Bas quartiers
Les bas-quartiers de Mantes étaient situés sur un secteur couvrant grosso-modo la partie basse du centre historique en direction de la Seine, entre la rue de la Boulangerie et la rue de la Brasserie Saint-Roch. Ce secteur se caractérisait par la vétusté de ses immeubles et des mauvaises conditions de vie qui y régnaient.
Dès la première moitié du vingtième siècle (1928), des projets furent étudiés pour les faire disparaître, mais il n'en sortit pas grand-chose, si ce n'est un passage entre la rue Potard et la rue de la Gabelle.
Vue depuis l'île aux Dames. Le premier tiers gauche est le quartier d'après-guerre, et tout le reste sur la droite, ce sont les bas-quartiers. (à droite, la coopérative agricole, aujourd'hui également démolie)
Photo aérienne des années 1950 montrant les bas-quartiers en bas à gauche. On remarquera que ce secteur de la ville avait encore tout à fait conservé son aspect de ville fortifiée, dont une bonne partie des remparts avait été heureusement préservée. De plus, on devine même les ravelins grâce aux deux rues (Brasserie Saint-Roch et Saint-Roch) qui forment une fourche en bas à droite à l'entrée de la ville au niveau de la porte Chant à l'oie. L'amoncellement très médiéval des maisons contraste fortement avec les nouvelles constructions d'après guerre situées en haut de la photo.
Voici une autre photo aérienne du secteur concerné, cette fois avec le Seine au fond. On remarque cette fois nettement les réseau des rues condamnées à disparaître, toutes relativement parallèles, allant vers la Seine d'une part, vers la rue Porte chant à l'oie par l'autre bout. Sur ma moitié inférieure de la photo, il y a un grand terrain non bâti, longé par la muraille très visible d'ici. Sur la partie de droite, on peut remarquer les hôtels particuliers.
Vue prise depuis la tour Saint-Maclou. La maison Lory a déjà disparu du bord de Seine, au fond. La médiocrité de la qualité de l'image empêche de repérer les détails, cependant, l'entassement des maisons est bien représenté.
Les choses restèrent en l'état jusqu'à la seconde Guerre mondiale où, comme on le sait, une impotante partie de la ville fut bombardée, faisant disparaître une partie des bas-quartiers, entre la rue de la Gabelle et la rue de la Boulangerie. Le problème s'en trouva donc réduit, mais il restait encore toute la partie entre la rue de la Gabelle et la rue de la Brasserie Saint-Roch, la Seine et la rue Porte chant à l'oie.
Les choses sérieuses commencèrent en 1953, quand la municipalité acquit la propriété Lory, comportant notamment la maison de la Tour, qui fut démolie. Ce sont ainsi 7650m² qui furent acquis en vue de ce projet.
En 1957 eurent lieu les premières études. Ces études montrèrent l'insalubrité des habitations sur ce secteur (vétusté, qualité sanitaire, pas d'électricité, pas d'eau courante pour certains logements) et l'arrêté préfectoral du 18 août 1959 déclara les travaux d'utilité publique. Fin 1958, l'opération avait été confiée à la SEMICLE, qui allait négocier l'acquisition des 29600 m² de propriétés, (la ville se chargeant d'exproprier les réfractaires) puis la construction des immeubles.
En 1961, dès les premiers coups de pelleteuse, les travaux mirent au jour les fondations de la tour Grise, élément des fortification situé entre la tour Saint-Roch et la porte Chant à l'oie. Après examen et visite des vestiges, il fut décidé, compte tenu de l'impossibilité de modifier la disposition de l'imeuble à bâtir, de démonter l'ouvrage en numérotant les pierres afin de pouvoir en disposer ultérieurement.
Plan des travaux dans les bas-quartiers, superposant l'ancien tracé et le nouveau tracé. Le gros trait noir délimite le secteur à remanier. Le gros trait rouge, la nouvelle étendue du secteur. Les noms des rues indiqués sont les voies déjà présentes avant les travaux, à l'exception de celle intitulée Nouvelle voie
, qui sera nommée rue Henri Clérisse
. Les rectangles au trait continu rouge sont les nouvelles constructions remplaçant les anciennes. En tireté rouge, ce sont les limites des propriétés après reconstruction. En pointillés mauves, l'emplacement approximatif des anciens remparts.
La première tranche fut achevée en 1964, le long de la rue de la Brasserie Saint-Roch, laquelle fut redessinée pour l'occasion.
