près de celle du Sornet (rue de la Grosse-Bouteille), et du chemin allant au long des murs de la ville. (V. rue du Rempart-Martinville.)

Salles d’Asile pour l’Enfance.

Les premières salles d’asile ont été fondées à Rouen en 1833, par un comité de souscripteurs ; elles étaient situées dans les rues du Chaudron, d’Elbeuf et de Saint-André. L’établissement des salles d’asile communales a été décrété le 21 mars 1855. Il existe actuellement dans notre ville quatre salles d’asile communales et une salle libre, savoir :

L’asile de Saint-André, rue de ce nom, pour le quartier de Saint-Gervais ;

L’asile de Saint-Maclou, dans la rue Armand-Carrel, et précédemment rue du Chaudron ;

L’asile de Saint-Sever et maison de secours, rue Tous-Vents, précédemment rue d’Elbeuf ;

L’asile de Saint-Vivien, dans la rue des Capucins.

Les deux premiers établissements sont confiés à des dames directrices ; les deux autres sont sous la direction des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul. Des dames déléguées sont spécialement attachées à la surveillance de chaque salle.

La salle d’asile libre est à la communauté des dames de la Miséricorde, sur la place de la Madeleine.

Sarceaulx (ruelle des).

Un registre de l’Hôtel-de-Ville (t. I, fol. 17 v.) indique une rue de ce nom dans le voisinage de Notre-Dame-de-la-Ronde. Nous n’avons aucun autre renseignement à ce sujet. M. Ch. Richard dit que ce nom provenait d’un propriétaire.

Sapins (rue et impasse des). = Rampe Saint-Hilaire, la campagne. ― 1re section pour les nos pairs ; 4e section pour les nos impairs ; 5e canton, Saint-Hilaire. ― Faubourg Saint-Hilaire.

Cette rue a pris son nom de la côte et de la ferme des Sapins où elle conduit, et qui ont dû tirer elles-mêmes cette dénomination de la proximité de terrains plantés de sapins. C’est sur cette côte qu’a été établi en 1824 le Cimetière monumental.

Le 11 germinal an II, à l’imitation des travaux de défrichement qui avaient été opérés quelques mois auparavant dans les bruyères de Saint-Julien, de nombreux habitants, conduits par les corps administratifs de Rouen, se rendirent sur la côte des

Sapins pour commencer, sur ces collines demeurées incultes, les travaux destinés à les rendre à l’agriculture. Le sol défriché est devenu un des plus productifs de ceux qui entourent la ville.

Saunier (impasses), dans la rue de Grammont. = 11e section, 6e canton, Saint-Sever. ― Faubourg Saint-Sever.

Ce nom a été donné par un propriétaire à deux impasses situées dans la rue de Grammont.

Savonnerie (rue de la). = Rue du Bac, rue Grand-Pont. ― 7e section, 3e canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-E.

On croit qu’il a existé autrefois dans cette rue une fabrique ou un magasin de savons, et que c’est de là qu’elle aura tiré son nom. L’on trouve, dans un acte de tabellionage du 10 avril 1467, la mention d’une maison bornée d’un côté par la ruelle à l’endroit de mons. de Lizieux, d’un bout la grande rue qui descend de la Vieu-Tour au bout du pont, nommée la rue de la Savonnerie. Mais, dans d’autres actes, cette rue est appelée rue de la Saonnerie (de 1460 à 1566) ; puis, dans des actes antérieurs, rue de la Saunière, de la Saunerie (1427). Ces variantes, dues peut être à la facilité avec laquelle les noms se trouvaient souvent défigurés, au point de perdre leur véritable signification, permettraient aussi de les attribuer au voisinage de magasins de sels ou de salaisons.

Dans la rue de la Savonnerie est né Jacques Lelieur, comme l’indique l’inscription suivante, placée en 1846 sur la façade de la maison portant le no 181 : Ici était la maison de Jacques Le Lieur, conseiller de la ville de 1519 à 1544, poète, prince des palinods, auteur du Livre des Fontaines. On voit, dans la même rue, au coin de celle de la Tuile, la maison de la famille de Caradas Desquesnes, qui fut bailli de Rouen en 1409. Elle est remarquable par son ancienneté, par son étendue, ses ornements gothiques et sa disposition pittoresque. On y remarque aussi l’hôtel de Lisieux, derrière lequel était l’église de Saint-Cande-le-Vieux, dont nous avons parlé à la page 20. C’est là que logeait l’évêque de Lisieux lorsqu’il venait à Rouen, la paroisse de Saint-Cande dépendant de son diocèse. Contre la partie de cet hôtel qui fait

enhachement dans la rue de la Savonnerie, s’élève la fontaine dite de Lisieux, du commencement du 16e siècle, et dont les ornements, très mutilés, n’en méritent pas moins l’attention des curieux. Ils représentent le Parnasse ; les Muses occupent diverses places sur cette pyramide gothique, qui est couronnée par le cheval Pégase et par Apollon jouant de la harpe1. Avant la révolution, l’eau s’écoulait par deux belles salamandres en cuivre qui ont disparu. Précédemment, un mécanisme hydraulique, que l’on faisait jouer dans diverses circonstances, faisait jaillir l’eau des personnes ou des animaux qui y étaient représentés2. Cette fontaine avait été dans l’origine peinte et dorée.

Il avait été projeté en 1825 de prolonger la rue de la Savonnerie jusqu’à la place de la Basse-Vieille-Tour, en supprimant la rue des Tapissiers, mais on se borna à redresser le côté droit de cette dernière rue.

Seille (rue de la). = Place de l’Hôtel-de-Ville, rue Beauvoisine. ― 5e section, 2e canton, Saint-Ouen. ― Quartier N.-E.

La rue de la Seille avait porté, dès le 14e siècle, le nom de rue de l’Éperon, lequel venait d’une enseigne, car il s’y trouvait une taverne de l’Éperon dont parle un acte de tabellionage de 1367, au coin de la rue de Gournetz, ancien nom de la rue de la Cigogne. On lit, dans un acte du 20 mai 1423, la mention d’un héritage tenant d’un côté aux étuves de la Seille, d’un bout par devant au pavement de la rue nommée la rue de l’Esperon, que l’on dit la rue des Étuves de Gournetz. D’autres actes de 1424, 1430 et 1481 font aussi mention de la rue de l’Esperon, que l’on dit à présent la rue de la Seille.

Plusieurs titres parlent également, aux dates de 1385 et de 1432, d’une ruelle de la Fosse, non loin de la rue de Gournetz, au sujet de la fondation d’une chapelle au prieuré de Saint-Louis, en la paroisse de Saint-Ouen, aboutant d’un bout au pavement du roi et d’autre bout à une vide place commune nommée la Fosse3.

Un acte de tabellionage de 1425 donne, à la rue de la Seille, le

nom de rue des Étuves de Gournetz, à cause des étuves qui, dans d’autres actes de 1466 et de 1539, étaient appelées les étuves de la Seille. Un titre de 1485 cite aussi l’hôtel des Étuves d’Allemagne en la rue de la Seille. (Voyez Étuves.)

Nous trouvons, enfin, dans un acte de tabellionage du 23 octobre 1503, la mention d’une maison bornée d’un côté par les murs de Saint-Ouen, d’autre côté par la rue du Petit-Pinchedos, d’un bout la rue où sont les éventaulx de la fontaine Saint-Amand, et d’autre bout les maisons de l’œuvre de Saint-Ouen. Un autre acte de 1489 cite aussi l’esventet des fontaines de l’abbaye de Saint-Amand.

Ces éventaux de la fontaine Saint-Amand, du mot « évent » qui signifie conduit pour la circulation de l’air, devaient être placés au bas de la rue du Petit-Porche, à l’endroit où la source de Notre-Dame se divise dans des canaux de plomb ou tuyaux de conduite destinés à alimenter les fontaines de Saint-Amand et de Notre-Dame. Le trop-plein de la cuve qui reçoit les eaux de cette source se déversait dans la vide place commune appelée la Fosse, dont il est question ci-dessus, et entretenait une pièce d’eau dans les dépendances de l’abbaye de Saint-Ouen.

On pourrait trouver, dans ce qui précède, l’indication de l’origine du nom de ruelle de la Fosse, qu’a dû porter la rue de la Seille ; peut-être aussi pourrait-on en induire que la dénomination de rue de la Seille serait due elle-même à l’existence de quelque vase ou instrument1 qui aurait servi à puiser de l’eau dans la Fosse.

À l’angle des rues de la Seille et du Petit-Porche, est la maison qu’habitait le docteur Gosseaume, décédé en 1827, et qui avait servi de demeure à Cideville, conseiller au Parlement, l’ami de Voltaire et l’un des fondateurs de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen, dont M. Gosseaume fut plus tard l’historien.

C’est aussi dans cette rue que la corporation des chapeliers avait établi un bureau particulier pour la visite et la marque des chapeaux, avant leur mise en circulation dans la ville et dans les campagnes2.

Seine (rue de). = Quai d’Elbeuf, rue Lemire. ― 11e section, 6e canton, Saint-Sever. ― Faubourg du même nom.

Cette rue, ouverte depuis l’établissement du pont de Pierre-Corneille, doit le nom qui lui a été donné en 1834, à son voisinage de la Seine.

Le beau fleuve qui traverse la ville de Rouen, de l’est à l’ouest, a sa source dans le département de la Côte-d’or, près du village de Saint-Seine, dont il a pris le nom. Après avoir baigné une des plus riches contrées de la France, dans un cours de plus de 750 kilomètres, la Seine se jette dans la Manche par une large embouchure, et le flux de la mer s’y fait ressentir deux fois par jour. Ouverte jusqu’à Rouen à la navigation maritime, elle a reçu depuis une trentaine d’années des améliorations notables, qui permettent à des navires d’un assez fort tonnage d’y arriver. Au-dessus de Rouen, la navigation fluviale, protégée également par de nombreuses et importantes améliorations, est l’une des branches les plus précieuses de l’approvisionnement de Paris et s’étend jusque dans le département de l’Aube.

Depuis les premiers siècles de notre ère, le lit de la Seine a été successivement rétréci à Rouen. Déployant un arc très ouvert depuis la porte Guillaume-Lion jusqu’à l’avenue du Mont-Riboudet, elle formait alors des îles qui, depuis, ont été réunies à la terre ferme ; telles furent les îles de la Roquette, de Saint-Clément et de Saint-Éloi, qui font actuellement partie du territoire de la ville. Ce fleuve, dont les eaux couvraient l’emplacement des halles, baignaient le premier château des ducs de Normandie, l’église de Saint-Vincent-sur-Rive et le pied de la petite chapelle que remplaça plus tard l’église de Saint-Éloi, formait, jusqu’aux abords de la Cathédrale, une petite anse qu’on nommait le Porc-espy ou le port Morand1. La main des hommes et celle du temps ont également contribué à effacer ces traces. Les inondations fréquentes poussaient fortement les sables, qui s’engorgeaient entre la Roquette et la ville. Les habitants durent, pour se garantir de l’eau, chercher à retenir ce limon, et détourner ainsi peu à peu la rivière ; celle-ci prit tout naturellement son cours vers la partie de son lit qui avait dû toujours rester la plus dégagée et la plus profonde.2 Actuellement resserrée dans une

ligne non interrompue de murs qui protègent les deux rives, le lit du fleuve offre aux navires un port commode et profond, le long duquel se sont élevées des constructions qui rendent le quai de Rouen un des plus beaux de la France.

Sénécaux (rue).

Supprimée en 1861, pour le passage de la rue Jeanne-d’Arc, cette rue est désignée dans des actes de tabellionage du 15e et du 16e siècle1 sous le nom de rue aux Seneschaux, probablement parce qu’elle était le siége d’une sénéchaussée.

Au bout de la rue Sénécaux, près de celle des Bons-Enfants, était l’entrée de l’église paroissiale de Saint-Martin-sur-Renelle, qui fut supprimée en 1791 et a été récemment démolie. (Voyez rue des Bons-Enfants.)

Dans un acte de tabellionage de 1421, il est parlé d’une maison bornée par la rue des Billettes et par la rue Écuyère, ce qui semble indiquer que la rue Sénécaux a, comme la rue Saint-Antoine, porté le nom de rue des Billettes, nom des religieux qui avaient précédé ceux de la commanderie de Saint-Antoine, et qui avaient eu leur hôtel dans la rue Sénécaux.

Serpente (rue).

Ce nom, qui, dans la nomenclature de Taillepied, précède celui de la rue de la Gloe, doit s’appliquer à la petite rue de la Foulerie, qui en est voisine, et dont la forme irrégulière peut avoir servi d’origine à cette dénomination de rue Serpente.

Des actes de tabellionage de 1524 et de 1552 font aussi mention d’une rue de la Serpente, dans la paroisse de Saint-Nicaise et avoisinant les murs de Saint-Ouen. Suivant un autre acte mentionné par M. Ch. Richard2, ce nom aurait été donné à la rue Bourg-l’Abbé réunie à la rue Orbe, dont la dénomination actuelle indiquerait la forme qu’elle avait autrefois. Une rue Serpente, à Paris, tirait son nom des sinuosités qui lui avaient valu, au 13e siècle, celui de rue Tortueuse.

Sociétés savantes et Associations diverses.

On a donné le titre d’hôtel des Sociétés savantes à l’ancien Palais de la première présidence, situé rue Saint-Lô. Ce vaste

local, bâti en 1717, à l’aide des deniers d’octroi de la ville, sur l’emplacement occupé dans les siècles précédents par l’hôtel de Vallemont et par une partie de celui des abbés de Jumiéges, fut autrefois, ainsi que l’indiquait son nom, le lieu de résidence des premiers présidents du Parlement de Normandie. Les bureaux de la mairie y furent ensuite établis pendant la révolution, jusqu’à l’époque où on les transféra à l’Hôtel-de-Ville. Puis cet hôtel fut annexé au Palais-de-Justice sous les dénominations, suivant les circonstances, de palais de la Cour impériale et de la Cour royale. Après l’achèvement de l’aile gauche du Palais-de-Justice et de ses dépendances, qui a permis d’y transférer plusieurs salles d’audience, d’y réunir les divers greffes, les justices de paix et même le principal dépôt des pompes à incendie, l’ancien palais de la Présidence a été mis, le 5 avril 1857, à la disposition des Sociétés savantes, qui y ont installé leurs bibliothèques et leurs salles de réunion.

Cet hôtel est encore le siége de la Chambre des appels de la Police correctionnelle et celui du Conseil des Prud’hommes, qui tenait précédemment ses séances à l’Hôtel-de-Ville. Dans le même local a été établi, par les soins de M. J.-M. Thaurin, bibliothécaire des Sociétés savantes, décédé à Rouen en 1870, un Musée archéologique désigné sous le nom de Musée Thaurin. La Société libre d’Émulation y a également installé un Musée industriel, qui a été ouvert au public en 1868. (Voyez à l’article Musées.)

La plus ancienne société savante qui ait existé à Rouen fut établie dans le milieu du 12e siècle, par une association formée en 1072 sous les auspices de la Vierge1. Ses statuts, approuvés en 1329 par l’official de Rouen, furent confirmés en 1341. Elle porta à différentes époques les noms de confrérie de la Conception et d’Académie de l’Immaculée Conception, nom sous lequel elle existait encore quelques années avant la révolution2. C’est du sein de cette confrérie que prirent naissance la fête aux Normands et le puy des Palinods3. Elle avait eu successivement pour

siége l’ancienne église de Saint-Jean en 1486, et le monastère des Carmes en 1515.

Une autre confrérie, dite de la Passion de Notre-Seigneur, instituée en 1374 dans l’église de Saint-Patrice, avait aussi érigé, au 16e siècle, un puy à l’instar de celui de l’Immaculée Conception. Enfin, il y avait aussi le puy de Sainte-Cécile, qui se tenait dans la Cathédrale, et où l’on distribuait des prix aux musiciens.

― Nous donnons ici, suivant leur rang d’ancienneté, les noms des Sociétés savantes qui existent actuellement dans notre ville.

1. L’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen fut fondée en 17441, en vertu de lettres patentes qui furent renouvelées en 1756. Dispersée par la loi du 8 août 1793, comme toutes les autres sociétés savantes, elle fut rétablie en 1803, confirmée par de nouvelles lettres patentes du 10 juin 1828, et reconnue comme établissement d’utilité publique par décret du 12 avril 1852. On doit à l’Académie la fondation de plusieurs cours publics et gratuits, celle de l’École de dessin, du premier jardin botanique et de la première bibliothèque publique établis dans notre ville. Elle tient une séance publique annuelle dans les premiers jours d’août, et décerne des prix et des médailles d’encouragement. Cette compagnie, qui avait tenu pendant longtemps ses séances publiques dans la grande salle des R. P. Carmes, avant la suppression de ce monastère, eut ensuite pour lieu de ses assemblées une des salles de l’Hôtel-de-Ville, avant sa translation dans l’hôtel des Sociétés savantes.

2. La Société centrale d’Agriculture fut créée le 27 juillet 1761 ; elle fut supprimée en 1793 et rétablie le 1er mars 1819. Elle tient une séance publique la veille de la foire Saint-Romain, pour distribuer des prix et des médailles d’encouragement. Des Comices agricoles sont en outre institués dans les cinq arrondissements de la Seine-Inférieure. Des Chambres consultatives

d’agriculture ont été établies par un décret du 25 mars 1852, près de l’administration départementale.

3. La Société libre d’Émulation du Commerce et de l’Industrie de la Seine-Inférieure s’était formée, dès 1793, des débris de plusieurs associations supprimées par la révolution ; elle se réunit, en 1803, à une autre société appelée d’abord le Lycée libre de Rouen, et ensuite la Société des sciences et des arts, qui elle-même avait pris naissance en 1799, à la suite d’une scission au sein de la Société d’Émulation. Elle porta le titre de Société libre d’Émulation pour le progrès des sciences, des lettres et des arts jusqu’en 1855, où, par sa fusion avec une autre association connue alors sous le titre de Société libre du Commerce et de l’Industrie, elle a pris sa dénomination actuelle. Elle a été reconnue, en 1851, comme établissement d’utilité publique. On doit à cette utile association la création de cours publics et gratuits qui sont encore en activité, et l’organisation des expositions industrielles de 1857 et de 1859. On lui doit aussi la formation du Musée industriel, pour l’extension duquel elle n’attend qu’un local proportionné au développement dont cet établissement est susceptible. Cette société tient sa séance publique le 9 juin, jour anniversaire de la naissance du Grand Corneille, pour la distribution des récompenses qu’elle décerne annuellement1.

4. La Société libre des Pharmaciens fut créée le 26 mai 1802. Elle tient ses séances dans le local de la tour aux Normands, rue des Espagnols.

5. La Société de médecine a été établie en 1821, et tient ses séances deux fois par mois dans l’hôtel des Sociétés savantes. ― Une association des médecins de la Seine-Inférieure s’est formée en 1857, sur l’initiative de la Société de médecine de Rouen, mais en dehors de cette dernière société.

6. La Société centrale d’horticulture de la Seine-Inférieure a été fondée en 1836, et a été déclarée d’utilité publique par un décret du 11 août 1853. À cette Société s’est réuni, en 1859, le Cercle pratique d’horticulture et de botanique, qui avait été créé en 1845, dans le but de former une bibliothèque renfermant les ouvrages les plus estimés sur la science des jardins. La Société d’horticulture organise, tous les ans, une exposition des produits

de l’industrie horticole, à la suite de laquelle elle distribue des récompenses. Ses séances ont lieu dans une des salles de l’hôtel des Sociétés savantes, deux fois par mois.

7. La Société vétérinaire des départements de la Seine-Inférieure et de l’Eure, a été instituée en 1852.

8. La Société des Bibliophiles normands a été établie en 1863, dans le but d’imprimer des opuscules inédits ou d’une excessive rareté, concernant la Normandie. ― Une seconde association du même genre s’est formée en 1870, sous le titre de Société rouennaise des Bibliophiles.

9. La Société des Amis des sciences naturelles, fondée en février 1865, tient ses séances mensuelles à l’hôtel des Sociétés savantes.

10. Le Cercle rouennais de la Ligue de l’enseignement s’est constitué en 1867, et a tenu sa première assemblée générale le 13 août de l’année suivante. Son but est de propager autour d’elle l’instruction par tous les moyens possibles1. Cette association, qui avait cessé provisoirement ses conférences en 1870, les a reprises l’année suivante.

11. La Société de l’histoire de Normandie, établie en 1869, a pour objet la publication d’ouvrages et de documents historiques, soit manuscrits, soit imprimés, mais rares et coûteux, relatifs à l’ancienne province de Normandie. Une réunion du conseil d’administration de cette société a lieu tous les mois, à l’hôtel des Sociétés savantes.

12. La Société des Architectes du département, autorisée le 7 août 1869, concourt au progrès de l’art architectural en province. Ses réunions ont lieu également à l’hôtel des Sociétés savantes.

13. La Conférence Corneille, créée vers 1869, s’occupe de lectures et de discussions sur des sujets d’histoire, de littérature et d’esthétique.

Nous mentionnerons en outre, parmi les institutions appelées à concourir au progrès des sciences, des arts et des lettres, diverses

commissions instituées près de l’autorité départementale : le Comité central de vaccine, créé à Rouen le 5 août 1816 ; la Commission des antiquités, fondée en 1818, et organisée quelques années après ; la Commission des archives créée en 1834 et réorganisée en 1843 ; la Commission de statistique, instituée en juillet 1852.

Il existe aussi à Rouen de nombreuses associations particulières, que l’on peut diviser en plusieurs catégories :

Parmi les Sociétés d’utilité et d’agrément, nous mentionnerons :

La Société des Amis des arts, fondée en 1834, reconstituée en 1858 sur de nouvelles bases. En 1837, il se forma une autre association sous le titre de petite Société des Amis des arts, laquelle eut plusieurs années d’existence. Depuis son établissement jusqu’en 1843, la Société des Amis des arts fit exécuter neuf gravures pour ses actionnaires, et acquit, dans les expositions publiques organisées par l’administration municipale, 514 tableaux et dessins qui furent répartis entre les souscripteurs par la voie du sort ; 136 tableaux et dessins furent achetés par la petite société. Le nombre des tableaux, dessins et objets d’art acquis par la Société des Amis des arts, depuis sa réorganisation, s’est élevé jusqu’en 1870 à 331, pour une valeur totale de 102,275 fr. Cette même société a conçu le projet de construire, à l’aide de fonds provenant d’une loterie, sur un terrain appartenant à la ville, situé entre le jardin de Solférino et l’ancienne église de Saint-Laurent, un édifice destiné aux expositions des beaux-arts. La réalisation de ce projet, aujourd’hui différée, doterait la ville d’un monument dont la société lui ferait par la suite l’abandon, et qui pourrait être utilisé pour donner des fêtes municipales.

La Société artistique de Normandie, fondée en 1869.

Le Comité des Courses de chevaux, créé d’abord en 1843 et institué définitivement en 1860. (Voyez rue Saint-Julien.)

La Société des Régates rouennaises, fondée en 1849.

Plusieurs cercles commerciaux, au nombre desquels est le Lloyd rouennais, ouvert en 1866 et dont le siége est établi dans la rue des Charrettes, au coin de la rue Jeanne-d’Arc. On y reçoit les dépêches et renseignements intéressant le commerce et l’industrie.

― On compte dans notre ville plus de vingt associations de

bienfaisance, sociétés de secours mutuels, maisons de charité dirigées par des dames religieuses, des loges maçonniques, etc. Le détail de ces institutions ne peut trouver place ici, et est consigné dans l’Almanach de Rouen, auquel nous renvoyons nos lecteurs. Nous citerons seulement :

La Société de charité maternelle, dont l’origine et les statuts sont dûs à la reine Marie-Antoinette. Cette société a été reconnue comme établissement d’utilité publique par décret du 26 février 1849 ; elle est administrée par un conseil de cinquante dames, nommées en assemblée générale.

La Société pour le patronage et le placement des jeunes filles libérées et détenues, dont l’établissement est route de Darnétal. Elle a été fondée en 1838. ― Un comité de patronage des jeunes libérés, créé en 1834, avait donné naissance à la Colonie agricole du Petit-Quevilly, laquelle n’existe plus. (Voyez page 125.)

Il existe enfin plusieurs sociétés lyriques et chorales. Une société philharmonique avait été fondée en 1834, succédant elle-même à une association musicale qui avait pris naissance en 1805 et qui ne dura que quelques armées. La Société philharmonique fut dissoute en 1839 et se reconstitua en 1845 pour se dissoudre de nouveau. On s’est occupé des moyens de la rétablir en 1870.

Socrate (rue de). = Rue Saint-Lô, rue Ganterie. ― 9e section, 1er canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-O.

Cette rue, ainsi nommée en 1794 (depuis la rue Ganterie jusqu’à celle de la Municipalité), n’était, au 17e siècle, qu’un passage dans lequel était l’entrée du prieuré de Saint-Lô, et qui est figuré dans le Ms. des Fontaines de 1525 sous la forme d’une petite place. En 1662, une délibération de l’hôtel-de-ville décida le percement de la rue, depuis la rue Ganterie jusqu’à la rue de l’Aumône, et de là jusqu’au Palais. L’année suivante, les religieux de Saint-Lô firent bâtir plusieurs maisons depuis le grand portail de leur église jusqu’à la rue de l’Aumône, dans l’espoir que la ville ferait continuer l’ouverture de cette rue jusqu’en face de la rue de l’Écureuil ; il fut, en effet, dressé en 1666 des procès-verbaux estimatifs des maisons à acquérir dans ce but. Cette opération eut lieu à la demande du Parlement, qui, le 22 mai, fit appeler les échevins, et leur remonstra que, pour le bien et

commodité public, il seroit nécessaire de faire une rue allant de la rue de l’Aumône en faisant suite à celle jà faicte le long des murs du prieuré de Saint-Lô. Deux ans après, un arrêt du Parlement prononça l’expropriation d’une place vide appelée le petit jeu de paume de l’Aigle, passant de la rue Ganterie à la rue de l’Aumône, ainsi que d’une autre place dite le grand jeu de paume, et de diverses autres maisons dont l’acquisition fut reconnue nécessaire pour l’ouverture d’une rue de dix-huit pieds de largeur.... Et seront tenus, ajoute cet arrêt, les religieux de Saint-Lô de retrancher leurs bâtiments estant au coin de la nouvelle rue de Saint-Lô, autant qu’il en sera nécessaire.

Le petit jeu de paume de l’Aigle fut, en 1591, le théâtre d’un assassinat commis, sur un capitaine nommé Lesmons, par le capitaine Louis de Bailleul, sieur de Beaunay ou de Beauvais. Ce dernier, qui était descendu à l’hôtel de l’Écureuil, situé dans la rue de ce nom, prit la fuite à la suite de ce meurtre, laissant à son hôtellerie son cheval et sa haquenée, qui furent vendus en exécution d’un arrêt du Parlement. Il fut condamné le 8 août 1591 à avoir la tête tranchée sur l’échafaud, ses biens et héritages acquis, etc. ; diverses sommes pour les pauvres et les ordres mendiants, et cinq cents escus pour la fondation d’un service qui sera célébré tous les ans, porte cet arrêt, en l’église de Notre-Dame-des-Carmes, le jour que le dit Lesmons a été inhumé, et une messe basse pour chaque jour de l’an à ladite église, pour l’ame du défunt. À laquelle église sera mis un tableau de cuivre, auquel sera empreint et insculpté le nom du défunt, le lieu et la qualité de sa mort, et le secours par lui donné à la ville de Chartres assiégée par les ennemis.

La rue ayant été ouverte jusqu’à la rue Ganterie, porta le nom de rue Neuve-Saint-Lô, qu’elle conserva jusqu’en 1794, où lui fut donné celui du philosophe athénien1. Malgré le respect que peut inspirer la mémoire de ce sage, il semblerait préférable de voir la rue de Socrate porter un nom plus français, celui par exemple de l’un des hommes qui ont illustré notre Parlement de Normandie.

Dans cette rue était, au 17e siècle, la demeure de Jean Besogne,

libraire, auquel les religieux de Saint-Lô louèrent en 1675 une maison sise devant le grand portail de leur église.

On voit encore, au bas de la rue de Socrate, des vestiges des murs de l’ancienne église priorale. En 1825, en creusant les fondations d’une maison, on trouva dans cette rue le corps d’un homme, accompagné d’une lance et d’un casque, et des squelettes d’animaux1.

Solférino (square), à l’intersection des rues de l’Hôtel-de-Ville et de Jeanne-d’Arc. = 8e section, 2e canton, Saint-Godard. ― Quartier N.-O.

Cet élégant jardin, ainsi nommé par un arrêté du 31 décembre 1860, rappelant un glorieux souvenir de l’histoire contemporaine, a été inauguré le 5 septembre 1863. Il occupe l’emplacement où s’élevait naguère la halle aux Tanneurs entourée de rues étroites et insalubres, et que traversait le ruisseau de la Renelle, dont les eaux, corrompues par de nombreuses tanneries, rendaient de fétides exhalaisons. La contenance de ce square est d’un peu moins d’un hectare ; il est orné d’un bassin semi-circulaire, garni de roches assez naturellement disposées, et d’où s’échappent quelques filets d’eau qui alimentent le bassin et qu’entretient la source de Gaalor. Placé presque au centre de la ville, le jardin de Solférino, gracieusement dessiné, offre une commode et charmante promenade2.

Sorciers (chemin des).

On appelle ainsi vulgairement un chemin qui part du carrefour de la Mare-aux-planches et conduit à la campagne vers le Petit-Quevilly.

Sotteville (rue et impasse de). = Rue de Grammont, les Abattoirs. ― 11e section, 6e canton, Saint-Sever. ― Faubourg Saint-Sever.

Cette rue a pris son nom de sa direction vers la commune de Sotteville. Il existe dans cette rue, outre l’impasse de Sotteville, plusieurs autres impasses qui portent les noms de leurs propriétaires : impasse Bettencourt, impasse Bureau, impasse Legrand.

Stanislas-Girardin (rue). = Boulevard Cauchoise, rue Flaubert. ― 12e section, 5e canton, la Madeleine. ― Faubourg Cauchoise.

Ouverte en 1823, cette rue avait d’abord été appelée rue Caroline, du nom de la duchesse de Berry ; on lui donna en 1831 celui d’un préfet qui avait administré le département depuis 1812 jusqu’à 1815. Elle occupe l’emplacement d’une ancienne corderie, et a été prolongée en 1833 jusque derrière les jardins de l’Hôtel-Dieu, en comprenant dans son parcours l’ancienne rue des Loges. La corderie de Cauchoise avait été établie sur un chemin qui conduisait au pré de la Bataille, avant la création des quartiers neufs de Cauchoise.

À l’entrée de la rue Stanislas-Girardin, à droite, et au coin du boulevard Cauchoise, il a été construit, par un propriétaire de ce quartier, de magnifiques galeries qui renferment les magasins et les dépôts des fabriques des environs de Rouen, lesquels, à une autre époque, étaient réunis dans l’ancienne rue Saint-Jean et dans le passage du même nom, actuellement supprimés.

Dans cette rue est la maison d’orphelines des Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, qui avaient habité le faubourg Saint-Sever et qui sont venues dans le local qu’elles occupent maintenant, lorsque M. l’abbé Grouet, ancien curé de Saint-Sever, vint prendre possession de la cure de la Madeleine. La chapelle de l’orphelinat de Saint-Vincent-de-Paul a été édifiée vers 1864. Cet établissement donne asile à 50 orphelines.

On a trouvé en 1838, en creusant des fondations dans la rue Stanislas-Girardin, des monnaies romaines et une statuette d’Hercule, en bronze.

― On donne le nom d’avenue Girardin à un boulevard dépendant de la commune du Petit-Quevilly. (V. page 566.)

Syrène (rue de la).

Un acte de tabellionage du 2 mai 1477 fait mention d’une rue de la Serayne, tendant vers les Camps-Mahiets. Dans un autre acte du 25 juin de la même année, on trouve l’indication d’une maison sise en la rue Écuyère, où pend l’enseigne de la Serayne (probablement la Syrène), en la paroisse de Saint-Pierre-l’Honoré, bornée d’un bout par derrière la rue aux Seneschaulx et par devant la rue Escuyère. Un autre acte du

4 février 1483 parle d’une maison sise rue Étoupée, bornée d’un bout la rue de la Feraine. C’est évidemment le même nom défiguré, qui se rapporte à l’enseigne de la Syrène dont il est question ci-dessus. Il est supposable que c’est une ancienne dénomination de la partie de la rue des Bons-Enfants qui tendait de l’église Saint-Pierre-l’Honoré, actuellement détruite, jusqu’à la rue des Champs-Maillets.

En rendant compte des cérémonies qui eurent lieu à Rouen à l’occasion de l’arrivée dans cette ville, le 29 juillet 1430, de Henri VI, roi de France et d’Angleterre, alors âgé d’environ neuf ans, la Chronique de P. Cochon s’exprime ainsi (p. 313) : Et avoit devant l’enseigne de l’Estrief à Saint-Pierre-l’Onnouré j chastel figuré ; et avoit j seraine qui peignoit ses cheveux, et se miroit, et jetoit vin et lait par les mamelles, et auprès d’elle ij petites seraines. Et estoit cela très bien fait, et le regarda le roy. Telle est sans doute l’origine de l’enseigne de la Syrène.

Tabouret (rue). = Rue Crevier, rampe Saint-Gervais. ― 12e section, 5e canton, Saint-Gervais. ― Faubourg Cauchoise.

Ce nom est mentionné dans plusieurs actes de tabellionage du 15e siècle. Un acte de 1422 cite la rue qui mène de Tabouret à Saint-Gervais ; un autre acte de 1462 mentionne un héritage près Saint-Mor au coin du Tabouret, d’un bout la rue Quevrière (Crevier), d’autre costé la rue de la Haulte-Fessardière. Enfin, dans un acte du 23 octobre 1534, il est parlé de maison et jardins en la rue Crevière, tendant des faubourgs à Saint-Mor, vers Tabouret.

Dans cette rue, qui est contiguë à la rampe Saint-Gervais, on voyait, le long de la chaussée, d’antiques cercueils en pierre annonçant que la nécropole de Saint-Gervais s’étendait de ce côté1.

― Au 15e siècle, on donnait aussi le nom de l’allée Tabouret à une ruelle par où l’on se rendait de l’hôpital de Saint-Vivien au cimetière de la même paroisse, au centre duquel passe actuellement la rue Neuve-Saint-Vivien. Un acte de tabellionage du 1er janvier 1555 concerne la vente d’une maison bornée d’un

côté le cimetière de Saint-Vivien, d’un bout la rue Orberue, d’autre bout la rue Tabouret.

La Chronique de P. Cochon, publiée par la Société de l’Histoire de Normandie, fait mention (p. 335), à la date de 1412, d’un nommé Jehan Mignot, qui par la temptacion du deable se pendi….. et fu porté en terre en Thabouret. Il est à croire, dit M. Ch. de Beaurepaire, le savant éditeur de cette chronique, que c’était dans ce lieu, peuplé d’anciens tombeaux de l’époque du paganisme, qu’étaient enterrés ceux auxquels était refusée au moyen-âge la sépulture ecclésiastique. C’est peut-être à cette désignation qu’est due l’origine des noms de la rue Tabouret près du cimetière de Saint-Gervais, et de l’allée Tabouret avoisinant celui de Saint-Vivien.

Tambour (rue du). = Rue de la Grosse-Horloge, place Verdrel. ― 9e section, 1er canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-O.