Le permis de construire à la SEMICLE et à l'office des H.L.M. pour la seconde tranche fut donné le 20 février 1967, une fois les démolitions de l'ensemble des bâtiments de la zone achevées et les détails juridiques réglés. La démolition se fit rapidement, certains immeubles étant parfois en si mauvais état qu'ils s'effondrèrent spontanément sans intervention d'engins mécaniques
Une photo prise depuis la rue du Métier, en direction de la rue de la Gabelle. Si l'on ne peut juger du caractère insalubre des lieux, cette photo dénote en tout cas un manque certain d'esthétique, accentué par la médiocre qualité du rendu.
Photo prise depuis la rue de Guernes. Cette maison est vraisemblablement abandonnée, vu son aspect de ruine.
Un aperçu depuis la rue Saint-Roch. Il reste encore des maisons à cet emplacement. Celle au premier plan fait e coin de la rue de Guernes. Elles sont été remplacées par le petit parking que l'on peut voir aujourd'hui.
Sur cette photo, tout le secteur a été rasé. Il ne reste que les maisons de la rue de la Gabelle entre le point de vue et le paysage presque lunaire qui les sépare des immeubles tout neufs du fond.
Tout fut prévu pour le confort des habitants : parc, parking, bord de Seine, confort moderne, etc. On trouve dans l'ensemble une résidence pour personnes âgées, dont la construction commença en 1968.
En 1969, une rue reliant les rues Louis Cauzard et du Docteur Bihorel fut percée aux frais de la ville et fut baptisée rue Henri Clérisse, qui fut inaugurée le 20 juin 1970. Ce qui restait des rues Blatière sur l'Eau et du Métier disparutà l'occasion de ces travaux, notamment lors de la création du parking donnant sur la rue Porte chant à l'oie.
Finalement, l'ensemble fut inauguré le 24 février 1971.
Argumentaire
Si le principe d'une rénovation ayant pour but l'amélioration des conditions de vie des habitants est indiscutable, il n'en est pas de même pour les procédés utilisés. En effet, loin d'une rénovation
comme ils le disaient si volontiers, il s'agit plutôt de la démolition totale et irréversible de tout un quartier représentant une partie loin d'être négligeable du centre historique de la ville, comme si les destructions consécutives aux bombardements n'avaient pas suffi à défigurer assez la ville. Et l'argument le plus édifiant concernant cette opération est (dans le bulletin municipal officiel) : pour rénover, il faut d'abord démolir
. C'est tout bonnement incroyable que l'on puisse proférer de telles bêtises.
Une opération beaucoup plus intelligente et voyant à plus long terme aurait sans équivoque été de procéder à une réhabilitation des habitations en y installant tout le confort moderne. Cela aurait peut-être coûté plus cher, mais ô combien plus gratifiant pour la ville que ces insignifiants immeubles. Oh, bien sûr, on a droit à la petite larme (toujours dans le bulletin municipal officiel), où n'est toujours avec peine que l'on voit disparaître les vestige du passé. Mais place au progrès qui écrase tout !
Ces opérations sauvages compromettent fortement toute opération archéologique à cause de la perte du tissu urbain primitif, le travail d'écrasement des pelleteuses et la suppression de tout éventuel vestige en élévation susceptible d'attirer le regard du passionné d'histoire. En effet, il ne fait aucun doute que dans l'ensemble démoli, il y ait eu des maisons fort anciennes construites sur des caves encore plus anciennes, à coup sûr médiévales. J'en veux pour preuve les deux vieilles maisons encore debout rue de la Gabelle aujourd'hui, dont la présence fait presque cheveu sur la soupe où elles se trouvent, entre immeubles des années 1950 et immeubles des années 1960. Si elles sont encore debout aujourd'hui, ce n'est certainement pas grâce à l'intérêt qu'elles pouvaient représenter aux yeux des décideurs, mais grâce au veto des Bâtiments de France qui ont interdit leur démolition à cause de la proximité avec Notre-Dame. En effet, leur démolition était décidée et programmée en même temps que tout le reste ! L'expropriation en avait d'ailleurs déjà été faite et il fallut faire demi-tour. Aujourd'hui, elles sont sauvées alors qu'elles auraient pu être démolies avec le reste. Elles ont même été (mal) restaurées. Cela prouve que cela aurait pu être possible pour le reste du secteur avec un peu de bonne volonté.