Cette rue, que nous croyons avoir fait partie autrefois d’une rue de l’Escauderie qui, au 15e siècle, suivait le cours de la Renelle à travers la place nommée alors le Marché-Neuf, a dû prendre son nom d’une enseigne. On trouve, dans un acte de tabellionage de 1476, la mention d’un héritage où pendoit l’enseigne du Tabour, borné par devant la rue de Vanterie, (l’un des anciens noms de la rue de la Grosse-Horloge). Un autre acte de 1479 parle d’une maison assise en la rue de Vanterie, bornée par derrière par l’hôtel du Tambour.

On pourrait supposer que, dans l’ancien langage, le mot Tabour indiquait un gîte ou un engin de chasse : la Chronique de P. Cochon, dont nous avons déjà parlé, dit, à la page 106 : Et les quidèrent prendre comme le lyeure (lièvre) o thabor.

On donnait quelquefois le nom de passage du Tambour au passage de Saint-Jean, actuellement supprimé.

Tanger (rue de). = Avenue du Mont-Riboudet, rue de Constantine. ― 12e section, 5e canton, la Madeleine. ― Faubourg Cauchoise.

Cette rue a reçu le nom de la ville de Tanger, en commémoration de la conquête de l’Algérie. On s’occupe de la prolonger jusqu’à la rue du Chouquet.

Tannery (rue et impasse). = Rue de Bellevue, rue de Bihorel. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Beauvoisine.

Le nom de cette rue est provenu d’un propriétaire appelé Tennery.

Tapissiers (rue des). = Place de la Basse-Vieille-Tour, rue du Bac. ― 7e section, 3e canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-E.

Cette rue a pris son nom de la profession qu’y exerçaient autrefois les habitants pour la fabrique et la vente de tapis à haute et basse lisse1.

Il fut question, en 1828, de supprimer cette rue pour prolonger la rue de la Savonnerie jusqu’à la place de la Basse-Vieille-Tour, mais on se borna à soumettre le côté droit de cette rue à un nouvel alignement.

Télégraphie électrique.

Ce mode de transmission des dépêches de Paris à Rouen a succédé en 1846 au système des Télégraphes aériens, et a étendu son service aux départements en 1850. Il a reçu progressivement d’importants développements et d’ingénieuses améliorations qui en font une des merveilles de notre siècle.

Le bureau central du Télégraphe électrique est sur le quai de la Bourse. Des succursales sont établies depuis quelque temps :

À l’hôtel de la Préfecture, rue de Fontenelle.
Au faubourg Saint-Sever, rue Lafayette, 75.
Au boulevard Jeanne-d’Arc, près de la rue Ernest-Leroy.
À la gare du chemin de fer du Nord, boulevard Martinville.

En 1867 a eu lieu l’établissement des postes de télégraphie électrique pour les incendies. Ces stations sont au nombre de seize, et correspondent avec le dépôt général des pompes.

Terrain (rue du). = Route de Caen, rue des Murs-Saint-Yon. ― 11e section, 6e canton, Saint-Clément. ― Faubourg Saint-Sever.

Cette rue était connue précédemment sous les noms d’impasse de Saint-Yon, ou d’impasse de la route de Caen. Sa déno-

mination actuelle semble être provenue d’une grande pièce de terre qui lui est contiguë, et que doivent traverser les impasses Lair et aux Juifs, pour aboutir à la rue du Terrain.

Termes (rue aux).

Un acte de tabellionage, du 12 mars 1422, cite, dans la paroisse de Saint-Patrice, une rue de ce nom près des vieux murs du Château du Roi. C’est probablement un nom défiguré de la rue aux Truyes.

Théâtres de Rouen.

Avant l’établissement des théâtres dans notre ville, et sans parler des mystères, moralités, farces et joyeusetés qui avaient été représentés à diverses époques dès le commencement du 15e siècle, les jeux de paume servaient de salles de spectacle aux troupes ambulantes qui, depuis le 16e siècle, vinrent donner à Rouen des représentations théâtrales. Tels furent les jeux de paume appelés le Port du salut, dans la paroisse de Saint-Étienne, où parut en 1556 la première troupe ambulante ; les Deux-Maures, dans la rue des Charrettes, en face de la rue Herbière ; les Bracques, au bas de la rue du Vieux-Palais ; tels furent encore les deux jeux de paume de Saint-Eustache, dans la rue aux Chevaux, derrière la maison de Corneille ; celui de la place de la Rougemare ; ceux de la Cornière, dans la rue Dinanderie, du Signot sur la place du Vieux-Marché, du Patin dans la rue de la Seille, des Cochonnets dans la rue Notre-Dame, etc.

De 1650 à 1658, plusieurs troupes jouèrent la comédie au jeu de paume des Deux-Maures situé dans la rue des Charrettes, et sur l’emplacement duquel fut créée, plusieurs années après, sous les désignations de Comédie, d’Opéra ou d’Académie royale de musique, la salle de spectacle que remplaça en 1776 le Théâtre des Arts. Toutefois, cette petite salle servit encore quelquefois à des représentations données par des comédiens ambulants, par des physiciens, des acrobates, jusqu’en 1784, où elle fut définitivement fermée par ordre du Parlement.

En 1658 s’ouvrit aussi, au jeu de paume ou tripot des Bracques, dans la rue du Vieux-Palais, une autre salle où joua Molière avec sa troupe, et qui reçut la dénomination de second théâtre Français ; elle fut incendiée le 17 mars 1696.

Le 29 juin 1776 fut inauguré le théâtre des Arts, dont la première pierre avait été posée le 18 juin 1774. Bâti sur l’emplacement d’une ancienne auberge ayant pour enseigne le Croissant, il est situé au bas de la rue Grand-Pont et à l’angle de la rue des Charrettes. Il a, sur le cours Boïeldieu, une sortie particulière qui fut ouverte en 1831, en même temps qu’un foyer pour le public. L’entrée pour les acteurs est dans la rue de la Comédie. Le théâtre des Arts, qui est indiqué dans un plan de 1782 sous le titre de Comédie, fut appelé théâtre de la Montagne en 1793, et reçut le 26 décembre de l’année suivante le nom qu’il porte actuellement1.

Il a reçu à diverses époques des agrandissements et des améliorations, particulièrement en 1858 et en 1859. Il peut contenir de 1500 à 1600 personnes. On y remarquait un plafond qui fut peint par Lemoine en 1775, et qui fut retiré en 1859. Ce théâtre a été éclairé au gaz en 1864.

Il avait été question, en 1829, d’édifier une nouvelle salle sur la place des Carmes ; mais ce projet rencontra une opposition formée par les propriétaires de la salle actuelle, qui firent valoir qu’elle avait été bâtie sous la protection de lettres patentes du mois d’août 1773, et que la ville ne saurait, sans abolir leur privilége, autoriser l’établissement d’un spectacle du même genre, attendu que ces lettres patentes portent que l’édifice dont elles autorisaient la création serait à perpétuité et par privilége employé et affecté à l’usage de la salle de spectacle : qu’enfin elle ne pourrait choisir un autre emplacement que dans le cas d’une nécessité d’intérêt public, et que, dans ce cas, les propriétaires devraient être indemnisés de toute la valeur productive de leur établissement.

Que deviendraient ces prétentions en présence du décret du 13 janvier 1791 qui a permis à tout citoyen d’élever un théâtre public, disposition renouvelée par un autre décret du 18 janvier 1864, relatif à la liberté des théâtres et donnant liberté entière d’en ouvrir ou exploiter ?

Lors de l’ouverture de la rue de l’Impératrice (aujourd’hui la rue Jeanne-d’Arc), on projeta encore la construction d’un nouveau théâtre en rapport avec l’aspect monumental de ce quartier, mais on recula devant la dépense que devait entraîner la mise à exécution de ce projet.

Un autre théâtre, situé sur la place du Vieux-Marché, fut ouvert le 2 février 1793. Cette salle, construite sur l’emplacement d’un ancien jeu de paume appelé le Signot, et qui n’a de remarquable que sa trop grande simplicité et sa position au centre de nombreuses habitations, peut contenir 1200 personnes. Elle a été restaurée plusieurs fois, notamment en 1858. Elle avait reçu, au moment de son ouverture, le titre de nouveau théâtre Français, mais on lui donna ensuite celui de théâtre de la République, et l’on planta en face de cet édifice un arbre de la liberté. Elle reprit, en 1795, la dénomination de théâtre Français.

Il avait existé un manége d’équitation dans la rue Dugay-Trouin. Il fut remplacé en 1853 par un nouveau manége situé dans la rue Lafayette et destiné à servir aux représentations équestres ; ce manége fut bientôt transformé en théâtre, auquel on apporta les améliorations nécessaires pour permettre d’y jouer les féeries et les pièces à grand spectacle. On lui donna le nom de théâtre du Cirque.

Sur le quai d’Elbeuf, en face du pont de Pierre-Corneille, était le théâtre des Variétés, appelé précédemment les Folies dramatiques, qui fut construit en 1836, et dont la démolition a été décidée en 1871. Il succéda à celui qui était connu sous le nom vulgaire de théâtre de Gringalet1, qui fut placé successivement sur le port, au lieu appelé les Quatre-Colonnes, près de la rue Grand-Pont, incendié en 1814 ; puis sur la place Saint-Sever, à l’entrée du Grand-Cours, et dans la rue Lemire. Il y avait aussi, en 1830, un petit théâtre de la Gaîté dans la rue des Maillots-Sarrasins.

À cette liste des théâtres de Rouen nous ajouterons une petite salle édifiée en 1869 dans la rue des Bons-Enfants, par un pro-

priétaire qui l’a destinée à l’usage d’une École dramatique fondée à Rouen depuis quelques années.

Thouret (rue). = Rue de la Grosse-Horloge, rue aux Juifs. ― 9e section, 1er canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-O.

Cette rue n’était précédemment qu’un passage étroit appelé le passage de la Ronde, nom que portait l’église voisine. Ce passage conduisait de la rue aux Juifs à la cour de l’ancien Hôtel-de-Ville, nommé aussi la cour de Justice1 et la cour de Ville2. La rue Thouret a été ouverte en 1806, sur un emplacement occupé précédemment par l’église de Notre-Dame-de-la-Ronde, et par une petite place qui avait servi de cimetière, puis enfin par quelques propriétés particulières vers la rue aux Juifs. Elle porte le nom d’un célèbre avocat au parlement de Normandie qui avait demeuré dans la petite cour de l’Hôtel-de-Ville, et qui, après avoir joué un grand rôle dans nos premières assemblées législatives, périt sur l’échafaud en 1794.

À l’endroit où est actuellement l’entrée de la rue Thouret sur la rue de la Grosse-Horloge, fut allumé, en 1650, en grande pompe, par les premiers échevins de la ville, un feu de joie à l’occasion de l’arrivée de Louis XIV. Pareille cérémonie eut lieu en 1729, en la place ordinaire, vis-à-vis de l’église de Notre-Dame-de-la-Ronde, pour célébrer le rétablissement de la santé du roi Louis XV.

On a trouvé en 1857, dans le jardin d’une maison de cette rue, près de 200 boulets de canon en grès, en granit et en calcaire, ce qui fait supposer qu’un arsenal aurait existé dans le sous-sol de ce jardin.

― Il fut question, en 1857, de prolonger la rue Thouret jusqu’à la rue aux Ours en traversant le passage d’Étancourt ; ce projet n’eut pas de suite. Un autre projet, conçu en 1869, avait pour but d’ouvrir entre le Palais-de-Justice et le port une large voie de communication, sous le titre de boulevard du Palais ; ce projet fut également abandonné.

Thuringe ou Thuringue (rue de).

Cette rue, qui dépend de la commune de Blôville-Bonse-

cours, n’est mentionnée ici que pour rappeler le souvenir du mont Thuringe (appelé dans les anciennes chroniques Turingue ou Tourinde), où la tradition place, dans les siècles reculés, un château que Robert-le-Diable aurait choisi pour repaire. C’est un promontoire qui, de la côte de Bonsecours, s’abaisse vers la Seine. Valdory, dans son Discours du siége de la ville de Rouen, en 1591, parle beaucoup de la batterie qui y fut dressée pendant ce siége mémorable. La rue de Thuringe se voit encore dans le quartier d’Eauplet, au pied du mont Sainte-Catherine. (Voyez ce dernier nom.)

Tiercelin (impasse).

Cette impasse, connue aussi sous le nom de la fontaine Tiercelin (voyez ce mot), était près de la rue Saint-Marc. Elle est citée dans une délibération de 1596, qui est aux Archives municipales (f. 170 r.)

Tilleuls (rue des). = Rue du Puits, rue des Sapins. ― 1re section, 5e canton, Saint-Hilaire. ― Faubourg Saint-Hilaire.

Percée au commencement du 19e siècle, cette rue a pris son nom de tilleuls plantés sur le terrain qu’elle occupe.

Tirhuit (rue).

On a donné récemment à cette rue le nom de rue de Boisguilbert. (Voyez page 51 ; voyez aussi notre article concernant la rue Pierre-Corneille.)

L’auteur du Dictionnaire indicateur cite, à propos de cette première dénomination, l’opinion de ceux qui ont cru pouvoir attribuer son origine au nom d’un officier anglais qui y avait demeuré, et ajoute qu’il y a encore en Angleterre des familles du nom de Tyrwhitt. Il pense aussi qu’on pourrait trouver l’étymologie du nom de la rue Tirhuit dans le vieux langage : « huiz » signifie porte ; de là est venu le mot huissier, pour désigner un portier d’audience, de palais, etc. ; en supposant que « tire » signifie ici ouvrir ou fermer, il serait possible que le nom de la rue soit venu de l’huissier ou « tire huiz » chargé de l’ouverture de la fausse porte des Champs qui était voisine. La même étymologie pourrait également s’appliquer à une autre rue Tirhuit, qui

était auprès de la porte Saint-Éloi, et qui fut réunie en 1795 à la rue des Ramassés1.

Mais nous trouvons, dans plusieurs actes de tabellionage du 15e siècle, le nom de cette rue écrit : Tireuit, Tirevit et Tyrevit. Un autre acte de janvier 1528 indique la rue Tirevit dite Tire-lincheul. Dans un acte du 26 mars 1502, il est également parlé d’une maison sise rue Tirevit, bornée d’un côté la rue Pitorie tendant à la rue de la Caige et d’un bout la rue de Tirelincheul. En considérant que cette rue est située dans le voisinage des rues appelées anciennement rue de Puitrie et rue de Poettron2, nous sommes forcé de reconnaître, avec M. Ch. Richard, que la rue Tirhuit avait pu être habitée par des filles de mauvaise vie, de même que celle qui fut réunie depuis à la rue des Ramassés.

Il y avait à Paris, selon M. Ch. Richard, une rue Tireuit et on se rappelle qu’un page, fort embarrassé par la reine Marie Stuart qui lui demandait le nom de cette rue, répondit qu’elle s’appelait rue Tireboudin, nom qu’elle a conservé longtemps3. Cette rue s’appelle actuellement rue Marie-Stuart, à cause de l’aventure ci-dessus.

― Le nom de rue du Circuit, près de la rue de Flandre, qu’on trouve inscrit dans un acte de tabellionage du 8 février 1421, doit se rapporter à l’ancienne rue Tirhuit.

Tirlinceul ou Tirelinceul (rue).

C’est actuellement la rue Poussin (Voyez ce nom ; Voyez aussi notre article concernant la rue de la Cage.)

Tivoli (rue de). = Rue de Bonnefoi, rue des Pleins-Champs. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Beauvoisine.

Ce nom vient d’un lieu où se tenait un bal champêtre appelé Tivoli.

― Il y a, dans l’île de la Croix, une rue qui porte également ce nom parce qu’elle conduit à un établissement appelé le Tivoli normand, affecté spécialement aux noces, banquets, bals et con-

certs. Pour éviter toute confusion avec la rue de Tivoli du faubourg Beauvoisine, il serait utile de choisir un autre nom pour celle de l’île de la Croix.

Torchy (pont de).

On trouve l’indication de ce nom dans un titre du 14e siècle : Oultre le pont de Torchy, paroisse Saint-Vivien1.

Toupas (rue). = Place Saint-Marc, rue de la Chèvre. ― 3e section, 4e canton, Saint-Maclou. ― Quartier S.-E.

Cette petite rue est très ancienne. Nous ignorons quelle peut être l’origine de son nom, à moins qu’il ne provienne de celui d’un propriétaire. Elle a dû porter aussi les noms de rue Baquet, Boquet ou Busquet, dont il est fait mention dans différents actes de tabellionage du 15e siècle, comme joignant la rue Saint-Marc et la rue Vatier-Blondel, réunie à celle de la Chèvre. On trouve aussi, dans un acte de 1540, l’indication de la rue Buquet près de la ruelle Touppeloupe. Enfin, dans les Affiches de Normandie de 1777 à 1785, il est parlé d’une petite rue Étoupart ; on lit aussi rue Tout-pas en 1809. Ce sont probablement des noms défigurés de la rue Toupas.

Tour (rue et impasse du). = Route de Darnétal, rue de la Petite-Chartreuse. ― 1re section, 5e canton, Saint-Hilaire. ― Faubourg Saint-Hilaire.

Elle se compose de l’ancienne rue du Petit-Tour, qui s’étendait depuis la rue de la Petite-Chartreuse jusqu’à celle des Petites-Eaux, et de la rue du Moulin-Saint-Amand, qui de là se prolonge jusqu’à la route de Darnétal.

Le nom de la rue du Tour semblerait être motivé par sa forme circulaire ; mais nous croyons qu’il a une autre origine. En 1794, la rue de la Petite-Chartreuse avait été appelée rue de Tours ; la dénomination de petite rue de Tours, dont on fit plus tard la rue du Petit-Tour, fut alors donnée à un chemin voisin, qui l’a conservée jusqu’à l’époque où on lui a réuni la rue du Moulin-Saint-Amand, sous le nom de rue du Tour.

Le nom de la rue du Moulin-Saint-Amand provenait d’un moulin qui avait appartenu à l’abbaye de Saint-Amand, et qui

devint ensuite la propriété des hôpitaux de Rouen, ce qui lui fit donner aussi la dénomination de moulin des Hospices. On l’appela aussi le moulin Saint-Évron, parce qu’il avait été emphythéosé à une dame de ce nom.

Tour-d’Argent (impasse de la), dans la rue Cauchoise. = 10e section, 1er canton, la Madeleine. ― Quartier S.-O.

Ce nom vient d’une enseigne. Les Affiches de Normandie de 1763 font mention d’une maison à usage d’auberge, où pendait pour enseigne la Tour-d’argent.

Tour-du-Rouet (rue du). = Rue du Renard, grande rue Saint-Gervais. ― 12e section, 5e canton, Saint-Gervais. ― Faubourg Cauchoise.

Nous n’avons pas de renseignement précis sur l’origine du nom de cette rue. Quelques personnes croient qu’on l’appelait antérieurement rue de la Tour-du-Roi, à cause d’une tour de la maison de plaisance que les anciens ducs de Normandie auraient possédée près de l’église de Saint-Gervais. Mais il serait possible aussi que cette dénomination fût simplement provenue de la forme semi-circulaire de la rue, ou enfin, de même que celui de la rue du Roi qui est dans le même quartier, du nom de l’instrument de fabrique appelé « rouet. » (Voyez rue du Roi.)

Tous-Vents (rue). = Rue du Pré, route de Caen. ― 11e section, 6e canton, Saint-Sever. ― Faubourg Saint-Sever.

Quelques personnes croient que cette rue porte le nom d’un conseiller au Parlement, Fauvel de Touvents, qui se signala par son animosité contre les religionnaires, et par la part qu’il prit, en juin 1685, à l’arrêt ordonnant la destruction de leur temple à Quevilly, ainsi qu’à la mise à exécution de cet arrêt1. On trouve cette rue inscrite sous le nom de rue de Touvents, dans les Affiches de Normandie de 1762.

Une salle d’asile, à laquelle est annexé un dispensaire, a été construite dans la rue Tous-Vents, en remplacement de celle qui était dans la rue Saint-Julien. Elle a été inaugurée le 4 juillet 1860.

Transversale (rue). = La Seine, du midi au nord. ― 1re section, 6e canton, Saint-Paul. ― Île de la Croix.

Ce nom a été donné à une rue récemment ouverte dans l’île de la Croix.

Traversière (rue). = Rue des Sapins, rue Longue. ― 4e section, 5e canton, Saint-Hilaire. ― Faubourg Saint-Hilaire.

Comme pour la précédente, le nom de cette rue vient de sa position. Elle a été ouverte pour traverser les terrains situés entre la rue des Sapins et la rue Longue.

Trianon (rue de). = Rue d’Elbeuf, le Petit-Quevilly. ― 11e section, 6e canton, Saint-Clément. ― Faubourg Saint-Sever.

Cette rue forme la limite entre la ville et la commune du Petit Quevilly. Elle part du boulevard Sainte-Marie, qui fait partie de cette dernière commune, et aboutit à la rue d’Elbeuf, derrière l’ancien parc de Trianon, occupé actuellement par le jardin de botanique. (V. rue d’Elbeuf.)

Trigorye ou Trihory (ruelle).

Dans un acte du 6 mai 1482, on lit rue de Trigorye. Située dans la rue du Plâtre, cette ruelle fut expropriée en février 1841 pour cause d’utilité publique, et se trouve comprise dans une propriété particulière faisant partie de la place de la République. On la nomme, par corruption, rue de la Trésorerie.

Trois-Cornets (rue des).

Cette rue, qui a été supprimée pour l’ouverture de la rue d’Amiens (ancienne rue Napoléon III), tirait son nom d’une enseigne. On voyait encore, en 1820, sur le mur d’une maison de cette rue, près de celle du Battoir, qui est également supprimée, trois cornets d’armoiries anciennement sculptés sur la clé de voûte d’une grande porte ronde1. Dans un plan de 1724, cette rue est inscrite : rue des Trois-Cornettes.

L’ancienne rue des Trois-Cornets, qui figure sur le plan de 1655, nous paraît être celle qui est désignée dans un acte de tabellio-

nage du 19 août 1481, lequel fait mention d’un héritage borné d’un côté par la voie des Pentheurs, d’un bout par la rue de la Vigne, et d’autre bout par celle de la Gloe. La même désignation résulte d’un autre acte du 4 janvier 1495, qui parle d’une maison assise en la rue des Pentheurs, bornée d’un côté ladite rue, d’autre côté au jardin1, etc. C’est dans la rue des Trois-Cornets que venaient aboutir la rue des Penteurs actuelle et la petite rue des Arpenteurs, qui a disparu pour l’établissement de la place d’Amiens.

― Il y avait, dans la paroisse de Saint-Godard, et hors de la ville, un jardin appelé les Trois-Cornets, dont font mention des actes de tabellionage de 1525 et de 1561. Il était borné d’un bout par le chemin tendant à la fontaine Saint-Filleul.

Trois-Cuisines (rue des). = Rue de la Petite-Porte, rue Percée. ― 1re section, 5e canton, Saint-Hilaire. ― Faubourg Saint-Hilaire.

Le nom de cette rue, qui n’était précédemment qu’une impasse, vient des trois premières maisons qui y furent bâties, et que l’on appelait vulgairement les trois cuisines. Elle est indiquée par erreur, sur un plan de 1817, comme ouvrant une communication entre la rue des Peupliers et la route de Darnétal.

Trois-Frères (rue des).

Des actes de 1550 et de 1579 font mention d’une rue de ce nom existant le long des murailles de la ville, en la paroisse Saint-Étienne-les-Tonneliers.

Trois-Journées (rue des). = Rue Geufroy, rue de Bonne-Nouvelle. ― 11e section, 6e canton, Saint-Sever. ― Faubourg Saint-Sever.

Cette rue, ouverte en 1833, sur un terrain offert à la ville par son propriétaire, a pris son nom des trois journées de juillet 1830.

Trois-Pucelles (rue des).

Le nom de cette ancienne rue venait d’une enseigne ; elle a été supprimée en 1824, pour l’établissement de la place des Arts,

au bas de la rue Grand-Pont ; elle communiquait de cette dernière rue à celle des Boutiques.

Trois-Sauciers (les)

C’est ainsi qu’on nommait une hôtellerie qui, au 16e siècle, était située au coin de la rue Damiette et de la place Eau-de-Robec, et dont le maître joua un grand rôle dans les troubles qui agitèrent la ville de Rouen en 1589 ; il était alors lieutenant du capitaine des Arpents.

Cette hôtellerie était déjà citée dans des registres de tabellionage du 15e siècle. On lit, dans un acte du 9 novembre 1419 : Maison rue de Manerisel, hôtel de la Herche, jouxte les Trois-Sauciers. Ce doit être un nom défiguré de la rue Mauconseil, où pouvait avoir été, à cette époque, l’auberge des Trois-Sauciers. (Voyez rue de la Salamandre.)

Il est fait mention également, dans un acte du 11 février 1567, d’un jeu de paume des Trois-Sauciers qui était situé près des Augustins, borné d’un côté la halle au blé, d’autre côté l’eau (la rivière de Robec.)

Tronquet (rue ou chemin du). = Rue du Renard, la campagne ― 12e section, 5e canton, Saint-Gervais. ― Faubourg Cauchoise.

Cette rue a pris son nom du hameau du Tronquet, qui fait partie de la commune du Mont-Saint-Aignan.

Trou-d’Enfer (rue et impasse du). = Route de Darnétal, la campagne. ― 1re section, 5e canton, Saint-Hilaire. ― Faubourg Saint-Hilaire.

Cette rue a pris son nom du petit hameau du Trou-d’Enfer auquel il conduit. Nous ignorons l’origine de ce nom, qui est due peut-être à quelque excavation ou à l’entrée de quelque carrière1. ― Un acte du 17 septembre 1461 fait mention de l’eau nommée le doibt d’Enfer.

Trou-Patin (le), dans la rue Martinville.

On appelle ainsi, du nom de leur premier constructeur, des bouches d’égoût pour l’assèchement des rues. Ce nom est donné

particulièrement, dans la rue Martinville, à un aqueduc placé presque en face de la rue Ambroise Fleury, près duquel a été établie une borne-fontaine qui a reçu la même dénomination.

Truie (rue de la).

Cette rue a été supprimée en 1862, lors de l’établissement du jardin de Solférino et des rues adjacentes. Son nom pourrait être provenu de quelque enseigne, comme ceux de beaucoup d’autres rues de Rouen. Il y avait dans plusieurs quartiers l’enseigne de la Truie-qui-file.

Mais, dans plusieurs actes de tabellionage, cette rue se trouve désignée sous le nom de rue as Truies ou aux Truies (1477 et 1479). Un acte de 1488 fait aussi mention d’une maison assise en la rue as Truyes, nommée le Colombier. Dans un autre acte de 1498 on cite la rue as Truyes, près du boël du Chastel de Rouen ; boël est un vieux mot encore usité en Basse-Normandie, qui signifie cour, enclos ou passage. Ces indications permettent de supposer que le nom de rue des Truyes était dû au voisinage de la basse-cour du Château, dans laquelle se trouvaient des étables à porcs et un colombier. (Voyez rues du Moulinet et du Sacre.)

L’auteur du Dictionnaire indicateur a pensé qu’il serait possible que le nom de la rue de la Truie fût dérivé du vieux mot « truie » qui signifie trève, armistice. On appelait encore « truye » une machine de guerre, espèce de bélier.

Dans le plan de 1655, la rue de la Truie est indiquée sous le nom de rue du Bourel, probablement du bourreau, qui y avait sa demeure. Il est parlé, dans un acte de tabellionage du 27 janvier 1567, de petites maisons sises en la rue aux Truyes, bornées d’un côté le bal du Château, d’autre côté ladite rue, d’un bout une maison appartenant au roi, à cause du logis où se tient l’exécuteur des sentences criminelles de Rouen1. Une maison de la rue de la Truie, adossée aux murs de l’ancien Château, a été, dit-on, jusque vers 1847, occupée par une famille chargée, de père en fils, de cet emploi.

Tuerie (rue de la)

Avant l’établissement de la petite place de la Halle-au-blé, dans la rue de la République, était une petite rue qui avait pris son nom de la tuerie installée, en 1607, auprès de la place de la Basse-Vieille-Tour.

Tuile (rue de la). = Quai de Paris, rue de la Savonnerie. ― 7e section, 3e canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-E.

Il est probable que le nom de cette rue vient de sa situation près du quai aux Tuiles, où était le dépôt de ces matériaux à couvrir. Le Manuscrit des Fontaines représente, à l’extrémité de cette rue, une porte qui était appelée la porte lès la Tuile. On lui donnait aussi, au siècle dernier, le nom de porte de Paris, parce que c’était près de là qu’on chargeait les bateaux destinés pour la capitale.

Dans un acte de 1425, il est fait mention d’un héritage assis en la rue des Bouticles, tenant d’autre bout à la rue du Quai-aux-Tieules. En 1474, cette rue est appelée la rue de la Tieullerye, bornant une maison sise en la rue de la Saonnerie. (Voyez rue de la Savonnerie.)

Il y eut un bailli de Rouen nommé Jean de la Thuile, qui assista aux Échiquiers de 1389 et de 1391, et dont le nom est gravé au bas de la tour du beffroi.

Tuile-d’or (rue de la).

On donnait autrefois ce nom, provenant d’une enseigne, à la partie de la rue Malpalu qui était entre la rue de la Raquette et la porte Jean-Lecœur. Son emplacement est actuellement occupé par la place de la République. Richard Goupil, célèbre imprimeur du commencement du 16e siècle, avait cette enseigne de la Tuile-d’or1.

Tuvache (rue). = Rue des Crottes, rue Malpalu. ― 6e section, 3e canton, Saint-Maclou. ― Quartier S.-E.

Ce nom vient évidemment d’un propriétaire. D’anciens bourgeois de Rouen, Pierre et Jacques Tuvache, existaient là en 1478 ; on trouve une donation faite à cette époque, par l’un d’eux, au monastère de Sainte-Catherine-du-Mont.

Un acte de 1474 fait mention d’une ruelle étoupée par un bout, près de la rue des Crottes, laquelle est devenue probablement la rue Tuvache.

Cette rue a été prolongée en 1845 jusqu’à la rue de la République.

Ursulines (rue et impasse des). = Route de Darnétal, rue de Darnétal. ― 1re section, 5e canton, Saint-Hilaire. ― Faubourg Saint-Hilaire.

Ouverte au commencement du 19e siècle sous le nom de rue du Pavillon, dû peut-être à la première maison qui y fut construite, cette rue fut appelée ensuite rue des Ursulines, probablement parce qu’elle fut habitée par des dames religieuses appartenant à cette communauté, à la suite de la fermeture de leur monastère de la rue des Capucins, qui leur fut restitué en 1807. Il est probable aussi qu’on changea sa dénomination pour la distinguer de la rue du Pavillon qui avoisine celle des Prés-Martinville.

Vaillant (ruelle).

Cette ruelle était au bas de la rue du Bac, joignant la porte de ce nom, comme l’indique un acte de tabellionage du 13 décembre 1530, qui fait mention d’une maison bornée d’un côté la ruelle Vaillant et d’un bout la rue de la Saunerie (Savonnerie.) Un autre acte du 26 octobre 1628, parle d’une maison bornée par la ruelle des Tapissiers et la ruelle Vaillant.

Val-d’Eauplet (rue du), ou rue d’Eauplet. = Place Saint-Paul, le pont du Chemin de fer. ― 1re section, 5e canton, Saint-Paul. ― Faubourg Martinville.

Le hameau d’Eauplet, qui dépend du faubourg Martinville et qui est séparé de la commune de Blôville-Bonsecours par la rue Lindet, était ainsi désigné dès le 13e siècle1. D. Toussaint Duplessis a attribué cette dénomination au voisinage de la maison où se tenaient les plaids de la juridiction de l’abbesse de Montivilliers : On aura donné insensiblement, dit-il, à ce quartier,

le nom « d’Auplet, » parce que c’était là qu’il fallait se rendre pour assister au plet ou aux plaids de Saint-Paul.

De son côté, l’auteur du Dictionnaire indicateur a pensé que ce nom pourrait être dérivé, suivant l’opinion de quelques historiens, d’aqua pletus, signifiant vallée remplie d’eau, ce qui se rapporterait à la position de ce hameau sur le bord de la Seine, ou à la présence de nombreuses sources.

Au Val-d’Eauplet, à peu de distance de la terrasse de Saint-Paul, était une maison qu’un bourgeois de Rouen, nommé Legendre, fit bâtir en 1680 près de la rivière. Voulant se procurer les moyens d’alimenter les jets d’eau qu’il avait établis dans ses jardins, il fit creuser deux souterrains sous la côte de Sainte-Catherine. Ces souterrains passent sous les deux routes, et se prolongent, l’un sous le milieu de la côte, l’autre jusque sous l’emplacement de l’ancienne chapelle de Saint-Michel. L’auteur de l’Histoire de Rouen ne parle de ces souterrains que pour en constater l’existence, et ne donne aucuns renseignements sur leur origine.

Il existe dans ce terrain des sources d’eaux ferrugineuses qui avaient acquis une certaine célébrité et qui furent utilisées pour un établissement d’eaux minérales et de bains publics.

Le château d’Eauplet, appartenant alors à un M. de Bras-de-Fer, est au nombre des monuments qui ont été représentés par Gomboust dans son plan de 16551.

Le Flambeau astronomique de 1727 fait mention de l’existence, à cette époque, à Eauplet, d’une manufacture royale de cristaux, agathes, jaspes, lapis, porcelaines et bouteilles de toutes grandeurs. Il se trouvait encore, en ce même lieu, une verrerie en 1737 et en 1765.

Val-de-la-Jatte (rue du). = Rue Bihorel, le chemin des Bœufs. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Beauvoisine.

On donne ce nom au quartier où se trouvent le Boulingrin et le cimetière qui l’avoisine, et qui est connu sous la dénomination de cimetière de la Jatte, Il existait anciennement, à l’extrémité de la rue des Champs, vers le boulevard qui a été établi de-

puis, une porte qui conduisait au Val-de-la-Jatte ; elle fut fermée en 1453.

À l’occasion du nom de la Jatte, l’auteur de la Description de la Haute-Normandie prétend que l’on devrait dire « gate, » d’après un mot anglais qui signifie porte. Un acte de tabellionage du 21 juin 1522 porte bien « le Val-de-la-Gatte. »

Notre éminent artiste E.-H. Langlois fit sa première résidence dans la rue du Val-de-la-Jatte, lorsqu’il vint se fixer à Rouen, en 1816. Il est regrettable que son nom n’ait pas été donné à cette rue, plutôt qu’à celle qui est située dans le faubourg Saint-Sever.

Vallée-de-Josaphat (impasse de la).

Cette impasse était dans la rue Saint-Marc, et a été supprimée. Nous ne savons si son nom provient de celui du père Josaphat, religieux capucin, né à Rouen.

Vanterie (rue de)

C’est le nom que portait, au 15e et au 16e siècle, la rue de la Grosse-Horloge, depuis l’église Saint-Michel jusqu’à la tour du beffroi. Des actes de 1476 à 1480 font mention d’héritages situés en la rue de Vanterie, près du presbytère de Saint-Michel. Un acte de 1464 concerne un hôtel borné d’un bout la rue Saint-Jean, d’autre bout la rue de Vanterie. Un autre acte du 8 novembre 1513 cite la rue de Vanterie, appelée à présent la Grand’Rue. On écrivait aussi rue Vantrière (1362 à 1365), rue Vantière, paroisse de Saint-Pierre-du-Châtel (1396-97), et rue de Wanterie (10 août 1420).

Peut-être ce nom de Vanterie provenait-il des commerçants de la vannerie, qui étaient réunis dans cette partie de la rue, du côté de l’église Saint-Michel.

― Un acte du 10 avril 1491, et plusieurs autres, citent la grande rue de Vanterie, ce qui fait admettre qu’il y avait une petite rue de Vanterie, nom qu’aurait porté la rue des Vergetiers, ainsi que l’indiqueraient des actes de 1420, 1423 et 1463, concernant des maisons sises en la rue de Vanterie et bornées d’autre bout par la rue aux Belles-Femmes, que l’un de ces actes (celui de 1423) appelle rue de Poitron. (Voyez rue des Vergetiers).

Varvot (rue du).

Elle a été supprimée pour le passage de la rue d’Amiens.

On voyait encore, il y a peu de temps, dans la rue du Ruissel, en face de celle des Poulies, le point où venait aboutir cette petite rue. Elle avait pris son nom, qu’on écrivait quelquefois Varveau, d’un dépôt d’eau occasionné par le passage du Ruissel. Un acte de tabellionage du 22 novembre 1554 mentionne une maison dans ladite rue du Varvot, tendant au petit ruissel, bornée d’un bout ledit ruissel. Un acte de 1517 et un arrêt du Parlement de 1605 citent une maison appelée le Varvot, sur la paroisse de Sainte-Croix-Saint-Ouen. D’autres actes de 1531 et de 1551 parlent de la rue du Sac, autrement dite du Varvot, et d’une maison en la rue du Varvot tendant à la rue au Sac. (Voyez rue du Chaudron.)

― Le nom de rue du Varvot était également donné vulgairement à la rue Verte. Cette dénomination provenait d’un amas d’eau qui infectait le faubourg Bouvreuil et à l’occasion duquel le Parlement rendit un arrêt, en juillet 1766, qui prescrivit le curage des aqueducs et bétoires provenant du jardin des Carmes-déchaussés, qui étaient établis dans la rue du Champ-des-Oiseaux.

Le dessèchement du varveau du Petit-Bouvreuil fut l’occasion de réjouissances dans tout le quartier. Une inscription en vers latins, dont voici la traduction, fut placée sur une des maisons voisines ; sa teneur nous dispense d’entrer dans d’autres détails à ce sujet :

Enfin les habitants du Petit-Bouvreuil habitent sous un nouveau ciel ; les zéphyrs y font sentir leurs douces haleines ; un air plus pur anime les esprits. Que le peuple s’assemble, et que chaque citoyen témoigne sa reconnaissance ; qu’il ne craigne point d’avancer : les rues ne sont plus couvertes d’eau ; la Justice de son glaive a fait tomber le masque du dieu du Mensonge ; les eaux, naguère croupissantes dans leurs conduits, y passent maintenant avec rapidité pour se précipiter au-delà. Habitants, réunissez-vous pour faire éclater votre joie ; formez des danses, et que l’air retentisse de vos chants1.

Vastz (rue aux).

On trouve dans les comptes de 1539 l’indication d’une rue de ce nom dans la paroisse Saint-Vivien. ― Il est probable que

c’est une contraction du nom de l’ancienne rue du Bas, actuellement la rue Mollien.

Vathieu-Blondel (rue).

Cette rue, qui était située sur les anciens fossés de la ville, tendait de la place de la Chèvre à celle des Espagnols. Elle a été réunie en 1795 à la rue de la Chèvre. Désignée, dès le 13e siècle, sous le nom de Gautier-Blondel1, on la trouve en 1368 sous celui de Vatier-Blondel, dont on a fait Vathieu-Blondel2. On voit, dans un acte de tabellionage du 15e siècle, une vente faite à Vatier Blondel d’un immeuble situé en la rue Coulon ou de la Maine, paroisse Saint-Nicaise. Ce personnage était d’une famille ancienne, dont le nom est resté à la rue dont il est ici question.

En 1794, cette rue fut appelée rue de Honscoote.

― Dans son Histoire du Privilége de Saint-Romain, M. A. Floquet rapporte que la fierte fut levée en 1356 par un nommé Jean Vaudin, drapier, et par Vatier Leroux, qui avaient tué, en la rue Vatier-Blondel, Jean de Collemare, drapier, aux environs de la fête de la Toussaint. Les meurtriers avaient été bannis du royaume ; Vaudin vint se rendre prisonnier au Château de Rouen dans l’espérance d’avoir la fierte, ce qui lui fut accordé. Aussitôt que Vatier Leroux sut que Vaudin avait été ainsi délivré, il revint à Rouen en la compagnie de sa femme et de ses enfants, qui demeuraient au clos Saint-Marc ; il y fut bien reçu, et, depuis, il y demeura paisiblement jusqu’à sa mort, comme franc, quitte et délivre dudit cas par la vertu de la délivrance qu’avait eue Vaudin.

Vaucouleurs (rue de). = Route de Neufchâtel, la campagne vers le Boisguillaume. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Beauvoisine.

Ce nom a été donné, par les propriétaires de l’ancien domaine de Bihorel, à une rue ouverte récemment dans la cité de Jeanne-d’Arc.

Vent-soufflet (rue du).

C’est le nom que portait un bout de rue situé entre la rue Saint-Georges et l’ancienne rue Saint-André (rue aux Ours), et qui a été réuni en 1792 à la rue de la Vicomté.

Verdière (rue). = Rue du Nord, rue Bihorel. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Beauvoisine.

Cette rue porte le nom d’un propriétaire qui était notaire en 1786, et qui l’ouvrit en même temps que celle du Nord (alors appelée rue Thiroux) et que la rue Jouvenet, laquelle se compose actuellement des anciennes rues de la Michodière et de Vaudrock (V. rue Jouvenet).

La rue Verdière fut appelée rue de Franklin en 1794, et reprit, en 1795, sa dénomination actuelle.

Verdrel (place). = Rues Percière, Saint-Lô, aux Juifs, Massacre, du Tambour et Jeanne-d’Arc. ― 9e section, 1er canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-O.

On a donné, en 1868, à la place du Marché-Neuf, le nom d’un maire de Rouen, M. Charles-Amédée Verdrel, décédé le 12 novembre de la même année dans l’exercice de ses fonctions, et auquel la ville est redevable de nombreux embellissements et d’améliorations importantes. C’est sous l’administration de M. Verdrel que furent établies les galeries et les halles des deux principaux marchés de Rouen, et qu’ont été créés les nouveaux quartiers inaugurés par l’ouverture des rues de l’Impératrice (aujourd’hui la rue Jeanne-d’Arc), de l’Hôtel-de-Ville, etc.

― Longtemps avant 1429, le marché aux herbes, aux volailles et autres menues denrées, se tenait devant l’église de Notre-Dame. Il fut à cette époque établi au clos aux Juifs, dans l’emplacement qui avait été donné à la ville, en 1306, par Philippe-le-Bel, où l’on construisit, en 1493, la salle des Marchands, et où se trouve actuellement la cour du Palais-de-Justice. On lui donna alors le nom du Marché-Neuf ou du Neuf-Marché, pour le distinguer du Vieux-Marché.

Lorsqu’on entreprit, en 1499, la construction du Palais-de-Justice, on songea à transférer ce marché ailleurs. Une délibération de l’Hôtel-de-Ville, du 6 octobre 1507, nous apprend qu’en attendant qu’on eût acquis l’hôtel de Beaubec et de Valmont, dans la rue de l’Aumône, pour faire ce marché, il fut décidé que le dit marché seroit parti en deux, et mis moitié en la Basse-Vieille-Tour et l’autre au Marché aux Veaux. Il paraît que l’exécution de cette mesure fut d’une courte durée, car le Parlement, après son installation dans le nouveau palais, rendit plusieurs arrêts dans les années 1513 à 1515, par lesquels, attendu

que le bruit qui s’y faisait troublait les audiences, il ordonna la translation de ce marché de l’autre côté des bâtiments du palais, c’est-à-dire dans la partie occidentale du clos aux Juifs, qui déjà était percée de rues et édifiée de maisons1, que la ville fut obligée d’acquérir pour agrandir les dépendances du palais, et pour donner à la nouvelle place la largeur convenable. Cette partie de l’ancien clos aux Juifs reçut alors le nom de Marché-Neuf, et la cour du côté de l’orient prit celui de place du Palais.

Un autre arrêt, du 19 novembre 1516, ordonna l’achèvement, sous un bref délai, de la Conciergerie ; puis, le 23 décembre suivant, fut rendu un nouvel arrêt pour empêcher les vendeurs de levraulx, oysons, chevraulx, cochons, beurres, fourmages, poyres, pommes, choux, ongnons, porée, navaulx, de vendre dans l’enclos, pourprix et circuit ou devant le Pallais royal ; faire démolir certaines petites maisons ou logettes estant à la dicte place ; les bourgeois contraincts de ce faire, et aussi à remectre des ouvriers en nombre suffisant pour achever la Conciergerie et les murs de l’enclos du pallais.

Les limites que nous devons nous imposer dans la rédaction de cet ouvrage ne sauraient nous permettre d’entrer dans le détail des mesures qui furent ordonnées par le Parlement pour la translation du marché en dehors de la cour du Palais et pour ramener le calme devenu si nécessaire dans l’enceinte de la justice. Nous reproduirons néanmoins l’arrêt suivant, en date du 14 février 1521 : La cour, avertie que grand nombre de tabetiers, merciers, porte-paniers, vendeurs de livres, oranges, chataignes et telles autres menues denrées, font chacun jour grand bruit et tumulte en la salle du palais, au grand ennuy et deplaisir de tous ceux qui hantent et fréquentent en ladite salle, contre l’honneur et reverence du lieu, et souventes fois font encombre à la dite cour, qui est molestée et travaillée des clameurs, bruits et tumulte, que telles manières de gens sont coustumiers de faire ; pour ces causes et aussi que plusieurs compaignons, bélistres ou maraux jouent en ladicte salle au jeu de paulme et autres jeux prohibés et défendus : la Cour ordonne que les dits tabetiers, merciers, porte-paniers, vendeurs d’oranges, grenades, chataignes et telles autres manières de gens seront

videz, chassez et mis hors, avec défenses de plus y retourner, hanter ni fréquenter, sur peine du fouet et d’amende arbitraire ; et quant aux joueurs soit de paulme, de dez, cartes, mérelles et autres jeux aux jours de fêtes ou autres jours ouvrables, et soit en la salle, sur les degrés ou à l’entour du baile dudit pallais, les mêmes défenses sont faites, et autorise les huissiers à saisir les contrevenants et les constituer prisonniers. Enfin, le 6 juin 1522, intervint un nouvel arrêt pour ordonner la suppression de plusieurs seulles et maisons où se tenaient tavernes et logements de personnes mal vivant, et pour faire défense à tous d’apporter ou d’envoyer, dans le baile de ladite cour, soit de jour, soit de nuit, aucunes ordures ou immondices, ne aux allées et passages, tant devers Saint-Lô que la maison du Petit-Pot (voyez ce nom), sur peine de l’amende et du fouet1.

Ainsi que nous l’avons dit, l’établissement de la nouvelle place du Marché et la construction de la Conciergerie du palais entraînèrent la démolition d’un certain nombre de maisons qui garnissaient déjà la partie occidentale du clos aux Juifs. On a découvert en 1816, entre la fontaine qui est située à peu près au centre de la place et la rue de la Renelle-des-Maroquiniers, une cave ayant appartenu à l’une de ces maisons, lesquelles faisaient partie d’une rue appelée au 15e siècle rue de l’Escauderie ou d’Escauderie, dont il est fait mention dans plusieurs actes de tabellionage de cette époque. Cette rue, qui suivait le cours de la Renelle, et dont le nom doit provenir de l’une des branches de l’industrie qui utilisait ce cours d’eau, devait s’étendre jusques et y compris la rue du Tambour, car elle était située alors sur les deux paroisses de Saint-Jean et de Notre-Dame-de-la-Ronde. Cette dernière rue, après la suppression à peu près complète de la rue d’Escauderie pour l’établissement de la place du Marché-Neuf, dut prendre son nom d’un hôtel où pendait l’enseigne du Tambour. Dans divers actes de tabellionage de 1480 à 1485, on lit : La rue Descauderie sur la Renelle, ce qui indique la direction que suivait cette rue le long du côté occidental de la place.

Au côté opposé, entre cette place et le lieu où furent construites la Conciergerie et les autres dépendances du palais, se trouvait une autre rue appelée la rue d’Ordonne ou Dourdoune, dont il est également question dans beaucoup d’actes de tabellionage et

dans plusieurs autres documents du 14e et du 15e siècle. Elle devait partir de la rue Saint-Lô, près ou en face de l’hôtel dit de la Poterne, qui appartenait à l’abbaye de Jumiéges, et tendre vers la rue aux Juifs. Cette rue, ainsi qu’une autre petite rue Dourdonne, fut en grande partie envahie pour la construction de l’aile droite du palais, et peut-être aussi pour compléter l’établissement de la place du Marché-Neuf. Un acte de tabellionage de 1461 concerne l’acquisition de l’hôtel de la Hache, borné d’un côté et d’un bout devant la Poterne, tenant d’autre côté à une maison neuve et à la porte du Neuf-Marché appartenant à la ville.

D’après le plan de Gomboust, de 1655, la boucherie Massacre occupait, à cette époque et même depuis longtemps1, le côté sud de la place du Marché-Neuf, entre la rue Massacre et celle du Tambour, et sur le prolongement de la rue aux Juifs. Cette même disposition est indiquée dans un plan de 1724. Il est question, dans les Affiches de Normandie de 1766, des hallettes qui existaient encore à cet endroit ; on les y voyait également au commencement du 19e siècle.

La fontaine de la place Verdrel n’offre rien de remarquable ; elle fut établie en 1595, et elle est alimentée par la source de Gaalor. On avait élevé en 1722 un autre corps de fontaine surmonté d’une statue de Louis XV ; ce petit monument a été remplacé plus tard par la fontaine qu’on voit actuellement.

On donna en 1794 le nom de place des Montagnards au Marché-Neuf, qui reprit son ancienne dénomination en 1795. C’est, comme nous l’avons dit, depuis 1868 qu’on lui donne celle de place Verdrel.

Cette place était, il y a peu d’années encore, bornée à l’ouest par de petites rues étroites qui ont disparu pour l’ouverture du quartier neuf. Elle se trouve actuellement en communication directe avec le Vieux-Marché par les rues Rollon et Guillaume-le-Conquérant.

Vergetiers (rue des). = Rue aux Ours, rue de la Grosse-Horloge. ― 9e section, 1er canton, la Cathédrale. ― Quartier S.-O.

Cette rue, qui était située, comme la rue Massacre elle-même, sur les anciens fossés de la ville, semble avoir été longtemps con-

fondue avec la rue Massacre, nom sous lequel elle est encore inscrite dans le plan de 1655 et dans celui de 1724. T. Duplessis cite la rue Massacre, où il y avait une porte de la ville, au coin de la rue aux Ours. Dans le Flambeau astronomique de 1716, et dans la nomenclature de Du Souillet, on lit : rue Massacre ou des Vergetiers. Ce dernier nom, que prit la rue à partir de 1748, vient des vergetiers ou brossiers qui y étaient établis en assez grand nombre.

La rue des Vergetiers a dû porter aussi antérieurement le nom de rue de Vanterie1, qui était donné également à la rue de la Grosse-Horloge, quelquefois sous la désignation de grande rue de Vanterie. Nous trouvons, dans plusieurs actes de tabellionage du 15e siècle, la mention de maisons ayant pour abornements, d’un bout la rue aux Belles-Femmes, et d’autre bout la rue de Vanterie. D’autres actes parlent, il est vrai, d’héritages bornés, d’un côté par cette dernière rue, et d’un bout par la première ; de même, il est fait mention, dans un acte de 1474, d’un hôtel, cour, jardin, etc., bornés d’un côté la rue anciennement nommée la rue aux Belles-Femmes, et d’un bout par devant la rue de la Porte-aux-Fèvres (ancienne rue Saint-André) ; mais le nombre des actes où sont citées la rue des Belles-Femmes et la rue de Vanterie, permet de supposer que cette dernière dénomination s’appliquait aussi à la rue des Vergetiers.

D’autres renseignements indiquent que cette dernière rue avait également porté, avec la rue Massacre dont elle faisait partie, le nom de rue du Port, probablement du Porc ou plutôt du Porche, à cause de la voûte du beffroi qui a précédé l’arcade actuelle. Ce nom est cité dans des actes de tabellionage de 1423 à 1426, pour des maisons sises dans les paroisses de Notre-Dame-de-la-Ronde et de Saint-André2. D’autres actes de 1474 à 1480 concernent des héritages bornés, à l’autre bout, par le ruisseau de la Renelle, qui, comme on le sait, avait son cours dans la rue des Belles-Femmes. Enfin, un acte du 18 avril 1503 indique une maison en la paroisse de Notre-Dame-de-la-Ronde, sise en la rue du Porc, bornée d’un côté ladite rue, d’un côté l’héritage où est située la Grosse-Horloge, d’un bout la fontaine de Massacre ;

un autre acte du 23 décembre 1526 cite enfin la rue qui descend de la fontaine Massacre aux Cordeliers.

À partir du 13e siècle, il est aussi parlé d’une rue du Comte-de-Lincestre ou de Vincestre, puis d’une rue de Lincestre, de Vincestre ou Vuicestre, et même Buicestre1 ; ces variantes, qui se rapportent à un même nom, doivent provenir de l’héritage qui fut au comte de Lincestre (ou Leicester), assis en la paroisse de Notre-Dame-de-la-Ronde, à la porte Machacre, dont il est fait mention dans nos archives municipales ; fief concédé en 1220 aux bourgeois de Rouen par une charte de Philippe-Auguste, et sur lequel fut établi l’ancien hôtel-de-ville2. Cet héritage, qui s’étendait jusqu’au ruissel de la Renelle3, aura donné son nom à la rue Massacre, confondue alors avec celle des Vergetiers. Cette dernière rue paraît avoir conservé la dénomination de rue de Vincestre ou de Vyncestre, même alors qu’elle était aussi désignée sous celles de rue du Port, du Porc ou du Porche4.

Plusieurs auteurs ont dit que la rue des Vergetiers est l’ancienne rue Dordogne ; nous croyons que c’est une erreur. (V. rue Dourdonne.)

Vérité (rue de la).

Cette ancienne rue forme actuellement le côté nord de la place Saint-Marc. Elle est inscrite dans un ancien plan sous le nom de rue Vente. L’origine de son nom nous est inconnue.

Verriers (rue des).

Le nom de cette rue, qui fait aujourd’hui partie de la rue Édouard-Adam, se rapportait évidemment à la profession de quelques-uns de ceux qui l’habitaient autrefois.

Parmi les actes de tabellionage qui en font mention, nous en trouvons un de 1489 portant : Dans la rue aux Verriers, d’un bout une ruelle où passe un ruissel (probablement la rue de la Planche-Ferrée), et d’autre bout la maison où pend l’enseigne des

Boulettes. Nous voyons aussi, dans un acte de 1493, un immeuble borné d’un bout par la rue aux Verriers et d’un côté la rue de la Fontaine-Saint-Ouen, (rue Bourgerue, actuellement la rue de Germont.) Un acte du 9 déc. 1540 fait mention d’une maison qui fait le coin de la rue des Piquechins et de la grande rue des Voirriers.

Taillepied cite une rue Berrier, qu’il place dans le quartier de Martinville. Il indique aussi la rue du Meurier dans le quartier de la porte Cauchoise. Il est supposable que le nom de rue du Berrier se rapporte à la rue des Verriers ; dans les anciens titres, le b se trouve souvent employé pour le v, qui, de son côté, est quelquefois substitué au b ou au g. C’est ainsi qu’on écrivait bantiers ou vantiers pour gantiers, etc.

Vert-Buisson (rue du). = Place de la Rougemare, rue Dulong. ― 5e section, 2e canton, Saint-Ouen. ― Quartier N.-E.

Ce n’était, au 17e siècle, qu’une impasse qui a été prolongée jusqu’à l’ancienne rue Neuve-des-Carmélites, appelée actuellement, la rue Dulong. Il est probable néanmoins qu’elle s’étendit autrefois au-delà du monastère de ces religieuses comme on le voit dans un plan de 1597. La rue du Vert-Buisson est citée dans plusieurs actes de tabellionage de 1506, 1509 et 1531. Elle est aussi mentionnée dans un acte du 8 juillet 1536. Un acte de 1578 la désigne par ces mots : Un héritage borné d’un bout la ruelle qui descend à la Rougemare, d’autre bout la rue des Pentheurs. (ancien nom de la rue des Carmélites).

Cette rue a dû prendre son nom d’un buisson qui est figuré, dans le plan de Gomboust de 1655, sur la place de la Rougemare. Elle se trouvait hors de la ville, ainsi que cette place et les rues adjacentes, quand les fossés occupaient l’emplacement où est maintenant la rue de Montbret, ancienne rue Pincedos.

On voit encore, dans le haut de la rue du Vert-Buisson, quelques vestiges de l’ancien couvent des Carmélites.

― Il existe, dans la rue et près de la place Saint-Sever, une cour du Vert-Buisson, appelée sans doute ainsi à cause du genre de clôture dont elle était autrefois entourée.

Verte (rue). = Rue Ernest-Leroy, la campagne vers le Boisguillaume. ― 4e section. ― 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Bouvreuil.

Le nom de cette rue doit venir de sa situation à l’entrée de

la campagne. On la connaissait aussi, au 18e siècle, sous le nom de rue du Varvot, à cause d’un dépôt vaseux qui fut desséché en 1766, et des eaux qui continuèrent longtemps encore à y croupir avant qu’elle eût été nivelée. (Voyez rue du Varvot.) On lit, dans les Affiches de Normandie, l’indication d’une place du Varvot, dans le faubourg Bouvreuil.

― Il y a quelques années encore, on donnait le nom de petite rue Verte à un passage qui conduisait de la rue du Champ-des-Oiseaux et de la petite rue de l’Avalasse à la route de Neufchâtel. Ce passage a été appelé depuis rue du Moineau. (Voyez ce nom.)

Verte (rue). = Hameau de la Motte, rue aux Anglais. ― 11e section, 6e canton, Saint-Sever. ― Faubourg Saint-Sever.

Cette rue, qui est parallèle à la rue Laurent, ne porte pas d’inscription. Le nom qui lui est donné vulgairement provient de ce qu’elle a été ouverte en pleine campagne. Il serait utile qu’on la désignât autrement, pour éviter qu’elle ne soit confondue avec rue Verte du faubourg Bouvreuil. Nous proposons de l’appeler la rue de Notre-Dame-du-Pré, l’un des anciens noms du prieuré de Bonne-Nouvelle.

Vicomté (rue de la). = Quai du Havre, rue de la Grosse-Horloge. ― 9e section pour les nos pairs, 10e section nos impairs ; 1er canton ; paroisses Saint-Vincent, depuis le port jusqu’à la rue aux Ours ; pour le reste la Cathédrale. ― Quartier S.-O.

On l’appelait anciennement rue Saint-Vincent, à cause de l’église paroissiale de ce nom qui y est située. Le nom de petite rue Saint-Vincent était alors donné à la rue Saint-Vincent actuelle.

La rue de la Vicomté tire sa dénomination de l’ancienne juridiction de la Vicomté de l’eau, érigée le 22 mai 1192, et qui tenait ses audiences dans un local où fut établi en 1790 le bureau du Poids public, transféré actuellement dans la rue Jeanne-d’Arc.

On trouve dans plusieurs actes l’indication de divers hôtels qui existaient dans la rue de la Vicomté. Il y avait l’hôtel de la Vicomté, dont nous allons parler, et qu’on trouve inscrit dans un plan de 1655. Il y avait aussi l’hôtel des Bourseletz (acte du 1er octobre 1477) et celui d’Harcourt, borné d’un bout par devant

la rue Vague1, à présent nommée rue de la Vicomté, et par derrière la rue Herbière. Cet hôtel d’Harcourt2 est encore mentionné dans un acte du 28 octobre 1509 : d’un bout par devant la rue de la Vicomté, d’autre bout par derrière la rue Herbière. Il y avait en outre l’hôtel du Heaume3 à trois pignons sur rue, tenant d’un bout à la rue Maline. (Acte du 13 mai 1463.) Nous ne savons à quelle rue se rapporte ce dernier nom. Un de ces hôtels, qui fut en dernier lieu la propriété de M. Ribard, maire de Rouen de 1815 à 1818, servit autrefois aux séances de l’Échiquier4.

Au bas de la rue de la Vicomté était une des portes de la ville, qui a été démolie en 1826. Cette porte avait été édifiée en 1725, à la place d’une autre dont la construction datait des premières années du 15e siècle.

En 1794, on donna à cette rue, depuis la Grand’rue jusqu’au port, c’est-à-dire avec l’adjonction de l’ancienne rue du Merrier et de celle du Vent-soufflet (voyez ces noms), la dénomination de rue de la Régénération, qu’elle garda jusqu’en 1795 pour reprendre son nom actuel dans toute sa longueur.

On appelait cour ou passage de la Vicomté l’emplacement où était installée, depuis le 13e siècle, la juridiction de la Vicomté de l’eau, dont l’hôtel s’étendait de la rue de la Vicomté à la rue Herbière. Cette juridiction était la plus ancienne justice de la ville : Le vicomte de l’eau était conseiller du roi et seul juge politique, civil et criminel, de tous cas, tant par la rivière de Seine que par terre, et garde des étalons des poids et mesures de la ville.5 Au vicomte étaient renvoyés les larrons, comme à leur juge souverain, et, pour les juger avec lui, il appelait quatre chevaliers de la Vicomté du château6. C’est devant lui que le crimi-

nel, mis en liberté par le privilége de Saint-Romain, se présentait pour être enregistré, puis, après avoir reçu la bénédiction du prieur de Notre-Dame-du-Pré qui assistait à cette cérémonie, on lui donnait un coup de vin pour boire à la santé du roi, et il était conduit au logis du maître de la confrérie de Saint-Romain, pour y souper et se reposer1. Avant 1577, c’était à Bonne-Nouvelle qu’était conduit ce prisonnier ; les guerres civiles ne permirent pas de continuer cet usage, mais les frais de la cérémonie demeurèrent à la charge du prieur2.

Cette juridiction fut supprimée en 1790 et remplacée par l’établissement du Poids public à Rouen, comme nous l’avons dit plus haut. Cependant Du Souillet fait mention, en 1731, de l’existence du bureau et poids de la Vicomté, qui perce dans la rue Herbière.

L’ancien hôtel de la Vicomté a été démoli en 1865, et remplacé, par les soins de M. le curé de Saint-Vincent, par une construction moderne où sont établies les écoles de garçons et de filles de cette paroisse. Un passage conduit toujours à la rue Herbière.

Il y avait, à gauche de l’église de Saint-Vincent, une fontaine qui a été supprimée en 1867 pour l’ouverture de la rue Fleurus-Duvivier, et qui a été transférée dans la rue Saint-Vincent, au haut de la rue Harenguerie. L’eau coulait primitivement à cette fontaine, dit Farin, par les gueules d’un bœuf et d’un âne de bronze, qui servaient à représenter la Nativité de Notre-Seigneur, élevée en bosse sur le haut de la fontaine. Ces figures furent volées nuitamment à la fin du siècle dernier. La fontaine de Saint-Vincent avait été établie en 1560 ; cependant, elle est indiquée dans le Ms. de 1525, ce qui fait supposer que celle qui fut établie en 1560 en avait remplacé une autre plus ancienne. Outre la représentation de la naissance de Notre-Seigneur, on y voyait, suivant le rapport dé T. de Jolimont, de chaque côté, des saints dans des niches, au milieu d’ornements gothiques. La plus grande partie de ce monument, qui datait du règne de François Ier, était dorée.

Vieil-Pont (rue du).

On trouve, dans un acte du 22 septembre 1526, l’indication,

en la rue de ce nom et dans la paroisse Saint-Vincent, d’une maison où pend l’enseigne de la Sainte-Barbe, bornée d’un côté la ruelle Pont-d’autour, là où sont les retraictes ou latrines de la ville, d’autre côté la rue, et d’autre bout le canal de Seine. Cette rue devait être située au-dessous du couvent des Cordeliers, et dans le voisinage de l’ancienne rue du Crucifix.

Vieille-Tour.

C’est le nom de deux places, la Haute et la Basse-Vieille-Tour, dont nous avons parlé à leur ordre alphabétique, et où se tenaient des marchés dès le 13e siècle1. Elles sont séparées par les vastes bâtiments de la halle aux toiles et par les maisons qui y sont adossées. On communique de l’une à l’autre par un passage en partie voûté, qui est sous une des halles. La place de la Basse-Vieille-Tour est ainsi désignée, parce que son sol est plus bas que celui de l’autre place.

En 996, Richard Sans Peur, duc de Normandie, fit construire proche de la Seine, dans l’endroit où ont été depuis édifiées les halles2, un palais auquel fut donné le nom de la Tour, à cause d’une grosse tour qui était dans ce château, et qui, après qu’on en eût élevé d’autres, fut appelée la Vieille-Tour.

Ce château fut démoli en 1204 par Philippe-Auguste, lorsqu’il fit bâtir la citadelle qui était auprès de la porte Bouvreuil.

Selon les historiens, Jean-Sans-Terre fit renfermer, dans le palais de la Tour, son neveu Arthur de Bretagne, que, suivant l’opinion populaire, il égorgea ensuite de sa main. Dans cette même tour était la geole de la cour de Justice, où fut prisonnier pendant cinq ans Guillaume d’Exmes, où mourut Grimoult du Plessis, l’un des complices de la conspiration contre Guillaume-le-Conquérant ; où furent aussi détenus Eudes, évêque de Bayeux, frère utérin de ce duc, Conan3, l’un des chefs de la bourgeoisie de Rouen insurgée contre le duc Robert, Philippe, évêque de Beauvais, et d’autres personnages. La geole fut trans-

férée, avec la cour de Justice, à la nouvelle forteresse de Philippe-Auguste, du côté de Bouvreuil1.

D’après des titres de la fin du 14e siècle, le clos de la Vieille-Tour aurait appartenu à l’abbé et au couvent de Sainte-Catherine.

Nous avons dit, à l’article de la Haute-Vieille-Tour (voyez page 232), que cette place est consacrée à la tenue d’un marché où se vendent les vieux linges, les ustensiles et les comestibles de toute espèce ; la Basse-Vieille-Tour sert aussi à la vente des comestibles, et est couverte, à certains jours de la semaine, de boutiques de mercerie et d’autres objets.

Le Flambeau astronomique de 1716 désignait ainsi cette place : Basse-Vieille-Tour, où sont les marchands et seules de poisson salé ; il y a aussi marché et poissonnerie, où aboutissent la rue des Tapissiers, rue et porte de la Voiture-d’Elbeuf, la Haute-Vieille-Tour, la Halle au blé, la Tuerie-aux-Bouchers et la rue de la Raquette.

Il résulte de documents du 16e siècle2 qu’une fabrique de tuiles avait été établie au moyen-âge dans la Basse-Vieille-Tour, à un endroit appelé le Bray des Tuiles. Des tas de ces matériaux sont figurés, en un endroit ainsi désigné, sur le plan de la ville dressé pour le livre des Fontaines en 1525. Le voisinage de la rue et du quai « lès la Tuile » semble confirmer cette opinion.

On trouve, dans un acte du 29 septembre 1491, une indication concernant des établissements d’utilité publique appelés les Chambres du Roi3, qui suppléaient autant que possible à l’absence de cloaques dans les maisons, dont la construction fut prescrite à plusieurs reprises par les mesures de police que commandait l’état déplorable où fut plongée la ville de Rouen pendant les ravages de la peste au 16e et au 17e siècle ; c’est la mention d’un abornement d’un côté et d’un bout par le chemin de la Basse-Vieille-Tour près et devant les privées des femmes des Chambres ou roi, et d’autre bout par la rivière de Robec.

Il y avait, près de la Vieille-Tour, un cours ou marché aux chevaux, comme l’indique un acte de tabellionage où il est fait mention, en la paroisse Saint-Denis, au pavement de la Vieu-

Tour qui mène au cours aux chevaux. Il résulte d’un autre acte du 3 décembre 1463 que ce marché aux chevaux était auprès des murs de la porte du Quai devant la Halle au blé. Un autre acte de 1476 contient également l’indication suivante : D’un bout l’eau de Robec et d’autre bout le pavement du roi nostre sise sire où anciennement souloit estre le Cours aux chevaux1. ― Il y avait enfin, dans la rue des Barbiers, un lieu appelé « les estables aux chevaux. »

Au moyen-âge, les changeurs de monnaies se réunissaient dans des parages obscurs aux environs de la Vieille-Tour ou à la cour des Libraires. Il leur fut enjoint par le roi Charles V de se réunir près de la Cathédrale. Une ordonnance de 1325 mentionne la rue de la Viez-Tour comme un lieu obscur où l’on défendit de tenir le change : On n’y vendoit avant fors que chauces et avoir de poiz2.

― On communiquait de la Basse-Vieille-Tour au port par deux portes appelées, la première, la porte d’Elbeuf ou de la Halle-au-blé, et la seconde, la porte de la Basse-Vieille-Tour, appelée aussi la porte du Vent-d’aval (acte de tabellionage de 1425) et la porte Dorée. Cette dernière était si basse, qu’on était presque obligé de se baisser pour passer dessous.

Une petite rue actuellement supprimée et qu’on appelait la rue de la Voiture-d’Elbeuf, conduisait à la première de ces portes. On voit encore l’emplacement de cette petite rue en face de la Halle au blé.

En 1793, on donna à la place de la Basse-Vieille-Tour le nom de place de l’Abondance, qu’elle ne conserva que peu de temps ; le 20 ventôse an II, on y planta, en grande pompe, un arbre de la liberté.

On a démoli en 1853, et remplacé par des façades neuves, quelques-unes des arcades du marché de la Basse-Vieille-Tour qui étaient au haut de la place.

Vieilles (rue aux).

Une rue de ce nom est désignée dans un acte de tabellionage du 29 décembre 1510, qui concerne une maison bornée d’un côté

la rue aux Vieilles, d’autre côté la rue aux Français, et d’un bout par devant la rue qui mène de la Vicomté à la rue Ancrière. Elle est encore citée dans un autre acte du 2 novembre 1476, où il est fait mention d’un hôtel du Corbel-couronné, borné par devant la rue Ancrière, d’autre bout par derrière Faucon, entre laquelle il y a une petite ruelle qui tend en la rue aux Vieilles, le tout borné d’un côté la rue qui fut fossé. Il est supposable que cette dernière dénomination s’applique à la rue des Charrettes.

Cette rue aux Vieilles était une ancienne rue parallèle à la rue aux Français, qui descendait de la rue Saint-Vincent à celle des Charrettes. On en voit encore des vestiges dans cette dernière rue, près de la rue Haranguerie ; c’est l’allée d’une maison particulière, dans laquelle on remarque le passage ou l’ancienne ruelle dont il est parlé dans l’acte du 2 novembre 1476.

Vieilles-Estampes (rue des). = Rue du Chaudron, rue d’Amiens. ― 6e section, 3e canton, Saint-Maclou. ― Quartier S.-E.

C’est un ancien passage qui conduisait de la rue Neuve (actuellement supprimée) à la rue du Chaudron, et qui a été récemment ouvert jusqu’à la rue d’Amiens.

Nous ignorons si ce nom vient de ce qu’on aurait vendu près de là, soit de vieilles gravures, soit des étampes, estampes ou estampilles pour marquer les étoffes, les cuirs ou autres marchandises.

Vieux-Château (rue du). = Rue d’Elbeuf, rue de la Mare-du-Parc. ― 11e section, 6e canton, Saint-Clément. ― Faubourg Saint-Sever.

Cette rue, nouvellement ouverte, conduit à un quartier désigné sous le nom de cité de Néel, par la famille d’un ancien membre du barreau de Rouen. Chacune des rues qui doivent composer ce quartier projeté a reçu le nom patronal de l’un des membres de cette famille. Quant à la dénomination de la rue du Vieux Château, qui va rejoindre par un retour d’équerre la rue de la Mare-du-Parc, elle rappelle le souvenir de l’ancien château d’Elbeuf, qui se trouvait, dit-on, près de là.

Vieux-Marché (place du). = La place de la Pucelle, les rues de la Grosse-Horloge, Rollon, Guillaume-le-Conquérant, Sainte-Croix-des-Pelletiers, de la Prison, Cauchoise, de Crosne, du Marché, de Pierre-Corneille et du Vieux-Palais. ― 10e section, 1er canton ; paroisses : Saint-Patrice pour le côté N. ; Saint-Vincent, côté S. ; la Cathédrale, côté E. ; la Madeleine, côté O. ― Quartier S.-O.

Ce marché est appelé le marché Albert, dans un plan de Rouen en 949, par Rondeaux de Sétry1. Il était hors des murs de la ville en 1060, et s’y trouva compris lors de l’établissement de la troisième enceinte.

La place du Vieux-Marché actuelle, celle de la Pucelle-d’Orléans, et une partie de celle de Saint-Éloi, le terrain occupé par tout ou partie des maisons des rues du Vieux-Palais et du Panneret, ne faisaient qu’une seule et vaste place sur le bord des eaux de la Seine, avant la réunion, au 10e siècle, de l’île Saint-Éloi à la terre-ferme. Une charte de 1217 porte la signature comme témoin, de Richard, curé de Saint-Michel-du-Marché de Rouen2. Les trois places réunies étaient encore appelées, au 14e siècle, la place du Marché.

La dénomination du Vieux-Marché semblerait dater, suivant quelques auteurs, de l’année 1429, époque où celui qui se tenait depuis un temps immémorial devant la Cathédrale, fut transféré dans le clos aux Juifs ; comme on lui donna alors le nom de Marché-Neuf, on désigna l’ancien marché par celui du Vieux-Marché ; mais d’autres pensent, ainsi que nous l’avons dit3 en parlant du marché aux Veaux qui existait dès 1309, que le nom de Vieux-Marché avait été donné au reste de l’ancienne place, pour le distinguer du marché aux Veaux. Nous trouvons, en effet, le nom du Vieux-Marché inscrit dans des actes de tabellionage de 1400 à 1425, lesquels mentionnent l’existence d’hôtels où pendaient les enseignes du Chaudron, des Balenches, des Petits-bas, de l’image Saint-Sauveur, et bornés par devant le

pavement devant les halles du Vieil-Marché1. D’autres actes de 1420 et de 1437 concernent des maisons situées sur le Vieux-Marché, à l’opposite de l’église de Saint-Sauveur, avec issue devant celle de Saint-Éloi.

Au centre de cette place était l’endroit appelé le « pilori », où se faisaient les exécutions. Dans le Manuscrit des Fontaines de 1525, est figuré « Leschaphault, » construction polygone où l’on voyait deux fenêtres ; dessus étaient une potence et une sellette2. À la suite régnait, jusqu’à l’église Saint-Michel, un bâtiment à usage de boucherie foraine et de poissonnerie ; ce bâtiment fut démoli en 1790. L’auteur des Lettres sur Rouen dit que l’église Saint-Sauveur formait l’angle avec une rue de la Poissonnerie qui fut alors supprimée, et que la boucherie était à l’angle opposé sur la rue de la Grosse-Horloge. Il y avait encore, en 1779, la place de la Poissonnerie, en face de la maison du Chaudron, qui était à usage de cabaret.

À l’époque où l’on entreprit la construction d’un nouvel hôtel-de-ville sur les terrains que traverse actuellement la rue de Crosne, travaux qui furent interrompus quelque temps après, le marché aux porcs, aux herbes et légumes, qui se tenait au Vieux-Marché, fut établi dans le marché aux Veaux ; mais, le 20 janvier 1763, fut rendu un arrêt de la cour du Parlement, ordonnant que, jusqu’à ce que ces travaux recommencent, la vente de ces objets se fera de nouveau dans la place du Vieux-Marché, et faisant défense d’en porter au marché aux Veaux. Déjà, en 1551, le Parlement avait interdit aux chalands d’aller au devant des marchandises, pour les empêcher d’être exposées en vente aux lieux accoutumés.

On trouve, dans les registres du Parlement des détails concernant des travaux de maçonnerie, charpenterie et serrurerie, qui furent faits en 1582 et en 1583, aux halles du Vieux-Marché et aux portes desdites halles ; de nouveaux travaux d’agrandissement et de construction de hallettes furent commencés en 1664. Depuis la suppression du bâtiment à usage de boucherie et de poissonnerie dont nous avons parlé, les marchands n’eurent d’autre abri

que de larges parapluies comme on en voit encore en petit nombre dans d’autres marchés. En 1823 on édifia sur cette place quatre rangs de boutiques, à l’instar des marchés de Paris. De nouveaux bâtiments destinés à abriter, pour la vente, les marchandes de poisson et de légumes, furent élevés depuis 1846. Ces améliorations notables ont été perfectionnées de la manière la plus heureuse par la création de vastes marchés qui furent commencés en 1857 par l’établissement de trottoirs et d’aqueducs. La place actuelle, considérablement agrandie depuis peu d’années, occupe aujourd’hui une superficie de 6,800 mètres ; elle est édifiée de belles halles en deux parties distinctes. Le 15 août 1867 a eu lieu l’inauguration de ces halles centrales, dont les travaux furent exécutés en deux années, et qui sont occupées, celles au nord de la place, par la poissonnerie et par le marché affecté à la vente du poisson à la criée ; celles du midi, par les marchands de légumes, par des étaux de boucherie et de charcuterie.

Nous avons dit que la place du Vieux-Marché a été pendant longtemps le lieu des exécutions à mort et autres. Quoique d’anciens historiens semblent affirmer que Jeanne d’Arc a subi son supplice sur la place du marché aux Veaux, qui en aurait pris le nom de place de la Pucelle-d’Orléans, des écrivains modernes sont d’avis que c’est sur la place du Vieux-Marché qu’elle a été livrée aux flammes d’un bûcher. C’est là un débat que nous nous bornons à constater, et dans lequel nous ne pourrions suivre les opinions diverses qui ont été produites sur cette question. Ajoutons néanmoins qu’une notice publiée par De l’Averdy dans le Recueil des Manuscrits de la Bibliothèque du Roi, désigne formellement la place du Vieux-Marché comme ayant été le théâtre du supplice de Jeanne d’Arc.

La place du Vieux Marché fut plus d’une fois témoin de tumultueux et sanglants événements dont l’histoire a conservé le souvenir. En février 1382, lors de la mémorable émeute de la Harelle qui s’éleva dans les rues de Rouen, les artisans s’emparèrent d’un riche drapier nommé Jean Legras, qu’ils conduisirent sur cette place, où ils le proclamèrent roi de France. Après avoir demandé à grands cris l’abolition de tous les impôts, égorgé les collecteurs des deniers royaux, forcé les prisons et s’être livrée à d’odieux excès, la populace se rendit à l’aître Saint-Ouen, enfonça les portes de l’abbaye, et détruisit les chartes qui y étaient renfermées ; puis, après avoir contraint l’abbé de Saint-Ouen à

signer une renonciation à tous ses droits comme seigneur temporel, elle se porta à Bihorel et détruisit le gibet. Jean Legras fut bientôt obligé de se soustraire, par une fuite précipitée, à la vengeance de Charles VI, qui vint à Rouen pour châtier les rebelles. C’est à la suite de cette émeute que la mairie de Rouen fut supprimée.

Il existait sur la place du Vieux-Marché, près de la rue du Marché actuelle, une église nommée l’église paroissiale de Saint-Sauveur. Les maisons situées dans son voisinage, depuis la rue du Vieux-Palais jusqu’à l’église Saint-Michel qui était à l’entrée de la rue de la Grosse-Horloge, dépendaient d’une rue appelée la rue Saint-Sauveur. L’église de ce nom, qui, en 1060, se trouvait, ainsi que la place, en dehors de la ville, fut reconstruite vers la fin du 15e siècle. Ravagée par les calvinistes en 1562, elle fut supprimée en 1791 et démolie en 1795, après avoir servi pendant deux ans à la fabrication du salpêtre. Conformément à une fondation ancienne, rapporte Farin, on y chantait tous les ans, le vendredi saint, aux frais du trésor, la Passion en musique durant la grand’messe paroissiale. Le curé chantait la partie de Notre-Seigneur, le diacre l’histoire de la Passion, et les musiciens la partie des Juifs1. Cette église portait le nom de Saint-Sauveur-du-Marché, dit encore Farin, premièrement parce qu’elle était construite dans le plus considérable marché de Rouen, en second lieu pour la distinguer d’avec l’église de Saint-Lô, qui a porté aussi le nom de Saint-Sauveur.

Dans l’ancienne rue Saint-Sauveur, vis-à-vis de la poissonnerie, était un jeu de paume appelé le Signot, que l’on convertit en une salle de spectacle2.

On éleva, vers 1804, sur la place du Vieux-Marché, en remplacement d’une ancienne fontaine qui avait été établie en 1510, une nouvelle masse de fontaine exécutée sur les dessins de Bouet, architecte de la ville. C’était un carré orné dans ses quatre angles d’une colonne dorique soutenant un entablement du même ordre, et, dans ses quatre faces, de tables de marbre d’Égypte d’un assez bel effet. Un puits fut creusé en 1858 pour suppléer à l’insuffisance de cette fontaine, et une pompe y avait été établie pendant quelque temps. Cette fontaine est actuellement rempla-

cée par des bornes latérales et par un nouveau système de distribution des eaux dans l’intérieur des nouvelles halles centrales.

Cette place a porté pendant quelque temps, vers 1793, le nom de place de la République, qui fut donné ensuite à celle de la Cathédrale ; et le Vieux-Marché reprit son premier nom.

Des découvertes archéologiques, faites notamment depuis 1856, prouvent que le Vieux-Marché date de l’époque romaine. Il était traversé par une voie antique tendant de Rouen à Lillebonne (Caletum), dont le nom est resté au quartier de Cauchoise. On a recueilli, en 1861, à l’entrée de la rue Sainte-Croix-des-Pelletiers, des vases samiens à reliefs, des stucs coloriés, des tuiles à rebords, des poteries et des vases, des monnaies, etc., dont M. l’abbé Cochet donne le curieux détail dans la Seine-Inférieure historique et archéologique.

Vieux-Palais (rue du). = Place Henri IV, place du Vieux-Marché. ― 10e section, 1er canton ; paroisses : Saint-Vincent pour les nos pairs, la Madeleine pour les nos impairs. ― Quartier S.-O.

Au 15e siècle, on appelait cette rue la rue des Béguines, parce qu’elle conduisait du monastère des religieuses de ce nom, qui possédait alors une partie de l’emplacement1 sur lequel fut construit par Henri V, roi d’Angleterre, à la suite de la capitulation de la ville de Rouen, le château auquel on donna d’abord les noms de Palais royal, de nouveau Palais, ou simplement de Palais2, puis par la suite celui du Vieux-Palais, afin de le distinguer du Palais-de-Justice dont la construction fut commencée en 1499. Suivant un contrat d’échange, le couvent des Béguines

fut transféré dans la rue connue alors sous le nom de rue Saint-Vigor. (Voyez page 40.)

De même que le château, la rue prit le nom de rue du Palais, comme on l’appelait en 14911, puis celui de rue du Vieux-Palais. Dans les siècles précédents, elle était connue sous les divers noms de rue Boullenc ou Boullent, Bullent, Burlinc ou Burnenc, qui n’étaient que le même nom défiguré2 ; mais on la trouve aussi indiquée, comme nous l’avons dit en commençant, sous la désignation de rue des Béguines ou aux Béguines, dans plusieurs actes du 14e et du 15e siècle, ce qui fait supposer que ce fut cette dernière dénomination qui lui resta le plus communément jusqu’à la construction du château de Henri V.

La mention de la rue des Béguines, en la paroisse de Saint-Éloi, se trouve dans un acte de tabellionage de 1402, relatif à la vente faite, par les religieux de la Madeleine, d’une maison et jardin sis en cette rue. D’autres actes de 1403 et de 1404 citent la rue qui conduisait au couvent des Béguines, laquelle rue se trouvait près de l’eau de Seine et n’était séparée de la rue Saint-Éloi que par un ténement de maisons. D’autres actes encore concernent des héritages bornés d’un bout par le pavement de la rue aux Béguines et d’autre bout par celui de la rue Saint-Éloi. En 1421 elle est désignée ainsi : la rue qui deschent devant le Palais que ordonne nouvellement le roi, etc. Le 27 février 1422, il est question d’une maison devant la place qu’on appelle le Palais du roi, bornée d’un bout l’hôtel des Béguines. Enfin, un autre acte de 1476 concerne un hôtel du Valasse, en la rue des Béguines, ce qui fait connaître qu’à cette époque ce nom n’était pas encore remplacé par celui de rue du Vieux-Palais, nom qui n’apparaît encore qu’indirectement dans un acte du 20 juin 1526, dans lequel on lit : Maison où pend l’enseigne de l’Écriviche, bornée d’un côté les hoirs de la dame d’Esneval,

d’un bout la rue tendant au vieux Palais. Vers cette dernière époque, nous trouvons encore le nom de la rue de Bullent dans un acte du 24 avril 1503, où il est parlé d’un héritage borné d’un côté l’hostel d’Esneval, d’un bout la rue de Bullent qui descend à aller au palais, d’autre bout le jardin, etc.

Le Château, commencé en 14201, fut achevé par Henri VI en 1448, à l’exception d’un bastion qui fut bâti en 1569 à la place d’une tour donnant sur la rivière. Il occupait un carré limité par la rue d’Harcourt, la partie du port appelée alors le quai de la Bataille, le boulevard et la rue Saint-Jacques. Cet emplacement est ainsi désigné dans un registre des archives du tabellionage2 : Vieux palais, construit sur une place séant en la paroisse Saint-Éloi, auprès de la tour Maussefrote et de la rivière de Seine, en laquelle place souloit estre anciennement marché aux chevaulx3. Des réparations furent faites, en 1577 et de 1583 à 1585, aux bastions et au boulevard du Vieux-Palais.

Cette citadelle était entourée de larges fossés que la Seine remplissait d’eau. Le gouverneur de la province y avait son logement. La tour Mal-s’y-frotte fut rasée en 1706 et remplacée par une terrasse plantée d’arbres qui devint une promenade fréquentée ; mais déjà, en 1620, sur la demande du Parlement et des habitants, les échevins avaient délibéré sur la nécessité de démolir le vieux château du côté de la ville.

Ce palais était flanqué de quatre grosses tours dont quelques-unes servirent de prison. On y renferma principalement des prisonniers militaires ou des individus arrêtés en vertu d’ordres du roi ou par mesure administrative4. Le château avait une garnison particulière prise parmi les bourgeois de Rouen et des environs. Sa cour avait deux issues, l’une par une porte basse donnant sur le quai, l’autre fermée par un pont-levis sur la place voisine. Il y avait dans l’intérieur de cette cour un certain

nombre de boutiques qui étaient occupées par des fabricants et marchands exempts du droit de maîtrise. Le Vieux-Palais était aussi un lieu franc où les créanciers ne pouvaient poursuivre leurs débiteurs1.

Après avoir soutenu deux siéges importants, au 15e et au 16e siècle, le Vieux-Palais succomba plus tard à l’intrigue et à la surprise2 ; il capitula en 1789 devant quelques compagnies de la garde urbaine, après avoir servi de lieu des séances de l’assemblée générale de la ville. Cette citadelle, dont la destruction avait été vainement sollicitée en 1620 par les habitants et résolue par le Parlement, ainsi que nous l’avons dit plus haut, fut vendue et démolie en 1792.

― Il y avait aussi, dans la rue du Vieux-Palais, une communauté religieuse ayant le titre de prieuré royal des chanoinesses de Saint-Augustin, dites les Filles Dieu. Les religieuses de cette maison, qui vivaient d’abord en commun3, obtinrent du pape Clément VI l’autorisation de vivre sous la règle de saint Augustin, et furent dotées de 100 livres de rente, puis elles s’installèrent en 1346 dans le local qu’elles occupèrent jusqu’au moment de leur suppression, vers 1790. Le nom des Filles-Dieu leur avait été donné à cause de leur sainte vie et de leur sage conduite. La chapelle qu’elles avaient édifiée sous le vocable de Notre-Dame, fut remplacée en 1354 par une église qui fut dédiée sous le nom de Saint-Honoré. Cette église, dont le portail, très pur échantillon du style du 13e siècle, a été masqué en 1853 par un mur en briques, a été convertie à usage de magasin.

Par un acte du 10 novembre 1404, Robert Heudier donna aux religieuses de Sainte-Honorine Filles-Dieu la maison où pendait l’enseigne de la Canne-fourrée, en la paroisse Saint-Éloi. Un autre acte de 1460 donne le nom de rue des Filles-Dieu à la rue où elles demeuraient.

― Pendant plusieurs années du 19e siècle, la rue du Vieux-Palais fut considérée comme se prolongeant jusqu’au quai ; mais on rendit depuis le nom de rue d’Harcourt à la partie tendant du port à la place Henri IV.

La rue du Vieux-Palais avait reçu en 1794 le nom de rue de la République ; elle reprit en 1795 sa dénomination actuelle.

Vigne (rue de la). = Rue Martinville, rue d’Amiens. ― 3e section ; 3e canton pour les numéros impairs ; 4e canton pour les numéros pairs ; Saint-Maclou. ― Quartier S.-E.

On arracha, dans cette rue, vers la fin du siècle dernier, un gros pied de vigne très-ancien. Parmi les actes de tabellionage du 15e siècle1 qui concernent la vente de jardins plantés de vignes, un titre de 1421 mentionne la vente d’une vigne dans la rue Martinville ; c’est là peut-être l’origine du nom donné à cette rue.

Nous avons fait connaître, en parlant de la rue de la Glos, que cette rue se trouvait inscrite sur les plans de 1655 et de 1724, à la place du nom de la rue de la Vigne, laquelle à son tour est indiquée sur l’emplacement de la rue de la Glos. Cette transposition a été rectifiée dans les plans plus modernes. La situation réelle de la rue de la Vigne est, au reste, constatée par des actes de tabellionage de 1420 et de 1468, qui font mention d’héritages bornés d’un bout par la rue de la Foulerie, et d’autre bout par celle de la Vigne. Un autre acte du 25 juin 1477 cite un hôtel situé dans cette dernière rue, et aboutant par le jardin à celle de la Gloe.

Vignes (chemin des).

Ce chemin, qui est indiqué sur un plan de 1868 sous la dénomination de chemin du Temps-perdu, du nom que portait un cabaret voisin, situé sur la route de Darnétal, au coin de la rue du Trou-d’Enfer, fait suite à la rue appelée actuellement rue Dargent. (V. ce nom.) Nous trouvons, en 1828, la mention du triége des Vignes et celle de la côte des Vignes en 1853. Cette désignation paraît être provenue des vignes qui ont existé dans le voisinage, à l’époque où cette culture était encore en vigueur. Les côteaux de la Normandie fournissaient autrefois, dit M. l’abbé Cochet, des vins abondants sinon excellents. On a attribué la destruction de cette culture aux hivers rigoureux des années 1684 et 1709 ; mais une tradition normande prétend qu’elle fut causée par des nuées de dadins, épaisses comme des

nuées de sauterelles, qui auraient dévoré toutes les vignes. Ce sont des oiseaux qui se trouvent par milliers sur le grand banc de Terre-Neuve1. »

Vigné (rue). = Rue Verte, la campagne. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Bouvreuil.

Si cette nouvelle rue, qui est sur la limite de la ville, et dont l’inscription porte rue Vignier, a reçu cette dénomination d’un propriétaire, il serait à propos de la conserver en changeant seulement l’orthographe de l’inscription. Ce nom rappellerait, en effet, la mémoire de l’excellent et habile médecin mort en 1842, Jean-Baptiste Vigné, qui le premier appliqua avec succès, à l’Hospice-général, la méthode du célèbre docteur Pinel pour le traitement des aliénés, avant la création de l’asile qui leur fut plus tard consacré.

Walter (impasse), dans la rue du Champ-des-Oiseaux. ― 4e section, 5e canton, Saint-Romain. ― Faubourg Bouvreuil.

Cette impasse, appelée aussi vulgairement l’impasse Bellengé, porte le nom de deux propriétaires qui l’ont habitée longtemps. Là était l’atelier d’un peintre qui s’est rendu célèbre par ses tableaux militaires, dont quelques-uns ornent les galeries de nos principaux musées. Hippolyte Bellangé, ancien conservateur du Musée de Rouen, est mort à Paris en 1866.

Nous avons souvent entendu exprimer, dans ce quartier, le vœu que cette impasse fût transformée en une rue, pour communiquer de la rue du Champ-des-Oiseaux à la rue Verte, et qu’elle reçût le nom de rue Hippolyte-Bellangé.

Yonville (rue d’).

Ce nom, qui a été donné pendant longtemps à la rue du Renard, est celui d’une vallée qui est située à l’ouest de la ville, et que l’on découvre de l’avenue du Mont-Riboudet. C’est dans cette vallée qu’est la source d’Yonville ou de Saint-Filleul, qui alimente un grand nombre de fontaines de la ville.

On trouve, dans un acte de tabellionage du 14 octobre 1360, la mention du chemin as malades d’Yonville et de la voie des Quatre-Voulues2.


Appendice.


En entreprenant cet ouvrage, peut-être au-dessus de nos forces, nous ne nous sommes pas dissimulé le péril qu’il y avait pour nous de commettre quelques erreurs de faits et de dates, de faire des oublis involontaires, d’omettre des détails qui auraient échappé à nos recherches ; aussi avons-nous accueilli avec empressement et reconnaissance les renseignements qu’ont bien voulu nous fournir des personnes bienveillantes, au nombre desquelles nous nous faisons un devoir de placer M. le professeur Bouquet, dont l’érudition et l’autorité ne sauraient être méconnues. Nous avons donc rassemblé, dans cet Appendice, des additions et rectifications qui sont de nature à intéresser nos lecteurs, ainsi que l’indication des fautes d’impression et des changements survenus pendant le cours de la publication de ce volume.

Page xii de l’Introduction, l. 10, lire : Nous donnons les chiffres indiqués par M. É. Frère, d’après Gomboust et différents autres écrivains, etc.

P. xiv, l. 4 : La ville de Rouen tomba, en 843, etc.

P. xv, l. 3, après janvier 1418, ajouter : vieux style ; l’année 1419 ne commença que le 26 avril.

P. 3 du Dictionnaire, l. 21 : Ouverte à la fin du 18e siècle, depuis le Mont-Riboudet jusqu’à la rue Dugay-Trouin, puis en 1832 jusqu’à la rue Flahaut, cette rue, etc.

P. 9, l. 36 : Cette rue, dont l’ouverture avait été projetée dès la fin de 1831, fut établie en 1844, etc.

P. 11, l. 16, après les mots rue des Filles-Notre-Dame, note à ajouter : Ce nom de rue des Filles-Notre-Dame était encore donné quelquefois à la rue des Arpents, vers 1822.

P. 12, l. 33, après ces mots : de bois brûlés, note à ajouter : On appelait encore « arsin » l’action de brûler, au nom de la loi, la maison d’un condamné, peine édictée par la Coutume de Normandie. En Picardie et en Flandre, « arsin » signifie une exécution de justice par laquelle on met le feu à la maison de celui qui a commis quelque crime dans une ville, par exemple qui a tué ou blessé quelque bourgeois. (Dict. de Trévoux, I, 712.) ― Cette pénalité, qui fut appliquée par le Parlement à différentes espèces de crimes, s’étendait précédemment jusqu’aux animaux ; les Actes normands de la Chambre des Comptes, publiés par la Société de l’histoire de Normandie, font mention de dépens alloués au bourrel, pour ardre un porc qui avoit mangié un enffant, p. 384 ; et pour ardoir une truie qui avoit estranglé un effant, p. 408.

P. 13, l. 8, lire : l’École préparatoire de Médecine et de Pharmacie. (Cette erreur a été rectifiée dans la note 1 de la page 189)

P. 18, l. 35, après ces mots : les exécutions criminelles, note à ajouter : Ces exécutions avaient lieu au Vieux-Marché, et l’on portait ensuite au gibet les corps des suppliciés, pour les y laisser pourrir.

P. 19, l. 18, après ces mots : la rue Stanislas-Girardin, ajouter : On lui donne aussi communément le nom de cour ou de passage de la Pompe.

P. 41, l. 22, après : en 1828, ajouter : Le 7 février, une partie de la voûte de ce clocher s’écroula avec fracas, et ensevelit sous ses ruines des marchandises emmagasinées dans l’ancienne église.

À la fin de l’article : La rue des Béguines reçut en 1794 le nom de rue de la Fraternité, qu’elle porta jusqu’en 1795.

P 51, l. 11, après : en 1769, note à ajouter : Voyez la note 2 de la page 457.

P. 53, note 2, après ces mots : Farin, T. Duplessis, ajouter : Voyez la note 7 de la page 468.

P. 56, l. 26, après : Blosville-Bonsecours, ajouter : dont on a fait Blosseville-Bonsecours ; et en note : Voyez le Journal de Normandie du 11 juin et du 15 octobre 1779.

P. 57, dernière ligne de la note, après : « Boni pueri, » ajouter : Les Actes normands de la Chambre des Comptes font mention, à la date du 28 janvier 1349 (p. 416), de l’aumône faite par Jean, duc de Normandie aux povres escolliers des Bons-Enfants de la ville de Rouen, de cent souldées de bois à prendre dans la forêt de Roumare, ce qui indique que la fondation du collége serait antérieure à 1358.

P. 58, l. 4, après ces mots : aux Feuillants, note à ajouter : Les Bernardins étaient venus s’y installer en 1616. (Voir les notes de M. Bouquet sur les Fastes de Rouen d’Hercule Grisel.)

P. 62, l. 28, ajouter : La rue Boudin a dû aussi porter anciennement le nom de rue de Bers, dont l’origine nous est inconnue, à moins que ce ne soit par corruption de celui de la rue du Bec, à laquelle la rue Boudin fait suite.

P. 63, l. 12, ajouter en note : « Bosc-le-Vert » est employé dans les registres municipaux.

Même page, l. 36, ajouter à l’alinéa : Il fut question de prolonger cette rue jusqu’au boulevard, où elle aurait abouti en face de la rue Alain-Blanchart ; ce projet, mis à l’enquête, paraît avoir été abandonné.

P 68, ajouter à la note 2 : La Chronique de P. Cochon, p. 281, fait mention, à la date de 1419, de la bastille des Bouglites, qui ne dura à faire de deux ans.

P. 75, l. 5 à 8, lire : Acquis par une société de souscripteurs qui s’est formée en 1866, et qui en a fait remise à l’état avec jouissance au profit du département, le donjon a été classé comme monument historique. Cette société fait établir, etc.

P. 78, l. 3 de la note 1, au lieu de note 2, lire : note 3 de la page 77.

P. 82, à la note 1, ajouter : M. Bouquet pense que ce nom pourrait être provenu d’une enseigne. « Canettes, » en termes de blason, se dit des petites canes qui se représentent, comme

les merlettes, avec les ailes serrées, hormis qu’elles ont bec et jambes, ce que les merlettes n’ont pas. (Dictionnaire de Trévoux.) On dit aussi, dans la campagne, « canette » pour une petite cruche.

P 95, l. 12, lire : Il y en avait une qui avait été donnée, etc.

P. 97, l. 25, note à ajouter : Voyez la note 7 de la page 468.

P. 110, dernière ligne de la note 2, ajouter : Chant-d’Oisel, dit M. Bouquet, a été défiguré en Champ-d’Oissel, village près de Rouen.

P. 113, deuxième ligne de la note 2, au lieu de : rue de Blainville, lire : rue Pouchet.

P. 118, l. 10, après ces mots : aux Champs « émaillés, » ajouter ces mots : c’est-à-dire aux champs ès-Maillets, ou appartenant aux Maillets. Cette locution est employée en Basse Normandie.

P. 146, l. 10, note à ajouter : Trois autres tableaux, exécutés par M. Schopin pour la Chambre de commerce, en conformité des dispositions testamentaires de M. Bouctot, ancien négociant de Rouen, ont été inaugurés en 1845.

P. 149, l. 21, lire : qui a été réuni depuis 1707, etc.

P. 172, la note 2 doit être rédigée ainsi : Longum pedanum [iter] (Guill. de Jumiéges.) ― Dudon de Saint-Quentin l’appelle : longa patens villa.

P. 174, l. 17, après le mot Dinan, ajouter : ou Dinant en Belgique.

P. 179, l. 22, au lieu de : Ouverte dans les dernières années du 19e siècle, lire : dans les premières années, etc.

P. 189, l. 1re de la note 2, au lieu de : dans le courant du 17e siècle, lire : du 16e. ― Ajouter à cette note : L’ouverture, à Rouen, de la première école d’enseignement mutuel, a eu lieu le 26 septembre 1817.

P. 206, l. 8, note à ajouter : « Les religieuses d’Ernemont, hospitalières et maîtresses d’écoles, furent érigées en communauté à Ernemont-sur-Buchy, par Mgr Colbert, en 1698. Elles établirent leur résidence à Rouen, rue du Renard, en 1712, et

elles se fixèrent en 1729 dans le local qu’elles occupent encore aujourd’hui. (Communiqué.) »

P. 220, l. 28, note à ajouter : La Morgue actuelle est située à l’extrémité du quai du Havre, en face du boulevard Cauchoise.

P. 234, l. 15, ce vers doit être rétabli ainsi : Nympha latens ; lateant sic tua dona monet.

P. 245, note 2, lire : C’était chose assez commune, au moyen-âge, de voir le notaire s’établir en plein air et sous les arbres, au lieu de réunion des habitants, pour y dresser son acte avec plus de notoriété. (M. Barabé, Revue de Rouen, 1846.) ― Voyez aussi la note de la page 351.

P. 282, note 3, lire : On donnait aussi quelquefois, à l’ancienne chapelle que celle-ci a remplacée en 1542, le titre d’arc de triomphe, etc.

P. 307, l. 26, après ces mots : le duc de Longueville, au lieu de : beau-frère du roi Louis XIII, lire : beau-frère du Grand Condé, dont il avait épousé la sœur en secondes noces, etc.

P. 308, l. 16, après : vers le milieu du 18e siècle, note à ajouter : Ce vaste édifice avait été construit par les Bénédictins de Saint-Ouen, pour leur servir de dortoir, de réfectoire, etc.

P. 323, note 1re, ajouter à la 3e ligne : Un acte de tabellionage du 26 novembre 1540 le désigne ainsi : Noble homme meistre Jacques Le Lieur, sieur de Bremetot, notaire et secrétaire du roy notre syre.

P. 327, ligne dernière, lire : la prisonnière des Anglais subit une partie des interrogatoires, etc. ― Note à ajouter : Suivant M. Bouquet, la Pucelle n’y aurait paru qu’une seule fois, le mercredi 9 mai 1431, pour être mise en présence des instruments de torture.

P. 370, l. 26, au lieu de : 1656, lire : 1650.

P. 396, l. 8, à ces mots : le 3 mars 1431, ajouter : 1432 nouveau style.

P. 440, note 2, ajouter à la 3e ligne : Aires ou Eyres : ce mot, dit M. Bouquet, semble venir du mot latin « area, » place libre ou vide, d’où vient le mot encore usité « aire. »

P. 444, l. 10, ajouter : Adam Bacon, surnommé le Reclus, fut visité en 1255 par Louis IX à son retour de la Terre-sainte ; il mourut le 8 octobre 1256.

P. 450, l. 8, au lieu de : étuves de la Seine, lire : de la Seille.

P. 510, l. 8, ajouter : Les anciens plans de l’abbaye et du fort de Sainte-Catherine font connaître que les dépendances de cette abbaye s’étendaient jusqu’au pied de la montagne. Suivant M. Ch. Richard (Recherches sur Rouen), on fit repaver en 1408 la chaussée de Saint-Paul près des jardins du cellier de Sainte-Catherine. Dom Pommeraye, le chroniqueur de l’abbaye de la Sainte-Trinité, indique que ce cellier avait été construit par Guillaume d’Espreville, 1er du nom, 6e abbé, mort en 1175. Peut-être trouverait-on là l’origine primitive du nom du « quai du Chelier, » cité par Taillepied.

P. 554, ligne dernière des notes, au lieu de 1079, lire : 1179.

P. 566, l. 10, après le mot Polygone, ajouter en note : Il est sérieusement question d’installer près de là, sur les vastes terrains dépendants de la forêt de Rouvray, un établissement militaire considérable, où seront réunis une école d’artillerie et un Arsenal susceptible de recevoir un immense matériel. Le polygone aurait une étendue de 5,500 mètres et se prêterait aux exercices à longue portée de l’artillerie ; enfin deux régiments d’artillerie seraient attachés à cet important établissement.

Table générale et alphabétique
des rues et places,
des monuments, établissements, etc.,
Dont il est parlé dans cet ouvrage.


Les noms des voies actuellement existantes sont imprimées en caractères italiques.


A

B

C

D

E

F

G

H

I

J

K

L

M

N

O

P

Q

R

S

T

U

V

W

Y

Liste des souscripteurs


À propos


Le Dictionnaire des rues de Nicétas Periaux, aujourd’hui tombé dans le domaine public, est un ouvrage de référence pour l’historien rouennais ou le curieux occasionnel. Cet ouvrage étant devenu fort rare, malgré une réédition sous forme de fac-simile, il est devenu nécessaire d’en favoriser la diffusion grâce aux techniques modernes. Il était possible de le numériser de manière brute et de le diffuser au format PDF, mais cela comportait quelques inconvénients : le document final eût été très lourd, et n’eût pas été de la plus grande lisibilité, car l’impression de l’ouvrage n’est pas de la première qualité. En outre, si la numérisation offrît une reconnaissance des caractères permettant une recherche de texte dans le document, cette dernière eût été grandement compromise par une qualité insuffisante de la reconnaissance. Par conséquent, l’option choisie a été d’effectuer un transfert complet du contenu du Dictionnaire au format numérique en faisant totalement abstraction du support d’origine. L’effort fourni pour ce faire est bien plus important, car cela a nécessité une multiple relecture complète de l’ouvrage afin d’en expurger le nombre très considérable d’erreurs de reconnaissance. Toutefois, malgré toute notre attention, il n’est pas impossible qu’il reste des erreurs. Le format choisi a plusieurs avantages : la possibilité d’ajouter des hyperliens pour faciliter la navigation, l’accès textuel au contenu permettant des recherches, la possibilité de modifier la présentation ou le contenu, etc.

Quels changements ont été effectués sur le document pour passer du format papier au format numérique ?

L’auteur n’ayant pas effectué une synthèse de ses sources, nous nous proposons d’en indiquer les principales ici :

L’auteur s’est en outre appuyé sur un certain nombre de plans : plans de la première moitié du millénaire restitués par Rondeaux de Sétry, 1525, 1597, 1606, 1655 (Jacques Gomboust), 1682, 1709 (par Defer), 1724, 1731, 1782 (plan de Crosne), 1784, 1814, 1817 et 1868.

Conditions d’utilisation : vous êtes libres de ― et même encouragés à ― copier et distribuer ce document.